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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2019-48

7 ans de mensonges à propos d’Assange, et ce n’est pas près de s’arrêter

Par Jonathan Cook, traduit par Jocelyne le Boulicaut

lundi 20 mai 2019, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT enseignante universitaire d’anglais retraitée pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

7 ans de mensonges à propos d’Assange, et ce n’est pas près de s’arrêter

12 avril 2019, Par Jonathan Cook

Jonathan Cook est un journaliste indépendant basé à Nazareth. Il tient un blog .

Selon Jonathan Cook, l’une des rares grandes personnalités de notre époque a été réduite à rien de plus qu’un parasite sexuel qui n’a pas respecté les termes de sa libération conditionnelle.

Julian Assange, en 2006 ou avant. (Martina Haris via Wikimedia Commons)

Depuis sept ans que Julian Assange s’est réfugié à l’ambassade équatorienne de Londres, on nous répète que nous avons tort et que nous sommes des complotistes paranoïaques. On nous a dit qu’il n’y avait aucune menace réelle d’extradition d’Assange vers les États-Unis, que tout ça n’était que le fruit de notre imagination fiévreuse.

Depuis sept ans, nous avons dû écouter un chœur de journalistes, de politiciens et de soi-disant experts nous dire qu’Assange n’était qu’un homme fuyant la justice, et qu’on pouvait se fier aux systèmes judiciaires britannique et suédois pour traiter son cas de façon parfaitement légale. Pendant tout ce temps, c’est à peine si une seule voix du "courant dominant" s’est élevée pour prendre sa défense.

Du moment où il a demandé l’asile, Assange a été banni comme un hors-la-loi. On a effacé des registres son travail en tant que fondateur de Wikileaks - cette plate-forme numérique qui, pour la première fois dans l’Histoire, donnait aux gens ordinaires un aperçu des recoins les plus obscurs des coffres-forts les mieux gardés des plus protégés des États profonds.

Assange est passé du statut de personnage marquant de notre époque - un homme digne d’occuper une place centrale dans les livres d’histoire, si notre espèce vit assez longtemps pour écrire ces livres - à un simple parasite sexuel ayant bafoué les termes de sa libération conditionnelle.

Le récit par la classe politique et les médias est tissé de semi-vérités a propos des accusations sexuelles pour lesquelles Assange faisait l’objet d’une enquête en Suède. Le fait qu’Assange ait été autorisé à quitter la Suède par l’enquêteur initial a été négligé et pourtant, celui-ci a abandonné les charges, et c’est un autre enquêteur dont la couleur politique est bien connue qui a relancé l’enquête.

Ils se sont bien gardés de mentionner qu’Assange était tout à fait prêt à être interrogé par les procureurs suédois à Londres, comme cela avait été le cas dans des dizaines d’autres affaires impliquant des procédures d’extradition vers la Suède. C’était presque comme si les autorités suédoises ne voulaient pas présenter les preuves qu’elles prétendaient avoir en leur possession.

Les médias et les milieux politiques n’ont cessé d’insister sur la violation de liberté conditionnelle d’Assange au Royaume-Uni, négligeant le fait que les demandeurs d’asile fuyant la persécution légale et politique ne respectent généralement pas les conditions de libération conditionnelle imposées par les autorités de l’État à l’origine de leur demande d’asile.

Faire fi de l’accumulation de preuves

Les autorités politiques et les média ont ignoré les preuves grandissantes de l’existence d’un grand jury secret en Virginie qui formulait des accusations contre Assange, et tournait en ridicule les craintes de Wikileaks selon lesquelles l’affaire suédoise pourrait dissimuler une tentative plus inquiétante des États-Unis pour extrader Assange et l’enfermer dans une prison haute sécurité, comme cela s’était passé pour la lanceuse d’alerte Chelsea Manning.

Ils ont rejeté le verdict rendu en 2016 par un groupe de juristes des Nations Unies selon lequel le Royaume-Uni détenait "arbitrairement" Assange. Les médias étaient davantage intéressés par le bien-être de son chat.

Ils ont ignoré le fait qu’après le changement de président de l’Équateur - avec le nouveau président désireux de gagner la faveur de Washington - Assange a été placé sous des formes de plus en plus sévères d’isolement. Il s’est vu refuser le droit de recevoir des visiteurs et dénié les moyens de communication de base, en violation tant de son statut de réfugié politique que de ses droits humains, et mettant en péril son bien-être mental et physique.

De même, ils ont occulté le fait que l’Équateur avait accordé à Assange le statut diplomatique et la citoyenneté équatorienne. La Grande-Bretagne était ainsi obligée de lui permettre de quitter l’ambassade, du fait de son immunité diplomatique, afin de se rendre sans encombre en Équateur.

Aucun journaliste ou politicien "grand public" n’a jugé cela digne d’attention. Ils ont ignoré le fait qu’après avoir refusé d’interroger Assange au Royaume-Uni, les procureurs suédois avaient décidé d’abandonner discrètement les poursuites contre lui en 2015. La Suède a gardé cette décision secrète pendant plus de deux ans.

