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L’effondrement est là.

Les écrans font la guerre au vivant

par Bruno Bourgeon, porte-parole d’AID

dimanche 1er décembre 2019, par JMT

Question : y a-t-il plus important que le dérèglement climatique ? La sixième extinction des espèces, inédite sur Terre depuis 65 millions d’années ? Ben non, ballot, le changement climatique, c’est la plus grande des inquiétudes, et de loin.

La France s’est engagée à réduire de 40% ses émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030 (1). Une révolution. Mais devant la lenteur des réactions, alors que des décisions auraient déjà dû être prises, on attend la Saint-Glinglin.

Les écrans font la guerre au vivant

Question : y a-t-il plus important que le dérèglement climatique ? La sixième extinction des espèces, inédite sur Terre depuis 65 millions d’années ? Ben non, ballot, le changement climatique, c’est la plus grande des inquiétudes, et de loin.

La France s’est engagée à réduire de 40% ses émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030 (1). Une révolution. Mais devant la lenteur des réactions, alors que des décisions auraient déjà dû être prises, on attend la Saint-Glinglin.

Parlons des écrans. Ce qui oblige à parler des structures qui les animent. Cette vaste infrastructure technique met l’éleveur touareg au même niveau que le geek new-yorkais. L’envoi d’un seul mail avec pièce jointe d’un mégaoctet balance 20 g de CO2 dans l’atmosphère : dérisoire, car l’équivalent de la consommation d’une ampoule de 60 W pendant 25 minutes (2) ? Pas si sûr. Les humains échangent 10 milliards de mails à l’heure. Certes majoritairement sans pièce jointe. Mais la tendance est exponentielle. Je vous laisse faire le calcul.

Comment ça marche ? Il faut beaucoup de jus pour faire marcher ce beau système, on appelle cela les Centres de Données (Data Centers). Eux et les millions de km de câbles, plus la consommation à l’autre bout de la chaîne, celle des ordinateurs eux-mêmes, se partagent cette gabegie.

C’est quoi, un Data Center ? Imaginez un gigantesque local où l’on trouve des serveurs, des ordinateurs géants, des baies de stockage (empilements de disques électroniques), des équipements de télécommunication, des machines surpuissantes à ventiler l’incroyable chaleur produite.

Oui, hein, ça consomme un peu. Beaucoup. L’équivalent du dixième de la production électrique d’une centrale thermique (100 MW). Plus la fabrication des bâtiments, des équipements, onduleurs, groupes froids, groupes électrogènes, matériels informatiques…

A eux trois : Data Centers, tuyauteries, ordinateurs, ils engloutissent 10% de l’électricité mondiale ! Et on se rapproche à pas de géants des 20%. Quelques âmes bien nées prétendront que la numérisation mondiale n’est responsable que de 5% des émissions de GES.

C’est déjà plus que tout le transport aérien, avec une augmentation annuelle de 7% (non linéaire, bien entendu). Et ne me chantez pas les louanges du smartphone (que j’utilise aussi parcimonieusement que possible dans ma profession), qui contient une quarantaine de terres et métaux rares, contre une vingtaine il y a dix ans : on appelle cela le progrès.

La guerre au vivant a changé de front : celui-ci est à l’intérieur de nous-mêmes. Nos sociétés malades sont dominées par l’aliénation de masse aux objets, et les victoires publicitaires des industriels s’enfilent comme des perles à l’infini. A chacun son truc. La lutte contre le réchauffement climatique passe par la destruction d’objets dont personne ne veut se défaire. Une autre solution ? L’effondrement est là.

Bruno Bourgeon, porte-parole d’AID
D’après Charlie-Hebdo n°1426 du 20/11/2019

(1) https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000023983208&idArticle=LEGIARTI000023985182&dateTexte=&categorieLien=cid

(2) https://lejournal.cnrs.fr/articles/numerique-le-grand-gachis-energetique

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PUBLICATION MEDIAS LOCAUX

* Courrier des lecteurs dans Zinfos974 du Lundi 2 Décembre 2019 - 09:26

* Courrier des lecteurs dans Clicanoo.re du

* Tribune Libre d’Imaz Press Réunion du Dimanche 01 Décembre à 17H54

* Courrier des lecteurs de Témoignages.re du 2 décembre 2019

* Courrier des lecteurs dans Le Quotidien du

Décryptage : comment le numérique nous nique

Antonio Fischetti · le 21 novembre 2019

Ce n’est pas un mythe de ringard réfractaire au « progrès ». L’abus d’écrans rend vraiment con. C’est scientifiquement prouvé. Et la preuve est apportée dans le livre de Michel Desmurget La Fabrique du crétin digital (éd. Seuil), lauréat du prix spécial Femina Essai.

