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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2019-84

Conférence de Noam Chomsky à Boston

par Amy Goodman, traduit par Jocelyne le Boulicaut

vendredi 16 août 2019, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT enseignante universitaire d’anglais retraitée pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

Conférence de Noam Chomsky à Boston

Des centaines de personnes s’étaient pressées à la Old South Church de Boston pour écouter le célèbre linguiste parler de Donald Trump, du fascisme, de l’industrie de l’armement, d’écologie, ou bien encore de Julian Assange.
Voici 6 Vidéos et la transcription des dialogues du mondialement célèbre dissident et linguiste avec la célèbre Amy Goodman, journaliste du site Democracy now

Noam Chomsky

Militant politique célèbre dans le monde entier, linguiste et écrivain. Il est professeur distingué du département de linguistique de l’université d’Arizona et professeur émérite du Massachusetts Institute of Technology (MIT) où il enseigne depuis plus de 50 ans.

1- Nous devons faire barrage aux mouvements "ultranationalistes et réactionnaires" qui gagnent le monde

Le 12 avril 2019 par Amy Goodman

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Jeudi soir, des centaines de personnes se sont rassemblées dans l’église Old South Church de Boston pour assister au discours du militant et linguiste de renommée mondiale Noam Chomsky. Il a analysé la montée du fascisme au XXe siècle et les mouvements ultranationalistes qui se développent aujourd’hui, du Brésil et des États-Unis à Israël et l’ Arabie saoudite.

AMY GOODMAN : Nous sommes à l’antenne depuis Boston. Aujourd’hui, nous passerons une heure avec Noam Chomsky, qui a fait cette semaine une visite dans sa ville natale de Boston, où il a enseigné au Massachusetts Institute of Technology pendant plus de 50 ans. Il enseigne maintenant à l’Université de l’Arizona à Tucson. Plus de 700 personnes se sont rassemblées jeudi dans l’église Old South Church pour écouter Noam Chomsky, militant de renommée mondiale et père de la linguistique moderne, parler des menaces sur la démocratie, depuis la question israélo-palestinienne jusqu’à l’arrestation de Julian Assange, depuis la guerre nucléaire jusqu’au changement climatique. Après avoir regardé un extrait de "Internationalism or Extinction", un nouveau film qui lui est consacré, Noam Chomsky a fait le bilan de ces deux dernières années sous la présidence Trump.

NOAM CHOMSKY : Si vous me le permettez, j’aimerais commencer par un bref rappel d’une période qui, par bien des égards désagréables, ressemble étrangement à aujourd’hui. Je pense à ce moment, il y a exactement 80 ans, presque jour pour jour, où j’ai écrit mon premier article sur des questions politiques. Facile à dater : C’était juste après la chute de Barcelone en février 1939.

L’article était au sujet de ce qui semblait être la progression inexorable du fascisme dans le monde. En 1938, l’Autriche avait été annexée par l’Allemagne nazie. Quelques mois plus tard, la Tchécoslovaquie avait été trahie, placée entre les mains des nazis à la Conférence de Munich. En Espagne, une ville après l’autre tombait aux mains des forces de Franco. Février 1939, Barcelone tombait. C’était la fin de la République espagnole. La remarquable révolution populaire, la révolution anarchiste, de 1936, ’37, ’38, avait déjà été écrasée par la force. Il semblait que le fascisme allait se propager indéfiniment.

Ce n’est pas exactement ce qui se passe aujourd’hui, mais, si on peut emprunter la célèbre phrase de Mark Twain, "L’histoire ne se répète pas mais elle rime parfois." Il y a trop de similitudes pour qu’on puisse les ignorer.

La chute de Barcelone [aux mains des franquistes, NdT] a provoqué un exode de réfugiés espagnols. La plupart sont partis pour le Mexique, environ 40 000. Certains sont partis pour New York, ont créé des antennes anarchistes à Union Square, des librairies d’occasion sur la 4e avenue. C’est là que j’ai commencé mon éducation politique, en me baladant dans ce quartier. C’était il y a 80 ans. A présent, nous sommes aujourd’hui.

Nous ne le savions pas à l’époque, mais le gouvernement américain commençait aussi à comprendre que la progression du fascisme pourrait devenir impossible à arrêter. Ils n’étaient pas aussi inquiets que moi du haut de mes 10 ans. Aujourd’hui, nous savons que l’attitude du département d’État était plutôt ambivalente quant à l’importance du mouvement nazi. Il y avait en fait un consul des États-Unis à Berlin, qui envoyait des observations assez nuancées sur les nazis, laissant entendre qu’ils n’étaient peut-être pas aussi mauvais qu’on le disait. Il est resté en poste jusqu’au jour [de l’attaque de NdT] Pearl Harbor, quand il a été rapatrié. Ce diplomate célèbre s’appelle George Kennan. Ce qui est plutôt une bonne indication quant à l’attitude ambivalente vis-à-vis de ce phénomène.

Il s’avère que, et nous ne pouvions pas le savoir à l’époque, mais peu après 1939, le département d’État et le Conseil des relations extérieures ont commencé à planifier le monde de l’après-guerre, à quoi il ressemblerait. Et dans les années qui ont suivi, ils ont imaginé que ce monde de l’après-guerre serait divisé entre un monde sous contrôle allemand nazi englobant une grande partie de l’Eurasie, et un monde sous contrôle américain, comprenant l’hémisphère occidental, l’ancien empire britannique que les États-Unis allaient prendre en charge, certaines régions de l’extrême-orient.

Et c’est ainsi que serait le monde de l’après-guerre. Ce point de vue, nous le savons maintenant, a prévalu jusqu’à ce que les Russes renversent la situation. Avec la bataille de Stalingrad en 1942, puis, un peu plus tard, les grands combats de blindés à Koursk, il est devenu assez évident que les Russes allaient vaincre les nazis. Les plans ont changé. L’image du monde de l’après-guerre a changé, pour devenir ce que nous connaissons depuis cette époque. Eh bien tout ça se passait il y a 80 ans.

Aujourd’hui, ce n’est pas le cas - nous ne sommes pas confrontés à quoi que ce soit qui s’apparente au nazisme, mais nous sommes face à la propagation de ce qu’on appelle parfois l’internationale ultranationaliste et réactionnaire, ouvertement annoncée en fanfare par ses défenseurs, dont Steve Bannon, porte-voix du mouvement. Ils ont connu une victoire hier avec l’élection de Netanyahou en Israël qui a consolidé l’alliance réactionnaire qui est en train de se constituer, sous l’égide des États-Unis dirigée par le triumvirat Trump-Pompeo-Bolton - je pourrais emprunter la formule de George W. Bush pour les qualifier [l’axe du mal, NdT], mais, pour rester poli, je ne le ferai pas.

