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D’après Alternatives Economiques du 22 Juin 2022

Les pesticides près de chez vous

Par Bruno Bourgeon

mardi 2 août 2022, par JMT

Les pesticides près de chez vous

L’usage des pesticides a des effets nocifs pour la santé humaine et pour celle de la planète. Cependant on ne sait pas forcément où ils sont épandus, ni s’ils sont très employés ou non par les agriculteurs. Cette information est désormais disponible et chacun y a accès.

Pour la première fois, grâce au travail de l’association Solagro, à l’origine du scénario Afterres 2050 (modélisation de la transition agroécologique en France), il est possible de localiser l’utilisation et l’intensité de l’usage des pesticides et sur le territoire métropolitain, à la maille de la commune. Cela, malheureusement, ne concerne pas l’Outremer. Or on le sait aussi : c’est bien en outremer que les pesticides sont le plus largement épandus.

Nombre d’IFT (index de fréquence des traitements des produits phyto-sanitaires) en France

En visualisant l’Hexagone dans son ensemble, les oppositions sont frappantes. D’un côté, des territoires protégés, principalement les zones de montagne (Alpes, Pyrénées, Massif central, Vosges, Jura) et les marais côtiers. On y voit les systèmes de polyculture et d’élevage, les prairies n’étant pas traitées et l’étendue des cultures limitée.

De l’autre, des territoires très spécialisés – vignes, arbres fruitiers, grandes cultures – où la pression chimique est maximale : le Bassin Parisien, les Hauts-de-France, les vallées de la Garonne et du Rhône, le Bordelais et le Languedoc-Roussillon.

En zoomant sur la carte interactive de Solagro , ou en effectuant une recherche par commune, on obtient les données près de chez soi.

Dans les zones les moins exposées, comme les Corbières par exemple, la fiche qui apparaît en cliquant à l’intérieur des limites communales indique que l’IFT moyen en 2020 est égal à zéro. Ce n’est pas très étonnant. Nous sommes dans une zone de petite montagne où le maquis dense de végétation méditerranéenne laisse peu de sols cultivables et pâturables, qui plus est fragiles, pentus et peu profonds. Ici, pas de vignes ni de fruitiers, on fait un peu de céréales et brouter des bêtes. Et 81% de la surface agricole est en bio.

Dans les zones les plus exposées, comme le Loiret par exemple, les oiseaux des champs, les insectes ont largement disparu, ainsi que les plantes messicoles, celles qui fleurissent durant les moissons, à l’image des adonis, qui paraient autrefois de leurs magnifiques pétales rouges le drapé des blés dorés, aujourd’hui menacés d’extinction. Les adonis, riches en pollen et qui jouent un rôle dans la fécondation d’autres espèces en attirant les abeilles, sont un bon indicateur de l’intensité de l’agriculture chimique en zone céréalière. Les chercheurs de Solagro ont donc logiquement choisi ce nom de baptême pour la plate-forme lancée le 22/06/2022, après plusieurs mois de travail.

L’indice de fréquence de traitement phytosanitaire (IFT) est l’un des indicateurs de mesure de l’usage des pesticides utilisés en France. A la différence des indicateurs construits sur les chiffres de ventes de produits, l’IFT est calculé à partir des données des enquêtes sur les pratiques culturales des agriculteurs, réalisées tous les quatre ans par le ministère de l’Agriculture. Il ne permet pas d’évaluer l’impact spécifique de tel ou tel produit sur l’environnement. Il donne une appréciation du niveau de dépendance des agriculteurs aux pesticides (ou d’une famille de pesticides), selon le type de culture (vigne, betteraves, maïs, etc.).

Par exemple, une parcelle d’orge affichant un IFT de 2 pour les herbicides signifie que l’agriculteur est quatre fois plus dépendant des herbicides qu’un agriculteur pour qui cet IFT serait de 0,5. L’enquête sur les pratiques culturales permet ainsi d’attribuer au niveau de chaque région et pour chaque type de culture un IFT moyen.

