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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2019-121

Des sacs remplis de billets de banque et un complot pour faire tomber un Premier ministre : Un homme politique affirme que la corruption en Ukraine est de grande ampleur.

Par The Independant, traduit par Jocelyne le Boulicaut

samedi 9 novembre 2019, par JMT

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Des sacs remplis de billets de banque et un complot pour faire tomber un Premier ministre : Un homme politique affirme que la corruption en Ukraine est de grande ampleur.

Vendredi 2 décembre 2016

Les manifestations citoyennes ukrainiennes ont finalement entraîné la chute de Viktor Ianoukovytch en 2014

De hauts responsables ukrainiens, appartenant au gouvernement qui a reçu des milliards de dollars de financement international depuis le soulèvement qui a renversé l’ancien dictateur Viktor Ianoukovitch, sont accusés de corruption politique et financière de grande ampleur par un ancien allié important. Le bureau pro-occidental du président Petro Porochenko dément vigoureusement les accusations portées par Alexander Onishchenko, ancien parlementaire et oligarque. M. Onischenko s’est enfui à Londres où il vit aujourd’hui en exil ; il est lui-même accusé de corruption par les autorités ukrainiennes.

Dans une liste d’affirmations incroyables, M. Onishchenko déclare que sa candidature pour être député en Ukraine a tout à coup franchi tous les obstacles administratifs après qu’il a donné 6 millions de dollars à un haut responsable parlementaire. Il prétend aussi que cette personnalité importante du gouvernement lui a demandé d’orchestrer et de financer une campagne de diffamation contre le Premier ministre Arseni Iatseniouk . La campagne, a-il précisé, a coûté pratiquement 3 millions de dollars par mois et a duré près de 10 mois. M.Iatseniouk a démissionné en avril de cette année, suite à l’éffondrement de sa popularité.

Le bureau du Président a déclaré que M.Onishchenko essayait de politiser l’affaire criminelle à l’encontre du Président et qu’il "prétendait être la victime d’une répression politique. Voila ce qui motive ses accusations totalement infondées". The Independent est dans l’impossibilité de vérifier les accusations de M Onishchenko et pour des raisons légales ne précise ni le nom du haut fonctionnaire concerné, ni ceux de ses intermédiaires.

Ces accusations surviennent alors que l’Union européenne, le Fond Monétaire International et la communauté internationale ont fait part de leurs inquiétudes face à l’insuffisance des actions entreprises pour s’attaquer à la corruption endémique dans ce pays. L’administration de M.Porochenko a été critiquée pour ne pas avoir poursuivi un seul membre du régime de M.Ianoukovytch et l’ONG Transparency International avait placé l’Ukraine au 130éme rang sur 168 pays dans son classement de la corruption en 2015.

L’administration de M.Porochenko a cependant été félicitée pour les mesures anti-corruption qu’elle a adoptées, comprenant l’installation du NABU, Bureau National anti-Corruptionet une réforme des marchés publics. Mais ces organisations font elles-mêmes l’objet de critiques pour avoir échoué à réduire la criminalité en col blanc, endémique dans le pays et qui dissuade les investisseurs occidentaux.

Le NABU prétend que M.Onishchenko a organisé le détournement de fonds publics par le biais d’un programme commun avec la compagnie gazière UkrGasVydobuvannia. Il affirme que ce plan a conduit à la perte de 50 millions de livres sterling pour l’état. Les enquêteurs du NABU ont aussi saisi 10 appartements, 9 maisons, 10 parcelles de terrain, 39 comptes bancaires et 11 voitures lui appartenant en propre ou appartenant à ses présumés complices.

M.Onishchenko affirme que cette affaire est fabriquée et motivée politiquement. Ce père de deux enfants, âgé de 47 ans est né dans un village près de Rostov en Russie— une région d’élevage de chevaux. Bien qu’il ait vécu la plus grande partie de sa vie en Ukraine, la passion originelle des chevaux lui est restée, il est devenu plus tard cavalier professionnel et éleveur. Il affirme que sa candidature au poste de député a été menacée en 2014 parce qu’il était hors du pays en 2012, il représentait l’Ukraine au sein de l’équipe de sport équestre aux jeux olympiques de Londres. Cette absence signifiait qu’il avait violé la règle électorale concernant sa durée de résidence en Ukraine, précise-t-il.

