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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2019-50

Le massacre de Maïdan enterré et sa déformation par l’Occident

par Ivan Katchanovski, traduit par Jocelyne le Boulicaut

mercredi 29 mai 2019, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT enseignante universitaire d’anglais retraitée pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

Le massacre de Maïdan enterré et sa déformation par l’Occident

Le nouveau gouvernement ukrainien est confronté à la réouverture d’une enquête bloquée par Porochenko sur les preuves d’un massacre organisé à Kiev. Enquête d’Ivan Katchanovski .

22 avril 2019 Par Ivan Katchanovski, exclusivité pour Consortium News

Ivan Katchanovski enseigne à l’École d’études politiques et au Département de communication de l’Université d’Ottawa. Il a occupé des postes de recherche et d’enseignement à l’Université Harvard, à l’Université d’État de New York à Potsdam, dans l’état de New York, à l’Université de Toronto et au Centre Kluge à la Bibliothèque du Congrès. Il est titulaire d’un doctorat de la Schar School of Policy and Government de l’Université George Mason. Il est l’auteur de "Des pays déchirés : Divisions politiques régionales et cultures en Ukraine post-soviétique et en Moldavie."

Il y a cinq ans, du 18 au 20 février 2014, le massacre de Maïdan à Kiev, en Ukraine, a marqué un tournant décisif, non seulement pour la politique et l’histoire de l’Ukraine mais aussi pour la politique mondiale en général. Ce massacre au centre-ville de Kiev a été le point de départ du renversement brutal du gouvernement pro-russe en Ukraine et d’une nouvelle guerre froide entre Washington et Moscou.

Il est donc surprenant que cinq ans après que ce massacre a secoué le monde, personne n’ait été condamné pour quelque meurtre de Maïdan que ce soit. Il s’agit du cas le mieux étayé de massacre de l’histoire, diffusé en direct à la télévision et sur Internet, en présence de milliers de témoins oculaires. Il a été filmé par des centaines de journalistes des principaux médias occidentaux, ukrainiens, russes et de nombreux autres pays, ainsi que par de nombreux utilisateurs des médias sociaux. Pourtant, à ce jour, personne n’a été traduit en justice pour ce crime majeur et lourd de conséquences.

Policiers dans la rue Hrushevsky, Kiev, 12 février 2014. (Wikimédia)

Depuis le début, le discours dominant, défendu par les gouvernements ukrainien et occidentaux et les médias grand public, fait catégoriquement porter la responsabilité de cette tragédie au gouvernement Ianoukovitch. Il affirme que ce sont les forces loyales à l’ancien président Victor Ianoukovitch - que ce soient des tireurs d’élite, ou les Berkouts, police spéciale anti-émeute – qui ont massacré des manifestants pacifiques de Maïdan sur ordre direct de Ianoukovitch lui-même. De telles accusations contre Ianoukovitch, ses ministres, ses commandants et une unité spéciale de Berkout - dont cinq anciens membres ont été jugés pour le meurtre de 48 manifestants de Maïdan le 20 février 2014 - sont généralement prises au pied de la lettre. À quelques exceptions près, les objections à ce récit sont traitées avec le plus grand mépris.

Dans la plupart des cas, les médias d’information grand public aux États-Unis et dans les autres pays occidentaux n’ont pas tenu compte des preuves présentées lors du procès, des déclarations publiques des fonctionnaires et des politiciens, ni des études scientifiques qui remettent en question le discours officiel. Cela comprend la non prise en compte de mes propres études universitaires sur le massacre de Maïdan.

Meurtre des manifestants et de la police

Mes travaux ont révélé qu’il s’agissait d’assassinats en masse tant de manifestants que de policiers, dans le but de délégitimer le gouvernement Ianoukovitch et ses forces afin de s’emparer du pouvoir en Ukraine. Des oligarques et des éléments d’extrême droite du mouvement Maïdan ont été impliqués dans ce massacre. Pour cette raison, l’enquête officielle a été forgée de toutes pièces et a fait l’objet d’un embargo.

