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Avis (controversé) de l’AIE

Vers la fin du pétrole ?

par Bruno Bourgeon, porte-parole d’AID

vendredi 22 novembre 2019, par JMT

L’une des clés de l’effondrement est la fin du pétrole. Pas forcément. On peut continuer à vivre noyé dans l’abondance des énergies fossiles, sans se soucier d’en stopper l’usage. Le réchauffement climatique s’en trouvera accéléré. L’Homme préférera toujours la facilité à une alternative qui engendrera de grandes difficultés dans la vie quotidienne. Voici un résumé du dernier rapport 2018 de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE).

Vers la fin du pétrole ?

L’une des clés de l’effondrement est la fin du pétrole. Pas forcément. On peut continuer à vivre noyé dans l’abondance des énergies fossiles, sans se soucier d’en stopper l’usage. Le réchauffement climatique s’en trouvera accéléré. L’Homme préférera toujours la facilité à une alternative qui engendrera de grandes difficultés dans la vie quotidienne. Voici un résumé du dernier rapport 2018 de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE).

logo de l’Agence Internationale de l’Energie .... sûre, soutenable et ensemble

1. Dans ce rapport, l’AIE confirme que la production mondiale de pétrole conventionnel (près des 3/4 de la production totale) a franchi un pic en 2008 à 69 millions de barils par jour (Mb/j), et a décliné depuis d’un peu plus de 2,5 Mb/j. L’industrie pétrolière s’est adaptée pour fournir des quantités croissantes de produits pétroliers en recourant à la production de pétrole non conventionnel. Le pétrole non conventionnel comprend les condensats obtenus de la production de gaz naturel, les pétroles extra-lourds de ressources considérables en Alberta, au Canada, et au Venezuela, ceinture de l’Orénoque, et enfin le pétrole de schiste qui se trouve dans des roches peu perméables, guère développé en-dehors des USA.

2. Dans ce même rapport, le risque de resserrement de l’offre intéresse le pétrole. Ces trois dernières années, le nombre moyen de nouveaux projets de production de pétrole conventionnel ne représente que la moitié du volume nécessaire pour équilibrer le marché jusqu’en 2025. Il est peu probable que le pétrole de schiste prenne le relais seul. Les projections prévoient déjà un doublement de l’offre de pétrole de schiste américain d’ici 2025, mais celle-ci devrait plus que tripler pour compenser le manque persistant de nouveaux projets classiques. En d’autres termes, si l’offre de pétrole de schistes ne triple pas aux USA, on aura atteint le pic de production. L’AIE extrapole bien les tendances en cours mais ses prédictions peuvent être prises en défaut quand la structure du marché pétrolier mondial change fortement. Sur le court terme le pétrole de schiste participe à la production mondiale, mais s’il y a de vraies tensions sur les approvisionnements, le cours du brut remontera fortement, ce qui déclenchera un tassement de la demande et une reprise des investissements pour produire des ressources moins rentables (gisements de pétrole en mer profonde, pétroles extra-lourds). Mais ces cycles sont de plusieurs années.

3. La production de pétrole de schiste a cessé de croître. La productivité stagne, les sociétés perdent de l’argent ... Les analystes sont inquiets. Certains pensent qu’une troisième vague de pétrole de schiste va arriver grâce à de nouvelles techniques. C’est la principale source d’incertitude. Mais ça ne change rien sur le fond : un jour ou l’autre, les réserves vont passer un pic. C’est mathématique. Cependant la rentabilité du pétrole de schiste est faible… Car le prix du pétrole est très bas ! Une remontée des prix au niveau des années 2005-2014 rendrait rentables de nombreux projets de développement de gisements indépendamment du pétrole de schiste. Les réserves prouvées sont les quantités de pétrole qu’on sait produire avec les technologies disponibles. Si le prix grimpe, une partie des gisements devient rentable et fait monter les réserves. De même l’amélioration des techniques de récupération et l’acquisition de nouvelles données géophysiques contribuent à cette montée.

