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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2022-099

Quand les justes vont en prison

Par Chris Hedges, traduit par Jocelyne le Boulicaut

vendredi 19 août 2022, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT, enseignante universitaire d’anglais retraitée, pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

Quand les justes vont en prison

Le 1er Août 2022 par Chris Hedges

Le porc et le sifflet par M. Fish

[Le texte a été remanié pour des raisons de longueurs et de publications antérieures ici et ici NdT]

Lorsque ceux qui dénoncent les crimes de l’État sont criminalisés et envoyés en prison, alors la tyrannie est inévitable.

Daniel Hale, un ancien analyste du renseignement dans le domaine des transmissions de l’armée de l’air, âgé de 34 ans, purge une peine de 45 mois de prison, suite à sa condamnation en vertu de la loi sur l’espionnage pour avoir divulgué des documents classifiés sur le programme d’assassinat par drone de l’armée américaine et son lourd bilan civil. Ces documents seraient à l’origine de la publication de "The Drone Papers" par The Intercept, le 15 octobre 2015.

Ces documents ont révélé qu’entre janvier 2012 et février 2013, les frappes aériennes de drones des opérations spéciales américaines ont tué plus de 200 personnes, dont seulement 35 étaient les cibles visées. Selon les documents, sur une période de cinq mois d’opération, près de 90 % des personnes tuées par les frappes aériennes n’étaient pas les cibles visées. Les morts civils, généralement des passants innocents, étaient systématiquement classés comme « ennemis tués au combat ».

La terreur et le meurtre généralisé de milliers, voire de dizaines de milliers de civils ont constitué un puissant outil de recrutement pour les talibans et les insurgés irakiens. Les attaques aériennes ont créé beaucoup plus de combattants hostiles qu’elles n’en ont éliminés et ont rendu furieux de nombreux musulmans.

Daniel Hale (Photo : Bob Hayes)

Hale est actuellement détenu dans l’unité de gestion des communications (CMU) [adresse en fin de texte. Il s’agit d’un type de groupe autonome dans un établissement du Bureau fédéral des prisons des États-Unis, NdT], une unité spéciale qui restreint et surveille sévèrement les communications, y compris nos conversations, et les visites. Je tiens un récepteur de l’autre côté d’un plexiglas et je l’écoute décrire son parcours, depuis qu’il a travaillé pour la National Security Agency et la Joint Special Operations Task Force sur la base aérienne de Bagram en Afghanistan jusqu’à devenir le prisonnier fédéral 26069-07.

Hale fait partie des quelques dizaines de personnes de conviction qui ont sacrifié leur carrière et leur liberté pour informer le public des crimes, des fraudes et des mensonges du gouvernement. Plutôt que d’enquêter sur les crimes dénoncés et de demander des comptes à ceux qui les ont commis, les deux partis au pouvoir font la guerre à tous ceux qui les dénoncent.

Ces hommes et ces femmes de conviction sont la sève du journalisme. Sans eux, colonne vertébrale du journalisme, les reporters ne peuvent pas documenter les abus de pouvoir. Le silence de la presse sur l’emprisonnement de Hale, ainsi que sur la persécution et l’emprisonnement d’autres défenseurs d’une société libre, tels que Julian Assange, révèle une myopie stupéfiante. Si nos fonctionnaires les plus importants, ceux qui ont le courage d’informer le public, continuent à être criminalisés à ce rythme, nous scellerons définitivement une censure absolue, qui aboutira à un monde où les abus et les crimes des puissants seront dissimulés dans l’obscurité.

L’Associated Press a demandé lundi des réponses au ministère de la Sécurité intérieure concernant l’utilisation de bases de données gouvernementales sensibles pour la traque des terroristes internationaux afin d’enquêter sur une vingtaine de journalistes américains, dont un reporter reconnu de l’AP

Barack Obama a instrumentalisé la loi sur l’espionnage pour pouvoir poursuivre ceux qui ont fourni des informations classifiées à la presse. En effet, au cours de sa présidence, la Maison-Blanche, dont les attaques contre les libertés civiles ont été pires que celles du temps de l’administration Bush, a utilisé la loi de 1917, conçue pour poursuivre les espions, contre huit personnes ayant divulgué des informations aux médias, dont Assange — bien qu’il ne soit pas citoyen américain et que WikiLeaks ne soit pas une publication domiciliée aux États-Unis — ainsi qu’Edward Snowden, Thomas Drake, Chelsea Manning, Jeffrey Sterling et John Kiriakou, qui a passé deux ans et demi en prison pour avoir révélé la torture systématique de suspects détenus dans des sites noirs.