Pour conforter ce point de vue, j’ai présenté des études ainsi que plusieurs vidéos en ligne accompagnées de diverses preuves lors de réunions annuelles de l’American Political Science Association à San Francisco en 2015 et à Boston en 2018, à la Convention mondiale de l’Association for the Study of Nationalities à New York en 2017 et à une conférence conjointe de l’Institute for Russian and Eurasian Studies de l’Université Uppsala et de la British Association for Slavonic and East European Studies en 2018, et j’’en ai publié la synthèse dans un ouvrage universitaire.

Le procureur général d’Ukraine a récemment décrété que l’enquête sur le massacre de Maïdan est terminée. Pour preuve ultime que les manifestants de Maïdan ont été massacrés par la police de Berkout et non par des snipers, il a fait référence au modèle en 3D de la reconstitution du massacre de Maidan par une société d’architecture new-yorkaise, travaillant avec une équipe de "volontaires " ukrainiens.

Comme preuve que la police de Berkout a massacré les manifestants de Maïdan. Ce modèle a été présenté par le New York Times, dans son dossier du 30 mai 2018 "Who Killed the Kiev Protesters" ["Qui a tué les manifestants de Kiev ?" - NdT].

Cependant, il n’est pas nécessaire d’avoir des connaissances d’expert ou d’être familier avec le massacre de Maïdan ou de l’Ukraine pour voir dans ce modèle en 3D la déformation flagrante de données élémentaires.

Dans le modèle 3D, l’endroit des blessures des manifestants de Maïdan tués ne correspond pas à l’emplacement des blessures constatées lors des examens médico-légaux des corps. Dans cette simulation, les rapports de ces examens ont été utilisés pour déterminer l’emplacement des tireurs. Ils sont publiés en ukrainien et en anglais sur le site Web approprié.

Selon l’un de ces rapports, Ihor Dmytriv a été touché dans la "partie latérale droite" et la "partie latérale gauche" du torse "de droite à gauche, du haut vers le bas et un peu de l’avant vers l’arrière" avec une blessure d’entrée de 20,5 cm (8 pouces) plus haute que celle de sortie. Et pourtant, dans la simulation, ses blessures ont été déplacées vers l’avant et vers l’arrière et rendues presque horizontales.

Un avocat de Maïdan a confirmé au procès du massacre de Maïdan que ces blessures se trouvaient sur les côtés droit et gauche. Dans la vidéo de leur examen de Dmytriv, juste après la fusillade, les médecins de Maïdan montrent aussi l’emplacement de ses plaies à ces mêmes endroits, et aucune blessure dans la zone avant, contrairement à ce qu’indique le modèle en 3D. Les rapports médico-légaux indiquent également que Dmytriv a été blessé à l’épaule droite de bas en haut, avec une blessure d’entrée 5 cm plus bas, mais l’animation 3D ne reflète pas non plus cette trajectoire.

Emplacement réel des plaies de Dmytriv et leur fausse représentation.

L’emplacement des blessures des deux autres victimes a été modifié de la même façon. Dans le modèle 3D, l’emplacement de la plaie de sortie pourtant constatée lors des examens médico-légaux et vestimentaires a été déplacé de manière significative vers la droite depuis la ligne médiane de l’arrière du corps d’Andriy Dyhdalovych. L’angle vertical a aussi été largement modifié, passant d’une direction du haut vers le bas avec une différence de 17 cm entre les hauteurs d’entrée et de sortie, pour passer à un niveau presque horizontal.

Emplacements réels des plaies de Dyhdalovych et présentation erronée.

Dans le cas de Yuriy Parashchuk, les examens médico-légaux ont révélé que les blessures d’entrée et de sortie se trouvaient à l’arrière de la tête, du côté gauche. Mais l’analyse 3D a déplacé la plaie d’entrée vers la zone avant et changé sa direction depuis légèrement de haut en bas à presque horizontale. Les images de la vidéo d’un photographe français montrent un grand orifice de sortie à l’arrière du casque rouge de Parashchuk. Comment aurait-il pu recevoir dans la nuque une balle tirée par la police de Berkut située sur le même plan horizontal ?

