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D’après Carbon 4 du 22 Février 2022

La voiture électrique est-elle vraiment propre ?

Par Bruno Bourgeon

jeudi 21 avril 2022, par JMT

La voiture électrique est-elle vraiment propre ?

Voiture électrique en charge

Malgré sa forte émergence sur le marché de l’automobile, la voiture électrique reste pour le grand public un objet de méfiance car elle soulève de nombreuses questions avec des avis contradictoires.

L’impact carbone

L’empreinte carbone d’un produit est calculée en comptabilisant les émissions de GES sur l’ensemble de la durée de vie du produit, de l’extraction des matières premières à sa fin de vie. Ainsi, pour l’empreinte carbone d’une voiture, il faut considérer non seulement les émissions de GES lors de l’utilisation du véhicule, mais également les émissions de GES en amont (fabrication de la batterie, production d’électricité pour alimenter la voiture, etc.) et en aval (traitement du véhicule en fin de vie, recyclage de la batterie, etc.)

Produire une voiture électrique émet plus de GES (CO2) que son équivalent thermique, c’est avéré, essentiellement du fait de la fabrication des batteries. Ce serait un problème pour le climat si ce CO2 excédentaire n’était pas compensé par les réductions d’émissions à l’usage. C’est le cas. Sur sa durée de vie en France, une voiture électrique émet globalement 3 à 4 fois moins de CO2 que son équivalent thermique. Il faut rouler autour de 40 000 km (soit 2 à 3 ans d’utilisation pour un usage moyen) pour que la voiture électrique devienne meilleure pour le climat.

Or, une automobile sur sa durée de vie va parcourir 200 000 km (la longévité des batteries n’est pas un obstacle) : tout véhicule électrique mis en circulation aujourd’hui à la place d’un hybride léger permet de réduire les émissions de manière incontestable. Le seul obstacle pourrait concerner les seconds véhicules des ménages qui roulent peu, moins de 3 000 km par an. Mais en pratique, le faible coût kilométrique des voitures électriques est une incitation forte à les utiliser, même pour les seconds véhicules.

Les bénéfices climatiques des véhicules électriques par rapport aux véhicules thermiques proviennent de leur faible consommation d’énergie (et ce malgré la fabrication plus émissive des véhicules électriques). Moins la production d’électricité est carbonée, plus l’écart se creuse. Même lorsqu’elles sont rechargées à partir d’un mix électrique dominé par le charbon, comme en Australie, en Chine ou en Pologne, les émissions des voitures électriques sont aujourd’hui inférieures à celles des voitures thermiques sur leur cycle de vie.

Ainsi, les voitures électriques sont déjà meilleures pour le climat que les voitures thermiques dans la plupart des pays du monde. Dans une vingtaine de pays seulement, la voiture électrique est moins vertueuse que la voiture thermique (en supposant que le mix électrique ne change pas). Il s’agit de l’Inde, de certains pays d’Afrique et du Moyen Orient, et de pays insulaires tels que Cuba, Haïti ou l’Indonésie. C’est aussi le cas à La Réunion.

La masse d’un véhicule a son importance. Qui dit véhicule électrique lourd dit plus de matière et une plus grosse batterie pour répondre à son besoin énergétique. Et donc plus d’émissions liées à la fabrication et à l’usage du fait de cet incrément de masse. A ce titre, répliquer le modèle du SUV thermique dans le champ de l’électrique est l’exemple parfait de la fausse bonne idée. Il faut penser les voitures moins énergivores, et donc les alléger. Or la tendance actuelle est à des véhicules de plus en plus gros et lourds, qui consomment plus : en 30 ans, la masse moyenne des véhicules a augmenté de 30% en France. Ce qui est une stupidité au regard du climat.

Le véhicule hybride rechargeable pourrait-il constituer le compromis idéal ?