L’alliance du Moyen-Orient est composée des États les plus réactionnaires de la région - Arabie Saoudite, Émirats arabes unis, Égypte sous la dictature la plus brutale de son histoire, Israël au centre même de la région - qui s’opposent à l’Iran. Il y a aussi les menaces graves auxquelles nous sommes confrontés en Amérique latine. L’élection de Jair Bolsonaro au Brésil a placé au pouvoir le plus radical, le plus scandaleux des ultranationalistes de droite qui sévissent actuellement dans l’hémisphère. Hier, Lenín Moreno, [président NdT] de l’Équateur, a franchi un grand pas vers l’adhésion à l’alliance d’extrême droite en expulsant Julian Assange de l’ambassade. Il va rapidement être récupéré par les États-Unis, fera face à un avenir très périlleux à moins d’un grand mouvement de protestation populaire. En Amérique latine, le Mexique est une des rares exceptions à cette évolution. Voilà ce qui s’est passé - en Europe de l’Ouest, les partis de droite prolifèrent, dont certains font froid dans le dos.

A côté de cela existe un mouvement contraire. Yanis Varoufakis, l’ancien ministre des Finances de la Grèce, personne éminente et très influente, ainsi que Bernie Sanders, ont exhorté à la formation de l’Internationale progressiste pour contrer l’internationale de droite qui gagne du terrain. Au niveau des États, l’équilibre semble, dans une très large mesure, aller dans la mauvaise direction. Mais les États ne sont pas les seules entités. Au niveau des populations, c’est très différent. Et cela pourrait faire la différence. Cela signifie qu’il faut protéger les démocraties qui fonctionnent bien, les renforcer, tirer parti des possibilités qu’elles offrent, car les types de militantisme qui ont permis des progrès décisifs par le passé pourraient nous sauver à l’avenir.

AMY GOODMAN : Je serai de retour avec le professeur Noam Chomsky à Boston dans 30 secondes.

2- Les armes nucléaires, le changement climatique et la fragilisation de la démocratie menacent l’avenir de la planète

Le 12 avril 2019 par Amy Goodman

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A l’heure où le président Trump se retire des principaux accords nucléaires avec la Russie et s’apprête à renforcer l’arsenal nucléaire américain, Noam Chomsky fait le point sur la menace de guerre nucléaire qui demeure l’un des problèmes les plus préoccupants auxquels l’humanité est exposée. Dans un discours prononcé à la Old South Church de Boston, Chomsky parle également de la menace que représente le changement climatique et de la fragilisation de la démocratie à travers le monde.

AMY GOODMAN : Vous êtes sur Democracy Now !, democracynow.org, The War and Peace Report. Je m’appelle Amy Goodman, et nous poursuivons cette heure avec le linguiste et opposant politique de renommée mondiale Noam Chomsky, qui a pris la parole hier soir ici à Boston, à l’Old South Church.

NOAM CHOMSKY : Je voudrais faire quelques observations au sujet de la terrible difficulté qu’il y a à maintenir et à instaurer la démocratie, au sujet des puissantes forces qui s’y sont toujours opposées, au sujet des résultats obtenus en la sauvegardant et en la renforçant, et au sujet de l’importance que cela aura pour l’avenir. Mais d’abord, quelques mots sur les défis auxquels nous sommes confrontés, dont vous avez déjà assez entendu parler et que vous connaissez tous. Je n’ai pas besoin d’entrer dans les détails. Décrire ces défis comme "extrêmement graves" serait une erreur. L’expression ne rend pas justice à l’énormité des défis qui nous attendent. Et toute discussion sérieuse sur l’avenir de l’humanité doit commencer par la reconnaissance d’un fait critique, à savoir que l’espèce humaine est maintenant confrontée à une question qui ne s’est jamais posée auparavant dans l’histoire humaine, une question à laquelle il nous faut répondre rapidement : La société humaine survivra-t-elle longtemps ?

Comme vous le savez tous, depuis 70 ans, nous vivons à l’ombre de la guerre nucléaire. Ceux qui ont tiré un bilan ne peuvent que s’étonner que nous ayons survécu jusqu’ici. À maintes reprises, nous avons frôlé, parfois à quelques minutes près, le désastre final. Que nous ayons survécu relève d’une sorte de miracle. Les miracles ne durent pas éternellement. Il faut mettre fin à cette situation, et le faire de toute urgence. La nouvelle Nuclear Posture Review [le document de doctrine nucléaire, NdT] de l’administration Trump accroît considérablement la menace d’un conflit qui serait de fait fatal à notre espèce. On se souviendra peut-être que ce document a été financé par Jim Mattis, qui a été considéré comme trop bien élevé pour rester dans l’administration - ça vous donne une idée du seuil de tolérance dans le monde Trump-Pompeo-Bolton.

En fait, il y avait trois grands traités sur les armes : le Traité ABM, sur les missiles anti-balistiques [les boucliers anti-missiles, NdT], le Traité FNI, sur les forces nucléaires intermédiaires et le Traité New START.

Les États-Unis se sont retirés du Traité ABM en 2002. Et quiconque croit que les missiles antibalistiques sont des armes de défense se trompe sur la nature de ces systèmes.[Le traité ABM fut signé à Moscou le 26 mai 1972 dans le cadre des négociations sur la limitation des armes stratégiques et complété par le protocole du 3 juillet 1974 entre l’URSS et les États-Unis, puis confirmé par la Russie et les États de l’ex-URSS pour une durée illimitée NdT]

Les États-Unis viennent de se retirer du Traité FNI, conclu entre Gorbatchev et Reagan en 1987, il réduisait considérablement la menace d’une guerre en Europe, guerre dont la généralisation serait très rapide [Le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire est un traité visant le démantèlement par les États-Unis et l’URSS d’une catégorie de missiles emportant des charges nucléaires ou conventionnelles NdT]. Ce traité a été signé dans le contexte des manifestations que vous venez de voir dans le film. Des manifestations de très grande ampleur ont servi de toile de fond à l’élaboration d’un traité qui a fait une différence très importante. Il faut se souvenir de cela et aussi de bien d’autres occasions où un mouvement populaire militant fort a vraiment fait la différence. Les leçons sont trop évidentes pour les énumérer.

Eh bien, l’administration de Trump vient de se retirer du Traité FNI ; les Russes s’en sont retirés tout de suite après. Si vous y regardez de plus près, vous constatez que chacune des parties a une sorte de thèse crédible pour prouver que l’adversaire n’a pas respecté le traité. Pour ceux qui veulent avoir une idée de la façon dont les Russes pourraient voir les choses, le Bulletin of Atomic Scientists, la principale revue sur les questions de contrôle des armes, a publié il y a quelques semaines un article de Theodore Postol soulignant la dangerosité des installations américaines de missiles anti-balistiques à la frontière russe - combien elles sont dangereuses et peuvent être perçues comme telles par les russes. Remarquez le bien, à la frontière russe ! La tension est croissante à la frontière russe. Les deux camps mènent des actions de provocation. Nous devrions - dans un monde rationnel, des négociations auraient lieu entre les deux protagonistes, avec des experts indépendants pour évaluer les accusations que chacune porte contre l’autre, pour aboutir à une résolution du conflit, et pour rétablir le traité. Ça c’est dans un monde rationnel. Mais nous ne vivons malheureusement pas dans un tel monde. Aucune initiative n’a été entreprise dans ce sens. Ni ne le sera, à moins d’une intense mobilisation.

