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86 ème chronique de la Macronésie

CM86 - La dimension régressive de la fiscalité indirecte

par Dr Bruno Bourgeon, porte-parole d’AID

lundi 19 novembre 2018, par JMT

Les taxes seraient régressives, c’est à dire, que le rapport entre le montant des taxes payées et le revenu, diminue au fur et à mesure que le revenu s’élève. Il n’y a pas de fatalité là derrière, mais les taxes sont le plus souvent assises sur les biens de consommation courante qui sont une part décroissante quand le niveau de revenu augmente.

Mais il n’y a pas que les taxes. Les personnes ayant les revenus les plus faibles subissent continûment des augmentations de charges en tous genres, habitent des logements de piètre qualité, utilisent des véhicules peu performants et polluants,ont de longs temps de transports pour aller travailler, vivent dans des quartiers qui se dégradent, subissent les violences et les incivilités, les harcèlements, etc...

Dans la plupart des cas, mais pas exclusivement, le facteur déclenchant ou aggravant est le manque d’argent.
Il y a trop de français pauvres parce qu’on manque d’emplois, parce que de nombreux emplois sont mal rémunérés et parce que le coût basique de la vie, les "dépenses contraintes" générées par notre mode de vie actuel sont beaucoup trop élevées pour 20 à 30 milllions de français.

Et cerise pourrie sur le gâteau rassis, l’arrogance des classes riches et très riches qui ne comprennent pas ce mal de vivre et qui bien au contraire, lorgnent sur le "pognon de dingues", ces quelques miettes que la république solidaire avait inventées pour restreindre les distorsions trop criantes aux principes d’égalité et de fraternité.

Les économistes libéraux étatsuniens ont un temps prôné l’impôt négatif pour relancer l’économie en redonnant de manière ciblée du pouvoir d’achat aux classes pauvres. Pourquoi ne pas le faire, comme préfiguration d’un véritable revenu de base, en versant mensuellement un crédit d’impôt forfaitaire, calculé comme l’accroissement des dépenses subies par un célibataire n’ayant pour tout revenu que le SMIC. Ce crédit d’impôt versé à tous entrerait dans l’assiette de l’impôt sur le revenu. Il permettrait, vu sa mise à jour mensuelle, d’instaurer une réelle fiscalité écologique pour cibler les dépenses à décourager sans pénaliser les revenus au dessous du SMIC.

D’autres mesures que fiscales devront accompagner la transition écologique : prêts à taux zéro, monnaie complémentaire dédiée aux secteurs économiques impactés, produits labellisés garantis, investissements publics, etc...

Evidemment zéro chance que cela plaise aux premiers de cordée de la Macronésie, surtout s’ils ont détaché définitivement la corde pour être les seuls à continuer à monter !

La dimension régressive de la fiscalité indirecte

Les taxes sur les produits pétroliers comme sur le tabac ou l’alcool, sans oublier la TVA qui constituent une part essentielle des ressources budgétaires, n’ont que comme seul objectif de réduire la fiscalité directe des ménages les plus aisés. Elles n’ont aucun effet vertueux, bien au contraire, elles creusent les inégalités sociales, de santé et environnementales.

Ainsi, suite à la hausse des prix du tabac, sa consommation a baissé de plus de 50% dans les milieux favorisés et est demeurée stable dans les milieux populaires, la différence de mortalité par cancer du poumon doublant entre ces deux extrêmes. Il en va de même pour l’alcool. Quand on ne peut pas adapter ses comportements aux nouvelles normes, qu’il s’agisse de sa santé ou de sa mobilité, et les raisons sont nombreuses, on ne peut tout simplement que se taire et culpabiliser.

Voilà l’aspect régressif de notre fiscalité indirecte qui porte sur des produits auxquels les ménages modestes consacrent une part beaucoup plus importante de leur budget que les ménages favorisés.

Quand bien même on nous démontrerait que les énergies fossiles n’ont jamais été aussi abondantes, à bas prix -en 1990, un smicard pouvait acheter 6,3 litres de gazole et 5,7 litres d’essence pour une heure de travail, début 2019, il en achètera respectivement 6,5 et 6,3- un cadre supérieur de la finance, par exemple, en achètera 3 fois plus qu’il y a près de 30 ans compte tenu de la progression géométrique de ses revenus.

En revanche, exonéré de l’impôt sur la fortune, bénéficiant d’une réduction de la taxation de ses dividendes, cette hausse, qui pour lui est réduction relative, passera inaperçue, d’autant qu’il pourra se payer le luxe, devenu « écologiste », d’abandonner sa ou ses voitures, ou bien d’accroître son parc de SUV.

Point de démagogie que de reconnaître que taxer la consommation individuelle est un instrument budgétaire antisocial, incompatible avec la justice environnementale.

Financer la transition énergétique se fera en mettant des conditions aux 50 milliards d’aides aux entreprises et en taxant leurs émissions de CO2, en augmentant les taxes sur les dividendes non réinvestis des industries fossiles, et même de toutes les entreprises, les impôts directs sur les plus hauts revenus, en supprimant les niches fiscales les plus incongrues comme celles sur le kérosène, mais certainement pas en continuant à augmenter les taxes sur les consommations individuelles des automobilistes.

Dénoncer cela n’est toutefois pas une bonne raison pour se joindre à la meute des gilets jaunes.

A moins que leur mouvement, ce que je crois, n’ait une tout autre portée sociale, les carburants n’étant qu’un prétexte.

Bruno Bourgeon d’après Claude Vilain le 17/11/2018

Claude Vilain participe à la Coopérative Ecologie Sociale, créée par d’anciens Adhérents d’EELV

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PUBLICATION DANS LES MEDIAS LOCAUX

* Courrier des lecteurs de Zinfos974 du

* Courrier des lecteurs de Clicanoo.re du

* Courrier des lecteurs d’ Imaz-Press Réunion publié le

* Courrier des lecteurs dans Le Quotidien de la Réunion du

LIENS

* Le caractère régressif des taxes indirectes : les enseignements d’un modèle de microsimulation
par Nicolas Ruiz et Alain Trannoy, Economie et Statistique Année 2008 413 pp. 21-46

* LES EFFETS REDISTRIBUTIFS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE - RAPPORT PARTICULIER N° 2 Rapport Boutchenik de la Cour des Comptes du 16 12 2015

* Caractéristiques distributives de la fiscalité environnementale
Publié le 22/09/2009 parMireille Chiroleu-Assouline et Mouez Fodha Sciences Economiques et Sociales ENS LYON

* Qui paie les taxes indirectes en France ? Mémoire de Master 2 sous la direction de Thomas PIKETTY parRoy Dauvergne Juin 2012 Paris School of Economics/École des Hautes Études en Sciences Sociales/Institut des Politiques Publiques

* RAPPORT IPP – MARS 2012 Fiscalité et redistribution en France, 1997-2012
par Antoine Bozio, Roy Dauvergne, Brice Fabre, Jonathan Goupille, Olivier Meslin