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D’après Alternatives Economiques du 11 Avril 2022

Le retour de bâton de trop de libéralisme

Par Bruno Bourgeon

samedi 14 mai 2022, par JMT

Le retour de bâton de trop de libéralisme

Le duel entre Macron et Le Pen

Dès 1944, Karl Polanyi nous avait prévenus : quand on considère le travail comme une marchandise dont il faut systématiquement réduire le prix et augmenter la quantité, quand on laisse ceux qui n’ont pas de boulot sur le bord de la route, sans oublier de les stigmatiser, les gens finissent par se révolter pour se libérer de la société de marché.

Cette révolte peut s’exprimer de différentes façons. Elle peut se retrouver dans le Front Populaire ou dans le New Deal. Elle peut aussi prendre un visage plus sombre. Nous y sommes.

La concurrence étrangère, et par extension l’arme rhétorique consistant à invoquer l’économie mondiale, servait de levier pour faire reculer les acquis sociaux en matière de protection des travailleurs.

Les globalistes, voilà comment l’on qualifie ce groupe d’intellectuels sur lesquels les derniers gouvernements au pouvoir en France se sont appuyés pour remettre en cause, et de plus en plus profondément, la protection sociale.

Faciliter les licenciements, refuser toute augmentation du Smic, baisser les impôts sur les entreprises, reculer l’âge de la retraite, pour ne pas baisser pavillon devant la concurrence internationale !

Alors, sans surprise, les antilibéraux vont argumenter sur deux piliers. D’un côté, l’antiglobalisme, le nécessaire retour à la puissance de la nation, en sortant la France des contraintes internationales et européennes, en y incluant pour certains le rejet des étrangers.

De l’autre, un discours social destiné à réencastrer le marché dans la société, à donner la priorité aux droits sociaux, au pouvoir d’achat, à la régulation publique de l’économie et de la finance. Nous y sommes.

Pourtant, il ne faut pas s’y tromper. Marine Le Pen a bâti sa campagne, et encore plus son discours de victoire du premier tour du 10 avril, sur ce schéma intellectuel. Mais elle s’inscrit également dans la continuité du programme économique des droites qui va de LREM à Eric Zemmour : elle veut la baisse des impôts de production, l’assouplissement de la fiscalité sur l’héritage, la suppression de la redevance télévisuelle, qu’elle financerait par la privatisation de l’audiovisuel public, et bien d’autres mesures expressément libérales.

Sa politique de l’offre vise le petit patron et l’indépendant. L’aspect « social » du Rassemblement National est contrebalancé par cette dimension libérale dans un grand écart ahurissant passé sous le tapis. Celles et ceux qui penseraient se débarrasser du libéralisme en Marine Le Pen se trompent.

A l’inverse, ils y trouveront à coup sûr un nationalisme qui continue de fustiger l’autre, l’étranger, sur le dos desquels la candidate RN veut économiser 16 milliards d’euros en instaurant « une priorité nationale » pour le logement social, l’emploi, les prestations sociales.

Elle promet également d’expulser les étrangers au bout d’un an de chômage. Autant de mesures anticonstitutionnelles qu’elle promet de faire passer pour dessiner une France qui raviverait la mémoire des années 1930, quand il fallait faire la chasse aux Italiens et autres étrangers venant voler la richesse des bons Français.

Les élites économiques et politiques libérales font aujourd’hui face à leurs responsabilités. L’histoire nous enseigne qu’à chaque fois que le libéralisme économique a été poussé trop loin, il suscite un contre-mouvement.

Des années 1930 aux oligarques en passant par Marine Le Pen, ce contre-mouvement peut prendre une forme très noire. La peur du discours national-socialiste de Marine Le Pen apportera des voix à Emmanuel Macron au second tour, et plusieurs leaders de partis de gauche ont appelé leurs électrices et leurs électeurs à aller dans ce sens le 24 avril.

Mais, cela ne suffira pas. Emmanuel Macron ne pourra se contenter d’ajouter des mesurettes « de gauche » pour gagner au second tour s’il veut s’assurer une part de cet électorat qui seul peut lui assurer la victoire. Il lui faudra proposer une analyse lucide du rejet libéral, loin du programme antisocial de sa brève campagne de premier tour.

En est-il capable ? Et s’il ne l’est pas, les électeurs et électrices de gauche seront-ils plus intelligents que lui, pour assurer la défaite de Marine Le Pen et priver le président de majorité législative en juin ? Premières réponses dans les quinze jours à venir.

Bruno Bourgeon http://www.aid97400.re

D’après Alternatives Economiques du 11 Avril 2022

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