Changer l’emplacement des plaies invalide toute la reconstitution et donc, par conséquent, les conclusions de l’analyse du SITU [Situ Research, société d’architecture new-yorkaise, NdT] et de l’article du New York Times, selon lesquelles ces manifestants-là et les autres manifestants de Maïdan ont été abattus depuis les positions Berkout.

Il n’est pas nécessaire d’être un expert en balistique pour voir que l’emplacement des blessures à l’arrière et sur les côtés ainsi que les directions du haut vers le bas des blessures spécifiées dans les rapports médico-légaux de même que les positions de ces trois manifestants tués face au Berkout dans les vidéos ne peuvent matériellement pas correspondre aux positions des Berkouts qui se trouvaient à leur hauteur et devant eux sur un plan horizontal .

Les examens médico-légaux effectués dans le cadre de l’enquête gouvernementale et rendus publics lors du procès du massacre de Maïdan ont révélé que la quasi totalité des manifestants n’avait été abattue ni de face, ni sur des plans horizontaux ou presque horizontaux compatibles avec les positions de la police. Au contraire, ils ont plutôt été abattus par des tirs de haut en bas et sur les côtés ou à l’arrière, ce qui correspond aux tirs provenant des bâtiments contrôlés par Maïdan.

L’enquête gouvernementale

L’enquête gouvernementale, menée après l’arrivée au pouvoir du gouvernement Maïdan suite à ce massacre, et qui a fait peser sur les Berkouts qui se trouvaient derrière les barricades la responsabilité du meurtre de ces trois manifestants, soulève les mêmes interrogations.

Les examens médicaux complexes, qui ont été publiés sur le site web de la SITU et qui sont présentés par l’enquête gouvernementale en Ukraine comme une preuve clé du massacre des manifestants par les Berkouts, ont montré les mêmes trajectoires de balle que le modèle 3D. Le compte rendu de ces examens, qui est disponible en ukrainien et en anglais, montre que ces trajectoires de balles n’ont pas été déterminées par des experts en balistique mais par des experts médicaux ne fournissant ni calculs ni justifications.

Parachchuk dans l’angle mort sous la ligne de tir de la police se trouvant derrière le camion.

Des vidéos simultanées, utilisées par la SITU pour déterminer que les Berkouts, derrière une barricade de camions, ont tué Parashchuk, montrent que celui-ci et d’autres manifestants se trouvaient dans un angle mort sous la ligne de tir de la police située derrière un camion. Il était physiquement impossible à la police de lui tirer dessus par-dessus le sommet de ce gros camion. Des dizaines d’autres manifestants Maïdan qui ont été tués et blessés au même endroit se trouvaient dans la même situation.

Les emplacements des forces du gouvernement Ianoukovitch pendant le massacre sont bien connus, et ils sont bien signalés dans mes études, dans les accusations de l’enquête du gouvernement, dans de nombreuses vidéos et dans le modèle 3D de SITU . Au moment du meurtre de ces trois manifestants, les Berkouts étaient derrière les barricades de la rue Instytutska du côté gouvernemental, tandis que les manifestants tués se trouvaient entre les lignes Berkout et l’hôtel Ukraina.

Les examens médico-légaux des impacts de balles par des experts du gouvernement ont décrit de nombreux impacts aux deuxième et troisième étages et au dessus, ainsi que sur le toit de l’hôtel Ukraina, du côté qui faisait face aux forces gouvernementales. Mais pas un seul impact de balle n’a été noté au premier étage du côté de l’hôtel faisant face au Berkout, derrière les manifestants.

Le simple relevé des impacts de balles décrits dans ces rapports médico-légaux montre clairement que presque toutes les balles provenant des Berkouts et autres positions sont passées au-dessus de la tête des manifestants ou ont atteint des poteaux, des arbres et une jardinière. C’est tout aussi visible dans des vidéos et des photos - dont certaines que j’ai prises sur place après le massacre - ainsi que dans des vidéos et des reportages faisant état de coups de feu tirés sur des journalistes réfugiés dans l’hôtel y compris une image Google Street View de la première barricade de Berkout.

