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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2019-92

Étude financée par la NASA : La civilisation industrielle se dirige-t-elle vers un "effondrement irréversible" ?

par Nafeez Ahmed, traduit par Jocelyne le Boulicaut

mercredi 11 septembre 2019, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT enseignante universitaire d’anglais retraitée pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

Étude financée par la NASA : la civilisation industrielle se dirige-t—elle vers un "effondrement irréversible" ?

Le vendredi 14 mars 2014 par Dr Nafeez Ahmed

Le docteur Nafeez Ahmed est directeur exécutif de l’ Institute for Policy Research & Development et auteur, entre autres ouvrages, de "A User’s Guide to the Crisis of Civilisation : And How to Save It " [Manuel de l’Utilisateur sur la crise de la civilisation : et comment sauver celle-ci, NdT] . On peut le suivre sur Twitter @nafeezahmed

Cette image de l’Observatoire de la Terre de la NASA montre un système de tempête en orbite autour d’une zone de très basse pression en 2010, ce que de nombreux scientifiques attribuent au changement climatique. Photographie : AFP/Getty Images

Les spécialistes en sciences naturelles et sociales élaborent un nouveau paradigme pour envisager comment une "tempête irrémédiable" de crises pourrait détruire le système mondial. Une nouvelle étude partiellement financée par le Goddard Space Flight Center de la NASA a mis en lumière l’éventualité d’un effondrement de la civilisation industrielle mondiale dans les décennies à venir en raison d’une exploitation non soutenable des ressources et d’une redistribution de plus en plus inégalitaire des richesses.

Précisant que les avertissements d’"effondrement" sont souvent considérés comme marginaux ou polémiques, l’étude tente de donner un sens à des données historiques irréfutables montrant que "le processus d’essor puis de chute est en fait un cycle récurrent à travers l’histoire". Les cas de graves bouleversements civilisationnels dus à un "effondrement brutal - souvent sur une période de plusieurs siècles - ont été assez fréquents".

Le projet de recherche indépendant est basé sur un nouveau modèle interdisciplinaire " Human And Nature DYnamical " (HANDY) [Dynamique humaine et nature, NdT], dirigé par le spécialiste en mathématiques appliquées Safa Motesharrei du National Socio-Environmental Synthesis Center [Centre national de synthèse socio-environnementale, NdT], et subventionné par la National Science Foundation américaine, en association avec une équipe de spécialistes des sciences naturelles et sociales.

Le modèle HANDY a été créé à l’aide d’une bourse d’études mineure de la NASA, mais l’étude fondée sur ce modèle a été menée de manière indépendante. Cette étude basée sur le modèle HANDY a été avalisée pour publication dans Ecological Economics, revue universitaire connue au sein de la communauté scientifique et éditée par Elsevier.

On constate que, d’après les données historiques, même les civilisations les plus avancées et les plus complexes sont susceptibles de s’effondrer, ce qui soulève des questions quant à la durabilité de la civilisation moderne : "La chute de l’Empire romain et des empires Han, Maurya et Gupta tout aussi avancés (sinon plus), ainsi que celle de tant d’autres empires mésopotamiens avancés, témoignent tous du fait que les civilisations avancées, sophistiquées, complexes et créatives peuvent être à la fois fragiles et éphémères.

En faisant des recherches quant à la dynamique entre les hommes et la nature de ces cas passés d’effondrement, le projet identifie les facteurs interdépendants les plus marquants qui expliquent le déclin d’une civilisation et qui peuvent nous aider à en déduire le risque d’effondrement aujourd’hui, à savoir : Population, Climat, Eau, Agriculture et Energie.

Ces facteurs peuvent mener à l’effondrement lorsqu’ils convergent pour générer deux phénomènes sociaux déterminants : "la diminution des ressources causée par la trop grande pression sur la capacité de charge écologique " ; et "la stratification économique de la société en Elites [riches] et Masses populaires (ou " roturiers ") [pauvres] ". "Ces phénomènes sociaux ont joué "un rôle central dans la nature et le déroulement de d’effondrement", dans tous ces cas au cours des "cinq derniers millénaires".

Actuellement, les niveaux élevés de stratification sociale sont directement liés à la surconsommation des ressources, avec des "Elites" qu’on trouve surtout dans les pays industrialisés,contribuant aux deux phénomènes : "... les excédents accumulés ne sont pas redistribués équitablement dans la société, mais restent pluôt sous le contrôle d’une élite. La masse de la population, bien qu’elle produise la richesse, ne s’en voit attribuer qu’une petite partie par les élites, n’atteignant généralement guère plus que le minimum vital."

