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85 ème chronique de la Macronésie

CM85 - Libérons-nous des énergies fossiles

par Dr Bruno Bourgeon, porte-parole d’AID

vendredi 16 novembre 2018, par JMT

Contrairement à la propagande poujadiste qui voudrait qu’on ne change rien des dispositions ubuesques qui perdurent depuis des décennies grâce aux lobbys routier et des énergies fossiles, voilà pourquoi il faut une vraie transition écologique et pas la farce macronésienne à base de greenwashing et de théâtralisation avec la complicité de ministres de l’écologie dignes d’un opéra-bouffe :

Autre avantage de supprimer toutes les aides fiscales au transport diesel en plus de l’amélioration de la santé :
* diminution des transports inutiles dont le coût deviendra trop lourd pour des produits bas de gamme
* moindre concurrence déloyale avec le train (électrique) qui paie tous ses coûts contrairement aux camions
* nécessité pour le transport routier de se réorganiser et notamment de cesser d’exploiter sa main d’oeuvre en pratiquant là-aussi la vérité des coûts
* incitation à la reconversion énergétique écologique en transférant les crédits

Mais attention, demain on ne rasera pas gratis : même si elle est gratuite à la base, une énergie renouvelable aura toujours un coût relativement élevé à cause de la nécessité de la transformer, le plus souvent en électricité pour pouvoir l’utiliser, de la nécessité d’avoir un "mix énergétique" diversifié et un réseau et des installations de régulation assurant la sécurité énergétique face aux aléas du climat.

En ce sens , la "privatisation" des barrages hydroélectriques qui est la (mauvaise) réponse macronésienne à la demande de concurrence et d’efficacité de la Commission Européenne pourrait devenir curieusement un événement positif pour peu que les acteurs majeurs concernés que sont les intercommunalités, qui disposent de la totalité des prérogatives de gestion des cours d’eau et des usages de l’eau, daignent créer les SEM que la loi leur autorise dans ce but. On aurait ainsi une "territorialisation" de l’équipement et de la gestion des ouvrages d’ énergies renouvelables à vocations multiples plutôt que de laisser des multinationales énergétiques se gaver de dividendes sur le dos des consommateurs en "écrémant" les meilleurs sites et en condamnant les autres à l’abandon. Bien évidemment, la CNR et la SHEM devront dans ce cadre voir leur actionnariat redevenir majoritairement territorial

Libérons-nous des énergies fossiles

On comprend les inquiétudes des citoyens face à l’augmentation des prix des carburants. Toutefois, la mobilisation ne doit pas être focalisée sur une action à court terme. Un combat d’avenir doit s’engager pour réduire notre dépendance aux énergies fossiles et accélérer la mutation vers des solutions qui conduiront à la maîtrise des coûts de la facture énergétique, pour l’économie, pour le portefeuille de chacun, et pour la qualité de l’air et du climat.

En 2019, une personne qui roule au diesel et parcourt 18 500 km en moyenne, le coût supplémentaire de la TICPE sera de 51€ (60€ TVA comprise) en métropole. Les 12 000 km annuels réalisés par un automobiliste qui roule à l’essence, lui coûteront 22€ de plus (26€ TVA incluse).

Les taxes écologiques sont indispensables, afin d’orienter les transports vers des carburants et des modes moins polluants. Elles doivent inciter la France à se tourner vers des énergies plus respectueuses de la santé et du climat.

Le rattrapage de la fiscalité entre l’essence et le gazole, mis en place par le gouvernement précédent au moment du scandale des émissions du diesel est justifié par l’impact avéré sur la santé des produits issus de la combustion du gazole, classés cancérigènes certains par l’Organisation Mondiale de la Santé en 2012. Cette orientation est bénéfique pour l’intérêt commun et participe déjà à la forte baisse actuelle de la part des voitures diesel dans l’achat de véhicules neufs. Il faut s’en réjouir.