Que serait devenu Einstein avec les selfies ?

Concernant la dangerosité des écrans sur les enfants (télé, jeux vidéo, téléphone portable), j’avoue n’avoir jamais eu d’opinion très déterminée jusqu’ici. Je ­regardais passer les articles sur le sujet avec une certaine distance. Au fond de moi, je craignais sans doute que le dénigrement du numérique ne soit qu’un réflexe de vieux con (quelle horreur  !) attaché à son cher papier. Je me demandais si ceux qui critiquent les écrans n’étaient pas un peu les héritiers de ceux qui, au début du chemin de fer, affirmaient sérieusement que les trains allaient rendre folle la population à cause d’une vitesse démesurée.

C’est pourquoi j’avais un peu traîné pour lire le livre de Michel Desmurget La Fabrique du crétin digital. Et puis, j’ai fini par m’y plonger. Et là, oui, j’ai été sacrément convaincu. Pourquoi  ? Parce qu’il a de très bons arguments. Il ne se contente pas de proclamer gratuitement que le smartphone « est le Graal des suceurs de cerveaux, l’ultime cheval de Troie de notre décérébration ». Non, il le prouve. Michel Desmurget est directeur de recherche en neurosciences à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), et il a recensé la littérature scientifique sur l’impact des écrans sur les jeunes. Cela donne un livre de plus de 400 pages, avec plus de 1 000 (oui, 1 000) références d’études scientifiques.
Des faits concrets et prouvés

C’est ce qui fait toute la différence avec les bla-bla habituels. Parce que, sinon, on peut dire ce qu’on veut en mode « discussion de comptoir ». Tout le monde a le droit d’avoir une opinion sur les écrans, comme d’ailleurs sur n’importe quel sujet. Sauf que là, on ne parle pas d’opinions, mais de faits scientifiques. Or ces faits sont accablants. Dans leur immense majorité, ils montrent que les écrans affectent les performances cérébrales des enfants. D’où l’expression de «  crétin digital  » du titre, et tout l’ouvrage est du même tonneau : sans chichis.

Avec le numérique, l’outil est devenu une addiction

Bien sûr, il ne s’agit pas d’être radicalement contre le numérique. Internet est un excellent outil pour communiquer ou obtenir des informations. Mais ce n’est qu’un outil. Comme un marteau est un outil très utile pour enfoncer des clous. On ne voit pas (sauf peut-être dans les hôpitaux psychiatriques) des gens agrippés à longueur de journée à un marteau pour enfoncer des clous dont ils n’auraient pas besoin.

Avec le numérique, c’est différent. L’outil est devenu une addiction (parmi des dizaines d’aberrations, celles qui m’énervent le plus, ce sont ces groupes d’amis assis autour d’une table de bar, chacun rivé à son portable, ou bien ceux qui ne peuvent pas manger une pizza sans la prendre en photo pour la poster sur Facebook).

Avant, je me disais que tout était question de mesure. Sauf que la mesure est largement dépassée. Les écrans sont une pollution mentale aussi nuisible pour le cerveau que les pesticides pour l’environnement. À Taïwan, le fait d’exposer un enfant de moins de 2 ans à un écran est passible de l’équivalent de 1 500 euros d’amende pour maltraitance : on n’est pas obligé d’en arriver là, mais au moins, on est informé des ravages.

Le livre de Michel Desmurget réfute tous les arguments auxquels j’étais sensible quand j’avais encore peur de passer pour un vieux con en critiquant les écrans. En voici quelques-uns.

Argument n°1 Il ne faut pas pousser, les gosses ne passent pas tous un temps exagéré sur les écrans et ça ne les empêche pas de se livrer à des activités plus constructives.

