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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2023-007

Israël et la montée du fascisme juif

Par Chris Hedges, traduction par Jocelyne Le Boulicaut

lundi 16 janvier 2023, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT, enseignante universitaire d’anglais retraitée, pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne.

Israël et la montée du fascisme juif

Le 12 décembre 2022 par Chris Hedges / Exclusif pour ScheerPost

Chris Hedges est journaliste. Lauréat du prix Pulitzer, il a été correspondant à l’étranger pendant 15 ans pour le New York Times, où il a occupé les postes de chef du bureau du Moyen-Orient et du bureau des Balkans. Il a auparavant travaillé à l’étranger pour le Dallas Morning News, le Christian Science Monitor et National Public Radio. Il est l’hôte de l’émission The Chris Hedges report.

Là où il y a de la fumée - par M. Fish

Le masque du visage de l’État d’apartheid d’Israël est en train de tomber, révélant une tête de mort souriante qui laisse augurer de la suppression des rares restrictions qui empêchaient encore de massacrer les Palestiniens.

Le gouvernement de coalition proposé par Benjamin Netanyahu , composé d’extrémistes juifs, de sionistes fanatiques et de fondamentalistes religieux, représente un changement sismique en Israël, lequel va exacerber le statut de paria d’Israël, éroder les soutiens extérieurs en faveur d’Israël, alimenter un troisième soulèvement palestinien, ou intifada , et créer des divisions politiques irréconciliables au sein de l’État juif.

Alon Pinkas,écrivant dans le journal israélien Haaretz, qualifie le gouvernement de coalition, qui devrait prendre le pouvoir dans une ou deux semaines, de « kakistocratie exceptionnelle : un gouvernement formé par la pire et la moins convenable des combinaisons d’ultranationalistes, de suprémacistes juifs, d’antidémocrates, de racistes, de bigots, d’homophobes, de misogynes, de politiciens corrompus et présumés corrompus. Une coalition au pouvoir composée de 64 législateurs, dont 32 sont soit ultra-orthodoxes, soit sionistes religieux. Certainement pas le style de ce que Zeev Jabotinsky, le père du sionisme révisionniste, ou Menachem Begin, le fondateur du Likoud, auraient pu imaginer ».

Benjamin Netanyahu prêt à revenir au pouvoir (Ilia YefimovichZUMA)

Itamar Ben-Gvir, du parti ultra-nationaliste Otzma Yehudit , « le pouvoir juif », sera le nouveau ministre de la sécurité intérieure. Otzma Yehudit est peuplé de membres du parti Kach du rabbin Meir Kahane , qui a été frappé d’une interdiction de se présenter à la Knesset en 1988 pour avoir épousé une « idéologie de type nazi » qui préconisait notamment le nettoyage ethnique de tout citoyen palestinien d’Israël ainsi que de tous les Palestiniens vivant sous occupation militaire israélienne.

Sa nomination, ainsi que celle d’autres idéologues d’extrême droite, dont Bezalel Smotrich , à la tête des Territoires palestiniens occupés (TPO) , met effectivement au rebut les vieux tropes que les sionistes libéraux utilisaient pour défendre Israël, à savoir qu’il s’agit de la seule démocratie au Moyen-Orient, que ce pays recherche un règlement pacifique avec les Palestiniens dans le cadre d’une solution à deux États, que l’extrémisme et le racisme n’ont pas leur place dans la société israélienne et qu’Israël doit imposer des formes draconiennes de contrôle aux Palestiniens pour prévenir le terrorisme.

Ben-Gvir et Smotrich représentent la lie de la société israélienne, celle qui promeut « l’identité juive » et le « nationalisme juif » dans une version sioniste du fascisme qui réclame du sang et des terres. Ils sont l’équivalent israélien de Lauren Boebert et Marjorie Taylor Greene. Leur groupe sioniste religieux est désormais le troisième groupe le plus important de la Knesset.

Itamar Ben-Gvir, à gauche, Benjamin Netanyahu et Bezalel Smotrich (Crédit : Photos : Ohad Zwigenberg / Marc Israel Sellem / Hadas Parush / Google Maps. Œuvre d’art : Anastasia Shub)

Ben-Gvir, qui a été refoulé lors de son service militaire en raison de son extrémisme, a volé un ornement de capot de la voiture d’Yitzak Rabin quelques semaines avant que le Premier ministre de l’époque ne soit assassiné en 1995 par un extrémiste juif, Yigal Amir. Amir, comme de nombreux Israéliens d’extrême droite, y compris sans doute Netanyahou lui-même, considérait le soutien de Rabin aux accords d’Oslo comme un acte de trahison. « Nous avons réussi à attaquer sa voiture, et nous réussirons à l’attaquer lui-aussi », a déclaré Ben-Gvir à l’époque.