Toujours en vertu de la loi sur l’espionnage, le 13 juillet 2022, Joshua Schulte, un ancien ingénieur en logiciel de la CIA, a été reconnu coupable de la fuite dite Vault 7, publiée par WikiLeaks en 2017, qui a révélé comment la CIA a piraté des smartphones Apple et Android et transformé des téléviseurs connectés à Internet en dispositifs d’écoute. Il encourt jusqu’à 80 ans de prison.

Le secrétaire à la Sécurité intérieure, Alejandro Mayorkas, s’adresse aux journalistes au port d’entrée de San Ysidro, le 7 décembre 2021, à San Diego.. (AP Photo/Gregory Bull, File)

Obama a plus utilisé la loi sur l’espionnage contre ceux qui fournissaient des informations aux médias que toutes les administrations précédentes réunies. Il a créé un précédent juridique terrifiant, assimilant le fait d’informer le public à de l’espionnage pour une puissance hostile.

J’ai publié des documents classifiés lorsque j’étais journaliste au New York Times, mais nous approchons rapidement du jour où la simple possession de ces documents, ainsi que leur publication, seront illégales, comme c’est déjà le cas au Royaume-Uni. Il n’y a qu’un pas de la criminalisation du journalisme à l’emprisonnement et au meurtre de journalistes, comme Jamal Khashoggi à Istambul au consulat saoudien en 2018. Alors qu’Assange était réfugié à l’ambassade d’Équateur à Londres, la CIA a envisagé son enlèvement et son assassinat après la publication des documents Vault 7.

La loi sur l’espionnage a été utilisée à mauvais escient par le passé. Le président Woodrow Wilson s’en est servi pour jeter en prison des socialistes, dont Eugene V. Debs, qui s’opposaient à la participation de l’Amérique à la Première Guerre mondiale. Mais ce n’est que sous l’administration Obama que la presse en a été systématiquement victime.

Dans le cadre des activités de surveillance généralisée menées par le gouvernement, au sujet desquelles de nombreuses personnes inculpées en vertu de la loi sur l’espionnage ont tenté d’alerter le public, les journalistes sont également soumis à une surveillance. La surveillance de la presse, ainsi que de ceux qui tentent d’informer le public en fournissant des informations aux reporters, a largement mis fin aux enquêtes sur les mécanismes du pouvoir. Le prix à payer pour dire la vérité est trop élevé.

Hale, formé dans l’armée comme linguiste en mandarin, a ressenti un certain malaise dès qu’il a commencé à travailler dans le cadre du programme secret des drones. « J’avais besoin d’un salaire », dit-il en parlant de son travail dans l’armée de l’air et plus tard comme entrepreneur privé dans le programme de drones, « J’étais sans abri. Je n’avais nulle part où aller. Pourtant je savais que ce n’était pas bien ».

Alors qu’il était en poste à Fort Bragg, en Caroline du Nord, il a pris une semaine de congé en octobre 2011 pour camper dans le parc Zuccotti de New York pendant le mouvement Occupy Wall Street. Il était en uniforme — un acte courageux, réel défi de la part de quelqu’un en service actif — et brandissait une pancarte sur laquelle on pouvait lire "Libérez Bradley Manning", qui n’avait pas encore annoncé sa transition de genre.

Logo CIA

« J’ai dormi dans le parc, dit-il. J’étais là le matin où le [maire] Bloomberg et sa compagne ont fait la première tentative pour faire dégager les occupants. J’étais aux côtés de milliers de manifestants, dont des travailleurs des Teamsters [très puissant syndicat, NdT] et des communications, qui encerclaient le parc. La police a fait marche arrière. J’ai appris plus tard que, pendant que j’étais dans le parc, Obama a donné l’ordre d’une attaque par drone au Yémen, celle-ci a tué (https://web.archive.org/web/20220226224744/https://www.nytimes.com/2013/07/18/opinion/the-drone-that-killed-my-grandson.html) Abdulrahman Anwar al-Awlaki, le fils de 16 ans du religieux radicalisé Anwar al-Awlaki, lui-même tué par une attaque de drone deux semaines plus tôt ».