Cela confirme les conclusions de mon étude selon lesquelles l’unité spéciale de la police de Berkout et l’unité Omega des tireurs d’élite des troupes internes tiraient sur des snipers postés à l’intérieur de l’hôtel Ukraina.

Le secrétaire d’État américain John Kerry en compagnie de Porochenko, devant le palais présidentiel à Kiev, le 5 février 2015, lors de la première série de rencontres de Kerry avec le nouveau gouvernement. (Département d’Etat via Flickr)

Après cinq longues années, il n’est donc guère surprenant que l’enquête du gouvernement Porochenko n’ait pas permis à des experts en balistique de déterminer les trajectoires des balles ou de mener des tests sur place dans le même but - et ce même après que les juges du procès du massacre de Maïdan en aient donné l’ordre il y a deux ans. Il est impossible de faire mentir les faits concrets.

Dans une tentative flagrante de dissimulation, de grandes clôtures ont récemment été installées sur la scène du crime afin d’ériger le monument en commémoration du massacre de Maïdan, ce qui va complètement modifier le paysage. A cause de ces clôtures et du mémorial il sera impossible de déterminer les trajectoires des balles sur place, or cinq ans après le massacre, cela n’a toujours pas été fait dans le cadre de l’enquête.

Diagramme SITU de l’emplacement et du nom des victimes.

Dans les vidéos des tirs qui ont servi à la reconstitution, la SITU a également négligé des impacts de balles visibles sur le bouclier de Dmytriv et sur le bouclier d’un autre manifestant devant Dyhdalovych. L’emplacement de ces impacts de balles ne correspond pas aux tirs depuis les barricades des Berkouts.

Mais ces boucliers qui montrent clairement des impacts de balles, tout comme le casque de Parachchouk et presque tous les boucliers et casques des manifestants qui ont été tués ou blessés, ont mystérieusement disparu après le massacre, ainsi que beaucoup d’autres preuves cruciales, comme des balles et des images des caméras de sécurité.

De même, les dépositions cruciales des manifestants de Maïdan, qui ont été témoins des assassinats de Dyhdalovych et Dmytriv, sont ignorées par le rapport du Times, la SITU et l’enquête officielle ukrainienne. La femme de Dyhdalovych a déclaré dans son interview aux médias ukrainiens qu’un autre manifestant lui a rapporté avoir vu Dyhdalovych être tué par un sniper qui était sur le toit de la Banque Arkada.

Sur un film on voit ce manifestant suivre Dyhdalovych alors qu’ils vont tous deux évacuer Dmytriv après qu’il ait été tué. La Banque Arkada est un grand bâtiment vert à l’avant et à droite de Dyhdalovych et Dmytriv, et il semble correspondre aux directions apparentes de leurs blessures.

Les vidéos de mon étude sur le massacre de Maïdan montrent que cela se passait dans la zone contrôlée par Maïdan et que des tireurs d’élite se trouvaient sur le toit de la banque pendant le massacre, ce qui a été signalé par de nombreux manifestants de Maïdan, dont les nombreux blessés qui ont pris la parole lors du procès et de l’enquête, et par des chefs et snipers du service de sécurité ukrainien .

On voit une médecin de Maïdan pendant le massacre montrant du doigt le haut de ce bâtiment vert et criant à propos de snipers. Mais dans un reportage de la BBC ses paroles ont été traduites comme se rapportant à six manifestants tués par les tireurs d’élite dans ce secteur.

Lors du procès du massacre de Maïdan, un manifestant de Maïdan et un autre secouriste, blessés près de l’endroit même où les deux manifestants ont été tués, ont tous les deux témoigné que c’est depuis cet immeuble qu’ils avaient été touchés. Les experts en balistique du gouvernement l’ont confirmé par des tests pendant l’enquête sur place.

