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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2022-051

Service minimum du côté de la Chine

Par Nathaniel Sher, traduit par Jocelyne le Boulicaut

vendredi 29 avril 2022, par JMT

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Service minimum du côté de la Chine

Le 4 avril 2022 par Nathaniel Sher

Le président Xi Jinping (Crédit photo : Kaliva / Shutterstock.com)

Pourquoi la Chine ne fait-elle pas le maximum pour aider la Russie en Ukraine ?

Il semble que le partenariat « sans limites » récemment déclaré par Pékin et Moscou rencontre quelques limites. Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, de nombreux analystes affirment que la Chine adopte une position « pro-russe ».

Le refus de Pékin de condamner l’invasion de Moscou – ou de la qualifier d’invasion – ainsi que le fait que les médias chinois reprennent la propagande russe sont considérés comme la preuve que la Chine penche d’un côté.

Le soutien diplomatique de la Chine à la Russie était à prévoir, compte tenu du partenariat « sans limites » conclu entre le président Xi Jinping et Vladimir Poutine trois semaines avant l’offensive du Kremlin.

Mais ce qui est surprenant dans la position de la Chine, c’est le peu de soutien matériel que Pékin apporte à son « partenaire stratégique le plus important ». Même le conseiller à la Sécurité nationale du président Biden, Jake Sullivan, a déclaré qu’il n’a aucune preuve de la fourniture de soutien militaire à la Russie par la Chine.

Bien qu’il soit difficile de cerner les intentions des décideurs chinois, les réactions de la Chine sont plus éloquentes que les mots. Cela ne fait aucun doute, Xi Jinping pense que Poutine est un partenaire stratégique important à un moment où la Chine est confrontée à une pression croissante venant des États-Unis.

D’un autre côté, les responsables chinois reconnaissent probablement que le soutien à l’effort de guerre de Poutine non seulement ne ferait guère avancer les intérêts de la Chine, mais que cela lui ferait subir des coûts économiques et concernant sa réputation potentiellement élevés. Dans ce contexte, Pékin est sur la corde raide en apportant un soutien diplomatique à la Russie, mais sans pour autant fournir armes et aide à Moscou.

Armer ou ne pas armer ?

Plus d’un mois après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le partenariat « sans limites » entre la Chine et la Russie semble connaître des limites. Sur le plan diplomatique, Pékin s’est donné beaucoup de mal pour reprendre les justifications de Poutine concernant la guerre, notamment en décrivant l’élargissement de l’OTAN comme la « cause première de la crise ».

Poutine et Xi : "Pékin veut tout à la fois préserver son partenariat avec Moscou, s’en tenir à sa politique traditionnelle d’intégrité territoriale... et éviter d’être un dommage collatéral dans la guerre" (Photo : Alexei Druzhinin/AP)

En dépit de cela, le gouvernement chinois n’a pas publiquement apporté son soutien aux objectifs maximalistes de la Russie, tout particulièrement concernant les ultimatums visant à « dénazifier » l’Ukraine, affirmer la souveraineté sur la Crimée et déclarer l’indépendance de Donetsk et Louhansk.

Sur le plan économique, les responsables chinois affirment qu’ils maintiendront des relations commerciales normales avec la Russie et ne se joindront pas aux sanctions internationales. Mais selon des rapports récents, les plus grandes banques d’État chinoises ont cessé de financer les achats de produits de base russes.

Pékin a refusé de vendre des pièces d’avion aux compagnies aériennes russes, et Sinopec a suspendu ses principaux investissements sur le marché du gaz russe. Bien que ces cas puissent être des exceptions à la règle, la décision de certaines entreprises chinoises de suspendre leurs transactions avec la Russie est intéressante compte tenu de la rhétorique contraire des officiels chinois.

Xi Jinping joue la sécurité en empruntant une voie médiane entre Poutine et Biden ( Saul Loeb/AFP via Getty Images ; Mikhail Svetlov/Getty Images ; Rebecca Zisser/Insider.)