Tous les gosses n’en sont pas au même stade, mais les chiffres sont effarants. Les enfants de moins de 2 ans consacrent, en moyenne, cinquante minutes par jour aux écrans. Entre 2 et 4 ans, on passe à deux heures quarante-cinq par jour. Et entre 13 et 18 ans, à six heures quarante de moyenne quotidienne. Michel Desmurget rapporte que « sur une simple année, les écrans absorbent autant de temps qu’il y a d’heures cumulées d’enseignement du français, des maths et des SVT [sciences de la vie et de la Terre] durant tout le secondaire  ».

L’essentiel de ce temps n’est pas passé à chercher des ­infos sur des banques de données ou des sites crédibles, mais à regarder des vidéos stupides, bavar­der sur les réseaux, visiter des sites marchands, jouer ou ­envoyer des SMS. Le temps n’étant pas extensible, il est forcément pris sur d’autres activités plus structurantes pour le cerveau. « Un grand nombre d’études identifient des effets néfastes dès soixante minutes quotidiennes », poursuit le chercheur.

Évidemment, on trouve des jeunes scotchés au portable qui réussissent quand même Normale sup ou Polytechnique. Mais est-ce vraiment une preuve d’absence de crétinisme  ? De plus, le bilan doit être évalué au plan statistique, et l’effet des écrans s’ajoute à tous les autres facteurs de risques d’échec scolaire.

Argument n°2 Il n’y a pas tant d’études que cela qui prouvent l’effet négatif des écrans.

Eh si  ! De très nombreuses études démontrent une foule de désordres chez l’enfant dus aux écrans : attention, concentration, compréhension, mémorisation, sommeil… Les écrans diffusent un déluge sensoriel ininterrompu, alors qu’à cet âge le cerveau a plutôt besoin de tranquillité, voire d’ennui, pour s’épanouir.

Michel Desmurget rapporte, à propos du smart­phone, que «  plus la consommation augmente, plus les résultats scolaires chutent ». Des expériences menées avec des étudiants ont même montré que le simple fait de poser un téléphone portable sur la table suffit à perturber la performance intellectuelle. Cet engin diabolique capte l’attention, on est tenté de le consulter, on se demande si on ne va pas rater quelque chose, on attend plus ou moins consciemment le moindre signe… Même silencieux, le portable pollue le cerveau.

Argument n°3 Il y a aussi beaucoup d’études qui disent du bien des écrans, de sorte qu’au final on ne sait plus quoi en penser.

C’est vrai qu’un jour on peut voir une étude qui dit telle chose, le lendemain une autre qui dit l’inverse. Pas étonnant que le citoyen soit paumé. Même un spécialiste mettrait des années à décortiquer toutes les publications pour se faire une idée. Mais pour peu qu’on prenne le temps de lire en profondeur – ce qu’a fait Michel Desmurget -, on se rend compte que le rapport de force n’est pas égalitaire et ne se résume pas à l’opposition entre telle étude pro-écrans et telle autre anti-écrans.

Il existe des critères pour faire le tri : l’expérience du scientifique en la matière, la méthodologie employée, l’échantillon de population testé, le sérieux de la revue qui a publié les travaux… On ne peut pas mettre sur le même plan une étude isolée et une méta-analyse de plusieurs dizaines d’études menées depuis vingt ans par des chercheurs du monde entier. En faisant le tri, on arrive ainsi à un consensus qui démontre largement les effets négatifs des écrans.

Argument n°4 La nocivité des écrans est une tarte à la crème médiatique, mille fois rabâchée.

Eh bien, pas tant que ça. Michel Desmurget cite une étude qui analyse l’attitude des médias à propos du lien entre écrans et violence. « Au début des années 2000, on trouvait 2,2 fois plus d’articles de presse « affirmatifs » (reconnaissant l’existence d’un lien significatif entre violence audiovisuelle et comportements d’agressions) que d’articles « neutres » (indiquant que l’on ne pouvait trancher). Dix ans plus tard, en dépit d’un consensus toujours aussi marqué dans la communauté scientifique, le rapport s’est quasiment inversé, avec 1,5 fois plus d’articles « neutres » que d’articles « affirmatifs ». » En somme, la couverture médiatique entretient artificiellement l’idée d’une controverse, ce qui est en décalage total avec le bilan global des travaux scientifiques.