Le silence de la presse occidentale

Aucun média occidental ne s’est fait l’écho de ces révélations. Il s’agit notamment du New York Times qui, le 5 avril 2014, a dressé le profil de ce manifestant blessé dans le contexte d’un rapport non contesté du gouvernement intérimaire de Kiev attribuant à "l’ancien président Viktor F. Ianoukovitch, sa police anti-émeute et leurs présumés assistants russes la violence qui a tué plus de 100 personnes à Kiev en février."

Cela concerne également CNN, qui a filmé les tirs sur ce secouriste et les a attribués aux forces gouvernementales.

L’enquête du gouvernement a tout simplement démenti la présence de tireurs d’élite à cet endroit et dans d’autres bâtiments contrôlés par Maïdan, et refuse d’enquêter. Cela, en dépit des vidéos montrant ces tireurs, des témoignages, lors du procès et de l’enquête, de plus de la moitié des manifestants blessés, et de plus de 150 autres témoins quant à la présence de tireurs à ces endroits.

L’hypothèse du modèle 3D selon laquelle Dmytriv a été abattu par une seule balle est également contredite par le témoignage d’un manifestant qui a vu Dmytriv abattu par "un sniper" de l’hôtel Ukraina. Mes études sur le massacre de Maïdan et les vidéos ont montré que cet hôtel était alors contrôlé par les forces Maïdan.

L’article du New York Times montre la participation d’un " volontaire " ukrainien à la création du modèle 3D du cabinet d’architecture new-yorkais. Il n’a pas fait état des aveux du procureur général de l’Ukraine postés sur Facebook en 2017 selon lesquels son agence gouvernementale avait financé le travail d’un groupe de "volontaires" anonymes, dont cet étudiant ukrainien, pour compiler et synthétiser diverses vidéos du massacre de Maïdan en collaboration avec un organisme du Front populaire.

Dans des documentaires de la télévision italienne et israélienne, certains dirigeants du Front populaire ont été accusés par divers politiciens ukrainiens, par des militants de Maïdan, comme Nadia Savchenko, et par cinq ex-militaires géorgiens d’avoir directement participé à ce massacre. Pendant ce temps, le Times salue l’enquête du gouvernement ukrainien et les avocats de Maïdan pour s’être appuyés sur des analyses faites par ces " enquêteurs citoyens " et qualifie les éléments d’un cabinet d’architectes new-yorkais comme preuve cruciale dans le procès du massacre de Maïdan.

Brad Samuels est l’un des partenaires fondateurs de Situ Research, le cabinet d’architecture new-yorkais qui a produit le modèle 3D de l’assassinat de trois manifestants, présenté par le Times comme preuve que les snipers n’existaient pas et que les 49 manifestants ont été massacrés par la police de Berkout.

Dans une vidéo [à 55:16], Samuels dit que "[....] finalement, il y a un consensus sur la présence d’une tierce partie dans l’action. D’après les preuves médico-légales, il est clair que des gens ont été visés dans le dos. Quelqu’un tirait depuis les toits." Son constat saisissant ne figure nulle part dans le modèle 3D qu’il a produit pour la SITU, cela n’a pas non plus été rapporté par le Times.

Les cas de manifestants ayant reçu une balle dans le dos, ont été ignorés dans le modèle SITU. Mais même dans les cas délibérément choisis des trois manifestants, présentés par cette simulation comme ayant été abattus par des tirs de face, l’emplacement réel de leurs blessures suggère qu’ils ont été également abattus depuis un bâtiment contrôlé par Maïdan, qui était situé devant à droite.

Il n’existe pas un seul reportage dans les médias de langue anglaise sur les témoignages des 25 manifestants Maïdan blessés, et sur lesquels les policiers de Berkout sont accusés d’avoir fait feu, qui ont déclaré qu’ils avaient été visés depuis des bâtiments ou des zones contrôlés par Maïdan lors du procès du massacre de Maïdan.

Photo à partir de la vidéo du procès.

Les principaux organes de presse ont également négligé de couvrir les témoignages de 30 manifestants blessés qui ont déclaré avoir vu des tireurs à ces endroits ou en avoir entendu parler par d’autres manifestants. C’est d’autant plus stupéfiant que ces témoignages sont accessibles au public dans les enregistrements en ligne et en direct du procès du massacre de Maïdan et ils sont sous-titrés en anglais dans une vidéo en ligne de mon étude.