Il appelle à la déportation des Palestiniens qui affrontent les soldats israéliens, mais aussi des adeptes du mouvement antisioniste ultra-orthodoxe Netueri Karta , ainsi que du membre arabe israélien de la Knesset Ayman Odeh et du membre marxiste antisioniste, de la Knesset Ofer Cassif qui est juif.

Les vieux tropes qu’Israël a employés pour se justifier ont toujours relevé davantage de la fiction que de la réalité. Israël est devenu depuis longtemps un État d’apartheid .

Par le biais de ses colonies illégales réservées aux Juifs, de ses zones militaires restreintes et de ses complexes militaires, il contrôle directement plus de 60 % de la Cisjordanie et exerce un contrôle de facto sur le reste. Il existe 65 lois discriminatoires, tant directement qu’indirectement, à l’encontre des citoyens palestiniens d’Israël et de ceux qui vivent dans les Territoires occupés.

Les vieux clichés sont remplacés par des diatribes pleines de hargne qui décrivent les Palestiniens et les Arabes (musulmans et chrétiens) comme des éléments contaminants et représentant une menace existentielle envers Israël.

« Zone C » (Source Reuters)

Ce discours de haine s’accompagne d’une campagne interne virulente visant à faire taire les « traîtres » juifs, en particulier ceux qui sont libéraux ou de gauche et laïques. Une autocratie dirigée par Otzma Yehudit aura pour effet de verrouiller le débat démocratique, de miner les mécanismes de protection de la société civile et de mieux codifier ce qui est depuis longtemps une réalité, la suprématie juive et le nettoyage ethnique permanent et continu visant à expulser les Palestiniens de leur propre terre, ce qui remonte à la fondation d’Israël dans les années 1940.

Ce qui était autrefois impensable est aujourd’hui envisageable, comme par exemple l’annexion officielle de vastes territoires de la Cisjordanie, dont la « zone C » où vivent jusqu’à 300 000 Palestiniens.

Le meurtre d’environ 140 Palestiniens cette année , dont la journaliste américaine Shireen Abu Akleh , constitue le pire bilan depuis 2006 (et ceci, sans tenir compte des graves explosions de violence comme les bombardements israéliens de Gaza). Ce bilan doit être complété par les attaques palestiniennes qui ont fait 30 morts parmi les Israéliens.

Des soldats des Forces de défense israéliennes visent leurs fusils alors qu’ils se déploient à Huwara, en Cisjordanie illégalement occupée, suite à la fusillade mortelle d’un Palestinien de 22 ans, Ammar Mufleh, le 2 décembre 2022 (Photo : Jaafar Ashtiyeh/AFP via Getty Images)

Le nouveau gouvernement va intensifier ces meurtres en même temps que les démolitions de maisons et d’écoles , les expulsions de Palestiniens de Jérusalem-Est, le déracinement des vergers d’oliviers palestiniens, les emprisonnements de masse et le nettoyage ethnique des Palestiniens.

L’ensemble de ces crimes équivaut au crime international de génocide, expliquait en 2016 le Center for Constitutional Rights, situé à New York.

Gaza, la plus grande prison à ciel ouvert du monde, continuera à être bombardée et pilonnée plus fréquemment. Ses infrastructures, y compris ses réseaux d’eau, d’électricité et d’égouts, ainsi que ses installations de stockage de carburant, seront détruites.

Les habitants de Gaza et leurs concitoyens palestiniens de Cisjordanie seront soumis à des blocus de plus en plus stricts, les réduisant à un niveau de subsistance proche de la famine. Au lieu de tenter de dissimuler le meurtre de Palestiniens par des colons juifs et l’armée israélienne, le nouveau gouvernement se réjouira ouvertement de ces atrocités.

Itamar Ben-Gvir, législateur d’extrême droite israélien et chef du parti du pouvoir juif, s’exprime lors d’un rassemblement avec des partisans, le 26 octobre (AFP/photo d’archive).

Après l’exécution récente d’un Palestinien non armé, abattu de trois balles à bout portant, puis d’une balle alors qu’il était à terre, par un policier des frontières israélien lors d’une échauffourée qui a été filmée , Ben-Gvir a qualifié l’officier de « héros » .

