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D’après Alternatives Economiques du 22 Février 2022

La démocratie à bout de souffle : vers la 6ème République

Par Bruno Bourgeon

samedi 9 avril 2022, par JMT

La démocratie à bout de souffle : vers la 6ème République

Sixième République

Au début de l’année 1958, Pierre Mendès France annonçait le « dernier hiver » de la IVe République. L’éphémère président du conseil, ne se trompait pas : le régime parlementaire s’effondra aux beaux jours, à la suite du « coup d’Alger » du 13 mai qui porta le général de Gaulle au pouvoir. Nul n’était besoin d’être un grand devin, commente néanmoins Frédéric Fogacci, car, à ce moment, « il existe un cadre consensuel, tout le monde est convaincu de l’essoufflement du régime ».

Vivons-nous à notre tour le dernier hiver de la Ve République ? Le fait est que, comme en 1958, la campagne électorale fait jaillir de multiples propositions : de la réforme minimaliste par l’introduction d’un part de proportionnelle (déjà une promesse de Macron en 2017) à la révolution par la convocation d’une assemblée constituante.

La question pourrait sembler saugrenue si le mythe des institutions léguée par De Gaulle et dans lesquelles François Mitterrand lui-même s’était si bien installé, ne démontraient désormais leurs limites : Parlement inexistant, verticalité de plus en plus pesante de la présidence de la République, désintégration de la relation entre le peuple et ses représentants, etc.

Si la gestion de la crise du Covid-19 menée depuis un obscur « conseil de défense sanitaire » abrité à l’Elysée, à coup d’ordonnances (92 au cours de la seule année 2020) en est l’illustration la plus récente, l’épisode le plus marquant demeure le conflit des gilets jaunes.

On s’en souvient à peine, mais la taxe carbone qui mit en branle le plus puissant et le plus violent conflit social depuis mai 1968 était le résultat d’un large consensus initié en 2013 lors du Grenelle de l’Environnement.

De Nicolas Sarkozy à Emmanuel Macron en passant par François Hollande (et sa loi de transition énergétique en 2015), tous les « partis de gouvernement » adhéraient au concept d’une fiscalité environnementale. Aucune remise en cause ne semblait imaginable dans les sphères de l’Etat.

En décembre 2018, les rassemblements des ronds-points et les manifestations dévoilaient subitement la déconnection des élites habituées à dominer les institutions.

Avec une revendication phare : le « référendum d’initiative citoyenne ». Les citoyens auraient le pouvoir de faire et défaire les lois et de révoquer ses représentants, excluant du jeu le président de la République et tenant la représentation nationale en bride courte.

Les institutions de la Ve République étaient contestées comme jamais. Si les gilets jaunes échouèrent, Emmanuel Macron fut contraint d’ouvrir les vannes budgétaires (10 milliards d’euros), de geler la taxe carbone puis de s’impliquer dans un médiatique « grand débat » et enfin de convoquer la convention citoyenne sur le climat.

L’épisode hantera longtemps les débats politiques . Les institutions qui assuraient de pouvoir gouverner si on le veut, selon le mot de Charles De Gaulle, sont devenues impuissantes pour faire évoluer un pays qui a bien changé.

L’autoritarisme, la verticalité des institutions – poussés au paroxysme lors du mandat actuel – sont devenues contre-productives dans une société dont le niveau d’éducation s’est considérablement élevé en soixante ans, où l’individualisme s’est affirmé, dont les cadres idéologiques se sont effondrés.

Résultat, un cercle vicieux s’établit : l’abstention aux élections renforce la défiance vis-à-vis des élus, jusqu’à la violence, comme en témoigne les 535 agressions (verbales, mais aussi physiques) subies par ces derniers en sept mois, selon le décompte du ministère de l’Intérieur.

Last but not least, à la différence des premières décennies de la Ve République, le pouvoir du « souverain républicain » est désormais restreint par les délégations de souverainetés transmises à l’Union européenne. Sa majesté n’est plus que l’ombre d’elle-même. La défiance vis-à-vis du pouvoir enclenche un cercle vicieux

Dès lors, comment mener les transformations d’ampleur indispensables face au défi climatique ou à la crise de la mondialisation, sans s’attaquer à la transformation des institutions ? Il y a bien sûr quelques solutions faciles : le scrutin à la proportionnelle pour au minimum rétablir une représentation politique à l’image du pays, ou la multiplication des conventions citoyennes pour consulter les Français. Cela risque d’être insuffisant.

Pouvons-nous tergiverser ? Certes pas, car la crise institutionnelle a des effets délétères sur l’opinion. Dans ses analyses, le Baromètre de la confiance du Cevipof révélait qu’en 2021, 56% des enquêtés disent « qu’il vaut mieux un système politique moins démocratique mais qui assure plus d’égalité et de justice sociale », et 37% acceptent l’idée selon laquelle « il vaut mieux un système politique moins démocratique mais offrant de nombreuses opportunités de s’enrichir et de réussir rapidement ».

Le directeur de recherche au CNRS avertissait dans Marianne : en France, « la démocratie est en passe de devenir une valeur de la vieille bourgeoisie ». Cette configuration ne se retrouve nulle part en Europe. Il est urgent d’interrompre ce qui est, pour le coup, un vrai déclin français.

Bruno Bourgeon http://www.aid97400.re/

D’après Alternatives Economiques du 22 Février 2022

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