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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2023-008

Stefano Palombarini analyse le « bloc bourgeois »

Par Stefano Palombarini, traduction par Jocelyne Le Boulicaut

mercredi 18 janvier 2023, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT, enseignante universitaire d’anglais retraitée, pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne.

Stefano Palombarini analyse le « bloc bourgeois »

Le 12 Décembre 2022 par Stefano Palombarini

Stefano Palombarini est professeur assistant d’économie à l’Université de Paris VIII. Il est co-auteur, avec Bruno Amable, de « Le dernier néolibéral : Macron et les origines de la crise politique française ».

Matteo Salvini de la Lega, Silvio Berlusconi de Forza Italia, Giorgia Meloni de Fratelli d’Italia et Maurizio Lupi de Noi Moderati lors d’un rassemblement politique sur la Piazza del Popolo à Rome, en Italie, le 22 septembre 2022 (Valeria Ferraro / SOPA Images / LightRocket via Getty Images)

La Crise italienne s’enracine dans une offensive néolibérale vieille de plusieurs décennies. Les élections italiennes de cet automne ont vu les électeurs punir une fois de plus les partis de gouvernement en place. Mais derrière le bouleversement du système des partis se cache un rétrécissement du choix politique réel, les intérêts de la classe ouvrière luttant pour trouver une représentation électorale.

Au cours des trois dernières décennies, les Italiens ont été appelés aux urnes à neuf reprises pour élire un nouveau Parlement. Et neuf fois, les partis soutenant le gouvernement sortant ont été battus. La victoire de Fratelli d’Italia, la seule grande force d’opposition au gouvernement technocratique de Mario Draghi, n’était donc guère inattendue.

De même, ce n’est pas une surprise si, lors des élections générales du 25 septembre, le taux de participation, qui était déjà en baisse constante, a atteint le niveau le plus bas de l’après-guerre : à peine plus de trois Italiens sur cinq votent aujourd’hui (près de neuf sur dix le faisaient en 1992).

Ces simples chiffres nous indiquent que la crise qui a débuté avec la dissolution des principaux partis de la « Première République », comme les Italiens appellent l’ordre politique qui a régné de 1946 à 1992, n’est toujours pas résolue. Mais on peut voir le résultat de septembre comme un pas en avant peut-être décisif dans la restructuration du paysage politique italien.

Le tableau actuel est tout à fait cohérent avec la domination absolue de l’idéologie néolibérale, qui s’est imposée dans le pays entre les années 1980 et 1990, et qui a largement contribué à produire la crise politique qui dure depuis maintenant trois décennies.

Il convient de faire une distinction capitale entre les alliances stratégiques à caractère social résultant d’une initiative politique et les rapports de force qui s’exercent au niveau des sphères idéologiques et culturelles. C’est de ces dernières qu’il faut partir pour saisir les spécificités de la situation italienne, alors que le néolibéralisme est désormais le point de référence quasi exclusif non seulement des dirigeants politiques mais aussi de la grande majorité des citoyens.

Giorgia Meloni, Matteo Salvini, et Silvio Berlusconi en 2018 (Wikimedia Commons)

Après la Gauche

En effet, il est difficile de comprendre comment un pays où la Gauche – communiste ou autre – était capable d’une vitalité intellectuelle exceptionnelle, a pu se soumettre aussi facilement à l’hégémonie néolibérale dans la courte décennie qui va du milieu des années 80 au début des années 90. C’est un sujet qui mérite une analyse approfondie.

Certes, le poids des médias, entièrement contrôlés par des magnats de la finance et de l’industrie, a certainement joué un rôle clé. Mais la trajectoire de l’ancien Parti communiste italien (PCI) devenu le Parti démocratique de la gauche et qui a hérité de ses cadres dirigeants et de son électorat et les a emmenés vers la constitution d’un nouveau Parti Démocrate, a sûrement été décisive.