Voilà, il nous reste le traité New Start [ Le New Start est le nom d’usage courant d’un traité de réduction des armes stratégiques nucléaires entre les États-Unis et la Russie. Il a été signé le 8 avril 2010 à Prague et, après sa ratification, est entré en vigueur le 5 février 2011 pour une durée de dix ans NdT]. Le traité New Start déjà qualifié par le responsable en chef - qui s’est décrit en toute modestie comme le plus grand président de l’histoire américaine - de la même façon que tout ce qui avait été fait par ses prédécesseurs : c’est le pire traité jamais conclu au cours de l’histoire de l’humanité ; nous devons nous en débarrasser. En fait, la date de son renouvellement tombe juste après les prochaines élections ; il y a beaucoup en jeu. L’enjeu est de taille pour savoir si ce traité sera renouvelé ou non. Il a permis de réduire très sensiblement le nombre des armes nucléaires, certes à un niveau bien plus élevé que ce qu’il devrait être, mais bien en-dessous de ce qu’il était auparavant. Et cette tendance pourrait se poursuivre.

En attendant, le réchauffement climatique suit son cours inexorable. Au cours de ce millénaire-ci, chaque année, à une exception près, a été plus chaude que la précédente. Des articles scientifiques récents, notamment ceux de James Hansen, indiquent que le rythme du réchauffement de la planète, qui augmente depuis environ 1980, pourrait s’accélérer radicalement et passer d’une croissance linéaire à une croissance exponentielle, ce qui veut dire doubler tous les vingt ans. Avec la fonte, la fonte rapide de l’Antarctique, des gigantesques banquises, nous approchons déjà des conditions d’il y a 125 000 ans, lorsque le niveau de la mer était environ 8 mètres au-dessus du niveau actuel. Nous pourrions - ce niveau pourrait être atteint. Les conséquences en sont difficilement imaginables. Je veux dire, je n’essaierai même pas de vous les décrire, mais vous pouvez rapidement imaginer ce que cela veut dire.

Et dans le même temps, pendant que tout ça se produit, vous pouvez régulièrement lire dans la presse des articles euphoriques sur les progrès réalisés par les États-Unis en termes de production de combustibles fossiles. Nous dépassons désormais l’Arabie saoudite. Nous sommes numéro 1 de la production de combustibles fossiles. Les grandes banques, comme JPMorgan Chase, injectent de l’argent en nouveaux investissements dans les combustibles fossiles, y compris les plus nocifs, comme les sables bitumineux du Canada. Et tout ceci est présenté avec enthousiasme et exaltation. Nous atteignons maintenant l’indépendance énergétique. Nous pouvons contrôler le monde, décider de l’utilisation des combustibles fossiles dans le monde.

À peine un mot sur ce que cela signifie, et qui est tout à fait évident. Ce n’est pas que les journalistes, les commentateurs ne le savent pas, que les PDG des banques ne le savent pas. Bien sûr que si, ils le savent très bien. Mais il s’agit là de pressions institutionnelles dont il est extrêmement difficile de s’extraire.

Vous pouvez vous mettre dans la - essayez de vous mettre dans la position, disons, du PDG de JPMorgan Chase, la plus grande banque, qui consacre des sommes importantes pour investir dans les combustibles fossiles. Il sait certainement tout ce que vous savez tous sur le réchauffement climatique. Ce n’est pas un secret. Mais quels sont les choix ? En gros, il a deux options. L’une est de faire exactement ce qu’il fait. L’autre est de démissionner et d’être remplacé par quelqu’un d’autre qui fera exactement ce qu’il fait actuellement. Ce n’est pas un problème individuel. C’est un problème institutionnel, qui peut être résolu, mais seulement si les citoyens exercent une pression considérable.

Et nous avons vu récemment, de façon très spectaculaire, comment c’est possible - comment on peut trouver une solution. Un groupe de jeunes, le Sunrise Movement, organisé, est allé jusqu’à organiser un sit in dans les bureaux du Congrès, ce qui a piqué l’intérêt des nouvelles personnalités progressistes qui ont réussi à se faire élire au Congrès. Sous la pression populaire, Alexandria Ocasio-Cortez, rejointe par Ed Markey, a mis à l’agenda le Green New Deal. C’est une réussite remarquable. Bien sûr, il est la cible d’attaques de toutes parts : ça n’a pas d’importance. Il y a seulement deux ans, il était inconcevable qu’on en discute. Grâce à la mobilisation de ce groupe de jeunes, il est maintenant au cœur de l’agenda. Il faudra le mettre en œuvre, d’une manière ou d’une autre. C’est une question de survie, ce ne sera peut être pas exactement sous cette forme, mais en y apportant quelques modifications. L’engagement d’un petit groupe de jeunes a réussi à opérer un formidable changement. Cela vous montre le genre de choses qu’on peut faire.

Pendant ce temps, l’Horloge de l’apocalypse, publiée par le Bulletin of Atomic Scientists de janvier dernier, a été fixée à minuit moins deux minutes. C’est le plus proche de la fin du monde depuis 1947 [ L’horloge de la fin du monde ou horloge de l’Apocalypse (Doomsday Clock en anglais) est une horloge conceptuelle créée peu de temps après le début de la guerre froide et mise à jour depuis 1947 par les directeurs du Bulletin of the Atomic Scientists de l’université de Chicago, sur laquelle minuit représente la fin du monde NdT].

L’annonce de cette nouvelle position de l’aiguille mentionne les deux principaux dangers bien connus : le risque de guerre nucléaire, qui augmente, et la menace du réchauffement de la planète, qui s’accentue toujours plus. Et pour la première fois, une troisième menace est venue s’ajouter : la fragilisation de la démocratie.

C’est la troisième menace, avec le réchauffement climatique et la guerre nucléaire. Et c’était tout à fait justifié, parce qu’une démocratie qui fonctionne nous offre le seul espoir de triompher de ces menaces. Ce ne sont pas les grandes institutions, que ce soit étatiques ou privées, qui agissent indépendamment de toute pression de la part de l’opinion publique qui s’y attelleront, ce qui signifie que les moyens d’un fonctionnement démocratique doivent être préservés, utilisés comme l’a fait le mouvement Sunshine, de la même manière que la grande manifestation populaire qui a marqué le début des années 1980, ou comme nous le faisons encore de nos jours.

AMY GOODMAN : Nous revenons échanger avec Noam Chomsky d’ici 30 secondes.

3- L’arrestation d’Assange est "scandaleuse" et met en lumière la présence extraterritoriale choquante des États-Unis.

Le 12 avril 2019 par Amy Goodman

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Les avocats du fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, jurent de se battre pour éviter son éventuelle extradition vers les États-Unis après son arrestation à Londres, quand la police britannique l’a contraint par la force à quitter l’ambassade d’Equateur, où il avait trouvé refuge pendant presque sept ans. Jeudi soir, Amy Goodman, de Democracy Now ! a interrogé Noam Chomsky au sujet de l’arrestation d’Assange, de WikiLeaks et du pouvoir des États-Unis.

