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D’après Reporterre du 07 Avril 2022

Les énergies marines ce n’est pas pour demain

Par Bruno Bourgeon

jeudi 12 mai 2022, par JMT

Les énergies marines ce n’est pas pour demain

À Brest, une hydrolienne en voie d’être installée au large de Paimpol et de l’île de Bréhat, en 2011 (© Fred Tanneau/AFP)

La puissance extraordinaire de l’océan nous permettra-t-elle d’atteindre la neutralité carbone en 2050 ? Lors de son meeting du 16 janvier, Jean-Luc Mélenchon a longuement vanté la force de la mer, dont il souhaite exploiter le vent (via l’éolien en mer), les marées, les courants et les écarts de température. Jean Lassalle explique quant à lui vouloir remplacer les projets éoliens par « l’énergie de la mer », qualifiée « d’atout précieux ». L’océan représente un gisement énorme d’énergie renouvelable, 8000 TWh (térawattheures) pourraient être produits à travers le monde chaque année grâce à la houle, aux courants et à l’énergie thermique des mers : soit 17 fois la consommation française (La Réunion consomme 3 TWh). Mais ces techniques n’en sont qu’à leurs balbutiements. On distingue cinq énergies marines renouvelables :

- L’énergie marémotrice utilise la variation du niveau de la mer lors des marées, donc l’énergie potentielle (différence de hauteur). Une usine marémotrice fonctionne depuis 1966 dans le nord de la Bretagne, dans l’estuaire de la Rance, avec une capacité installée de 240 MW (mégawatts). La plus puissante se situe en Corée du Sud et produit 254 MW. Des projets voient le jour dans l’estuaire de la Severn (Bristol Channel) ou en Chine, dans les estuaires de grands fleuves.

- Les hydroliennes exploitent les courants grâce à des turbines immergées. Deux fermes pilotes sont déjà installées au Royaume-Uni, et plusieurs projets sont en cours de développement au Canada et au large de la Normandie, entre le Cotentin et les îles Anglo-normandes. Une installation à grande échelle dans les passes de Sein, d’Ouessant, et de Normandie, pourraient apporter une puissance électrique d’une centrale nucléaire. Ce n’est pas rien ; de plus, ce ne serait pas aux mêmes heures et permettrait une continuité dans l’offre électrique.

- L’énergie houlomotrice utilise l’énergie des vagues, en pleine mer ou à proximité d’une digue. Des démonstrateurs sont déjà à l’eau en Norvège, en Écosse, aux Pays-Bas, au Portugal, en Espagne et en France. Un projet de ferme pilote a ainsi été lancé dans la baie d’Audierne, en Bretagne.

- L’énergie osmotique exploite la différence de salinité entre l’eau douce et l’eau de mer.

- L’énergie thermique des mers (océanothermie) exploite la différence de température entre les eaux profondes et les eaux de surface. Elle peut être très importante dans les zones intertropicales. La Réunion a failli devenir pilote de cette affaire. Elle ne peut en revanche être exploitée en métropole, où les écarts thermiques sont moins prononcés.

Toutes ces énergies ont peu d’impact paysager. Bien qu’intermittente, l’énergie des houles ou des marées est prédictible. Ce qui permet d’avoir une vision claire de la quantité d’énergie disponible. Avec 11 millions de km2 d’eau de mer sous sa juridiction, la France est fort bien dotée en ressources océaniques. Ces techniques pourraient également être une solution intéressante pour les DROM.

Le comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) y avait consacré en 2014 une note. Elle évoquait notamment la dégradation des fonds (sur une surface réduite dans la majorité des cas) et l’introduction dans le milieu marin de produits chimiques destinés à limiter le « bio-encrassement » (c’est-à-dire l’installation d’êtres vivants sur les surfaces immergées). Certains systèmes d’exploitation de l’énergie thermique des mers ont par ailleurs recours à de l’ammoniac : « Une fuite importante de ce fluide dans le milieu marin serait certainement très grave, au vu des quantités, pour les organismes », notait l’organisation.