Au cours de son histoire, le parti d’Antonio Gramsci a patiemment construit d’importantes « forteresses » dans les écoles, les universités, les maisons d’édition et les médias. Dans les années 90, l’abandon par les post-communistes de toute référence au marxisme et l’alignement sur les principes de la « Troisième voie » blairiste – expression directe de l’idéologie néolibérale – ont entraîné une partie fondamentale de la production culturelle de « gauche ».

Au cours des mêmes années, la Droite constatait la crise endémique et irréversible des vieilles pratiques de médiation de la démocratie chrétienne. Sous l’impulsion de la Forza Italia de Silvio Berlusconi et de la Lega , cette droite s’est employée à diffuser auprès de son électorat les principes fondamentaux du libéralisme économique.

Aujourd’hui, au terme de trente années d’intense travail politique et culturel des médias et des classes dirigeantes, tels sont les principes qui guident la perception que de nombreux Italiens se font des relations économiques et des modes de production.

Dans cette perspective, on part du principe que la dette publique est un fardeau que les générations actuelles laisseront aux générations futures ; que la prospérité d’un pays dépend de la compétitivité de ses entreprises ; que celle-ci est liée à la réduction des coûts de production et à la « flexibilité » du travail ; qu’il faut donc réduire la fiscalité des sociétés ; que la seule façon rationnelle de garantir une augmentation du pouvoir d’achat des travailleurs est de réduire les impôts ; etc.

Locaux du Parti Communiste Italien à Venise (Jeff Hart / Flickr)

Les réformes institutionnelles dans les domaines du travail, des retraites, de la santé et des universités ont joué un rôle crucial dans ce tournant, en redéfinissant les enjeux sociaux dans un sens conforme au modèle néolibéral du capitalisme.

Si les salaires sont le résultat d’accords individuels ou uniquement d’accords conclus au sein de l’entreprise, alors la solidarité de classe est fragilisée. Si les retraites ne sont plus liées à la redistribution mais dépendent de la capitalisation, on perd un des piliers fondamentaux de la solidarité entre les générations.

Si l’éducation devient un investissement dans le capital humain qui doit ensuite pouvoir être monétisé, tout apprentissage qui n’a pas une valeur marchande immédiate est dévalué.

Le pouvoir d’une idéologie s’exprime dans sa capacité à présenter comme illusoire toute proposition politique qui différerait de sa vision de la réalité. Le résultat des élections de septembre par l’Unione Popolare, qui a rassemblé trois partis différents de la gauche radicale, montre que dans le cadre hégémonique italien, ceux qui dérogent à l’univers néolibéral sombrent dans le vide.

Toutefois, le dernier résultat électoral – qui perpétue le cycle systématique des défaites de tous les gouvernements sortants – témoigne également de la difficulté à établir, dans le cadre de l’univers néolibéral, un bloc social qui viendrait soutenir des politiques conformes à ses intérêts.

Telle est la contradiction qui se trouve à l’origine de la longue et difficile crise italienne, et c’est de là qu’il faut partir pour comprendre la restructuration en cours de la scène politique de ce pays.

En son sein, trois alliances sociales différentes, toutes compatibles avec l’idéologie dominante mais toutes empreintes de fragilités, émergent progressivement, fruits de stratégies de médiations différentes.

Le bloc bourgeois

La première de ces alliances correspond à ce que Bruno Amable et moi-même avons appelé « le bloc bourgeois » . Il regroupe les classes qui sont clairement en faveur de la transition vers le modèle néolibéral du capitalisme et vers un processus d’intégration européenne qui ne cesse précisément de progresser dans cette direction depuis au moins quarante ans.

Lors des dernières élections, les partis ultralibéraux Azione et Italia Viva représentaient parfaitement ce projet. Mais en réalité, l’initiative stratégique à l’origine du bloc bourgeois est venue du Parti démocrate, qui a été, ces dernières années, le principal animateur des gouvernements de Mario Monti, Enrico Letta, Matteo Renzi, Paolo Gentiloni et Draghi, tous engagés dans la modernisation prétendument « nécessaire » (néolibérale) du capitalisme italien.