Netanyahou, qui est accusé de fraude, d’abus de confiance et d’avoir accepté des pots-de-vin dans trois affaires de corruption, est déterminé à politiser le système judiciaire.

Lui et ses partenaires dans la coalition réduiront encore davantage les droits des palestiniens d’Israël, qui sont déjà des citoyens de seconde zone. Ils continueront de faire agressivement pression pour une guerre avec l’Iran.

Ils soutiendront les efforts visant à s’emparer de la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem, que les Israéliens juifs appellent le Mont du Temple, le site supposé du Second Temple, détruit par les Romains en 70 après J.-C.

Les extrémistes juifs demandent depuis longtemps que la mosquée Al-Aqsa, le troisième lieu saint des musulmans, soit démolie et remplacée par un « Troisième » temple juif, ce qui enflammerait le monde musulman.

Ben-Gvir, qui tient pour un « héros » Baruch Goldstein , le colon juif qui, en 1994, a massacré 29 fidèles musulmans à Hébron, a annoncé qu’il se rendrait prochainement, avec d’autres extrémistes juifs, sur le site de la mosquée.

Lorsqu’Ariel Sharon, alors leader de l’opposition israélienne, s’est rendu sur le site de la mosquée en septembre 2000, cela a déclenché la deuxième Intifada.

Avi Maoz (Photo : Amit Shabi)

J’aimerais que tout ceci ne soit que des conjectures. Mais non. C’est là ce que ces fanatiques appellent de leurs voeux.Avigdor Maoz , du parti extrémiste Noam, qui s’oppose aux droits LGBTQ et veut interdire aux femmes de servir dans l’armée, a été nommé pour superviser le programme scolaire israélien, l’immigration russe et l’identité nationale juive.

« Quiconque essaie de nuire au vrai judaïsme est responsable des ténèbres, a-t-il déclaré cette semaine. Quiconque tente de créer une nouvelle religion dite libérale est responsable des ténèbres. Quiconque - par la dissimulation et la mystification intentionnelles - essaie, à l’insu des parents, de laver le cerveau des enfants d’Israël par leurs programmes, est responsable des ténèbres ».

Jeremy Ben-Ami, président de l’organisation sioniste libérale de défense des droits, J Street, a déclaré publiquement que le prochain gouvernement israélien « risque fort de prendre davantage de mesures allant à l’encontre des valeurs que les Juifs américains enseignent à nos enfants comme étant l’essence de l’identité juive », notamment le soutien aux droits civils, au mouvement ouvrier, au mouvement des femmes et aux libertés LGBTQ.

« Comment pouvons-nous expliquer à nos enfants et à nos petits-enfants, et encore plus à nous-mêmes, que ces valeurs sont au cœur de l’identité juive, mais que l’État du peuple juif refuse à un autre peuple ses droits et son égalité et sape la règle du droit international ? a-t-il demandé. Il s’agit d’une crise fondamentale qui menace notre communauté pour les années à venir. Ceux qui, dans l’establishment de notre communauté, insistent sur le fait que l’Amérique juive doit rester unie et indiscutablement loyale à Israël quoi qu’il arrive, rendent un très, très mauvais service à la communauté juive ».

Après la guerre de 1967, qui a vu Israël envahir et annexer la péninsule égyptienne de Sinai, les hauteurs syriennes du Golan et les territoires palestiniens de Gaza et de Cisjordanie, les Israéliens se rendaient dans le territoire palestinien pour faire du shopping, manger au restaurant, passer le week-end dans l’oasis du désert de Jéricho ou faire réparer leur voiture par des mécaniciens palestiniens.

Les Palestiniens constituaient un réservoir de main-d’œuvre bon marché et, au milieu des années 1980, environ 40 % de la main-d’œuvre palestinienne était employée en Israël .

Mais la répression croissante exercée par les autorités israéliennes en Cisjordanie et à Gaza, la saisie de parcelles de plus en plus grandes de terres palestiniennes pour l’expansion des colonies juives et la pauvreté persistante ont poussé les Palestiniens, dont la plupart étaient trop jeunes pour se souvenir de l’occupation de 1967, à se soulever en décembre 1987 pour lancer six années de manifestations de rue connues sous le nom de première Intifada.