Quelques mois plus tard, Hale a été affecté à la base aérienne de Bagram, en Afghanistan. Il a décrit son travail dans une lettre au juge : « La première fois que j’ai été témoin d’une frappe de drone, c’était quelques jours après mon arrivée en Afghanistan. J’étais chargé de localiser l’emplacement géographique d’appareils de téléphonie cellulaire censés être en possession de soi-disant combattants ennemis. Ce matin-là, avant l’aube, un groupe d’hommes s’était rassemblé dans les montagnes de la province de Patika autour d’un feu de camp, ils portaient des armes et préparaient du thé. Parmi eux se trouvait un membre présumé des Talibans, trahi par l’appareil cellulaire ciblé qu’il avait dans sa poche. Quant aux autres individus, le fait d’être armés, d’avoir l’âge d’être militaire et d’être assis en présence d’un combattant ennemi présumé constituait une preuve suffisante pour les placer également sous surveillance. Bien qu’ils se soient rassemblés de manière pacifique et qu’ils n’aient représenté aucune menace, le destin de ces hommes qui étaient simplement en train de boire du thé était pratiquement scellé. Je ne pouvais que rester là, assis, regardant sur un écran d’ordinateur, quand une soudaine et terrible rafale de missiles de feu de l’enfer s’est déclenchée, éclaboussant de tripes cristallines de couleur violette le flanc de la montagne dans le petit matin. Depuis lors et jusqu’à aujourd’hui, je continue de revivre plusieurs scènes de violence graphique exécutées depuis le confort froid d’un fauteuil d’ordinateur. Il ne se passe pas un jour sans que je m’interroge sur la légitimité de mes actes. Comment peut-on considérer comme respectable le fait de guetter en permanence une nouvelle occasion de tuer des personnes qui ne se doutent de rien , qui, le plus souvent, ne représentent aucun danger pour moi ou pour quelque personne que ce soit à ce moment-là. Sans parler de ce qui est acceptable, comment une personne sensée a-t-elle pu continuer de penser que la protection des États-Unis d’Amérique exigeait une présence en Afghanistan et l’assassinat de gens, dont aucun n’était responsable des attaques du 11 septembre contre notre nation. Malgré cela, en 2012, une année entière après la disparition d’Oussama ben Laden au Pakistan, j’ai participé à la mise à mort de jeunes hommes égarés qui n’étaient que des enfants le jour du 11 septembre. »

Drone militaire (Source : Bureau of Investigative Journalism)

Après avoir quitté l’armée de l’air, entre décembre 2013 et août 2014, Hale a travaillé pour l’entreprise privée de défense National Geospatial-Intelligence Agency en tant qu’analyste en géographie politique. « Je gagnais 80 000 dollars par an », me dit-il dans le combiné.

Mais inspiré par le militant pacifiste David Dellinger, Hale a décidé de devenir un « traître » à « l’American way of death ». Il allait faire amende honorable pour sa complicité dans les meurtres, même au prix de sa liberté. Il a divulgué 17 documents classifiés qui ont révélé le nombre élevé de morts civiles dues aux frappes de drones. Il est devenu un fervent et éminent détracteur du programme de drones.

Hale ayant été inculpé en vertu de la loi sur l’espionnage, il n’a pas été autorisé à expliquer ses motivations à la cour. Il lui a également été interdit de fournir à la cour des preuves que le programme d’assassinat par drone a tué et blessé un grand nombre de non-combattants, y compris des enfants.

« Les preuves relatives à l’opinion de l’accusé concernant les procédures militaires et de renseignement détourneraient inutilement le jury de la question de savoir s’il a illégalement conservé et transmis des documents classifiés, et transformerait plutôt le procès en une enquête au sujet des procédures militaires et de renseignement des États-Unis », ont déclaré les avocats du gouvernement dans une motion lors du procès de Hale.

« Il se peut que le prévenu souhaite que son procès pénal devienne un forum consacré à autre chose qu’à sa culpabilité, mais ces débats ne peuvent pas éclairer et n’éclairent pas les questions centrales de cette affaire : le prévenu a-t-il illégalement conservé et transféré les documents qu’il a volés ? », indique encore la motion du gouvernement.