Moyen commode pour les constructeurs de satisfaire à leurs obligations réglementaires (en Europe), grâce à une homologation des émissions qui avantage considérablement le véhicule hybride rechargeable, eu égard aux émissions réelles,

Technologie rassurante pour les automobilistes se sentant certes concernés par les enjeux environnementaux, mais pas encore prêts à franchir le pas du 100% électrique.
Pourtant, cette technologie souffre de réels défauts qui la rendent difficilement compatible avec l’ambition de décarboner presque complètement la mobilité individuelle dans 20 ans :

  • Le mode électrique est peu utilisé (moins de 40% des kilomètres), du fait du moteur thermique,
  • Son moteur thermique est moins performant que celui des véhicules comparables...
  • La présence de deux motorisations, plus la batterie, augmente significativement la masse d’un tel véhicule, et donc sa consommation (thermique ou électrique).

Ainsi, le véhicule hybride rechargeable ne permet un gain carbone que de 15-20% (contre 60-70% pour un véhicule électrique). Le véhicule hybride rechargeable est l’exemple-type de l’irrationalité économique : le choix des automobilistes est en effet le plus souvent dicté par le cas d’usage le plus contraignant au lieu du cas d’usage le plus fréquent (ex : achat d’une grosse voiture puissante de 5 places, pour 4 trajets au complet dans l’année supérieurs à 500 km, alors que 90% du temps d’utilisation est consacré à des parcours de quelques dizaines de kilomètres avec 1 à 2 personnes au plus à bord).

Le véhicule hybride rechargeable correspond à cette irrationalité, sur la base d’une idée apparemment bonne de combiner le « meilleur des deux technologies » pour couvrir l’usage. Dans les faits, cette solution apparaît sous-optimale d’un point de vue économique (véhicule plus cher et plus complexe à entretenir) et sur le plan environnemental.

Les impacts environnementaux (hors carbone)

Les « terres rares » ne sont pas si rares que cela. Il s’agit de métaux en fait aussi abondants que le nickel ou le cuivre, mais beaucoup plus dispersés dans la croûte terrestre, d’où leur nom. De par leurs propriétés, elles sont utilisées dans la fabrication de produits de haute technologie. Aujourd’hui, il n’y a pas de terres rares dans la majorité des batteries qui équipent les voitures électriques, et certains moteurs électriques peuvent contenir des terres rares mais des alternatives existent.

Cependant, il y a un enjeu en termes de matières premières car les batteries utilisent des métaux à forte criticité, dont l’approvisionnement est problématique. On peut citer le cobalt et le lithium, mais aussi des métaux moins critiques, qui pourraient le devenir compte tenu des trajectoires de production attendues, comme le nickel, le graphite, ou le cuivre.

S’il n’y a pas de risque identifié de manque de ressources à horizon 2030, la forte croissance de la demande pourrait induire des risques d’approvisionnement et des déséquilibres sur le marché. La tension à prévoir sur les matières premières pour la production de batteries devrait favoriser l’essor du recyclage comme approvisionnement ou de nouvelles chimies de batteries pour réduire l’utilisation de ces métaux (batteries au sodium par exemple).

Le recyclage des matériaux de batterie est crucial pour réduire la pression sur la demande et ainsi limiter les impacts de leur extraction. Contrairement à une idée reçue, les batteries Li-ion sont recyclables, actuellement à hauteur de 50% par pyro-métallurgie (en masse), et potentiellement jusqu’à 80-90% avec de nouveaux procédés métallurgiques.

Pour autant, recyclable ne veut pas dire recyclé, et actuellement moins de 5% des batteries Li-ion le sont. Les véhicules électriques émergeant tout juste sur le marché, la filière industrielle de recyclage n’est pas encore mature. Celle-ci devrait se développer à mesure que ces véhicules électriques sortiront du parc en circulation et que la tension sur les matières premières s’accentuera. Le gisement alors disponible permettra à la filière de réaliser de véritables économies d’échelles et de chercher à rendre les matériaux recyclés aussi compétitifs que les matières premières.