Matteo Salvini, leader du parti Lega salue la Piazza del Popolo avant son discours lors d’une réunion politique organisée par l’alliance politique de droite (Forza Italia, Lega, et Fratelli d’Italia) le 22 septembre 2022, à Rome, en Italie. (Riccardo Fabi / NurPhoto via Getty Images)

Une telle approche implique de transcender l’axe gauche/droite et de le remplacer par une opposition entre pro-européens et nationalistes, ou entre citoyens du monde et identitaires. Il existe une aile gauche interne qui n’adhère pas à cette perspective et aurait préféré des liens plus forts avec le Mouvement 5 étoiles (M5S).

Mais il s’agit bien d’une minorité, comme en témoigne non seulement la rupture par les Démocrates de leur accord de « centre-gauche » avec le M5S de Giuseppe Conte, mais surtout le choix d’adopter comme programme électoral unique celui de l’ancien banquier central Draghi.

Or celui-ci n’est rien d’autre qu’une longue liste de réformes structurelles d’inspiration néolibérale qu’il convient de mettre en œuvre afin de pouvoir débloquer progressivement les fonds du Plan national de relance et de résilience (NRRP) post-pandémie.

Par ailleurs, le fait de promouvoir sans réserve le programme de Draghi correspond à une revendication de pérennité totale par rapport à l’action gouvernementale de la dernière décennie, celle qui avait déjà conduit à la lourde défaite des Démocrates aux élections de 2018.

Du point de vue des revendications exprimées par les classes qui le composent – centrées sur la poursuite des réformes institutionnelles et le soutien à l’unification européenne – le bloc bourgeois est sans aucun doute cohérent.

Son point faible tient au fait qu’il exclut les classes populaires alors même que celles-ci ont été victimes des réformes néolibérales, et par conséquent voilà pourquoi il reste très minoritaire dans la société italienne.

En septembre, les Démocrates, Azione et Italia Viva ont obtenu le soutien de près de 30% des chefs d’entreprise, des professions libérales et des cadres supérieurs, mais de seulement 18% des petits commerçants, artisans et indépendants, et 15 % des ouvriers.

Parmi les classes qui jouissent d’une position économique privilégiée, ces trois partis ont obtenu des résultats remarquables : 34% des personnes disposant du revenu le plus élevé ont voté pour eux et 36 % de celles disposant d’un revenu moyen supérieur. Par contre, au sein des classes à revenus moyens inférieurs, le résultat global tombe à 20 %, et parmi les plus pauvres, à tout juste 13%.

En Italie, la gauche s’est éloignée de la classe ouvrière. (Felvalen, CC BY-SA 4.0)

Une Nouvelle Droite ?

En revanche, le bloc social de droite s’est révélé largement majoritaire lors des élections de septembre, grâce à une assise multi-classes qui a permis à Fratelli d’Italia, à la Lega et à Forza Italia d’obtenir les voix de 41% des chefs d’entreprise, professions libérales et cadres, de 43% des petits commerçants et indépendants et de 56% des ouvriers qui ont participé au scrutin (et un grand nombre d’entre eux n’ont pas voté).

La fragilité du bloc de droite s’explique par des raisons diamétralement opposées à celles constatées lorsqu’il s’agissait du bloc bourgeois. Sa large base à caractère social exprime des attentes diverses et contradictoires, allant du soutien aux réformes néolibérales jusqu’à une forte demande de protection, notamment de la part des classes populaires, contre les effets de ces mêmes réformes.

Or, dans le cadre de l’hégémonie néolibérale, au sein de laquelle la droite italienne est parfaitement bien intégrée, cette exigence ne peut se traduire dans le cadre d’une rupture avec la ligne politique économique des gouvernements du bloc bourgeois.

Nouvellement élue, essentiellement en raison de son opposition au gouvernement Draghi, Giorgia Meloni a déclaré dans son premier discours au Sénat que « le NRRP est une chance extraordinaire pour moderniser l’Italie », précisant bien que son gouvernement « respectera les règles actuellement en vigueur » au sein de l’Union européenne.