Les drones tirent souvent des missiles Hellfire équipés d’une ogive explosive pesant environ 20 livres. Une variante du Hellfire, connue sous le nom de R9X, porte une ogive inerte. Au lieu d’exploser, elle projette environ 45 kg de métal pouvant traverser un véhicule. L’autre caractéristique de ce missile est qu’il est équipé de six longues lames qui se déploient quelques secondes avant l’impact, déchiquetant tout ce qui se trouve devant lui, y compris les personnes.

Les drones planent 24 heures sur 24 dans le ciel de pays comme l’Irak, la Somalie, le Yémen, le Pakistan, la Syrie et, avant notre défaite, l’Afghanistan. Commandés à distance depuis des bases de l’armée de l’air aussi éloignées des sites cibles que le Nevada, les drones tirent des munitions qui détruisent instantanément et sans avertissement des maisons et des véhicules ou tuent des groupes de personnes. Hale a découvert que de jeunes opérateurs de drones en avaient plaisanté, assimilant les enfants victimes d’attaques de drones à des « terroristes miniatures pour rire ».

Ceux qui survivent aux frappes de drones sont souvent sévèrement mutilés, perdant des membres, souffrant de graves brûlures et de blessures par éclats d’obus, et perdant la vue et l’ouïe. « Comme l’a dit un opérateur de drone, a-t-il lu au tribunal, Vous arrive-t-il de marcher sur des fourmis et de ne plus y penser ? ». C’est ce qu’on vous fait penser concernant les cibles. Ils le méritaient, ils avaient choisi leur camp.

Il vous a fallu annihiler une partie de votre conscience pour pouvoir continuer votre travail, ignorant la voix intérieure qui vous dit que ce que vous faites n’est pas bien. Moi aussi, j’ai ignoré cette voix intérieure en continuant à marcher aveuglément vers le bord d’un abîme. Et lorsque je me suis retrouvé au bord du gouffre, prêt à abandonner, la voix m’a dit : « Toi qui étais un chasseur d’hommes, tu ne l’es plus. Maintenant, va de l’avant, de sorte que d’autres puissent savoir la vérité ».

Paradoxalement, c’est l’élection d’Obama qui a incité Hale à s’engager dans l’armée de l’air. « Je pensais qu’Obama, qui alors qu’il était candidat était opposé à la guerre en Irak, mettrait fin aux guerres et à l’anarchie de l’administration Bus », dit-il.

À gauche, une voiture détruite par une frappe aérienne de drone américain visant des militants présumés d’Al-Qaïda en 2012 au Yémen. ( KHALED ABDULLAH/REUTERS) À droite, une frappe aérienne américaine utilisant un Hellfire modifié a tué le chef adjoint d’al-Qaïda Abu Khayr al-Masri en Syrie en 2017.(BUREAU DE LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE ET DE LA PRÉPARATION DU NEW JERSEY.)

Cependant, quelques semaines après le début de son mandat, Obama a approuvé le déploiement de 17 000 soldats supplémentaires en Afghanistan, alors que 36 000 soldats américains et 32 000 soldats de l’OTAN étaient déjà déployés. À la fin de cette année là, Obama a encore augmenté de 30 000 le nombre de militaires en Afghanistan, doublant aussi ainsi le nombre de victimes américaines.

Il a également développé massivement le programme de drones, faisant passer le nombre de frappes de quelques dizaines l’année précédant son entrée en fonction à 117 au cours de sa deuxième année de mandat. Lorsqu’il a quitté ses fonctions, Obama avait orchestré 563 frappes de drones qui avaient tué environ 3 797 personnes, dont de nombreux civils.

Obama a autorisé les « signatures strikes », qui permettent à la CIA de mener des attaques de drones contre des groupes de militants présumés sans avoir à obtenir une quelconque identification. Son administration a approuvé les frappes de "suivi" ou "double frappe", au cours desquelles étaient déployés des drones visant à frapper toute personne ayant aidé les personnes qui avaient été blessées par la première frappe de drone.

Oiseau national

Le Bureau des journalistes d’investigation a rapporté en 2012 qu’au cours des trois premières années du mandat d’Obama, « au moins 50 civils ont été tués dans des frappes de suivi alors qu’ils n’étaient là que pour aider les victimes » . Obama a élargi le champ d’action du programme de drones au Pakistan, à la Somalie et au Yémen, et a établi des bases de drones en Arabie saoudite et en Turquie.