Mais deux jours avant la date limite de dépôt des candidatures potentielles au Parlement, M. Onishchenko dit qu’il a reçu un coup de téléphone d’une personnalité importante du gouvernement : " Vous devriez venir et rencontrer mon ami, il vous expliquera quoi faire." Il affirme : " Je rencontre ce gars et il me dit que je dois payer une certaine somme pour soutenir le Président lors de cette élection - 6 millions de dollars." Quand on lui demande s’il peut le prouver, M. Onishchenko dit qu’il n’a rien d’écrit , mais qu’il accepterait de se soumettre au détecteur de mensonges.

Quand on lui demande comment il a ressenti le fait de payer une telle somme, il répond :" Ca fait 20 ans qu’on fait comme ça. Cela a toujours été le même système. Ils (le gouvernement) ont le pouvoir, ils tiennent l’administration fiscale, ils tiennent le procureur général,. S’ils veulent vous causer des problèmes, ils le feront. Ils peuvent vous détruire complètement. Vous devez trouver le moyen d’avoir de bonnes relations. Il a déclaré que sous le régime Ianoukovytch, les hommes d’affaire comme lui devaient verser au Président la moitié de leurs bénéfices après impôts.

Il décrit le système actuel de corruption comme si c’était une pratique courante. Lorsqu’on lui a demandé comment le pot-de-vin présumé de 6 millions de dollars avait été versé, il a rigolé : "En fait, cette fois-là, on a payé en Hvrina [la monnaie locale], du coup, ça représentait, comment dire, cinq ou six sacs." De ses mains il montre la taille d’un sac de sport. : "Les banques vous donnent des sacs spéciaux pour transporter beaucoup d’argent." L’argent a été payé en espèces, ce qui signifie qu’il n’y a aucune trace écrite ", a-t-il dit.

M. Onishchenko précise que pour d’autres pots-de-vin présumés, c’était un peu plus subtil. Il affirme que le haut responsable du gouvernement a exigé les paiements sous forme de vente de gaz en passant par des intermédiaires, au prix de 2000 hvrinas (environ £ 60 ) les 1000 mètres cubes, et il nous montre une série de SMS qu’il affirme avoir été des instructions d’un intermédiaire au sujet du paiement. De plus, selon lui, un collaborateur du haut fonctionnaire du gouvernement serait venu en personne jusqu’à son bureau et aurait emporté 1 million de dollars en espèces comme "argent de poche".

Il dit qu’il a exigé de savoir ce qu’il obtiendrait en échange de ces 6 millions de dollars, soulignant que les paiements précédents n’avaient donné lieu à aucune contre-partie. Le représentant du gouvernement a répondu : "Non, non, non, non, ne vous inquiétez pas, nous discuterons du commerce de gaz, vous aurez la priorité." Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il voulait devenir député, M. Onishchenko, avec une honnêteté inquiétante, a répondu : "pour protéger mes affaires." Il dit qu’au début, tout s’est bien passé, mais que, selon lui, le haut fonctionnaire a dit qu’il y avait un obstacle concernant leurs projets d’affaires : le Premier ministre, Arseni Iatseniouk .

M. Iatseniouk, économiste, avocat et parlementaire de longue date, est devenu premier Premier ministre après la révolution de Maidan. Mais selon M. Onishschenko, le haut responsable du gouvernement était convaincu que le Premier ministre devait partir. Il prétend que le fonctionnaire lui a dit : "C’est notre ennemi et il détruira tout ce que nous voulons faire... vous devriez m’aider à le virer, parce qu’avec lui, on n’arrivera jamais à rien." M. Onishchenko a donc, dit-il, organisé un programme de propagande contre le Premier ministre élu. "Je l’ai tué en un an ", affirme-t-il, disant que la cote de popularité de M. Iatseniouk était passée de 30 % à 1 %.

Avec son budget de 3 millions de dollars par mois, il affirme avoir financé des manifestations de protestation contre Iatseniouk , payé des nationalistes d’extrême droite pour mener des actions anti-gouvernementales et soudoyé des médias pour publier des articles anti-Iatseniouk. Expliquant comment les manifestations peuvent être organisées en Ukraine, il précise : "Il faut payer les gens pour venir, et il faut payer la télévision pour couvrir l’événement. La même chose que si vous deviez acheter de la publicité ou quelque chose comme ça. La télé et les journaux." Lorsqu’on lui a demandé combien ces participants étaient payés pour être là, il reste assez vague : "Environ 50 dollars ou quelque chose comme ça. Il y a des entreprises qui organisent ça."