Manifestation pro-Assange à l’Ambassade de l’Equateur à Londres, le 16 juin 2013. (Ricardo Patiño via Flickr)

Suite à une demande d’un proche d’Assange et non d’un média, au titre de la liberté d’accès à l’information, des documents ont été mis au jour qui montrent que les enquêteurs suédois avaient en fait voulu classer l’affaire contre Assange en 2013. Le Royaume-Uni avait cependant insisté pour qu’ils continuent cette mascarade afin qu’Assange reste enfermé. Un fonctionnaire britannique a envoyé un courriel aux Suédois en ces termes : "Ne vous avisez pas de vous dégonfler !!!"

Destruction de documents

La plupart des autres documents relatifs à ces conversations sont restés inaccessibles. Ils avaient été détruits par le Crown Prosecution Service du Royaume-Uni [ministère public britannique NdT] en violation du procès verbal. Mais bien sûr, personne dans le milieu politique et les médias ne s’en est ému ou soucié.

De même, ils ont ignoré le fait qu’Assange a été contraint de se terrer pendant des années à l’ambassade, ce qui est la forme la plus extrême de l’assignation à domicile, alors même qu’’il n’était plus poursuivi en Suède.

Ils nous ont dit - le plus sérieusement du monde - qu’il devait être arrêté pour avoir enfreint les conditions de sa mise en liberté sous caution, ce qui normalement n’est sanctionné que d’une simple amende.

Et peut-être plus grave encore, la plupart des médias ont refusé de reconnaître qu’Assange était journaliste et éditeur, alors même qu’en procédant ainsi ils s’exposaient aux mêmes sanctions draconiennes s’ils devaient un jour être réduits au silence ou voir leurs publications bloquées.

Stencil (OperationPaperStorm, CC by 2.0.)

Ils ont reconnu le droit des autorités américaines à se saisir de tout journaliste étranger n’importe où dans le monde et l’enfermer à l’abri des regards. Ils ont ouvert la porte à une forme nouvelle, particulière de restitution de journalistes.[enlèvement et rapatriement NdT]

Il ne s’est jamais agi de la Suède ou de violation de la liberté sous caution, ni même du récit discrédité du Russiagate : n’importe qui aurait dû pouvoir s’en rendre compte, même en ne prêtant qu’une attention infime. Il s’agissait de l’État Profond américain faisant tout ce qui était en son pouvoir pour écraser Wikileaks et faire un exemple de son fondateur.

Il s’agissait de s’assurer qu’il n’y aurait plus jamais de fuite comme celle de "Collateral Murder", la vidéo militaire publiée par Wikileaks en 2007 qui montrait des soldats américains en train de fêter le meurtre de civils irakiens.

Il s’agissait de s’assurer qu’il n’y aurait plus jamais de fuite de câbles diplomatiques américains, comme ceux rendus publics en 2010 qui ont révélé les machinations secrètes de l’empire américain pour dominer la planète, quel que soit le prix à payer en termes de violations des droits humains.

Désormais, les faux-semblants n’ont plus lieu d’être. La police britannique a fait intrusion sur le territoire diplomatique de l’Équateur - invitée par l’Équateur après que celui-ci ait violé le statut de réfugié politique d’Assange - pour le mettre discrètement en prison : deux États vassaux coopérant pour obéir aux ordres de l’empire américain. L’arrestation n’avait aucunement pour but d’aider deux femmes en Suède ou de sanctionner une infraction mineure à la liberté sous caution.

Non, les autorités britanniques agissaient sur la base d’un mandat d’extradition émis par les États-Unis. Et les accusations que les autorités américaines ont fournies concernent les travaux les plus anciens de Wikileaks qui avaient révélé les crimes de guerre de l’armée américaine en Irak - un sujet reconnu d’utilité publique par les journalistes et que les médias britanniques et américains s’étaient honorés de publier.

Et pourtant, les médias et la classe politique ferment les yeux. Où est l’indignation devant les mensonges qu’on nous sert depuis sept ans ? Où est le remord pour avoir accepté d’être trompés si longtemps ? Où est la fureur face à la négation de la liberté de la presse la plus élémentaire - le droit de publier - pour faire taire Assange ? Où est la volonté de prendre enfin la parole pour la défense d’Assange ?

Rien, il n’y a rien. Il n’y aura pas d’indignation à la BBC, ni au Guardian, ni à CNN. Juste un reportage curieux, impassible - voire gentiment moqueur - quant au sort d’Assange. Et ça, c’est parce que ces journalistes, ces politiciens et ces experts n’ont jamais vraiment cru ce qu’ils racontaient.

Ils savaient depuis le début que les États-Unis voulaient faire taire Assange et écraser Wikileaks. Ils le savaient depuis le début et ils s’en fichaient. En fait, ils sont volontiers entrés dans la conspiration pour paver la voie de l’enlèvement d’Assange aujourd’hui.

Et si ils l’ont fait, c’est parce qu’ils ne sont pas là pour dire la vérité, ni pour défendre les gens ordinaires, ni pour protéger une presse libre, ni même pour faire respecter la règle de droit.

Ils se fichent de tout ça. Ils sont là pour protéger leur carrière et le système qui les récompense avec de l’argent et de l’influence. Ils ne veulent pas qu’un petit malin comme Assange vienne tout gâcher en donnant un coup de pied dans la fourmilière.

Maintenant ils vont nous servir tout une nouvelle série de tromperies et de manipulations au sujet d’Assange pour nous endormir, étouffer notre colère alors que nos droits sont bafoués et pour nous empêcher de réaliser que les droits d’Assange sont inséparables des nôtres. C’est ensemble que nous tiendrons bon ou que nous tomberons.

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