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D’après Reporterre du 23 Juin 2022 et Novéthic du 24 Juin 2022

Il existe toujours un traité international climaticide sur l’énergie

Par Bruno Bourgeon

mardi 9 août 2022, par JMT

Il existe toujours un traité international climaticide sur l’énergie

Pétrole en Californie. Les États-Unis ont un rôle d’observateur dans le traité (Flickr/CC0/Bureau of Land Management California)

Il est longtemps resté dans l’ombre, tel un pacte secret. Il sort de l’anonymat depuis quelques jours : le Traité International sur la Charte de l’énergie. Cet accord, méconnu de la majorité de la population, est un texte très puissant, qui gêne la transition écologique mondiale.

Des négociations sont en cours pour le réviser, et tenter de parvenir à un accord politique le 24 juin. Les organisations écologistes réclament un retrait de l’Union européenne de ce traité. Voici un résumé de ce Traité en 4 points.

1- Quel est ce Traité ?

Le Traité international sur la charte de l’énergie permet aux compagnies pétrolières et gazières de porter plainte contre les États qui menacent leurs intérêts financiers. Et donc, par extension, contre les pays qui mettent en place des politiques de lutte contre le réchauffement climatique. Ces procès ne sont pas menés au sein de tribunaux classiques, mais devant des tribunaux d’arbitrage privés.

Le traité international — surnommé « TCE » — est entré en vigueur en 1998. Il est actuellement signé par cinquante-deux pays, ainsi que par l’Union européenne (UE) en tant qu’organisation internationale.

Lassée d’être constamment attaquée en justice par des compagnies, la Russie (six poursuites judiciaires) a quitté le traité en 2009, suivie par l’Italie (13 poursuites) en 2016. L’Australie a également pris la porte en 2021.

2- Pourquoi les compagnies attaquent-elles des pays en justice ?

Parce qu’elles ont peur de perdre de l’argent, évidemment. Les Pays-Bas en ont fait les frais récemment, en annonçant en 2019 leur sortie du charbon d’ici à 2030. La compagnie allemande RWE a alors déposé plainte, réclamant une compensation de 1,4 milliard d’euros.

D’autres exemples sont compilés sur le site internet du Traité. On y constate que 150 plaintes d’investisseurs ont été déposées contre des États depuis 1998. C’est donc de l’argent public qui arrive dans les caisses de ces compagnies, pour la seule et unique raison que certains pays tentent de mettre en place des mesures climatiques plus ambitieuses.

Le Traité international sur la charte de l’énergie dissuade donc les États de s’engager davantage pour le climat. En avril, le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec) a vilipendé ce Traité dans le rapport de son troisième groupe de travail.

Des négociations sont actuellement en cours pour tenter de faire évoluer cet accord, même si les parlementaires et organisations écologistes n’y croient plus.

3- En quoi consistent ces négociations ?

Ces négociations sont loin d’être les premières : nous sommes aujourd’hui dans le quatorzième cycle de discussions. Les compagnies du secteur des énergies fossiles souhaitent élargir le nombre de pays signataires, tandis que l’Union européenne affirme vouloir rendre compatibles le Traité sur la charte de l’énergie avec l’Accord de Paris.

Or, « Pour changer une seule virgule dans ce traité, il faudrait un vote à l’unanimité de toutes les parties prenantes, dit Yamina Saheb, experte des politiques énergétiques et ancienne responsable de l’unité efficacité énergétique du secrétariat international du TCE. Ce n’est pas possible, parce que le PIB de certains pays dépend de la vente des énergies fossiles ».

Les négociations patinent donc, et sont très opaques pour le monde extérieur. « Quand on se heurte aux droits acquis des investisseurs privés, on se couche »
Les discussions porteraient actuellement sur l’introduction d’un « mécanisme de flexibilité » : une sorte de traité à la carte, où chaque pays pourrait décider quel investissement il ne veut plus protéger dans le cadre du TCE. Après 14 négociations, on s’aperçoit que la lutte contre le changement climatique, à hauteur de vue de ces participants, n’est pas une priorité : c’est tout simplement scandaleux.

4- Sortir de ce traité, la solution ?

C’est ce que réclament les organisations écologistes. Ainsi qu’une partie de la population, une pétition ayant recueilli plus d’1 million de signatures demande le retrait de l’UE et de la France de ce Traité. Puis qu’on ne peut accepter ce Traité ni le modifier, autant en sortir, non ?

La France avait fait un pas dans ce sens : quatre ministres avaient adressé une lettre à la Commission européenne en 2020, évoquant « l’option d’un retrait coordonné de l’Union européenne et de ses États membres ». Mais depuis, ni les ministres ni Emmanuel Macron n’ont poussé dans ce sens. Y compris durant la présidence française de l’UE.

L’hypothèse de l’annonce prochaine d’une sortie coordonnée du traité est donc peu plausible. Une clause du traité indique que, même en cas de retrait, les dispositions de l’accord continuent à s’appliquer aux investissements existants pendant encore vingt ans.

Une dernière réunion de négociation a eu lieu le 23 juin. Seule la ministre espagnole de la Transition écologique, Teresa Ribera, a exprimé publiquement son envie de voir l’UE se retirer du traité. Un accord politique — quel qu’il soit — doit être annoncé le 24 juin, lors d’une conférence ad hoc sur le traité, qui se tiendra à Bruxelles.

C’était la réunion de la dernière chance. La Commission européenne a pourtant décidé de rester signataire, ce 24 juin, lors de la réunion des pays membres du Traité, moyennant quelques aménagements qui devraient entrer en vigueur à partir du mois de novembre prochain. Voyez en quoi la parole de nos dirigeants politiques a bien peu de poids, ou combien leurs propos sont fourchus.

Bruno Bourgeon http://www.aid97400.re

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