La nouvelle Première ministre a également veillé à « rassurer les investisseurs » en soulignant que « certains des fondamentaux de notre économie sont encore solides malgré tout : nous sommes parmi les rares nations européennes à afficher un excédent budgétaire primaire constant », ce qui signifie que le gouvernement dépense moins que ce qu’il perçoit en recettes fiscales, avant paiement des intérêts. Elle a insisté, pour ceux qui en doutaient encore, sur le fait que « ce sont les entreprises et leurs travailleurs qui créent la richesse, et non l’État par décret ou ordonnance. Donc, notre motto sera : ne pas gêner ceux qui ont envie de faire quelque chose".. »

La droite se proclame ainsi en totale continuité avec le bloc bourgeois lorsqu’il s’agit des domaines du travail, de la santé, de l’école et des finances publiques. Comment peut-elle alors répondre aux exigences de protection qui émane d’une partie importante de sa base sociale, alimentant de manière décisive le vote en faveur particulièrement de Fratelli d’Italia ?

Stefano Palombarini (à gauche sur la photo), écrivain et membre du parlement de la Nupes, et Maxime Combes, économiste (Photo Le DL /Tim BUISSON)

La réponse est la même que celle concernant l’extrême droite partout en Europe : elle prétend que ce ne sont pas les politiques et réformes néolibérales qui mettent à mal les conditions de vie des classes populaires, mais que ce sont bien les menaces qui pèsent sur l’identité nationale, la vague migratoire, l’explosion de la criminalité, la remise en cause de la famille traditionnelle, etc.

Il va sans dire que la promesse d’une protection contre des ennemis savamment fabriqués et largement imaginaires ne peut que décevoir fortement la frange du bloc de droite la plus fragile sur le plan social. Elle a néanmoins permis à celui-ci d’accéder au pouvoir.

Un bloc populaire ?

Une troisième alliance sociale, en concurrence avec le bloc bourgeois et le néolibéralisme plus identitaire de la Droite, semble émerger à la faveur du tournant du Mouvement 5 étoiles. Il a progressivement abandonné ses conceptions initiales « anti-système » et occupe désormais l’espace que l’hégémonie néolibérale laisse ouvert pour un positionnement que l’on pourrait – au moins approximativement – qualifier de « gauche ».

Contrairement au Parti démocrate et à la Droite, le M5S a fait campagne sur les problématiques liées à la montée de la précarité et de la pauvreté qui touchent une grande partie du pays, notamment dans le Sud.

Il a proposé des réponses possibles par la consolidation du « revenu citoyen » (en fait, les allocations chômage, introduites par ce parti en 2019) qui devrait être « amélioré » par le renforcement des pôles emploi ; l’introduction d’un salaire minimum ; et le soutien du pouvoir d’achat des salariés par une réduction de la fiscalité du travail.

Par rapport à 2018, l’électorat de Cinq étoiles a diminué de plus de la moitié, mais il est désormais beaucoup plus dense, tant au niveau de sa composition sociale que des attentes qu’il exprime.

Cinq étoiles a recueilli un soutien important parmi les chômeurs (24%) et les étudiants (25%), parmi ceux qui vivent dans un statut économique faible (25%) ou moyennement faible (18%), alors qu’il occupe une position beaucoup plus faible parmi les chefs d’entreprise, les professions libérales et les cadres (12%) et parmi ceux qui jouissent d’un statut économique élevé (10%) ou moyennement élevé (11%).

À l’heure actuelle, le poids de cette alliance sociale est inférieur tant à celui du bloc de droite que de celui du bloc bourgeois. Toutefois, il pourrait progresser, à la fois en raison des déceptions que le gouvernement de Meloni ne manquera pas d’engendrer et comme conséquence possible d’un hypothétique changement de ligne du Parti démocrate.