AMY GOODMAN : Vous êtes sur Democracy Now ! Je suis Amy Goodman, depuis Boston, et nous prenons place avec Noam Chomsky pour une conversation en public. Je lui ai demandé ce qu’il pensait de l’arrestation de Julian Assange.

NOAM CHOMSKY :L’arrestation d’Assange est scandaleuse à plusieurs égards. Entre autres, il y a les effort des gouvernements - et pas seulement de celui des États-Unis. Les Britanniques coopèrent. L’Équateur, bien sûr, coopère maintenant. La Suède, auparavant, avait coopéré. Les manœuvres pour faire taire un journaliste qui publiait des documents que les gens au pouvoir ne voulaient pas voir dans les mains de la populace - d’accord ? - en gros, c’est ce qui s’est passé. WikiLeaks produisait des éléments sur ceux qui sont au pouvoir que tout le monde devrait savoir. Mais ça, ça ne plaît pas aux gens au pouvoir, alors il faut réduire ça au silence. Vous me suivez ? C’est le genre de chose, le genre de scandale, qui malheureusement se produit et se reproduit sans fin.

Pour prendre un autre exemple, juste à côté de l’Équateur, au Brésil, où les événements qui se sont
produits sont extrêmement préoccupants. C’est le pays le plus important d’Amérique latine, l’un des plus importants au monde. Sous le gouvernement Lula, au début de ce millénaire, le Brésil était le pays le plus - peut-être le plus respecté au monde. C’était la voix du Sud mondial sous la houlette de Lula da Silva. Regardez ce qui s’est passé. Il y a eu un coup d’État, un coup d’État modéré, pour éliminer les effets malheureux du parti des travailleurs, le Parti des travailleurs. C’est décrit par la Banque mondiale - pas par moi, par la Banque mondiale - comme la "décennie d’or" de l’histoire du Brésil, avec une réduction radicale de la pauvreté, une généralisation de l’inclusion des populations marginalisées, de grands pans de la population - Afro-brésiliens, autochtones- qui ont été intégrés à la société, un sentiment de dignité et d’espoir pour la population. Et ça, c’était intolérable.

Après Lula - après qu’il ait quitté son mandat, il y a eu une sorte de "coup d’État en douceur" - je n’entrerai pas dans les détails - mais le dernier fait marquant, en septembre dernier, a été de se saisir de Lula da Silva, la personnalité la plus éminente, la plus populaire au Brésil qui allait certainement gagner les élections à venir, pour l’emprisonner, le placer en isolement, autant dire la peine capitale, 25 ans en prison, interdit de livres et de presse, et surtout, exclu de toute possibilité d’expression publique- et ça, ce n’est pas le cas, même pour des tueurs en série qui attendent dans le couloir de la mort. Tout ça pour faire taire la personne qui allait sans doute remporter la présidentielle. Lula est le plus emblématique des prisonniers politiques du monde. Vous en entendez souvent parler ?

Le cas Assange est du même ordre : il s’agit de faire taire cette voix. Que nous raconte l’histoire ? Certains d’entre vous se souviennent peut-être du gouvernement fasciste de Mussolini qui a jeté en prison Antonio Gramsci. Le procureur avait déclaré : « Nous devons faire taire cette voix pendant 20 ans. Nous ne pouvons pas le laisser s’exprimer ». C’est Assange. C’est Lula. Il y a d’autres cas. C’est un des scandales.

L’autre scandale, c’est la puissance extraterritoriale des États-Unis, ce qui est choquant. Ce que je veux dire c’est pourquoi les Etats Unis - pourquoi n’importe quel autre pays - aucun autre état ne pourrait le faire. Mais pourquoi les Etats Unis auraient-ils le pouvoir de contrôler ce que les autres font ailleurs dans le monde ? Je veux dire, c’est une situation absurde et ça se passe tout le temps. On ne s’en rend même plus compte. Ou du moins ça ne donne lieu à aucun commentaire.

Prenons, si vous le voulez bien, les accords commerciaux avec la Chine. De quoi traitent ces accords ? C’est une manœuvre pour empêcher le développement économique de la Chine. C’est exactement de cela qu’il s’agit. La Chine a un modèle de développement. Cela ne plaît pas à l’administration Trump. Nous allons donc le saboter. Posez-vous la question suivante : que se passerait-il si la Chine ne respectait pas les règles que les États-Unis tentent d’imposer ? La Chine, par exemple lorsque Boeing, Microsoft ou une autre grande société investit en Chine, veut garder une certaine maîtrise quant à la nature de l’investissement. Elle veut un certain degré de transfert de technologie. Elle veut retirer un certain bénéfice de la technologie. En quoi est-ce un problème ? C’est comme ça que les États-Unis se sont développés, en pillant - on peut appeler ça du vol - la technologie de l’Angleterre. Et c’est comme cela que l’Angleterre s’était développée, tirant parti des technologies de pays plus avancés - l’Inde, les Pays-Bas et même l’Irlande. C’est ainsi que tous les pays développés ont atteint un stade avancé de développement. Si Boeing et Microsoft n’aiment pas cette façon de faire, ils n’ont qu’à ne pas investir en Chine. Personne n’a le pistolet sur la tempe. Si quelqu’un croit vraiment au capitalisme, il devrait être libre de passer les accords de son choix avec la Chine. Et si ça implique un transfert de technologie, OK. Et bien les États-Unis veulent bloquer cela, pour que la Chine ne puisse pas se développer.

Venons-en à ce qu’on appelle les droits de propriété intellectuelle, les droits exorbitants pour les médicaments protégés par des brevets, ou pour Windows par exemple. Microsoft détient, à travers l’OMC, un monopole sur les systèmes d’exploitation. Supposons que la Chine cesse de les respecter. Qui serait gagnant et qui serait perdant ? Eh bien, le fait est que les consommateurs américains seraient gagnants. Cela voudrait dire que [sans ces brevets NdT] vous auriez des médicaments moins chers. Cela voudrait dire qu’à l’achat d’un ordinateur, vous ne seriez pas coincé avec Windows. Que vous pourriez avoir un meilleur système d’exploitation. Bill Gates gagnerait un peu moins d’argent. Les laboratoires pharmaceutiques ne seraient pas aussi richissimes qu’ils le sont, ils seraient un peu moins riches. Mais les consommateurs en sortiraient gagnants. Est-ce que ça tient la route ? Est-ce que ça pose un problème ?

Eh bien, vous pourriez vous demander : qu’est-ce qui se cache derrière toutes ces discussions et ces négociations ? C’est vrai dans tous les domaines. Quelle que soit la question à laquelle vous vous intéressez, vous pouvez vous demander : pourquoi acceptons-nous cela ? Alors, dans ce cas, pourquoi est-il acceptable que les États-Unis puissent ne serait-ce qu’envisager deproposer d’extrader une personne dont le crime est de dévoiler au public des documents que les gens au pouvoir veulent garder occultes ? En résumé, c’est ça qui se passe.

