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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2022-116

Guerre par procuration des USA en Ukraine

Par Connor Echols, traduction par Jocelyne Le Boulicaut

mercredi 28 septembre 2022, par JMT

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Guerre par procuration des USA en Ukraine

Le 7 septembre 2022 par Connor Echols

Les soldats ukrainiens ont utilisé des systèmes de missiles Harpoon comme ceux illustrés ci-dessus pour détruire deux navires russes en juin, selon un responsable du Pentagone (Shutterstock/ Leonard Zhukovsky)

Les militaires américains ont formé les Ukrainiens peu avant que ces derniers ne coulent deux navires russes. La révélation du Pentagone ajoute aux inquiétudes selon lesquelles Washington est engagé dans une guerre par procuration avec la Russie, risquant de dégénérer en un conflit à grande échelle.

Des soldats ukrainiens formés par les États-Unis ont coulé deux navires russes en juin, selon Bill LaPlante, principal responsable pour toutes les questions relatives à l’acquisition et au maintien en puissance au ministère de la Défense. L’incident s’est produit deux mois seulement après que Washington a donné à l’Ukraine des renseignements qui ont aidé celle-ci à couler le Moskva, alors le plus puissant navire de guerre russe en mer Noire.

Washington a formé les combattants à l’utilisation des missiles antinavires Harpoon au cours du week-end du Memorial Day, au début de cette année. « La semaine suivante, deux navires russes ont été coulés », a déclaré LaPlante lors d’une interview avec Defense News.

Cette information est tombée moins d’une semaine après que l’on ait appris que Washington avait organisé des manœuvres avec Kiev afin de préparer la contre-offensive de Kherson, soulignant ainsi les liens opérationnels étroits entre les armées américaine et ukrainienne. Cette nouvelle renforce les inquiétudes selon lesquelles les États-Unis sont engagés dans une guerre par procuration à grande échelle avec la Russie, comme l’a récemment affirmé Kelley Vlahos dans Responsible Statecraft.

« Comme d’habitude, il semble que l’administration veuille jouer sur les deux tableaux : assurer au peuple américain qu’elle fait preuve de « retenue » et que nous ne sommes pas « en guerre » avec les Russes, tout en faisant le maximum hormis le fait de poster un soldat américain et de déployer un drapeau en Ukraine », a écrit Vlahos.

Les experts estiment qu’un tel conflit par procuration soulève deux inquiétudes. Tout d’abord, les États-Unis seront incités à faire durer le conflit aussi longtemps que possible afin de maximiser les dommages infligés aux intérêts stratégiques de la Russie.

« Les guerres par procuration sont depuis longtemps un moyen de rivaliser entre grandes puissances, car elles permettent à une des parties de faire souffrir l’autre sans qu’il y ait de confrontation directe des armes », écrivait Hal Brands de l’American Enterprise Institute en mai dernier.

Comment les missiles anti-navires Harpoon de l’arsenal ukrainien peuvent déséquilibrer la Russie dans la région de la Mer Noire (Source AFP)

« Le secret de cette stratégie consiste à trouver un partenaire local dévoué — prêt à tuer et à mourir — puis à lui fournir les armes, l’argent et les renseignements nécessaires pour infliger des coups durs à un rival vulnérable » (Brands, qui privilégie cette approche, a souligné que les États-Unis gagneraient à mener plus discrètement une stratégie de ce type).

Ce constat est d’autant plus préoccupant que l’on a appris récemment que l’ancien Premier ministre britannique Boris Johnson, qui était alors un acteur clé de la coalition occidentale de soutien à l’Ukraine, a probablement contribué à faire échouer une négociation de paix en avril dernier.

En d’autres termes, les dirigeants occidentaux n’ont guère intérêt à encourager Moscou et Kiev à mettre fin à la guerre s’ils sont convaincus que la prolongation du conflit contribuera à "saigner" la Russie.

Le croiseur russe à missiles guidés "Moskva", navire amiral de la flotte russe de la mer Noire, est vu ancré près de Mumbai, en Inde, sur une photo d’archive du 21 mai 2003 (ROY MADHUR/REUTERS)

La deuxième préoccupation est peut-être la plus importante : le risque d’escalade vers une guerre totale entre les États-Unis et la Russie. Des agents de la CIA sont déjà présents sur le sol Ukrainien et des forces d’opérations spéciales sont postées à proximité, et la coopération manifestement étroite des États-Unis avec les forces ukrainiennes pourrait à un moment donné convaincre le président russe Vladimir Poutine que l’Amérique est véritablement un belligérant dans cette guerre.

« Si les États-Unis et l’OTAN cherchent à obtenir la défaite inconditionnelle de la Russie par des moyens non conventionnels — guerre par procuration et guerre économique — pouvons-nous raisonnablement nous attendre à ce que Moscou consente à des modalités permettant un conflit indirect qui tire parti de nos forces ? » écrivait George Beebe du Quincy Institute in Responsible Statecraft en avril.

« Pendant combien de temps Moscou s’abstiendra-t-il d’exercer des représailles directes contre l’Occident, notamment si l’opération russe dans le Donbass commence à s’essouffler ? »

En attendant, les opérations de Moscou dans le Donbass ont déjà commencé à faiblir, mais il semble peu probable que Washington tienne compte de l’avertissement de Beebe.

La Maison Blanche a annoncé, il y a quelques jours, qu’elle souhaitait que le Congrès autorise le versement d’une aide militaire supplémentaire de 7 milliards de dollars en faveur de l’Ukraine, qui viendrait s’ajouter aux quelque 13 milliards de dollars d’aide létale déjà alloués par les États-Unis.

Cet argent démontre que Washington continue de se concentrer sur le champ de bataille plutôt que sur la table des négociations.

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