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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2019-127

Pleurez pour la Catalogne, pleurez sur le libéralisme en Europe

Par Craig Murray , traduit par Jocelyne le Boulicaut

jeudi 21 novembre 2019, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT enseignante universitaire d’anglais retraitée pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

Pleurez pour la Catalogne, pleurez sur le libéralisme en Europe

Le 16 octobre 2019 Par Craig Murray

Craig Murray est auteur, diffuseur et militant des droits de la personne. Il a été ambassadeur de Grande-Bretagne en Ouzbékistan d’août 2002 à octobre 2004 et recteur de l’Université de Dundee de 2007 à 2010. (CraigMurray.org.uk)

La cour suprême d’Espagne à Madrid. (FDV, CC BY-SA 3.0, Wikimedia Commons)

Alors même que des Catalans sont emprisonnés pour leurs efforts de démocratie pourtant garantis par l’ONU, l’UE devrait être condamnée pour avoir ignoré une violation évidente des droits humains, déclare Craig Murray.

Les odieuses peines de prison infligées aujourd’hui par les fascistes (j’ai utilisé le mot avec précaution et à juste titre) de la Cour suprême espagnole aux prisonniers politiques catalans représentent un symbole frappant du nadir du libéralisme au sein de l’UE. Que la tentative d’organisation de vote démocratique alors que le peuple catalan souhaite le respect du droit à l’autodétermination garanti par la Charte des Nations Unies, puisse conduire à une peine de prison aussi longue, est une violation flagrante des droits humains les plus fondamentaux.

Il m’a fallu cesser mon soutien personnel de toute une vie à l’UE lorsque, en réponse à l’écrasement brutal du référendum catalan par les forces paramilitaires franquistes, alors que le monde entier a vu des grands-mères être frappées sur la tête et jetées à bas des escaliers lorsqu’elles voulaient voter, toutes les institutions de l’UE - Conseil, Commission et Parlement - se sont mobilisées les unes après les autres pour soutenir fermement l’action paramilitaire à Madrid afin de maintenir "l’ordre public et le droit".

Aujourd’hui, nous sommes témoins de la même chose. Alors que les Catalans sont emprisonnés pour leurs efforts en faveur de la démocratie, la Commission de l’UE a déclaré qu’elle "respecte la position du pouvoir judiciaire espagnol" et qu’"il s’agit là et cela reste une affaire interne à l’Espagne, qui doit être traitée conformément à sa constitution".

Ici, la commission ne fait qu’ignorer ce qui constitue de toute évidence une violation grave des droits fondamentaux de la personne. C’est bien pire que tout ce que la Pologne ou la Hongrie ont fait ces dernières années, et la Commission fait également preuve d’une hypocrisie quand même flagrante dans la façon toute relative dont elle traite ses membres de l’Est et de l’Ouest.

Il fut un temps où l’UE était un brillant exemple de réglementation économique et environnementale mais aussi de redistribution régionale de la richesse. Mon affection pour cette institution vient du fait qu’elle a été une de nos rares défenses contre le thatchérisme économique. Mais elle est devenue quelque chose de très différent, un club de soutien mutuel pour les dirigeants politiques néolibéraux.

Une femme brandit une banderole indiquant « Libérez les prisonniers politiques » devant la prison de Lledoners, à Sant Joan de Vilatorrada (Catalogne), où des dirigeants catalans emprisonnés attendent le verdict de leur procès, le 14 octobre 2019. JON NAZCA / REUTERS

J’écris peu d’articles de blog sur le Brexit parce que je m’en préoccupe moins que la majorité de la population. Je ne pense pas qu’il soit essentiel de rester au sein de l’Union, ni qu’il s’agisse d’une panacée politique. Je souhaite désespérément garder la liberté de circulation et je pense que quitter l’union douanière serait une forme d’automutilation économique à grande échelle.

Une relation à la norvégienne me conviendrait très bien, mais pour l’essentiel, je préfère rester en dehors de la controverse. Je pense que, pour des raisons de légitimité démocratique, puisqu’il y a eu un référendum en 2016, son résultat devrait être respecté ; l’Angleterre devrait quitter l’Union mais l’Écosse et l’Irlande du Nord y rester.

Mais je dis aussi ceci. Un million de personnes devraient défiler samedi pour soutenir l’UE. C’est cette même UE qui vient d’exprimer son soutien actif à l’emprisonnement des Catalans pour avoir organisé un vote. Ils rejoignent Julian Assange en tant que prisonniers politiques dans l’UE détenus pour des délits d’opinion non-violents.

A tous ceux qui pensent aller manifester samedi, je dis ceci. Il est moralement répréhensible, à l’heure actuelle, de montrer le soutien de l’opinion publique à l’UE, à moins que vous ne le contrebalanciez en montrant votre écœurement quant à la répression fasciste des Catalans et le soutien de l’UE à cette répression.

Toute personne participant à la manifestation de samedi a l’obligation morale de respecter l’équilibre en envoyant un message à la Commission de l’UE indiquant que son soutien à cette répression est totalement inacceptable, et en portant lors de la marche un drapeau ou un signe indiquant son soutien aux prisonniers politiques catalans. A défaut, vous ne seriez qu’une personne béate qui défend ses intérêts personnels. Aux côtés des promoteurs de la guerre en Irak, qui monopoliseront sans doute à nouveau les discours à la tribune.

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