Toutefois cet impact environnemental, s’il doit être envisagé, demeurera faible. Avec une exception : l’énergie marémotrice, dont les conséquences sont mieux documentées. Lors de la construction de l’usine de la Rance, l’estuaire avait dû être fermé pendant trois ans. L’absence d’échanges entre eaux douces et eaux salées a profondément modifié le milieu, et notamment sa concentration en sel, à laquelle les organismes locaux sont très sensibles. Selon l’UICN, cette installation industrielle a détruit les nourriceries et les frayères de l’estuaire. L’écosystème de la Rance s’est également envasé. Certaines espèces, comme le lançon et la plie, ont disparu.

Globalement, les énergies marines ne seraient pas la panacée, assure Negawatt. Dans leur dernière version du scénario de transition énergétique pour la France, l’association table sur un essor très limité de ces sources d’énergie. Elles devraient selon ses estimations représenter 0,5% du total de la production française d’énergies renouvelables en 2050, loin derrière l’éolien terrestre et maritime, la biomasse et le solaire photovoltaïque. Les procédés sont séduisants mais difficiles à mettre en place. Le milieu marin est extrêmement corrosif et violent. Un prototype houlomoteur installé dans les eaux de La Réunion avait été emporté par un cyclone en 2014. Il est pour le moment difficile de créer des installations suffisamment robustes à des coûts acceptables.

Réseau de transport d’électricité (RTE) se montre tout aussi frileux : le potentiel de l’hydrolien est très limité, les coûts ne permettent pas de déploiement de grande ampleur, la croissance des autres énergies marines renouvelables devrait rester limitée à court terme en raison des conséquences environnementales de l’énergie marémotrice, de l’immaturité de la filière houlomotrice et du gisement géographiquement limité de l’énergie thermique des mers.

Même dans son scénario 100% renouvelables, qui mise sur un développement ambitieux des sources disponibles, RTE estime que la production d’électricité des énergies marines n’atteindra que 9 TWh/an en 2050. À titre de comparaison, le gestionnaire de réseau estime que le solaire photovoltaïque produira 28 fois plus d’électricité, l’éolien en mer 25 fois plus, et l’éolien terrestre 16 fois plus. Les énergies marines ne sont pas la solution pour 2030.

Il serait par conséquent plus judicieux, étant donné l’urgence climatique, de se concentrer sur des techniques éprouvées plutôt que d’investir des millions dans des énergies qui ont encore leurs preuves à faire à grande échelle. Leurs coûts restent supérieurs à ceux des autres énergies renouvelables. Le coût de production de l’hydrolien marin oscille entre 250 et 350 euros/MWh. Selon l’Ademe en 2020, celui de l’éolien marin serait entre 110 et 120 euros/MWh, et celui de l’éolien terrestre entre 50 et 71 euros/MWh. Les énergies marines ne pourront à elles seules remplacer les énergies fossiles d’ici 2050. Développer les autres énergies renouvelables, et notamment l’éolien, reste indispensable. Contrairement à ce que pense Marine Le Pen.

Bruno Bourgeon http://www.aid97400.re/

D’après Reporterre du 07 Avril 2022

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Addendum : Contrairement aux assertions très pessimistes de Negawatt et de Reporterre, Il existe une version des hydroliennes (appelées maréliennes, imaginées par François Lempérière) beaucoup plus performante, à installer dans des chenaux traversant la digue périphérique de bassins de marée appuyés sur les côtes. Le potentiel français des côtes de la Manche et de l’Atlantique est estimé à 160TWh (environ 50GW), aux horaires très prévisibles et partiellement modulables et qui pourraient permettre également un fonctionnement en STEP de 25% de la puissance, sans impacter la faune et la flore et apportant des bonus, avec un réseau électrique beaucoup moins cher et la possibilité de le mutualiser en implantant des éoliennes soit dans le bassin soit sur ses digues, ainsi que des panneaux photovoltaïques et des dispositifs captant l’énergie des vagues sur la digue extérieure. En cas de tempête, les digues permettraient de réduire ou annuler les dégâts sur les côtes.

Voir :
* Une solution économique peut produire 500 GW d’énergie marémotrice (au niveau mondial)
* Étude hydrodynamique d’une implantation de maréliennes sur le site de la baie de Bourgneuf

PUBLICATIONS

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