Selon l’accusation, ces témoignages proviennent de la majorité des manifestants blessés par les Berkouts. Ils concordent avec les témoignages vidéo d’une centaine de témoins dans les médias et les médias sociaux, les témoignages lors du procès et de l’enquête. Mais l’enquête officielle en Ukraine réfute tout simplement qu’il y ait eu des snipers dans les bâtiments contrôlés par Maïdan, alors même que le Bureau du Procureur général de l’Ukraine a précédemment déclaré que des tireurs d’élite avaient massacré de nombreux manifestants depuis l’hôtel Ukraina et depuis d’autres bâtiments.

De même, pas un seul média ne fait état des extraits de la vidéo de la chaîne VRT News belge qui montre des manifestants de Maïdan criant pendant le massacre qu’ils avaient vu des tireurs embusqués à l’hôtel Ukraina, contrôlé par Maïdan, tirer sur eux, les montrant du doigt et leur demandant de ne pas tirer. Ces passages n’ont été montrés qu’à un petit nombre de personnes lors du procès du massacre de Maïdan et se trouvent dans ma vidéo en ligne sur YouTube.

D’autres extraits de cette même vidéo, cependant, ont été diffusés à plusieurs centaines de millions de téléspectateurs par les principales télévisions aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Canada, en Allemagne, en France, en Pologne, en Italie, en Ukraine et dans de nombreux autres pays prouvant bien que les forces gouvernementales ont massacré les manifestants de Maïdan.

A l’exception notable d’un article d’Associated Press citant Nadia Savchenko, une femme politique charismatique, les agences de presse ont passé sous silence les remarques publiques de plusieurs politiciens et militants de Maïdan qui ont déclaré avoir été témoins de l’implication de certains hauts dirigeants de Maïdan dans le massacre.

Les témoignages de cinq ex-militaires géorgiens dans les médias italiens, israéliens, macédoniens et russes et leurs dépositions publiées devant les avocats de Berkout lors du procès du massacre de Maïdan ont également été négligés. Ils y racontaient que leurs groupes avaient reçu, de politiciens de Maïdan et de Géorgie, des armes, des paiements et des ordres pour massacrer à la fois la police et les manifestants.

Ils ont également déclaré avoir reçu des instructions d’un ancien tireur d’élite de l’armée américaine lié à l’extrême droite, puis avoir vu des tireurs d’élite de Géorgie, des États baltes ou liés au Secteur Droit tirer depuis certains bâtiments contrôlés par Maïdan. [Secteur Droit est un parti politique ultranationaliste ukrainien NdT].

Ianoukovitch avec le président russe Vladimir Poutine (Président de la Russie).

C’est également par le silence des médias occidentaux qu’a été reçue une récente déclaration d’Anatolii Hrytsenko, l’un des principaux candidats à la présidence ukrainienne, politicien de Maïdan et ministre de la Défense, disant que l’enquête sur le massacre avait été entravée à cause de l’implication dans ce massacre d’un dirigeant actuel de l’Ukraine.

En revanche, il n’existe pas de témoignages de ce type affirmant l’implication dans le massacre ou la connaissance d’une telle implication par les policiers de Berkout, d’anciens commandants de la police et des services de sécurité, non plus que par d’anciens fonctionnaires du gouvernement Ianoukovitch. Les procès, les enquêtes et les reportages n’ont révélé aucune preuve concrète d’ordres qui auraient émanés du président d’alors Viktor Ianoukovitch ou de ses ministres et commandants pour massacrer des manifestants non armés.