A partir du registre des cultures déclarées dans le cadre de la politique agricole commune et à partir du registre spécifique des parcelles viticoles, il est possible de connaître à la maille communale les superficies cultivées en bio et en conventionnel. Ainsi, pour chaque hectare en conventionnel, on y associe l’IFT de la culture correspondante (calculé en moyenne régionale). De là, le calcul d’un « IFT communal » pour chacune des communes françaises.

Ce travail est exceptionnel, il présente beaucoup d’intérêt :
- Il donne une valeur représentant localement le risque de pollution de l’eau, des sols, de l’air et des produits qui entrent dans la chaîne alimentaire.
- Il permet aux habitants de telle commune de se comparer à telle autre.
- Il donne aux agriculteurs une valeur de référence de leur commune.
- Il offre aux chercheurs la possibilité de croiser ces informations avec d’autres données référencées portant sur des sujets de santé publique – cancers par exemple – ou de biodiversité.
- Il fournit enfin des informations utiles pour les politiques publiques de santé nutritionnelle, de développement de l’agriculture biologique ou de baisse de l’usage des pesticides.

Pour l’heure, la plate-forme Adonis offre une photographie de la situation actuelle. Mais, dès que les données des prochaines enquêtes seront disponibles, il sera possible de mesurer les évolutions, au plus près du terrain. Il est prévu que cet outil soit enrichi d’une cartographie des départements et régions d’outre-mer (enfin !) et d’indicateurs environnementaux complémentaires.

Cet outil de suivi, dont chaque citoyen peut s’emparer pour interpeller les décideurs, est d’autant plus précieux que la France affiche un énorme retard, comme le rappelle Solagro. Le plan « Ecophyto 1 » adopté en 2009 prévoyait en dix ans une baisse de 50% de l’usage des pesticides.

Sur cette période, les ventes de ces produits ont progressé de 15% (mdr !), si bien qu’un plan « Ecophyto 2 » adopté en 2019 a reporté l’échéance à 2025 (re-mdr !). La sortie du glyphosate avait été annoncée pour 2022. Il n’en est plus question. Et les néonicotinoïdes ont été réautorisés sur les betteraves.

En ce qui concerne l’agriculture biologique, la loi Grenelle de 2009 avait pointé 20% de la surface agricole utile (SAU) en 2020. A cette date, 9,5% de la SAU était couverte. Puis 10,3% en 2021. La cible de 15% en 2022 ne sera pas atteinte. L’objectif européen de 25% est hors de portée.

Pour la santé publique, le quatrième plan national nutrition santé (PNNS4) défini pour la période 2019-2023 recommande de « privilégier des aliments cultivés selon des modes de production diminuant l’exposition aux pesticides pour les fruits et légumes, les légumineuses, les produits céréaliers complets ». Le PNNS a fixé un objectif de 20% de produits végétaux bio pour 100% de la population en 2023. La marche est haute : cette part représentait en 2021 4% du volume des produits alimentaires.

Ces objectifs que la France rate répondent au constat alarmant rappelé par Solagro dans son document de présentation de la plate-forme. La contamination de notre alimentation aux pesticides (près d’un tiers des fruits produits en Europe, par exemple) a un effet sans équivoque sur la mortalité humaine. L’usage de ces substances fait partie des facteurs les plus importants de l’effondrement de la biodiversité. Pour les oiseaux communs ou les plantes messicoles, c’est une véritable hécatombe.

Part de l’agriculture biologique dans la surface agricole utile

A ces destructions du vivant s’ajoute une pollution croissante des nappes phréatiques et des sols. Pour 35% des points de mesure, la concentration totale en pesticides dépasse la norme de 0,5 µg/l pour le total des substances, contre 14% en 2010, écrit Solagro.

Des substances dont la rémanence dans les sols est longue, avec des effets négatifs sur la vie biologique des sols, pourtant indispensable pour la santé des plantes. Même plus de vingt ans après la conversion de parcelles en agriculture biologique, on retrouve des résidus de produits toxiques. L’exemple-type est celui de la déséthyl-atrazine, retrouvée dans les sols réunionnais 18 ans après l’interdiction (2003) d’utilisation de l’atrazine, la molécule-mère.

Avec cette carte, chacun peut savoir. Et demander des comptes, surtout s’il habite dans le rouge.

Bruno Bourgeon http://www.aid97400.re

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