Selon M. Onishchenko, sa machine de propagande a déterré pratiquement tous les ennemis que M. Iatseniouk avait jamais eus et les a lâchés dans les médias pour qu’ils l’attaquent . Ces attaques étaient-elles fondées ? "Je ne sais pas exactement ce qui était vrai ou pas. Je n’ai jamais vérifié.Je voulais juste créer un scandale." Apparemment, il n’ avait pas seulement enrôlé dans la campagne d’anciens ennemis. Il affirme que son groupe aurait également aidé à organiser de grandes manifestations dans le but de souligner les erreurs politiques que M. Iatseniouk serait susceptible de commettre.

"Par exemple," dit-il, "il a déposé au parlement des projets de loi qui impliquaient que les gens paieraient le prix fort pour l’eau et l’énergie, alors nous avons organisé de grandes manifestations contre lui... On voyait ses erreurs et on s’en servait. Vous voyez, quand vous faites une erreur il arrive que personne ne la voie. Mais si je veux vous démasquer et vous montrer du doigt, je vais en faire un gros problème. Je diffuse ça partout. J’organise des manifestations qui le dénoncent "Grosse erreur ! Grosse erreur !"

En avril, M. Iatseniouk a été remplacé par Volodymyr Groïsman, candidat désigné par le Président, après que son premier choix a été rejeté par la coalition gouvernementale. La relation entre le haut responsable du gouvernement et M. Onishckenko s’est détériorée au début de l’année pour de nombreuses raisons, déclare M.Onishchenko. Une de ces raisons était apparemment qu’il n’avait pas réussi à convaincre son alliée Ioulia Timochenko de prendre certaines décisions politiques.

" Il m’a demandé de me rapprocher de Timochenko, pour l’empêcher de lui nuire, car j’avais de bonnes relations avec elle. Mais il me demandait toujours de faire quelque chose qu’elle ne voulait pas faire...Je n’arrivais absolument pas à la manipuler et elle refusait de lui parler". Mme Timochenko a fait un commentaire public sur l’affaire Onishchenko : "De nos jours, les entreprises sont attaquées comme elles l’étaient sous Ianoukovytch , les biens sont confisqués. Aujourd’hui, ils ont saisi les biens de Onishchenko. Il y a un vrai buzz autour de l’affaire Onishchenko, mais de nos jours il y a de nombreux entrepreneurs dont les entreprises font l’objet de descentes de police.

M. Onishchenko a déclaré qu’il craignait d’être arrêté et que c’est la raison pour laquelle il s’est enfui du pays le 16 juin. Sa mère Inessa - qui, ainsi qu’il le précise, vit aussi à Londres en exil- et lui-même ont reçu des autorités ukrainiennes leur notification d’arrestation . Plusieurs complices présumés ont été arrêtés. Le bureau du Président a qualifié ces accusations "de fictions opportunistes". Il a aussi affirmé que M.Onishchenko avait récemment obtenu la nationalité russe et était "un outil de la guerre hybride de la Russie contre l’Ukraine"— deux accusations que M. Onishchenko dément énergiquement.

M. Onishchenko, qui n’a pas fait de demande d’asile, a déclaré qu’il espère que l’Ukraine essaiera de l’extrader du Royaume-Uni, car ainsi il pourra faire pleinement entendre ses accusations devant les tribunaux anglais. Ses affirmations arrivent peu après la démission du charismatique gouverneur de la région d’Odessa en Ukraine, l’ancien président géorgien Mikheil Saakachvili, qui accuse Porochenko de soutenir la corruption.

Malgré la médiatisation entourant ces allégations, le gouvernement a confié la tâche de diriger la campagne anti-corruption du pays à une avocate de 23 ans, Anna Kalynchuk. Selon les critiques, la nomination d’une personne aussi inexpérimentée signifie que l’administration ne prend pas la corruption suffisamment au sérieux. Sa nomination est survenue quelques jours après la nomination d’un ancien mannequin glamour de 24 ans au poste de vice-ministre de l’Intérieur.

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