4- Trump est intervenu directement dans les élections israéliennes pour soutenir la réélection de Netanyahu

Le 12 avril 2019 par Amy Goodman

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Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou entame un cinquième mandat - un record - après avoir battu de justesse l’ancien officier Benny Gantz. A l’occasion d’une discussion avec Amy Goodman de Democracy Now !, Noam Chomsky parle de la façon dont le président Trump est intervenu directement dans les élections israéliennes en aidant à plusieurs reprises Netanyahou, depuis le déménagement de l’ambassade des États-Unis à Jérusalem jusqu’à la reconnaissance de la souveraineté d’Israël sur le plateau du Golan et ce, en violation du droit international.

AMY GOODMAN : Noam, qu’en est-il de ce qui s’est passé en Israël, alors que le Premier ministre Netanyahou a remporté un cinquième mandat, un record ? Juste avant les élections, il annonce qu’il annexera les colonies israéliennes illégales des territoires occupés de Cisjordanie. Le mois dernier, Trump a officiellement reconnu la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan.

NOAM CHOMSKY : Tout d’abord, si Benny Gantz avait été élu à la place de Netanyahu, ça ne ferait pas une grande différence. Sur le plan politique, les deux candidats sont très proches. Netanyahou - voici un autre exemple de la puissance extraterritoriale des États-Unis - est quelque peu plus extrémiste.

Les États-Unis voulaient absolument qu’il soit élu. Et l’administration Trump a fait cadeau sur cadeau à Netanyahou pour essayer de le faire élire. Cela a suffi pour lui faire dépasser de peu les 50/50 - une élection serrée pratiquement 50/50.
L’un de ces cadeaux a bien sûr consisté à déplacer l’ambassade à Jérusalem, en violation non seulement du droit international, mais même des résolutions du Conseil de sécurité auxquelles les États-Unis avaient participé. Un changement radical.

Donald Trump et le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou exhibent le décret américain reconnaissant la souveraineté d’Israël sur le plateau du Golan occupé. PHOTO:THE ASSOCIATED PRESS / MANUEL BALCE CENETA

Un second, tout aussi radical, a été l’autorisation d’annexion du plateau du Golan par Israël. Le plateau du Golan est, selon le droit international, un territoire syrien occupé. Israël - toutes les grandes institutions concernées, le Conseil de sécurité, la Cour pénale internationale, s’accordent sur ce point.

Dans les faits, Israël a annexé le plateau du Golan. Mais le Conseil de sécurité, le Conseil de sécurité de l’ONU, auquel les États-Unis participent, a déclaré que c’était nul et non avenu. Vous me suivez ? Trump, de façon unilatérale est revenu là dessus - un cadeau de plus à Netanyahou qui peut ainsi démontrer aux israéliens qu’avec le soutien des États-Unis, il peut obtenir tout ce qu’ils veulent.

Finalement, juste avant les élections, il [Netanyahou, NdT] a déclaré que, s’il était élu, il annexerait certaines parties de la Cisjordanie. C’était avec l’autorisation tacite des États-Unis.

Ce sont là des mesures audacieuses qui ont été prises pour interférer de façon considérable dans une élection étrangère. Avez-vous entendu dire à quel point c’est terrible de s’immiscer dans les élections à l’étranger ? Il est possible que vous en ayez entendu parler quelque part. Mais ici, c’est fait à fond. On ne voit pas le mal. Mais justement, quelles en sont les conséquences réelles sur le cours des politique menées ? En fait, il n’y en n’a pas tant que ça.

Prenons l’annexion du plateau du Golan. En fait, elle a été déclaré nulle et non avenue par le Conseil de sécurité. Elle a été condamnée par la Cour internationale de Justice. Mais est-ce que quelqu’un a fait quelque chose à ce sujet ? Des mesures ont-elles été prises pour empêcher Israël de développer le plateau du Golan, de créer des colonies, des entreprises, de développer des stations de ski sur le mont Hermon ? Quelque chose ? Non, personne n’a levé le petit doigt. Et personne n’a levé le petit doigt pour une simple raison : Les États-Unis ne le permettront pas. Personne ne le dit, mais c’est un fait. Maintenant, au lieu d’être officieux, c’est officiellement autorisé.

Prenons la proposition de Netanyahou d’annexer certaines parties de la Cisjordanie. En réalité, ça dure depuis 50 ans. Juste après la guerre de 1967, les deux partis politiques de gouvernement - l’ancien parti travailliste et l’alliance du Likoud - mènent des politiques légèrement différentes, mais pour l’essentiel les deux mènent un programme d’aménagements en Cisjordanie qui est axé sur l’objectif, l’objectif très clair de créer ce qui sera une sorte de Grand Israël, où Israël aura mis la main sur tout ce qui a de la valeur en Cisjordanie tout en gardant des poches de population Palestinienne - comme à Naplouse et Tulkarem - et en les isolant. Dans le reste de la région, il y a quelque chose comme 150 petites enclaves palestiniennes, plus ou moins entourées de check-points, souvent éloignées de leurs champs, tout juste capables de survivre.

Pendant ce temps, on implante des colonies juives. Des villes entières ont été édifiées - une grande ville, Ma’aleh Adumim, construite, soit dit en passant, surtout dans les années Clinton, à l’est de Jérusalem. La route qui y mène coupe en deux la Cisjordanie. Et il y en a d’autres plus au nord. La ville de Jérusalem elle-même doit avoir quintuplé par rapport à sa taille historique. Tout cela est relié par des infrastructures très modernes.

Vous pouvez y aller. Vous pouvez - on a recréé en Cisjordanie les charmantes banlieues de Tel-Aviv et de Jérusalem. On peut se rendre de Ma’aleh Adumim à Tel-Aviv en empruntant une autoroute, réservée aux Israéliens et aux touristes, interdite aux Palestiniens, plus facilement que vous n’iriez que de la rive sud de la baie [de Boston, Massachussets, NdT] au centre-ville de Boston - et ce sans jamais croiser un Arabe.

Trump se vante des nouvelles ventes à l’Arabie

Tout cela s’est progressivement développé, année après année, avec le soutien tacite des États-Unis. Les États-Unis fournissent le soutien diplomatique, une grande partie du soutien économique, l’aide militaire. Et pendant ce temps, notre gouvernement dit : "Nous n’aimons pas ça. Arrêtez !", tout en fournissant les moyens de le faire. Eh bien, la seule différence dans la déclaration de Netanyahou avec l’appui tacite de Trump est : "Je vais aller de l’avant et annexer tout ça, au lieu de simplement le mettre en valeur en vue d’une éventuelle annexion". Voilà ce qui s’est vraiment passé.

Maintenant, la victoire de Netanyahou, comme je l’ai déjà dit, consolide une alliance qui existe - qui a été développée, qui a été - elle a été tissée en partie de façon occulte, pas de façon formelle, mais elle fonctionne, et se dévoile désormais au grand jour, réunissant des États arabes parmi les plus réactionnaires - principalement l’Arabie saoudite, un des États les plus réactionnaires du monde ; l’Égypte sous la dictature Sissi, la pire dictature dans l’histoire de l’Égypte ; les Émirats arabes unis, pas mieux ; et au centre du dispositif, Israël.