Ce rattrapage supprime des exonérations fiscales qui avaient été instaurées en France dans les années 1980 pour soutenir la filière diesel et qui n’ont plus de raison d’être. La pollution de l’air a un coût exorbitant pour la société et l’économie française, estimé à 100 Md€ par an par le Sénat. 48 000 personnes décèdent chaque année en France en lien avec la pollution de l’air. Les transports sont responsables de 60 % des émissions de dioxyde d’azote, 15 à 20 % des particules. Au total près de 400 polluants ont été identifiés par l’ANSES en lien avec les infrastructures routières. 114 de ces polluants disposent d’au moins une Valeur Toxicologique de Référence et 30 autres sont classés cancérigènes par le CIRC.

Actuellement, la Composante Climat Énergie représente seulement 7 % du prix à la pompe de l’essence, 8 % du gazole et moins de 2 % du gazole professionnel. Les énergies fossiles sont responsables de 80 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Il est urgent de favoriser d’autres énergies, pour les transports, la mobilité et l’habitat.

L’urgence climatique a été rappelée par le GIEC en octobre : nous devons agir rapidement et réduire de 45 % nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Les bouleversements climatiques, qui se font déjà ressentir en France, coûteront beaucoup plus cher à chacun d’entre nous que la fiscalité écologique. Le manque d’eau aura pour effet l’augmentation des coûts de l’alimentation. La montée de la prévalence d’événements climatiques (inondations, montée du niveau de la mer, éboulements, glissements de terrain…) aura un coût direct pour les personnes affectées et indirect pour tous les assurés.

Les citoyens ont besoin de mieux connaître le montant des prélèvements réalisés sur les carburants et de savoir comment sont utilisés les fonds collectés pour la transition. Ces efforts de pédagogie et de transparence sont indispensables pour l’acceptabilité des taxes.

Le produit des taxes perçues doit être orienté en priorité vers les populations plus modestes et les plus dépendantes des énergies fossiles, en particulier dans les zones périurbaines ou rurales, sans solutions de mobilité alternatives. Ces fonds doivent financer les solutions de mobilité alternatives (prime à la conversion, prime à la mobilité), que ce soit la motorisation du véhicule ou le passage à d’autres solutions de transports (vélo à assistance électrique, transports collectifs, autopartage, covoiturage…).

Il faut donner un sens à la hausse de la fiscalité écologique en orientant une partie des recettes vers l’Agence de Financement des Infrastructures (AFITF), afin de financer les infrastructures de transport qui impactent moins notre santé et le climat que la route (transports en commun, ferroviaire, fluvial…). À titre d’exemple le budget de L’AFITF n’est alimenté qu’à hauteur de 1,2 Md€ sur les 37 Md€ de recettes de la TICPE prévues en 2019.

Une partie des fonds récoltés doivent aussi financer la surveillance de la qualité de l’air. Le transport est l’un des principaux émetteurs de polluants atmosphériques, mais ne participe pas au financement de la surveillance de la qualité de l’air, contrairement au secteur industriel qui le fait par le biais de la Taxe Générale sur les Activités Polluantes (TGAP).

La rénovation énergétique de l’habitat doit continuer d’être soutenue en abondant financièrement les différents mécanismes actuels et en les renforçant. À terme, la facture énergétique sera maîtrisée de façon durable, pour chacun, pour le chauffage comme pour la mobilité.

En 2017, pour un total de 30,5 Md€ de taxes perçues sur les carburants (hors TVA), l’État français a accordé des ristournes fiscales de 7,6 Md€ sur le gazole professionnel à différents secteurs économiques, dont le transport routier de marchandises. Ceci représente des exemptions de 25 % des taxes sur les carburants.

