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D’après le Réveilleur du 14 Mars 2022

Que se passerait-il si nous arrêtions les émissions de CO2 ?

Par Bruno Bourgeon

jeudi 21 avril 2022, par JMT

Que se passerait-il si nous arrêtions les émissions de CO2 ?

Le Réveilleur Inertie Climatique

On entend souvent dire que le réchauffement climatique est une conséquence des émissions passées, qu’il existe une inertie climatique. Voyons dans le détail ce que cela signifie.

L’inertie physique
Concentrons-nous sur le plus important des GES, le CO2 : la majorité de l’augmentation de la concentration a eu lieu au cours des 60 dernières années, et continue. Cette augmentation est la conséquence de l’accumulation des émissions de CO2 due aux activités humaines.

On peut séparer ces activités en deux catégories : le changement d’affectation des sols, notamment les moindres captations des puits de carbone liées à la déforestation, et la combustion de ressources fossiles : charbon, pétrole, gaz. Ce sont les émissions ajoutées à l’atmosphère.

Ce qu’on a ajouté a fortement augmenté ces 70 dernières années. De plus, en ajoutant du CO2 dans l’atmosphère, la quantité ajoutée chaque année est de plus en plus importante, et la température globale va continuer d’augmenter de plus en plus vite.

Ainsi l’accumulation en 2010 de 2000 milliards de t de CO2 correspond à l’augmentation de la température globale de 1°C par rapport à 1880. La relation entre la température globale et le cumul des émissions de CO2 est linéaire. Le sixième rapport du GIEC va plus loin en montrant différentes trajectoires d’élévation de la température selon différents scenarii de cumul des GES.

Imaginons que l’on émette désormais autant de CO2 que pendant l’année 2019. La concentration atmosphérique de CO2 continuerait évidemment d’augmenter. Et le climat se réchaufferait de manière linéaire. Donc la stabilisation des émissions est loin d’être suffisante : limiter le réchauffement futur implique de réduire nos émissions de CO2.

Imaginons maintenant que les émissions nettes de CO2 tombent à zéro : soit pas du tout d’émission, soit des émissions annuelles entièrement compensées par des absorptions induites par les activités humaines. Du point de vue de l’atmosphère, cela revient au même : on n’ajoute plus de CO2 dans l’atmosphère. On parle alors de neutralité carbone au niveau mondial. On en est bien sûr très loin. Et les trajectoires pour y parvenir sont incertaines, longues et difficiles.

La concentration en CO2 dans l’atmosphère, dans cette hypothèse, va baisser. Mais pas rapidement. En un siècle, 60% de ce CO2 sera éliminé de l’atmosphère, notamment par dissolution dans les océans, et dans une moindre mesure par consommation par la végétation. Ces effets se réduisent au fur et à mesure que la concentration en CO2 atmosphérique diminue.

Ainsi, si on fixait l’hypothèse d’une concentration de CO2 stabilisée dès à présent, les modèles montrent qu’on devrait s’attendre à un réchauffement additionnel de quelques dixièmes de degré au cours des prochains siècles. L’atmosphère n’atteint pas l’équilibre thermique dès qu’on fixe la concentration en CO2. Il y a une inertie à concentration constante de CO2. Cette inertie vient en partie du fait qu’il faut beaucoup de temps à l’océan pour se réchauffer et atteindre l’équilibre.

Reprenons l’hypothèse d’émissions à zéro : la réduction de la concentration en CO2 diminuerait, et la température globale, selon les modèles, monterait de quelques dixièmes, ou diminuerait d’autant, ou se stabiliserait.

Cette stabilisation s’explique difficilement : en gros, l’inertie océanique est compensée par la baisse de concentration de CO2 atmosphérique. Donc si on met les émissions de CO2 à zéro, la température globale aura tendance à se stabiliser rapidement.

Mais il n’y a pas que le CO2, et ça complique nos hypothèses. Comme le méthane CH4 ou le protoxyde d’azote N2O. Le CH4 vient des décharges, de l’agriculture, de l’élevage, des marais et mangroves, mais aussi de l’extraction et du transport des ressources fossiles (1/3 des émissions).

On y ajoutera la fonte du pergélisol dans les années à venir. Sans oublier les aérosols, petites particules, qui ont un effet « refroidisseur » en renvoyant dans l’espace une partie du rayonnement solaire. Ces aérosols sont produits pour une large part par la combustion de ressources fossiles. Ce qui aura des effets sur les émissions de CH4 et des aérosols.

Ainsi, si, en plus d’arrêter les émissions de CO2, on arrête les émissions d’aérosols, on aura un réchauffement rapide non négligeable du fait de la disparition de l’effet « refroidisseur ». Parce que la demi-vie des aérosols dans l’atmosphère est brève, la réduction de leur action refroidissante est donc immédiate.