Cela fait partie de l’alliance internationale des droites, de l’internationale réactionnaire et ultranationaliste qui se dessine sous la direction des États-Unis, une sorte de nouveau système mondial qui est en train de voir le jour. L’Amérique du Sud, sous Bolsonaro, en est une autre partie.

AMY GOODMAN : Et pourtant, aux États-Unis, il y a cette prise de conscience qui monte. Par exemple, le vote du parti Démocrate [ avec le soutien de quelques élus Républicains NdT] - contre la guerre menée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis au Yémen, alimentée par les États-Unis. Cela vous donne-t-il de l’espoir ?

NOAM CHOMSKY : C’est un nouveau tournant très intéressant. En fait, c’est Bernie Sanders. C’est ce qui s’est passé - et notez le - c’est un fait nouveau très important, mais observons ce qui s’est passé. La guerre menée par les Émirats arabes unis et les saoudiens au Yémen a été une atrocité épouvantable.

On estime - il n’y a pas de chiffres fiables - que 60 à 70 000 personnes ont été tuées et la moitié de la population a du mal à survivre. L’ONU parle de la pire catastrophe humanitaire au monde. C’est monstrueux. Cela dure, année après année. L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis utilisent des armes américaines - en complément des armes britanniques - avec le soutien du renseignement américain, les services secrets américains travaillent étroitement avec les saoudiens pour cibler les bombardements, etc. Tout ça s’est déroulé sans soulever la moindre protestation.

Ensuite, il y a eu l’assassinat de Khashoggi, le meurtre particulièrement sauvage d’un journaliste du Washington Post. Cela a provoqué une certaine indignation, n’est-ce pas ? Normal, mais, vous savez ce n’est pas la raison pour laquelle la guerre au Yémen aurait dû d’un coup se retrouver sous le feu des projecteurs. Mais c’est ce qui s’est passé.

Ensuite, Bernie Sanders est arrivé, avec quelques autres, et a lancé le projet de loi qui freine l’aide directe des États-Unis à cette guerre. C’est important, mais nous devrions le resituer dans le contexte du moment. Et je pense que nous pouvons plutôt faire confiance au triumvirat Trump-Pompeo-Bolton pour trouver un moyen de contourner la loi et de poursuivre la guerre - à moins d’une forte opposition populaire.

Maintenant, il y a autre chose qui mérite qu’on s’y attarde. Le soutien à l’expansionnisme israélien, à la répression, à toute l’alliance qui se développe, ce soutien s’est déplacé aux États-Unis depuis les mouvements les plus libéraux - en gros, le Parti Démocrate - vers l’extrême droite. Il n’y a pas si longtemps, c’était les franges les plus progressistes de la population qui accordaient un soutien enthousiaste à Israël. C’était une revendication des Démocrates. Ça ne l’est plus.

En fait, si vous regardez les sondages, actuellement les gens qui se déclarent Démocrates accordent plutôt leur soutien aux droits des Palestiniens qu’à Israël. C’est un changement spectaculaire. Le soutien à Israël se trouve aujourd’hui dans les couches les plus réactionnaires de la population : les chrétiens évangéliques, les ultranationalistes. En gros, c’est une thématique d’extrême droite. Et c’est encore plus vrai chez les plus jeunes.

Et ça, je le constate moi-même, rien que dans mon expérience personnelle. Jusqu’à il y a une dizaine ou une quinzaine d’années, si je faisais une conférence sur la question israélo-palestinienne dans une université, même dans ma propre université, le MIT, il me fallait une protection policière, vraiment. La police essayait d’empêcher que la conférence soit perturbée. Ils ne me laissaient pas regagner ma voiture seul. Je n’avais d’autre choix que d’être accompagné par la police. Des réunions ont dû être annulées. Personne ne s’opposait à tout cela. Cela se produisait tout le temps. Ça a complètement changé. Et c’est un changement très important. Je pense que tôt ou tard - et j’espère que ce sera tôt - cela pourrait amener un changement de politique aux États-Unis.

Il y a des mesures très simples qui pourraient être prises en matière de politique américaine qui changeraient radicalement la situation au Proche-Orient. Par exemple, une proposition simple est que le gouvernement des États-Unis devrait se conformer à la loi américaine. A première vue, ça ne serait pas trop radical. Les États-Unis ont des lois, comme la loi dite Leahy, la loi Patrick Leahy, qui exige qu’aucune aide militaire ne puisse être octroyée à une organisation militaire qui est impliquée dans des violations répétées des droits humains.

Eh bien, l’armée israélienne est impliquée dans des violations systématiques des droits humains. Si les États-Unis respectaient la loi américaine, nous cesserions toute aide à l’armée de défense israélienne. Cette mesure à elle seule aurait un effet majeur, non seulement sur l’aide matérielle, mais aussi sur sa portée symbolique.

Et il est fort possible qu’avec l’évolution de l’opinion publique, en particulier chez les jeunes, il puisse arriver un moment où il serait demandé aux États-Unis d’appliquer leurs propres lois. Vous me suivez ? Je me répète, il n’y a là rien de bien radical. Et ce ne serait même pas une innovation.

AMY GOODMAN : Noam Chomsky. Nous avons échangé à l’église Old South jeudi soir. Il était en visite à Boston, où il a longtemps habité. Il a été professeur au Massachusetts Institute of Technology (MIT) pendant plus de 50 ans. À la fin de l’événement, nous avons célébré son 90e anniversaire.

Et à propos, joyeux anniversaire à Anna Özbek et Joe Parker ! Un merci spécial à Mike Burke, John Hamilton, Tey Astudillo, Denis Moynihan et Amy Littlefield. Je suis Amy Goodman, à Boston. Merci beaucoup de nous avoir suivis.

5-Le New Deal Vert est exactement l’idée qu’il nous faut

18 avril 2019 par Amy Goodman

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Les partisans du New Deal vert lancent ce jeudi une campagne nationale pour rallier des soutiens à la résolution du Congrès visant à transformer l’économie américaine en finançant les énergies renouvelables tout en mettant fin aux émissions de dioxyde de carbone du pays d’ici 2030. La semaine dernière à Boston, Democracy Now ! a échangé avec Noam Chomsky au sujet du New Deal vert et des enseignements à tirer de l’ancien New Deal [ensemble de politiques sociales et économiques menées dans les années 30 aux USA pour mettre fin à la crise de 1929, NdT].

AMY GOODMAN : Vous êtes sur Democracy Now ! Je suis Amy Goodman, en compagnie de Nermeen Shaikh. Nous terminons l’émission d’aujourd’hui avec le linguiste de renommée mondiale, le dissident politique Noam Chomsky. La semaine dernière à la Old South Church de Boston j’ai eu un entretien avec lui. Dans un instant, nous entendrons Noam Chomsky parler de l’ingérence russe dans les élections de 2016 et de ce que le rapport Mueller, qui paraît aujourd’hui, a découvert et n’a pas découvert. Mais d’abord, j’ai demandé à Noam Chomsky de nous parler du New Deal vert et des enseignements de l’ancien New Deal.