On pourrait penser que si les jeunes sont moins bons en orthographe, ce n’est pas si grave, parce qu’ils sont meilleurs dans d’autres domaines. C’est le roman que se racontent les parents qui s’extasient devant l’aisance informatique de leur ado, alors qu’eux-mêmes ne sont pas fichus de créer une page Facebook. Oh, quels génies  ! se pâment-ils. Il y a bien des études qui montrent que les écrans ont un effet positif sur certaines performances, comme l’attention visuelle ou la vitesse de réaction. Le problème, c’est que ces améliorations ne s’étendent pas aux situations de la « vraie vie », où les gens sont faits de chair et d’os, et se prennent des bleus quand ils se cognent contre des murs. Ce n’est pas parce qu’on est excellent dans la détection d’un zombie virtuel dans un jeu vidéo qu’on est plus performant pour éviter un vélo sur la route. De même, ce n’est pas parce qu’on peut donner la date de naissance de Louis XIV ou le nom du sous-secrétaire d’État aux Transports en deux clics qu’on est plus intelligent ou cultivé.

Michel Desmurget est très clair là-dessus : « Nos digital natives sont peut-être capables de virevolter entre Facebook et Twitter tout en téléchargeant simultanément un selfie sur Instagram et en envoyant un texto. Mais quand il s’agit d’évaluer l’information qui circule à travers les canaux des médias sociaux, ils sont facilement dupés […]. Tout cela contredit frontalement la glorieuse mythologie du digital native et, plus précisément, l’idée selon laquelle les nouvelles générations auraient un cerveau différent, plus rapide, plus agile et plus apte aux traitements cognitifs parallèles. » Les bénéfices des écrans sont donc minoritaires au regard de la vastitude de leurs effets négatifs.

Argument n°5 Les écrans peuvent être de bons outils pédagogiques.

Il est vrai qu’avoir des cours en vidéo est très utile à l’étudiant qui doit bosser pour gagner sa croûte. Mais en dehors de ça, l’ordinateur n’aide pas à apprendre, bien au contraire. Michel Desmurget rapporte que « les enfants qui apprennent à écrire sur ordinateur, avec un clavier, ont beaucoup plus de mal à retenir et reconnaître les lettres que ceux qui apprennent avec un crayon et une feuille de papier ».

La faible efficacité des cours audiovisuels peut s’expliquer par le fonctionnement du cerveau. Celui-ci contient ce qu’on ­appelle des « neurones miroirs ». Il s’agit de neurones qui sont activés de la même façon lorsqu’on produit soi-même un geste que lorsqu’on voit une autre personne effectuer le même geste. C’est grâce aux neurones miroirs qu’on ressent de la douleur quand on voit quelqu’un se prendre un coup de marteau sur le doigt. Or les neurones miroirs répondent beaucoup moins bien quand on voit l’action reproduite sur un écran : la vidéo d’un coup de marteau sur un doigt suscite moins d’empathie qu’un doigt saignant écrasé devant soi. De la même ­façon, un prof de chair et d’os sera toujours plus efficace que n’importe quel écran.

Argument n°6 Les jeux vidéo violents n’augmentent pas forcément la violence, et ils peuvent au contraire servir d’exutoire.

On pourrait croire que se défouler sur un écran évite de le faire en vrai : c’est ce qu’on appelle la catharsis. Sauf qu’il n’en va pas ainsi, c’est même l’inverse, nous apprend le neuro­scientifique : « Les centaines d’études réalisées sur le sujet depuis des décennies ont toutes infirmé l’hypothèse cathar­tique […] les contenus violents favorisent à court et long terme l’émergence de contenus agressifs chez l’enfant et l’adulte. »

Bien sûr, les ados qui passent leurs week-ends à flinguer des hordes de morts-vivants ou des extraterrestres virtuels ne deviennent pas tous serial killers, heureu­sement. Cependant, « on note très ­clairement une augmentation de l’irritabilité, mais aussi une hausse des agressions verbales et des petits compor­tements brutaux  ».

Pourquoi ne dit-on la même chose des sports violents comme la boxe ou le rugby  ? Peut-être parce que là, on peut se prendre de vraies torgnoles en retour, contrairement aux jeux vidéo où l’on se contente d’en donner, confortablement, sans risque de recevoir la monnaie de sa pièce  ?