L’existence du Terrorist Identities Datamart Environment (TIDE) n’est pas classifiée, et pourtant, les détails de son fonctionnement au sein de notre gouvernement sont totalement inconnus du public. Ce fichier de données ne comporte pas seulement les noms, dates de naissance et autres informations d’identification des cibles potentielles, on y trouve aussi « les dossiers médicaux, les relevés de notes et les données des passeports ; les numéros de plaque d’immatriculation, les adresses électroniques et les numéros de téléphone portable ; les numéros de compte bancaire et la liste des achats ; ainsi que d’autres informations sensibles, y compris des photographies permettant une identification via un logiciel de reconnaissance faciale.

Les données des suspects sont collectées et centralisées par l’alliance du renseignement formée de l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et les États-Unis, connue sous le nom de Five Eyes. Chaque individu figurant sur la liste se voit attribuer un numéro personnel. Comme Hale l’a exposé dans les documents ayant fait l’objet d’une fuite, sur les plus d’un million d’entrées de la base de données TIDE figurent environ 21 000 citoyens américains.

« Lorsque le président se tient debout, face à la nation et dit qu’ils font tout ce qu’ils peuvent pour s’assurer qu’il n’y aura presque pas de civils tués, il le dit parce qu’il ne peut pas dire le contraire », déclare Hale dans le documentaire National Bird (https://www.documentarymania.com/player.php?title=National%20Bird) [récompensé d’un prix Ridenhour qui est attribué à ceux qui persévèrent dans leur volonté de transmettre la vérité avec les objectifs de protéger l’intérêt public, de faire la promotion de la justice sociale ou de mettre en lumière une société plus juste, Ndt]. « Mais ce n’est qu’après le lancement de quelque type de munitions que ce soit qu’il est possible de connaître l’étendue des dégâts réels ».

« Les gens qui sont en faveur des drones, et qui défendent la façon dont ils sont utilisés, disent qu’ils protègent la vie des Américains dans la mesure où ils ne les mettent pas en danger, dit-il dans le film. Mais si le hasard fait qu’ils ne tuent pas la personne en question, ou que d’autres personnes impliquées dans l’attaque sont également tuées, cela reste sans aucune conséquence. Ainsi, tant qu’ils peuvent identifier que toutes les personnes sont des hommes d’âge militaire, c’est-à-dire toute personne dont on pense qu’elle a 16 ans ou plus, alors il s’agit bien de cibles légitimes. Si la frappe est effectuée et les tue tous, alors, ils disent simplement qu’ils les ont tous eus ». Les drones, dit-il, rendent le meurtre à distance « facile et pratique ».

En 2019, l’administration Trump a inculpé Hale selon quatre chefs d’accusation relevant de la violation de la loi sur l’espionnage et selon un chef d’accusation concernant le vol de biens gouvernementaux. Dans le cadre d’un accord de négociation de peine, il a plaidé coupable pour un des chefs d’accusation de violation de la loi sur l’espionnage.

« Il semblerait que je sois ici aujourd’hui pour répondre du crime de vol de documents, pour lequel je m’attends à passer une partie de ma vie en prison, a-t-il déclaré lors de sa condamnation. Mais ce pour quoi je suis vraiment ici, c’est pour avoir volé quelque chose qui ne m’a jamais appartenu : une précieuse vie humaine. Pour cela, j’ai été bien indemnisé et j’ai reçu une médaille. Ma décision de partager avec le public des informations classifiées sur le programme de drones était un geste qui n’a pas été pris à la légère. Je n’ai pas agi dans le but de me faire valoir, mais pour pouvoir un jour demander humblement pardon ».

Je connais quelques Daniel Hale. Ils ont rendu possible mes reportages les plus importants. Ils ont permis aux vérités d’être dites. Ils ont tenu les puissants pour responsables. Ils ont donné une voix aux victimes. Ils ont informé le public. Ils ont fait appel à l’état de droit. Je suis assis en face de Hale et je me demande si c’est la fin, si lui, et d’autres comme lui, seront complètement réduits au silence. L’emprisonnement de Hale est un microcosme du vaste goulag qui se construit pour nous tous.

Il est possible d’écrire à Daniel Hale :

Daniel Everette Hale 26069-075
USP Marion
P.O. Box 1000
Marion, Illinois 62959

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