NOAM CHOMSKY : Tout d’abord, je pense que le New Deal vert est exactement l’idée qu’il nous fallait. Vous pouvez poser des questions sur la forme spécifique sous laquelle Ocasio-Cortez et Markey l’ont introduite : peut être pas exactement comme ils auraient dû ; il aurait peut-être été préférable de procéder autrement. Mais l’idée générale est tout à fait la bonne. Ils ont fait un énorme travail pour expliquer en détail, pour développer, pour démontrer comment cela pourrait fonctionner.

Robert Pollin, un excellent économiste de L’université du Massachusetts à Amherst a donc longuement écrit, très en détail, de façon très analytique, sur la façon dont des politiques de ce genre pourraient être mises en oeuvre avec une grande efficacité, ce qui de fait améliorerait la société. Rien à perdre, ça serait tout bénéfice. Le coût des énergies renouvelables diminue très significativement. Si vous supprimiez les subventions colossales qui sont accordées au secteur des énergies fossiles, il est probable que les renouvelables seraient déjà les plus compétitives.

De nombreux moyens peuvent être mis en œuvre pour résoudre cette grave crise, ou du moins pour l’atténuer, peut être même la surmonter. L’idée de départ donc, à mon avis, se défend tout à fait - elle est même incontournable. Les commentaires des médias qui ridiculisent tel ou tel aspect de la question sont dans l’ensemble complètement hors sujet. On peut discuter des dates, passer de 2030 à 2040, on peut faire quelques autres ajustements, mais l’idée de départ est la bonne.

Quelle est la différence avec les années 30 ? Il y a plusieurs choses. Une des choses qui diffère, c’est l’action syndicale à grande échelle. Les années 1930 furent la période de l’organisation du CIO [Le Committee for Industrial Organization est une confédération syndicale nord-américaine particulièrement puissante dans l’industrie, NdT].

Dans les années 1920, le mouvement ouvrier américain avait été pratiquement détruit. Gardez à l’esprit, on est dans une société toute entière au service de l’économie. L’histoire ouvrière américaine est très violente par rapport à celle des pays analogues. Et dans les années 1920, le mouvement ouvrier relativement puissant et combatif avait été à peu près brisé. David Montgomery, l’un des grands historiens de la classe ouvrière, a écrit une des œuvres majeures sur l’histoire des travailleurs, The Rise and Fall of the American Labor Movement - The Fall of the House of Labor : The Workplace, the State, and American Labor Activism, 1865-1925 [Le développement puis le déclin du mouvement ouvrier américain - La chute de la maison du travail : le monde professionnel, l’État et le militantisme ouvrier américain - nommé pour le prix Pullitzer 1988, NdT]. Il parlait des années 1920, époque de la quasi destruction de ce mouvement.

Dans les années 1930, il a repris vie. Il a repris vie avec des activités structurantes à grande échelle. L’organisation du CIO a commencé. Les mouvements de grève ont été très musclés, allant jusqu’à l’instauration de piliers de grève. De tels blocages sont de véritables signe d’alerte pour le monde des affaires, car il y a l’étape suivante. L’étape suivante, c’est : "Remettons l’usine en route et faisons-la tourner nous-mêmes. On n’a pas besoin des patrons. Nous en sommes capables. On n’a plus besoin des patrons. On peut s’en occuper nous-mêmes. Alors, on les vire." Vous voyez ?

Ça c’est une véritable révolution, celle qui devrait avoir lieu. Les acteurs d’une entreprise la posséderaient et la feraient fonctionner eux-même au lieu d’être les esclaves de propriétaires privés qui contrôlent leurs vies. Et une grève sur le tas c’est à deux doigts de ça. Et les classe possédantes en ont réellement eu peur.

Deuxième élément qui diffère, il y avait une administration bienveillante, ce qui est crucial. Si on étudie l’histoire des luttes ouvrières au fil des siècles - il y a un très bon livre à ce sujet, soit dit en passant, d’Erik Loomis, intitulé American History in Ten Strikes, ou un titre approchant [Une histoire de l’Amérique en 10 grèves, NdT], où il passe en revue les combats ouvriers depuis aussi loin dans le temps que le début du 19 ème siècle. Et il fait valoir un point intéressant. Il dit que toutes les actions syndicales qui ont été couronnées de succès ont eu l’appui, au moins tacite, des autorités. Si l’État et les classes dirigeantes parviennent à faire front commun pour écraser l’action ouvrière, ils y parviennent toujours. N’est-ce pas ? C’est un constat très intéressant.

Et dans les années 1930, l’administration se montrait compréhensive, pour de nombreuses raisons. Et c’est cette combinaison d’une mobilisation des travailleurs - c’était une période extrêmement animée politiquement à bien des égards - et d’une administration faisant preuve d’empathie qui a conduit au New Deal, qui a bouleversé la vie des gens.

6- En concentrant l’attention sur la Russie, les Démocrates ont fait un "énorme cadeau" à Trump et lui ont peut-être même offert les élections de 2020

Le 18 avril 2019 par Amy Goodman

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Au moment où le procureur général William Barr rend public le rapport tant attendu de Robert Mueller sur l’ingérence russe dans les élections de 2016, nous évoquons avec Noam Chomsky - dissident politique, linguiste et auteur de renommée mondiale - ce qui constitue selon lui les dangers politiques du "Russiagate".

AMY GOODMAN : Pouvez-vous nous faire part de votre analyse sur le Président Trump ? Vous avez traversé tant de présidences. Expliquez-nous le Président Trump et les raisons des nombreuses réactions qu’il suscite.

NOAM CHOMSKY : Eh bien, Trump est - vous savez, je crois qu’on se fait bien des illusions sur Trump. Si vous jetez un coup d’œil au phénomène Trump, ce n’est pas si surprenant. Revenez sur les primaires du parti républicain des 10 ou 15 dernières années, et souvenez-vous de ce qui s’est passé pendant ces primaires.

A chaque primaire, quand un candidat sortait du rang, ça paraissait tellement incongru que l’establishment Républicain s’est mobilisé, avec succès, pour les écraser - Michele Bachmann, Herman Cain, Rick Santorum. Quiconque arrivant directement de la base était immédiatement jugé comme inacceptable par l’establishment. La différence en 2016, c’est qu’ils n’ont pas pu l’écraser.

Mais la question intéressante est : pourquoi cela se produisait-il ? Pourquoi, élection après élection, la base électorale a-t-elle produit des candidats absolument intolérables pour l’establishment ? La réponse à cette question n’est pas bien difficile à trouver, si vous y réfléchissez bien. Depuis les années 1970, au cours de cette période néolibérale, les deux partis politiques se sont déplacés vers la droite. Dès les années 1970, les Démocrates avaient pratiquement abandonné la classe ouvrière.

Je veux dire, le dernier soupçon de proposition de loi plus ou moins progressiste du parti Démocrate a été le Humphrey-Hawkins Full Employment Act en 1978, que Carter a édulcoré de sorte qu’il n’avait plus aucune substance et n’était effectif que sur la base du volontariat. Mais les Démocrates avaient pratiquement abandonné la classe ouvrière. Ils étaient devenus ce qu’on appelait autrefois des Républicains modérés.