En ajoutant les réductions de tous les autres GES, les modèles montrent une décroissance de la température, en grande partie parce que le CH4 a une durée de vie moyenne d’une douzaine d’années,beaucoup plus brève que celle du CO2. Rappelons que nous nous sommes placés dans la situation d’émission de CO2 nulles, ce qui est loin, très loin de la réalité. Avec des émissions de méthane à zéro, avec les émissions actuelles de CO2, on n’observerait aucun refroidissement, à peine un moindre réchauffement.

Dernière hypothèse : on arrête les émissions de CO2, du CH4 et autres GES, et des aérosols. On fait ainsi disparaître d’un claquement de doigt nos sociétés industrielles. On observerait alors une légère augmentation initiale des températures dues à la disparition des aérosols, puis une décroissance des températures pour se stabiliser à un peu moins de 1°C au-dessus des températures pré-industrielles.

Ainsi se définit l’inertie physique : ce sont bien les émissions en cours et à venir qui définiront le climat des prochaines décennies. L’évolution future du climat dépend de nos actions actuelles et futures, et c’est plutôt une bonne nouvelle. Or il est impossible que nos émissions nettes de GES tombent d’un coup à zéro. C’est l’inertie sociétale.

L’inertie sociétale
Ce que l’on vient de dire est indispensable à connaître pour mettre en place des stratégies d’atténuation du réchauffement. Les sociétés humaines reposent sur une énorme consommation de ressources fossiles. En France, grâce au nucléaire, c’est un tout petit peu moins vrai pour l’énergie électrique. Mais pour les transports, l’industrie ou la production de chaleur, la France utilise de grandes quantités de ressources fossiles comme les autres pays développés.

La suppression de la consommation fossile d’un claquement de doigts aurait des conséquences dramatiques puisqu’une large part de la population mondiale dépend aujourd’hui des ressources fossiles pour leur survie. On ne peut passer de la situation actuelle de grande dépendance aux ressources fossiles à une situation où on s’en passerait entièrement. L’évolution des sociétés humaines comprend donc une inertie importante, l’inertie sociétale. Voyons les scenarii du GIEC.

Un scenario inclut des considérations économiques, démographiques, technologiques, et politiques. Cela peut porter sur le climat, la biodiversité, les ressources, en fonction de décisions que l’on pourrait prendre. Or ces différents scenarii tiennent pour une large part aux émissions de CO2. Prenons deux trajectoires différentes établies par le GIEC : SSP1-2.6 et SSP3-7.0.

Le premier scenario montre une désescalade des émissions jusqu’à zéro à la fin du siècle. Le second montre une croissance des émissions jusqu’à 80 milliards de t de CO2/an en 2100 (actuellement nous en sommes à 40 milliards en 2015). SSP1 respecte un réchauffement climatique de moins de 2°C en 2100. SSP3 mène à +4°C en 2100. La concentration en CO2 dans les deux scenarii sera de respectivement : (départ à 400 parties de CO2 par million -ppm- en 2015), 450 ppm pour SSP1 en 2100, stabilisé, et plus de 800 ppm pour SSP3, en croissance.

La différence entre ces deux scenarii n’apparaît qu’après 25 ans, c’est-à-dire en 2040. Ce décalage est une inertie sociétale. Il existe parce que nous ne pouvons pas nous passer du jour au lendemain des ressources fossiles. Mais il n’y a pas que la température globale…

Certaines inerties sont bien plus longues
Premier exemple : les masses de glace. Même si on stabilise la température globale, les glaciers et calottes polaires continueront à fondre, au moins partiellement. Et pour des siècles. Même dans les scenarii les plus bas en émissions de GES, en France, les glaciers alpins et pyrénéens disparaîtront avant la fin du siècle.

L’inlandsis groenlandais continuera à fondre, ainsi que la calotte polaire antarctique. L’ampleur de la fonte, et donc l’élévation du niveau des mers, dépendra de notre capacité à diminuer drastiquement nos émissions de GES dans les prochaines décennies.

Deuxième exemple : les océans. Ils captent la majorité de l’énergie qui s’ajoute au système Terre. Et se réchauffent moins rapidement que l’atmosphère. Si l’on pouvait espérer atteindre un équilibre thermique dans le SSP1 en 2100, il faudrait des siècles, voire des millénaires, pour que les océans atteignent l’équilibre thermique.

Troisième exemple : l’élévation du niveau des mers. C’est le résultat de la fonte des glaciers et de la dilatation liée à l’élévation thermique. L’inertie est extrêmement importante. Le rapport du GIEC le montre bien : à +2°C en 2100, le niveau s’élèvera de +2 à +6 m dans 2000 ans, et +8 à +13 m dans 10000 ans.

À +4°C en 2100, l’élévation sera de +12 à +16 m dans 2000 ans, et +19 à +33 m dans 10000 ans : Paris, Londres engloutis ! Ainsi, des centaines de générations futures devront s’adapter aux conséquences des émissions de GES actuelles ! Plutôt dérangeant…

Bruno Bourgeon http://www.aid97400.re/
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