La Commission européenne propose à ce titre des objectifs concernant la teneur en matériaux recyclés dans les batteries mises sur le marché de l’UE : à partir de 2030, elles devront contenir au minimum 12 % de cobalt, 85 % de plomb, 4 % de lithium et 4 % de nickel recyclés, et ces proportions passeront à 20 % de cobalt, 10 % de lithium et 12 % de nickel recyclés à partir de 2035.

Mais le recyclage, même s’il était réalisé de manière optimale, ne suffira pas à combler la demande. Toute augmentation de la production en batteries nécessitera une activité d’extraction additionnelle, qui devra être limitée pour assurer les justes besoins avec les meilleurs procédés disponibles. Il reste essentiel de freiner la course à l’augmentation des tailles des batteries !

Aux côtés de l’impact climatique (les GES) et de la qualité de l’air (les polluants), il est important de considérer d’autres impacts sociaux et environnementaux du véhicule électrique. Les batteries et moteurs de véhicules électriques, comme tous produits électroniques complexes, contiennent un nombre important de matériaux dont l’extraction et le raffinage ne sont pas sans impact. Le débat se focalise souvent sur le lithium et le cobalt nécessaires à la production des batteries.

Ces enjeux sont réels : l’impact sur les ressources en eau des "salars" andins (d’où est extrait le lithium) ou les conditions de travail dans les mines de cobalt en République Démocratique du Congo. Toutefois, ces deux métaux représentent 4% du poids moyen d’une batterie. Le cuivre (9%), le graphite (9%), l’acier (9%) et l’aluminium (29%) sont ainsi utilisés en bien plus grandes quantités, et avec parfois des enjeux environnementaux et sociaux tout aussi importants, quoique moins médiatisés.

Les risques et les controverses sont multiples (déchets, pollution de l’eau, pollution de l’air, conditions de travail, etc.) (1). La sobriété et le recyclage apparaissent parmi les éléments clés de réponses à ces questions.

Et pour ne pas donner une image caricaturale, ces problèmes spécifiques aux minerais pour les batteries (des véhicules électriques comme de beaucoup de nos appareils électroniques) doivent être comparés aux controverses qui portent sur l’industrie pétrolière. Les marées noires et les atteintes aux droits de l’homme, les conflits armés qui émaillent l’histoire du pétrole, sont le triste rappel que les véhicules thermiques dépendent aussi d’une activité extractive problématique.

In fine, le débat est le plus souvent orienté autour des impacts climatiques comparés entre véhicule électrique et véhicule thermique. On parle donc essentiellement des émissions de CO2, de plus en plus dans une approche en cycle de vie. On parle beaucoup moins d’une vertu majeure et propre aux motorisations électriques : l’absence totale d’émissions de polluants (oxydes d’azote et particules fines).

Or, selon Santé Publique France, la pollution de l’air dans notre pays entraîne 40 000 décès par an (soit 9 % de la mortalité en France) et une perte d’espérance de vie à 30 ans pouvant dépasser 2 ans. Le transport étant l’un des principaux contributeurs, la substitution progressive de véhicules thermiques par des véhicules électrifiés (voitures, bus) pour les déplacements ne pouvant être faits à pied ou à vélo, est une excellente solution.

Reste les particules fines provenant des pneumatiques et des freins. Comme les véhicules électriques sont en général plus lourds, l’abrasion des pneumatiques au niveau du sol est globalement supérieure.

En revanche, grâce aux dispositifs de récupération d’énergie équipant ces véhicules, les plaquettes et disques de frein sont moins sollicités : il y a moins de particules émises par le freinage. Il en résulte un niveau d’émissions de particules fines comparable. Ainsi, un véhicule électrique est nettement meilleur qu’un véhicule thermique pour la qualité de l’air.

(1) https://trackers.business-humanrights.org/transition-minerals/

Bruno Bourgeon http://www.aid97400.re
D’après Carbon 4 du 22 Février 2022

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