Des manifestants des Gilets jaunes scandent des slogans contre le président Macron à la Fontaine des Innocents lors de la deuxième journée de manifestations pour marquer le premier anniversaire du mouvement, le 17 novembre 2019 à Paris, en France (Kiran Ridley / Getty Images)

La fragilité de cette alliance réside dans le fait qu’elle est fondée sur une tentative de soulager les souffrances sociales que produisent les politiques néolibérales sans toutefois remettre en question l’idéologie qui les structure et les justifie. Le « revenu citoyen » est sûrement préférable au soutien zéro proposé par la Droite.

Cependant, il s’inspire ouvertement de la loi Hartz IV portée par Gerhard Schröder en Allemagne, qui avait pour objectif de flexibiliser les relations dans le monde du travail, et qui a fini par coûter cher aux sociaux-démocrates allemands en termes de soutien de la classe ouvrière.

L’introduction d’un salaire minimum, une mesure déjà présente dans la plupart des pays européens et aux États-Unis, ainsi que, bien sûr, le soutien au pouvoir d’achat par le biais de réductions d’impôts, sont également parfaitement compatibles avec les institutions néolibérales.

Conte, en outre, a revendiqué avec force et conviction la paternité du plan de réformes structurelles inclus dans un NRRP qui – comme nous l’avons mentionné – a guidé l’action du gouvernement Draghi, a servi de programme électoral au Parti démocrate, et est pris par Meloni comme une chance extraordinaire de moderniser l’Italie.

Dans ce sens, Cinq Étoiles a occupé la « gauche » de l’arène néolibérale ; mais s’il devait revenir au gouvernement, il ne pourrait pas répondre de manière satisfaisante aux questions venant d’un bloc à forte implication populaire sans poser explicitement la question de la rupture avec les principes fondateurs du néolibéralisme.

Trois blocs sociaux différents au sein d’un espace hégémonique commun ne peuvent que produire un carrousel, qui verra les partis alterner au pouvoir tout en poursuivant un continuum de fond dans leurs politiques publiques. Cela ne peut que produire une crise de la démocratie italienne. Pour l’éviter, sur le plan politique, nous devons espérer ce qui est possible.

Cela signifie la croissance du bloc populaire qui a commencé à se rassembler autour du Mouvement 5 étoiles – et une prise de conscience, parmi ses représentants politiques, des limites que l’adhésion à l’idéologie dominante pose au développement d’une proposition politique convaincante et efficace.

Le dernier néolibéral

Mais pour sortir de l’impasse dans laquelle elle se trouve, la démocratie italienne doit également déplacer le conflit sur le terrain de l’hégémonie – une opération certainement complexe compte tenu des rapports de force actuels.

En Italie, beaucoup de gens de Gauche s’inspirent à juste titre de l’expérience française. Mais c’est une erreur de penser que le poids de la gauche radicale en France est simplement le résultat de l’initiative politique de Jean-Luc Mélenchon .

Jean-Luc Mélenchon a renoncé à son siège au Parlement, mais n’exclut pas de tenter à noàuveau sa chance à la présidence (Photo par Sebastien Salom-Gomis/AFP)

Si Mélenchon, avec son indéniable talent , a réussi à donner corps à sa stratégie, c’est parce qu’il existait en France un espace exploitable pour la gauche anti-néolibérale, ouvert et structuré par une longue série de luttes politiques et sociales.

Parmi celles-ci figurent le référendum sur Maastricht en 1992 et le vote populaire contre le projet de Constitution européenne en 2005 ; les grèves de la décennie 1986-95, dont le point d’orgue a été le mouvement contre la réforme des retraites du Premier ministre Alain Juppé ; les mouvements des étudiants, de la fonction publique, des travailleurs précaires dans les années 2000, puis celui contre les réformes des contrats jeunes de Dominique de Villepin ; les grèves contre la réforme du code du travail de François Hollande ; et plus récemment le mouvement des gilets jaunes .

L’hégémonie ne se gagne pas en persuadant un public de téléspectateurs, mais en construisant une conception commune du conflit de classe. Et c’est de ce conflit de classe – dans les écoles, les universités, les usines et les hôpitaux – que l’Italie devrait de nouveau partir, si elle veut se sortir du piège dans lequel elle s’est enfermée.

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