Néanmoins, les principaux médias occidentaux rapportent l’existence de telles injonctions comme réelles. Pas un seul grand média occidental n’a rapporté qu’un examen balistique médico-légal, effectué par des experts d’institutions gouvernementales à la demande du ministère public à l’aide d’un système automatique IBIS-TAIS informatisé, a établi que les balles extraites des corps des manifestants tués ne correspondaient pas à une base de données policière d’échantillons de balles provenant des fusils d’assaut Kalachnikov de membres de l’ensemble du régiment Berkout à Kiev. Ce dernier comprenait la compagnie Berkout précisément accusée du massacre des manifestants. Il en va de même pour les conclusions de l’expertise médico-légale selon lesquelles de nombreux manifestants ont été tués par des plombs et des chevrotines de chasse.

Les médias occidentaux n’ont pas fait état, du moins en anglais, de l’enquête menée par le Bureau du Procureur général de l’Ukraine. Cette enquête a déterminé, sur la base des témoignages des manifestants et de tests lors de l’enquête, que près de la moitié des manifestants (77 sur 157) ont été blessés le 20 février depuis d’autres secteurs que celui des Berkouts et que personne n’a été accusé de ces tirs.

L’une d’elles est une secouriste du Maïdan, dont les blessures ont été très médiatisées par les médias et les politiciens occidentaux et ukrainiens et attribuées à des snipers du gouvernement. Puisque l’enquête officielle a déterminé que les tireurs d’élite du gouvernement n’ont pas massacré les manifestants de Maidan, à une seule exception invraisemblable près, annoncée récemment, cela implique que ces manifestants ont été blessés depuis les bâtiments et zones contrôlés par Maïdan.

Secouriste victime d’un tireur d’élite. (Youtube)

Les médias occidentaux, y compris la BBC, ont gardé le silence sur les révélations du bureau du procureur général selon lesquelles l’un des dirigeants du parti d’extrême droite Svoboda, qui était également membre du parlement ukrainien au moment du massacre, occupait une chambre de l’hôtel Ukraina d’où un sniper portant un casque vert style Maïdan a été filmé par la BBC tirant en direction des manifestants de Maïdan et des journalistes mêmes de la BBC.

De même, les médias grand public n’ont pas signalé les examens par les enquêteurs du gouvernement des impacts visibles de balles et de leurs points d’impact qui ont déterminé qu’une chambre de la télévision allemande ARD à l’hôtel Ukraina avait été prise pour cible depuis la Poste principale, qui était à l’époque le siège de Secteur Droit.

Ce dernier, qui est un groupe d’extrême droite comprenait des organisations nationalistes et néonazies radicales et des hooligans de football. Cette balle a raté de peu une productrice allemande d’ARD TV. Les enquêteurs du gouvernement ont également déterminé qu’une autre chambre de l’ARD dans ce même hôtel avait été prise pour cible depuis le conservatoire de musique, qui était alors le siège de la compagnie spéciale d’autodéfense armée de Maïdan, liée au Secteur Droit.

De même, rien n’a été rapporté au sujet d’un examen balistique médico-légal rendu public lors du procès qui a révélé qu’un producteur d’ABC News avait été touché dans sa chambre de l’hôtel Ukraina par une balle expansible de calibre Winchester qui ne correspondait pas à un calibre des Kalashnikovs de Berkout.[également connue sous le nom de balle à nez mou, c’est une balle expansible à gaine avec un noyau en métal doux entouré par une gaine en métal plus solide laissée ouverte à l’extrémité avant NdT].

La présentation trompeuse par les médias et les gouvernements occidentaux du massacre de Maïdan et de l’enquête subséquente est troublante.

John Adams, chef de l’armée d’indépendance américaine a défendu les soldats britanniques accusés du massacre de Boston en 1770. Il considérait cette défense comme importante pour que l’État de droit l’emporte sur la politique. Il a déclaré au procès du massacre de Boston que " les faits sont têtus ; et que, quels que soient nos désirs, nos inclinations ou les impératifs de notre passion, ils ne peuvent modifier l’état des faits et des preuves ".

Non seulement il a gagné cette affaire à forte charge politique d’un massacre crucial dans la politique et l’histoire des États-Unis, mais il est devenu président des États-Unis par la suite. La question est de savoir pourquoi ce précepte n’est pas respecté près de 250 ans plus tard dans le cas du massacre de Maïdan en Ukraine.

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