Enfin, sur le front militaire, il n’y a pas grand chose qui vienne à l’appui en terme de soutien de Pékin à Moscou. Bien que des fuites dans les services de renseignement américains laissent entendre que la Chine aurait manifesté son intention de fournir à la Russie des missiles sol-air, des drones et d’autres armes, Sullivan a de nouveau déclaré qu’il n’avait trouvé aucune preuve indiquant que la Chine aurait donné suite aux demandes russes de soutien militaire. Si des preuves d’une aide militaire chinoise devaient apparaître, cela constituerait un changement majeur dans la position de la Chine quant à la guerre.

Le calcul stratégique de la Chine

Le soutien ambigu de Pékin à ce jour est compréhensible compte tenu des risques potentiels et des avantages limités d’un soutien total à la Russie. La Chine veut sans aucun doute s’assurer que la Russie reste un partenaire stratégique fort pour dissuader les États-Unis.

Néanmoins, après seulement un mois de combat, les insuffisances de la Russie en matière de logistique et de renseignement jettent un doute sur la capacité de Pékin à compenser les dommages causés à l’économie et à l’armée russes.

Les dirigeants chinois reconnaissent probablement qu’ils ne peuvent pas faire grand-chose pour aider Moscou à retrouver sa position d’avant-guerre, sans parler de gagner la guerre en Ukraine. Dans ce contexte, toute aide de la Chine à la Russie sera probablement plus symbolique que substantielle.

L’Ukraine met à l’épreuve l’amitié "illimitée" de la Chine avec la Russie (Photo Evgenia Novozhenina/Reuters/file)

Dans le même temps, il existe plusieurs raisons pour lesquelles la Chine voudrait éviter de fournir des armes et une aide à grande échelle à la Russie.

Premièrement, malgré tous les griefs de Pékin à l’égard de l’OTAN et des États-Unis, l’Ukraine n’est pas l’ennemie de la Chine. Avant la guerre, la Chine et l’Ukraine entretenaient des liens de coopération économique, technologique et même militaire. Même si le gouvernement chinois n’apprécie pas le gouvernement ukrainien actuel, il n’est pas dans l’intérêt de la Chine d’exporter des armes qui seront utilisées contre les civils ukrainiens.

Deuxièmement, la Chine reste un pays à revenu moyen dont le principal objectif politique pour la prochaine décennie est de rattraper le développement économique et technologique de l’Occident — afin de légitimer son modèle de gouvernance, maintenir la stabilité sociale et accélérer la réunification avec Taïwan.

Toutefois, la guerre en Ukraine a fait augmenter le prix des produits de base au point que même les achats à prix réduit auprès de la Russie ont peu de chances de compenser la hausse du coût des intrants dont dépend l’économie chinoise.

En outre, le risque que Pékin soit soumis à des sanctions indirectes en raison de sa coopération économique avec la Russie ne ferait qu’ajouter aux vents contraires venant ralentir l’économie chinoise, notamment les épidémies persistantes de la Covid-19, la fuite des capitaux et le déclin de la croissance démographique.

Enfin, plus la guerre en Ukraine se prolonge, plus l’Europe et les États-Unis risquent de consolider encore leur union, renforçant ainsi les alliances mêmes que la Chine et la Russie ont cherché à perturber. Perdre l’Europe en tant que "point d’appui " entre la Chine et les États-Unis serait un handicap stratégique majeur pour Pékin.

Quel serait le bénéfice pour la Chine dans le conflit Russie-Ukraine ?

Il serait donc logique que Pékin évite d’exploiter l’offensive de la Russie comme une guerre par procuration contre l’Europe et les États-Unis. Bien que Xi Jinping ait identifié les États-Unis comme la « plus grande menace pour le développement et la sécurité de la Chine », cette menace est exacerbée, et non minimisée, par la perspective d’une guerre prolongée en Ukraine. Parmi les nombreux enseignements importants de la crise, l’un d’eux est qu’il existe des limites au partenariat Chine-Russie.

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