Pendant ce temps, les Républicains se sont tellement déplacés vers la droite qu’ils sont complètement sortis du spectre. Deux des principaux analystes politiques de l’American Enterprise Institute, Thomas Mann, Norman Ornstein, il y a environ cinq ou dix ans, ont qualifié le parti Républicain d’"insurrection radicale" ayant renoncé à l’action politique parlementaire.

Eh bien, pourquoi est-ce arrivé ? C’est arrivé parce que les Républicains font face à un problème difficile. Ils ont comme principal électorat, et c’est un véritable électorat : l’extrême richesse et le pouvoir des entreprises. Voilà à qui ils doivent allégeance. C’est leur base électorale. Cela ne permet pas d’obtenir des suffrages, alors il faut faire autre chose pour les obtenir. Mais quoi ?

C’est ce qu’a commencé Richard Nixon avec la stratégie du Sud : essayer de capter les racistes du Sud. Au milieu des années 70, Paul Weyrich, l’un des stratèges républicains, a eu une idée brillante. Les catholiques du Nord votaient Démocrate, avaient tendance à voter Démocrate, beaucoup d’entre eux étaient de la classe ouvrière. Les Républicains pouvaient capter ce vote en faisant semblant - c’est crucial, "faire semblant" - d’être opposés à l’avortement. Le même stratagème leur permettait d’obtenir le vote évangélique. Il s’agit de nombreux votes - évangéliques, catholiques du Nord.

Remarquez le mot "faux-semblant". C’est crucial. Dans les années 1960, toutes les personnalités Républicaines de premier plan étaient fortement, ce que nous appelons aujourd’hui, pro-choix [Le mouvement pro-choix désigne en Amérique du Nord l’ensemble des mouvements qui défendent l’idée politique et éthique que les femmes devraient avoir le contrôle de leur grossesse et de leur fertilité NdT].

La position du parti Républicain, c’est-à-dire de Ronald Reagan, George H.W. Bush et de tous les dirigeants, était : L’avortement n’est pas l’affaire du gouvernement ; c’est une affaire privée - le gouvernement n’a rien à dire à ce sujet. Ils ont fait volte-face pour essayer d’obtenir une base électorale sur ce qu’on appelle les questions culturelles.

Même chose en ce qui concerne le droit de posséder des armes à feu. Les lois sur les armes à feu deviennent une question gravée dans le marbre, de livre sacré, parce qu’elles permettent de rallier une partie de la population.

En fait, ce qu’ils ont fait, c’est mettre sur pied une coalition d’électeurs sur la base de questions qui sont, vous voyez, acceptables pour l’establishment, mais ça ne leur plaît pas. OK ? Et iI leur faut garder simultanément ces deux électorats. Leur réel électorat celui de la richesse et du pouvoir des entreprises, lui, a ses intérêts bien protégés par le droit en vigueur.

Donc, si vous considérez les dispositions législatives prises sous Trump, vous verrez qu’il ne s’agit que de cadeaux somptueux pour les riches et le secteur des entreprises - la politique fiscale, la déréglementation, vous savez, chaque cas en particulier.

En gros c’est un peu le travail de Mitch McConnell et Paul Ryan, de ces gars là. Ils servent les intérêts de l’électorat réel. Et en même temps, Trump doit toujours conserver le corps électoral global, pour ça, il enchaîne les prises de positions outrancières qui plaisent à certains pans de sa base électorale. Et il le fait très habilement. Comme toute manœuvre politique, elle est habile. Travailler pour les riches et les puissants, arnaquer tout le monde, mais obtenir leurs votes - ce n’est pas une mince affaire. Et c’est ça qu’il réussit à faire.

Et, je dois le dire, les Démocrates l’aident. Tout à fait. Concentrons-nous sur le Russiagate. Qu’est-ce que c’est que ça ? Je veux dire, il était assez évident dès le départ que rien de bien grave ne serait trouvé au sujet de l’ingérence russe dans les élections. D’abord, c’est indétectable. Je veux dire, lors des élections de 2016, le Sénat et la Chambre des Représentants ont suivi la position de l’exécutif sans que personne ne prétende qu’il y avait eu ingérence russe.

En fait, vous savez, l’ingérence russe dans les élections, si elle a existé, a été très mineure, bien moins importante, que disons, celle d’Israël. Israël, le premier ministre, Netanyahou, va au Congrès et s’exprime devant le parlement réuni en Congrès, sans même en informer la Maison-Blanche, pour attaquer la politique d’Obama. Ce que je veux dire, c’est que c’est une ingérence spectaculaire dans les élections.

Quoi que les Russes aient essayé, ça n’a rien à voir. Et, en fait, il n’y a pas pire ingérence dans les élections que celle liée au financement des campagnes électorales. N’oubliez pas que le montant du financement d’une campagne électorale, à lui seul, permet de prédire très précisément l’issue du scrutin.

C’est encore une fois l’œuvre majeure de Tom Ferguson qui l’a montré de manière très convaincante. Ça, c’est une ingérence massive dans les élections. Tout ce que les Russes auraient pu faire, ce serait, en comparaison, de la roupie de sansonnet. Pour ce qui est de la collusion de Trump avec les Russes, cela n’aurait jamais été autre chose que de la corruption mineure, peut-être la construction d’un hôtel Trump sur la Place Rouge ou quelque chose du genre, mais rien de bien sérieux.

Les Démocrates ont tout misé sur cette affaire. Et bien, il s’est avéré qu’il n’y avait pas grand-chose. Ils ont fait un énorme cadeau à Trump. Peut-être même qu’ils lui ont offert les prochaines élections. Dans cette histoire, ils sont tellement réticents à traiter des questions qui sont essentielles qu’ils cherchent autre chose, quelque chose de marginal, qui leur permettrait de remporter un succès politique.

Les véritables enjeux sont ailleurs. Ce sont des sujets comme le changement climatique, le réchauffement de la planète, la Nuclear Posture Review [document qui décrit la doctrine des USA en matière d’arsenal nucléaire, NdT], la déréglementation. Ce sont là les vrais sujets. Mais les Démocrates, l’establishment démocrate, ne s’y attellera pas. Ils poursuivent d’autres objectifs - l’establishment Démocrate. Je ne parle pas de la jeune génération qui monte, et qui est quelque peu différente. Tout cela doit changer radicalement pour avoir une opposition politique légitime à la dérive droitière qui est en cours. Et ça peut arriver, ça peut arriver, c’est sûr, mais c’est du boulot.

AMY GOODMAN : Le linguiste et dissident politique de renommée mondiale Noam Chomsky, s’exprimait depuis l’Old South Church à Boston jeudi dernier. Rendez-vous sur democracynow.org pour découvrir l’interview et pour voir son discours. Vous pouvez vous rendre sur democracynow.org pour accéder à nos podcasts vidéo et audio, ainsi qu’aux transcriptions de toutes nos émissions.
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