4. Les Russes ont fait savoir qu’ils atteindront leur pic en 2021 ; Le patron d’Aramco (Arabie Saoudite) prévoit un risque proche d’effondrement de la production. Le patron de Total, de son côté, prévoit des problèmes d’approvisionnement dès 2020. On peut penser qu’ils forcent le trait pour qu’il y ait plus d’investissements ou faire monter les cours. La réalité est qu’en 2018 la production est à son niveau maximum en Arabie Saoudite et en Russie. Pour le pétrole, le rapport réserves/production est de 25 ans pour la Russie et de 66 ans pour l’Arabie Saoudite : il peut y avoir une tension sur les approvisionnements. L’Arabie Saoudite ne cherche pas la hausse des cours : ses dirigeants sont inquiets des conséquences qu’aurait le maintien pendant plusieurs années d’un prix élevé : concurrence des pétroles non conventionnels chez les autres pays producteurs, accélération des énergies renouvelables et des économies d’énergie dans les pays de l’OCDE.

5. Le rythme de découverte de nouveaux réservoirs est faible parce que les géologues ont travaillé depuis un siècle pour les recenser et les régions où l’industrie peut encore trouver de nouveaux gisements se réduisent ; les investissements ont baissé de plus de 50% en 2015-2016 et cela ralentit les découvertes. Certaines découvertes ne sont pas comptées à 100% dans les réserves, comme le gisement géant de Lula au large du Brésil. Idem pour les ressources de pétrole extra-lourd du Canada et du Venezuela, dont les quantités dépassent en volume les réserves connues de pétrole conventionnel de la planète. Une réévaluation des perspectives de production de ces deux pays aura un impact sur les réserves mondiales.

6. Du coup, l’AIE voit un peak oil vers 2025. L’essentiel de la production mondiale provient de la récupération primaire (injection d’eau pour maintenir la pression dans le gisement) et l’on ne récupère ainsi que 35% du pétrole qui se trouve dans les réservoirs. Diverses techniques de récupération secondaire ou tertiaire existent pour extraire les 65% résiduels : plus coûteuses, ces techniques sont délaissées, mais l’industrie pétrolière ne manquera pas d’y recourir si le cours du pétrole l’y contraint.

7. Le pic de production du gaz arrive quelques années après. En Europe, il est passé, on importe de plus en plus de gaz (c’est pour cette raison qu’on construit des terminaux méthaniers, des gazoducs). Pour combien de temps ? Pour le gaz naturel le rapport réserves/production était de 51 ans à fin 2018 à l’échelle mondiale. L’effondrement n’est pas pour demain, c’est un processus qui va donc s’étaler sur plus d’un demi- siècle. Cela dit il serait bon que la planète gaspille moins cette ressource. La France peut produire plus de biogaz.

8. La production algérienne décline avec quelques soubresauts depuis 10 ans : ce n’est pas un effondrement brutal. Comme souvent en matière de pétrole, la géopolitique joue un rôle important : la baisse de production récente en Algérie est en partie due aux incursions armées dans les régions pétrolières du Sahara, à proximité de la frontière libyenne notamment. Les réserves pétrolières de l’Algérie ont d’ailleurs augmenté entre 2008 et 2018. Les réserves de gaz naturel du pays sont restées stables sur la même période (47 années de production). Le cas du Venezuela est aussi lié à la géopolitique : les quantités de pétrole présentes dans le sous-sol de ce pays sont considérables. Les réserves sont estimées à plus de 500 années de production. La désorganisation du Venezuela empêche la production de son pétrole : depuis l’élection de Chavez en 1998, les compagnies internationales ont quitté le pays, des milliers de travailleurs de la compagnie nationale ont été licenciés et beaucoup se sont expatriés. La chute de production, résultat de cette pénurie de compétences, est d’autant plus marquée que les pétroles extra-lourds exigent des techniques délicates, mais pour autant économiques : exemple du Canada qui jouit de ressources comparables en pétroles extra-lourds et qui augmente régulièrement sa production avec un ratio réserves/production > 80 ans. Au Venezuela, il n’est pas exclu que les USA, dont la politique étrangère est influencée par des motivations pétrolières, cherchent à déstabiliser le pays pour aider le retour des compagnies nord-américaines et accéder ainsi à ses ressources.