L’étude réfute ceux qui soutiennent que la technologie, en étant plus efficace, saura résoudre ces écueils : "Les mutations technologiques peuvent certes accroître l’efficacité de l’utilisation des ressources, mais elles vont aussi contribuer à augmenter à la fois la consommation de ressources par habitant et le niveau de l’extraction des ressources, ce qui veut dire, qu’en l’absence d’actions politiques, les augmentations de la consommation vont venir annuler les effets d’une plus grande efficacité dans l’utilisation des ressources."

Les augmentations de productivité en agriculture et dans l’industrie au cours des deux derniers siècles proviennent de "l’augmentation (plutôt que la diminution) du rendement des ressources ",en dépit des gains d’efficacité considérables au cours de la même période. Modélisant une série de scénarios différents, Motesharrei et ses collègues arrivent à la conclusion que dans des conditions " reflétant étroitement la réalité du monde d’aujourd’hui... nous trouvons que l’effondrement est difficile à éviter ".

Dans le premier de ces scénarios, la civilisation : "..... semble être sur une trajectoire pérenne depuis assez longtemps, mais même en optimisant le taux d’épuisement et en commençant avec un très petit nombre de membres de l’Elite, les Elites finissent par consommer trop, ce qui entraîne une famine au sein des masses populaires et provoque finalement l’effondrement de la société.

Il est important de noter que cet effondrement de type L [Disappearance of Labor, disparition de la main d’oeuvre, nom venant de l’aspect de la courbe le représentant NdT] est dû à une famine induite par l’inégalité menant à une pénurie de main d’oeuvre, plutôt qu’un effondrement de la nature [Exhaustion of Nature, effondrement de type N, NdT]."

Un autre scénario met l’accent sur le rôle de l’exploitation continue des ressources, en constatant qu’"avec un taux d’épuisement plus élevé, le déclin des Masses se produit plus rapidement, tandis que les Elites restent prospères, mais finalement les Masses populaires s’effondrent complètement, suivies par les Elites".

En transposant cette analyse à notre fâcheuse impasse actuelle, l’étude nous met en garde : Alors que certains membres de la société pourraient tirer la sonnette d’alarme démontrant que le système s’achemine vers un effondrement imminent et donc préconiser des changements structurels de société afin de l’éviter, les Elites et leurs partisans, qui s’opposent à ces changements, pourraient se servir de la longue trajectoire durable " jusqu’ici " pour convaincre de rester dans le statu quo.

Dans les deux scénarios, le monopole des Elites sur les richesses signifie qu’elles sont protégées des "effets les plus néfastes de l’effondrement environnemental pendant bien plus longtemps que les Masses populaires ", ce qui leur permet de "continuer à ’faire comme d’habitude’ [business as usual NdT] ignorant la catastrophe imminente".

Elles soutiennent que le même mécanisme pourrait expliquer comment "des effondrements historiques ont pu se produire grâce à des élites qui semblent indifférentes à la trajectoire catastrophique ( c’est dans le cas des civilisations romaines et maya que c’est le plus évident) ".Toutefois, les scientifiques soulignent que les pires scénarios ne sont nullement inévitables et suggèrent que des changements politiques et structurels appropriés pourraient éviter l’effondrement, sinon paver la route vers une civilisation plus stable.

Les deux principales solutions consistent à réduire les inégalités économiques afin d’assurer une redistribution plus équitable des ressources et à considérablement réduire la consommation des ressources en s’appuyant sur des ressources renouvelables moins intensives tout en réduisant la croissance démographique : "L’effondrement peut être évité et la population peut atteindre un point d’équilibre si le taux d’épuisement de la nature par personne est ramené à un niveau supportable et si les ressources sont distribuées de manière raisonnablement équitable."

Le modèle HANDY financé par la NASA donne un coup de semonce tout à fait crédible aux gouvernements, aux entreprises et au monde des affaires - et aux consommateurs - pour qu’ils admettent que le "statu quo"[business as usual NdT] ne peut pas être maintenu et que des changements politiques et structurels sont nécessaires immédiatement.

Bien que l’étude basée sur HANDY soit largement théorique - un " exercice de réflexion " - un certain nombre d’autres études plus empiriques - menées par KPMG [KPMG est un réseau international de cabinets d’audit et de conseil exerçant dans 154 pays, NdT] et le Government Office of Science du Royaume-Uni, entre autres - ont prévenu que la convergence des crises alimentaire, hydrique [autour de l’accès à l’eau NdT] et énergétique pourrait créer une " véritable tempête " d’ici une quinzaine d’années. Mais ces prévisions de type "business as usual" pourraient être fortement teintées de conservatisme.

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CONTROVERSE

Tout le monde n’est pas d’accord avec cet article

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31 mars 2014 Par Alexandra Basset Blog

* On va droit vers l’effondrement, selon une étude de la Nasa
Par Pascal Riché,Publié le 18 mars 2014 à 01h29