De plus, depuis 2016, le gazole professionnel est exempté de l’augmentation de la Contribution Climat Énergie, pour environ 2 cts€/l, soit pratiquement 1 Md€ d’exemption fiscale supplémentaire chaque année. L’effort pour la transition écologique repose ainsi injustement sur les seuls ménages. D’après le Conseil d’Orientation des Infrastructures, ces exonérations vont continuer à s’accroître fortement d’ici la fin du quinquennat si elles ne sont pas remises en question, pour dépasser 3 Md€ en 2022.

De plus, sur autoroute, les automobilistes paient aussi pour les camions. Le prix du péage poids lourd n’est que 3 fois plus élevé que celui du péage automobile, alors que les véhicules lourds usent beaucoup plus rapidement les routes que les véhicules légers. Les poids lourds et véhicules utilitaires ne représentent que 21,5 % du trafic routier, mais engendrent 42,7 % des émissions de gaz à effet de serre en France.

Les exonérations, qui sont en réalité des subventions aux énergies fossiles, engendrent dans l’OCDE des coûts sanitaires six fois supérieurs au niveau de ces exonérations. Elles sont contre-productives aussi concernant le report du trafic des marchandises de la route vers le rail, le fluvial ou le maritime.

La part du fret ferroviaire, un mode de transport beaucoup plus respectueux de la santé publique et du climat, continue de chuter en France. En 2017, seulement 9 % des marchandises étaient transportées par le rail, contre 20 % en 1990.

Contrairement à ce qu’annoncent les transporteurs routiers, la part du coût des transports dans le prix d’un produit à la consommation est minime. Il représente 4 à 8 % de son prix total, selon le type de production. Un renchérissement du prix du transport aurait un effet insensible sur le prix final d’un produit, mais pourrait favoriser une relocalisation de certaines productions, redynamiser l’économie de proximité et réduire les distances parcourues, et donc les émissions polluantes.

L’extraction du pétrole est un procédé de plus en plus coûteux et de plus en plus impactant pour l’environnement : sables bitumineux, exploitation des fonds sous-marins, fracturation hydraulique… Cette ressource est importée et dépendante des politiques de pays exportateurs, mais aussi du cours du dollar et le l’euro.

Les taxes ne sont pas la première cause de la flambée du prix de l’essence et du diesel : la part des taxes a en fait stagné depuis 11 ans. Le prix du cours du baril (Brent) a quant à lui explosé depuis 3 ans : 1er janvier 2016 : 30,69 $, 1er septembre 2018 : 78,89 $. En octobre, 70 % de l’augmentation du prix de l’essence à la pompe était liée à la hausse du coût de l’essence hors taxes. 62 % de l’augmentation du gazole était liée au coût du brut. Se focaliser sur la seule baisse des prix des carburants dans l’immédiat, serait continuer à aggraver notre dépendance toxique aux énergies fossiles et continuer à nous exposer à la volatilité des cours du pétrole.

Pour permettre l’acceptabilité de la hausse de la fiscalité par nos concitoyens, qui va dans le sens des politiques à mener pour réduire la nocivité de certains transports et lutter contre le changement climatique, il est nécessaire de donner du sens à ces choix, en :

- Orientant les 4 Md€ de recettes supplémentaires dans le budget 2019 vers les mutations de nos modes de déplacements, avec des aides renforcées pour les plus modestes et les zones dépendantes de la voiture individuelle.

- Supprimant les exonérations fiscales sur les carburants (dont le gazole professionnel routier), avec l’accompagnement des secteurs en difficulté vers des modes de transports moins consommatrices d’énergies fossiles.

Bruno Bourgeon, porte-parole d’AID (www.aid97400.re)

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PUBLICATION DANS LES MEDIAS LOCAUX

* Courrier des lecteurs de Zinfos974 du

* Courrier des lecteurs de Clicanoo.re du 14 nov 2018, 20h26

* Courrier des lecteurs d’ Imaz-Press Réunion publié le

* Courrier des lecteurs dans Le Quotidien de la Réunion du

LIENS

* Argumentaire FNE sur les carburants

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