9. Même si le pic de production de pétrole est > à 2030, il se peut qu’on ait de sérieux problèmes avant. Ainsi l’EROI (taux de retour énergétique, soit le rapport entre l’énergie produite et l’énergie dépensée pour l’extraire) qui deviennent de plus en plus faibles. Il y aura peut-être des tensions sur le marché pétrolier avant 2030 mais les raisons n’en seront pas forcément la pénurie. Les causes : 1°) les troubles politiques qui freinent la production dans plusieurs pays producteurs : Venezuela, Iran ; 2°) le délai de plusieurs années entre l’investissement dans de nouvelles capacités de production et la mise sur le marché des produits pétroliers. Pour ce qui est de l’EROI, la dépense est plus élevée quand on produit des pétroles non conventionnels. Mais l’énergie nette reste positive, même dans le cas des bruts extra-lourds - autrement leur exploitation canadienne ne serait pas économique -. leur EROI est de l’ordre de 3 (1 baril investi pour 3 barils récupérés).

10. Le pétrole représente 40% de l’énergie en Europe, et la moitié des émissions de CO2. Face aux USA et à la Chine, pourrons-nous continuer à nous approvisionner en pétrole (et en gaz) quand les tensions se feront plus importantes ? Or il est possible de réduire fortement notre consommation en 10-20 ans sans changer drastiquement notre mode de vie : utilisation de véhicules moins lourds, moins motorisés, véhicules hybrides, réduction à 100 km/h de la vitesse sur autoroute, taxation du kérosène d’aviation et du gazole marin, moteurs au gaz naturel ou au biogaz, substitution du fioul et du gaz dans le chauffage, transports en commun moins chers, pistes cyclables continues et sûres, covoiturage… Si les tensions s’accroissent au point d’augmenter fortement les prix, la consommation diminuera. Le gaz est moins fluctuant, reposant sur des contrats à long terme.

11. Les projections de l’AIE reposent sur un certain nombre de méconnaissances : des fondamentaux de l’exploration et de la production pétrolières ; des possibilités de transformation chimique déjà utilisées ; de la définition des réserves et de leur évolution ; du rôle de la géopolitique ; des ressorts et des constantes de temps des investissements... On ne peut exclure une crise économique et une récession liées à un pétrole cher dans la prochaine décennie, et une reprise de la hausse de la production avec baisse des prix ultérieure. Il y a assez de pétrole pour cela dans le sous-sol. Cette oscillation s’est déjà produite. Les usages du pétrole étant difficiles à substituer dans les transports, la principale possibilité pour diminuer les émissions de CO2 sera de réduire notre exigence de mobilité.

Bruno Bourgeon, porte-parole d’AID

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L’AIE , un club très occidental

PUBLICATION MEDIAS LOCAUX

* Courrier des lecteurs dans Zinfos974 du Jeudi 21 Novembre 2019 - 16:11

* Courrier des lecteurs dans Clicanoo.re du

* Tribune Libre d’Imaz Press Réunion du Jeudi 21 Novembre à 16H44

* Courrier des lecteurs de Témoignages.re du 22 novembre 2019

* Courrier des lecteurs dans Le Quotidien du

LIENS

* Pic pétrolier probable d’ici 2025, selon l’Agence internationale de l’énergie

* BP Statistical Review of World Energy2019

* World Energy Outlook 2018 (voir notamment les infographies)