Le président de l’OLP, Yasser Arafat (à droite), serre la main du premier ministre israélien, Yitzhak Rabin, sous le regard du président Bill Clinton, après avoir signé le premier des accords d’Oslo sur la pelouse de la Maison Blanche, le 13 septembre 1993 (Photo : Reuters/Gary Hershorn)

Ce soulèvement a finalement abouti aux accords d’Oslo de 1993 entre Israël et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), dirigée par Yasser Arafat. Arafat, qui avait passé la majeure partie de sa vie en exil, est revenu en triomphe à Gaza accompagné des dirigeants de l’OLP.

Les accords d’Oslo semblaient annoncer une nouvelle ère. J’étais à Gaza lorsqu’ils ont été signés. Les hommes d’affaires palestiniens qui avaient fait fortune à l’étranger sont revenus pour aider à construire le nouvel État palestinien.

Les islamistes radicaux se sont effacés. Les femmes palestiniennes ont retiré leurs foulards. Les salons de beauté ont proliféré. Pendant un temps bref et radieux, une vie normale, libérée de l’occupation et de la violence, a semblé possible. Mais la situation s’est rapidement dégradée.

L’interdiction faite aux travailleurs palestiniens d’entrer en Israël, conjuguée à l’augmentation de la violence israélienne et au vol de terres, a conduit à un nouveau soulèvement en 2000, il s’est terminé en 2005. Ce soulèvement, que j’ai couvert pour le New York Times, a été beaucoup plus violent. Les colons juifs ont été relocalisés hors de Gaza et cette zone a été bouclée.

Israël a également construit un mur de sécurité - d’un coût d’environ 1 million de dollars par kilomètre etjugé illégal par la Cour de justice interne - pour séparer Israël de la Cisjordanie et annexer davantage de terres palestiniennes.

Le mur a été construità la suite d’une série d’attentats-suicides visant des Israéliens, bien que l’idée en ait été lancée par le Premier ministre Rabin dans les années 1990, au motif que la « séparation en tant que philosophie » exige une « frontière nette ».

A Gaza, la mise en œuvre de la vision sioniste prend sa forme la plus inhumaine (Ezz ZanounAPA images)

Arafat, que j’ai rencontré à plusieurs reprises, a passé les derniers jours de sa vie en résidence surveillée en Israël. La débâcle des accords d’Oslo a mis fin à toute prétention de processus de paix ou de solution négociée.

Je suis convaincu que nous sommes à l’aube d’une troisième intifada, et elle sera bien plus meurtrière.

Israël profitera d’un soulèvement pour légitimer des représailles violentes qui éclipseront le blocus économique punitif et les massacres à grande échelle perpétrés à Gaza lors des assauts israéliens de 2008 , 2012 et 2014 , qui ont fait environ 3 825 morts, 17 757 blessés et plus de 25 000 logements partiellement ou totalement détruits par Israël, y compris des immeubles d’habitation à plusieurs étages et des quartiers entiers.

Des manifestants palestiniens se rassemblent à Khuza’a, du côté de Gaza de la clôture de périmètre entre Israël et la bande de Gaza, lors de la manifestation de la Grande Marche du retour, le 6 avril 2018 (© 2018 Photo courtoisie de Mahmoud Bassam)

Des dizaines de milliers de personnes se sont retrouvées sans abri et d’immenses étendues de Gaza ont été ravagées ne laissant que des décombres. Lors des manifestations de la Grande Marche du retour de 2018 , où les jeunes de l’enclave assiégée ont manifesté devant la barrière israélienne, 195 Palestiniens ont été abattus par des tireurs d’élite israéliens, dont 41 enfants, ainsi que des médecins comme Razan al-Najjar .

Au fur et à mesure que la violence et la répression contre les Palestiniens par les forces de sécurité, qui seront bientôt dirigées par des fanatiques juifs , augmentent, un nombre de plus en plus important de Palestiniens, y compris des enfants , mourront lors de frappes aériennes, de bombardements, de tirs de sniper, d’assassinats et autres attaques israéliennes, y compris celles menées par des milices juives dévoyées , qui attaquent également les citoyens arabes à l’intérieur d’Israël. La faim et la misère se généraliseront.

L’infiltration progressive de colons religieux dans la police reflète un processus similaire dans l’armée israélienne qui a commencé il y a vingt ans [Getty Image]

La brutale oppression des Palestiniens, justifiée par une idéologie toxique de suprématie juive et de racisme, ne pourra être arrêtée que par une campagne de sanctions du type de celle qui a été menée avec succès contre le régime d’apartheid en Afrique du Sud. À défaut, Israël continuera d’être une théocratie despotique.

Chris Hedges

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