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D’après Notre-planète.info du 27 avril 2022

Décarbonation des transports en France, un échec annoncé

Par Bruno Bourgeon

samedi 28 mai 2022, par JMT

Décarbonation des transports en France, un échec annoncé

Bus à Biogaz

L’État doit faire plus et mieux s’il veut atteindre les objectifs de la Stratégie Nationale Bas Carbone. Pour l’instant, le compte n’y est pas, constatent à la fois les instances de régulation, la justice et le monde économique. La marche à suivre est pourtant connue : la décarbonation des transports, en particulier, passe par l’électrification du parc de véhicules et exige donc des investissements massifs dans les infrastructures routières.

Introduite par la Loi de Transition Energétique pour la Croissance Verte (LTECV), la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) est la feuille de route de la France pour lutter contre le changement climatique. Elle donne des orientations pour mettre en œuvre, dans tous les secteurs d’activité, la transition vers une économie bas carbone.

Elle définit une trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) jusqu’à 2050 et fixe des objectifs à court et moyen termes : les budgets carbone. Principaux objectifs : baisser les émissions de GES de 40 % d’ici à 2030 par rapport à 1990 et atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.

La SNBC ambitionne notamment une décarbonation quasi-complète des transports à horizon 2050, en misant sur plusieurs piliers :

  • modérer la demande ;
  • favoriser le report modal vers les transports publics ;
  • le ferroviaire et le vélo ;
  • optimiser l’utilisation des véhicules (covoiturage) ;
  • améliorer l’efficacité énergétique des véhicules ;
  • électrifier le parc automobile.

Mais la France se donne-t-elle les moyens de ses ambitions ? Le dernier rapport du Haut Conseil pour le Climat (HCC) publié fin juin 2021, juge que « les efforts actuels sont insuffisants pour garantir l’atteinte des objectifs climatiques pour 2030. « On n’est pas dans les clous, notamment parce que le gouvernement a reporté une partie de l’effort à plus tard », précise Corinne Le Quéré, climatologue et présidente du HCC.

Pour l’instance indépendante, la France doit maintenant accélérer en raison du retard accumulé. Le rythme annuel de réduction des émissions devra pratiquement doubler, pour atteindre au moins 3 % dès 2021 et 3,3 % en moyenne sur la période 2024-2028.

Faute d’être parvenu à respecter ses objectifs pour la période 2015-2018, le gouvernement a en effet dû relever les budgets carbone pour la période 2019-2023. « Il faudra renforcer les politiques nationales, en particulier dans les transports et l’agriculture », prévient Mme Le Quéré.

A la demande de la commune de Grande-Synthe et de plusieurs associations (« L’Affaire du Siècle »), le Conseil d’État a d’ailleurs, le 1er juillet 2021, enjoint au Gouvernement de prendre des mesures supplémentaires d’ici le 31 mars 2022 pour atteindre l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici 2030. Le Conseil d’État estime que le respect de la trajectoire, qui prévoit notamment une baisse de 12 % des émissions pour la période 2024-2028, n’apparaît pas atteignable si de nouvelles mesures ne sont pas adoptées rapidement.

Le verdict est sans appel : la France n’en fait pas assez pour atteindre ses objectifs de baisse des émissions. Le 14 octobre 2021, les juges du tribunal administratif, qui avaient déjà condamné l’État pour inaction climatique, lui ont même demandé de réparer les conséquences de sa carence en matière de lutte contre le changement climatique. Le tribunal a ordonné que le dépassement du plafond des émissions de gaz à effet de serre fixé par le premier budget carbone (2015-2018) soit compensé au 31 décembre 2022, au plus tard.

La France est donc mise face à ses responsabilités : si elle n’accélère pas très sensiblement la transition énergétique, elle n’atteindra pas les objectifs de la SNBC. Tous les secteurs de l’économie sont concernés et en particulier les secteurs les plus émetteurs : les transports (30 %), les maisons et bureaux (19 %), l’agriculture (17 %) et l’industrie (12 %).

Une étude réalisée par Carbone 4 confirme que l’État français ne se donne pas vraiment les moyens de son ambition pour le climat. Le cabinet de conseil a évalué les lois à l’aune de onze indicateurs sur les trois secteurs les plus émissifs (bâtiment, transport, agriculture) et a conclu que les objectifs pour 2030 sont en voie d’être atteints pour seulement deux paramètres.

Etudiant en détail le secteur du transport, cette étude souligne que les investissements restent notoirement insuffisants pour favoriser la croissance du trafic ferroviaire et pour assurer la pénétration massive des véhicules à faibles émissions (électrique, hybride, biogaz). « Selon la SNBC, la part des véhicules à faibles émissions doit atteindre 15 % du parc national d’ici 2030, mais cela nécessite des dispositifs bien supérieurs à ceux existants », estime ainsi Carbone 4.

Avec l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et la Fédération nationale des travaux publics (FNTP), Carbone 4 a également chiffré les investissements nécessaires pour « verdir » les routes de France. Résultat : 5,8 milliards d’euros par an pendant dix ans.

Pour les autoroutes, le groupe Vinci a, de son côté, fait appel au cabinet de conseil Altermind pour modéliser le coût du verdissement du réseau. L’étude conclut à un montant de l’ordre de 5,5 à 6 milliards d’euros pour un tronçon de 1 000 kilomètres.

Sur cette somme, 2,5 milliards seraient consacrés à construire des « couloirs de décarbonation » pour les poids lourds, c’est-à-dire des voies fournissant de l’énergie (via caténaire, rail ou induction) dans lesquelles des camions électriques remplaceraient les camions thermiques.

Pour les 12 000 kilomètres du réseau autoroutier français, l’ardoise s’élèverait donc à quelque 70 milliards d’euros, amortis sur plusieurs décennies. « Ces travaux vont prendre une dizaine d’années mais il faut les engager avant 2023 si la France veut réduire de plus de 30 % les gaz à effet de serre provenant de la circulation autoroutière d’ici à 2035, conformément à la trajectoire de la SNBC », souligne le directeur adjoint de Vinci Autoroutes

L’investissement inclut une dimension énergétique majeure, puisqu’il faudra également alimenter en électricité les stations de recharge des stations-service. « En moyenne, les aires d’autoroutes devront être équipées d’une quarantaine de bornes de recharge à l’horizon 2030-2035, sachant que les plus importantes en compteront au moins 100, voire 200.

Pour ces dernières, le besoin de puissance sera comparable à celui d’un aéroport comme Orly ! », indique Christophe Hug. Les sociétés autoroutières songent donc à installer des fermes photovoltaïques qui produiront localement une partie de l’électricité nécessaire.

Selon le rapport Carbone 4-OFCE-FNTP, l’investissement devra être partagé entre l’État, les collectivités territoriales et les grands opérateurs publics et privés. Le contribuable sera sollicité, via l’impôt et la dette publique, de même que l’usager, via les péages, avec une répartition restant à définir.

Pour Bruno Cavagné, président de la FNTP, la stratégie nationale bas carbone est vouée à l’échec sans un nécessaire « new deal écologique ». « De l’aveu même de Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, le compte n’y est pas pour répondre à la SNBC, souligne-t-il. La transition écologique ne pourra pas se faire sans investir massivement dans des infrastructures vertes et en assurant la conversion environnementale des infrastructures existantes ».

La question de l’acceptation sociale des mesures préconisées par l’État est également un sujet crucial. Les politiques publiques de la transition bas carbone des mobilités ont déjà suscité de vastes mouvements de contestation (bonnets rouges, gilets jaunes) et les modalités de mise en œuvre de l’action publique font l’objet de nombreuses critiques, étant notamment accusées de renforcer les inégalités sociales et territoriales.

Le constat est pourtant simple : près de 90 % des déplacements se font par la route. 75 % des Français utilisent quotidiennement la voiture pour se déplacer, et même 85 % dans les espaces péri-urbains et ruraux. « En l’état actuel des infrastructures de transport, la dépendance à la voiture ne pourra, dans les prochaines années, être reportée facilement vers d’autres modes », souligne ainsi le think tank La Fabrique de la Cité. Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, il y a donc urgence à décarboner l’usage de la route.

Les besoins en investissements publics et privés sont colossaux pour encourager l’électrification du parc automobile. Le principal enjeu se situe dans le déploiement d’un système de recharge rapide, efficace et bien maillé sur tout le territoire, afin d’assurer une mobilité électrique longue distance, et encourager le basculement des utilisateurs réticents à cause du risque de la faible autonomie.

Or, fin février 2022, la France comptait 55 515 points de recharge ouverts au public. Encore loin de l’objectif des 100 000 bornes, qui devait pourtant être atteint fin 2021. Mais force est de constater que les investissements de l’État ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Pour la Fabrique de la Cité, l’État doit également favoriser l’émergence d’une filière du rétrofit, c’est-à-dire du reconditionnement d’un véhicule thermique en véhicule électrique. Pour la majorité des automobilistes qui ne peuvent se passer de leur voiture, le rétrofit constitue en effet une solution alternative plus économique à l’acquisition d’un véhicule électrique neuf.

Dans son dernier ouvrage, L’économie désirable (2021), Pierre Veltz en appelle ainsi à un grand retour de l’État, qui doit aussi investir massivement dans la recherche de technologies de rupture. Parmi les innovations à encourager, figure en particulier « la route à induction », qui recharge les véhicules lorsqu’ils roulent.

Aujourd’hui en cours de développement, elle concerne tous les véhicules et n’a qu’un moyen impact sur l’infrastructure même : bien qu’il faille poser de nouveaux enrobés, la localisation du linéaire et les travaux primaires de construction de la route restent inchangés.

Plusieurs expérimentations sont en cours, notamment en France, en Allemagne, en Suède et en Italie. Là encore, l’investissement public doit favoriser l’émergence de cette nouvelle technologie, qui nécessitera notamment d’importants travaux de raccordements.

Bruno Bourgeon http://www.aid97400.re

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