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Mieux vaut être confiné que con fini :-)

Histoire d’un confiné

par Dr Bruno Bourgeon, porte-parole d’AID

jeudi 26 mars 2020, par JMT

Quand Tristan Bernard nous dit : "Je n’ai jamais aimé apprendre l’Histoire, mais cet embêtement n’est rien à côté de l’obligation de la vivre", c’est notre consolateur de confinement, le camarade de chambrée que nous assigne la tempête. Nous voilà acteurs de l’Histoire tempétueuse.

Histoire d’un confiné

Quand Tristan Bernard nous dit : "Je n’ai jamais aimé apprendre l’Histoire, mais cet embêtement n’est rien à côté de l’obligation de la vivre", c’est notre consolateur de confinement, le camarade de chambrée que nous assigne la tempête. Nous voilà acteurs de l’Histoire tempétueuse.


Daniel Schneidermann

Arrimés à la bulle de liberté que nous laissent les restrictions, craignant que cela n’empire. En contemplant Jérôme Salomon, directeur général de la Santé, porte-parole des autorités, lire les défaites inavouables. Jérôme Salomon ânonne gestes-barrières, héroïsme des soignants, guerre totale, lueurs d’espoir, replis stratégiques. Il détaille les annonces du comité central, rebaptisé conseil scientifique, dont Didier Raoult vient de démissionner.

Quelle Histoire vivons-nous ? La télévision ronronne. Le ronron bureaucratique de Salomon. Le ronron bonasse de Cymès qui remue le souvenir du « temps lontan » des niaiseries carabines, lesquelles nous masquent l’hécatombe. Voilà les EHPAD où les vieux tombent comme des mouches, sans nous faire comprendre que c’est là que ça se passe, là où l’on crève étouffé, dans l’abandon des statistiques, soulagé dans le meilleur des cas par une morphine délivrée en douce.

Quelle Histoire partageons-nous ? Sur les réseaux sociaux, pour nous évader, nous nous gaussons de nos autorités, leurs masques, leurs tests, leurs tromperies. Vous avez entendu celui-ci, qui veut nous envoyer cueillir les fraises, quand d’autres font décoller les drones pour surveiller qu’on se calfeutre bien ? Et celle-là, qui veut nous envoyer au turbin, 60 heures par semaine, y compris le dimanche, sans rouspéter ? Que de lois liberticides ! Seront-elles oubliées, la crise sanitaire passée ?

Quelle Histoire écrivons-nous à La Réunion ? Entre marchés forains fermés mais finalement ouverts aux producteurs. Entre confinement obligatoire mais Ravate rouvre ses portes. Entre masques arrivant larga manu, moisis d’une pourriture peu ragoutante. Entre croisiéristes invités à ne pas débarquer quand les « de retour au Péi » arrivent par cargaisons avionnesques du virus plein les valises. Entre hospitaliers qui pleurent la misère de leurs équipements et ARS qui impose 14 jours de quarantaine volontaire quand l’incubation surfe au-delà de 20 jours. Incohérence sinon amateurisme, incompétence ou connerie…

Quelle Histoire veut-on nous mentir ? Tous les deux jours, apparaissent les deux dirigeants suprêmes. Ils mentent comme des arracheurs de dents, nous le savons, pour cacher la misère scandaleuse de nos stocks, misère organisée, eux et tous leurs prédécesseurs, en soumettant l’hôpital aux lois du management. Mais ils ne mentent pas pareil.

Nous sommes prisonniers : Numéro 2 ment solide, concret, appliqué, crédible, familier, rassurant, fait la part des choses. Numéro 1, notre Lider Maximo, n’ose nous regarder. Se perd en promesses inaudibles. Court derrière un texte qui détruit son catéchisme libéral. S’épuise en répétitions inaudibles, à côté de la plaque. Et pendant ce temps, le virus court toujours…

Nous ne sommes pas des numéros. Bonjour chez vous !

Bruno Bourgeon, porte-parole d’AID
Inspiré du « Matinaute », rubrique d’@si

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PUBLICATION MEDIAS LOCAUX

* Courrier des lecteurs de Zinfos974 du Vendredi 27 Mars 2020 - 10:25

* Tribune libre sur Imaz-Press Réunion du

* Courrier des lecteurs de Témoignages du

* Courrier des lecteurs sur clicanoo.com du vendredi 27 mars 2020, 11h35

* Courrier des lecteurs dans Le Quotidien du

SOURCE

Aux fraises
Chronique du Matinaute Daniel Schneidermann

""Je n’ai jamais aimé apprendre l’Histoire, mais cet embêtement n’est rien à côté de l’obligation de la vivre"" disait, parait-il, Tristan Bernard, d’après le délicieux David Caviglioli, consolateur de confinement, camarade de chambrée que nous assigne la tempête.

Et nous voilà acteurs malgré nous de l’Histoire tempêtueuse. Et nous voilà cramponnés à la bulle de liberté que nous laissent les restrictions, tremblant chaque jour que ça empire. Et nous voilà troisièmes lignes sur canapé, qui se retrouvent le soir devant Jérôme Salomon, porte-parole en gris des Autorités, à tenter de lire entre les lignes les défaites qu’il ne peut pas avouer.

Jérôme Salomon ânnonne gestes-barrières, héroïsme des soignants, guerre totale, lueurs d’espoir, replis stratégiques. Il détaille les annonces de ce nouveau comité central, rebaptisé conseil scientifique. Ainsi ânnonnait Gunther Schabowski, porte-parole du Parti Communiste de RDA, dans les semaines tumultueuses précédant la chute du Mur. Jusqu’au jour où devant le peuple incrédule, il anonna un communiqué de plus,sans comprendre lui-même que l’Histoire parlait par sa bouche.

Nous vivons l’Histoire, mais laquelle ? A la vieille télé, tout est ronronnement. Un ronron de bureau à la Salomon, qu’interpellent à la fin les questions mécaniques, façon Siri, d’une speakerine invisible. Un ronron bonnasse à la Cymès, qui remue vaguement le souvenir du temps lointain des grivoiseries de carabins, et nous masque savamment l’hécatombe. Un soir, on nous parle des EHPAD où les vieux meurent comme des mouches, mais sans nous faire comprendre que le front s’y est déplacé, que c’est désormais là que ça se passe, là que l’on crève étouffé, soulagé dans le meilleur des cas par la morphine livrée en douce, dans l’abandon des statistiques.

Sur les réseaux sociaux, pour nous évader, il nous reste de ricaner ensemble des autorités, de leurs masques, de leurs tests de nomenklaturistes. Et de leurs incohérences. Vous avez entendu celui-ci, qui veut nous envoyer cueillir les fraises, quand les autres font décoller des drones pour surveiller qu’on se calfeutre bien ? Et celle-là, qui veut nous envoyer en douce au turbin, 60 heures par semaine, et le dimanche, et sans rouspéter ?

Tous les deux jours en moyenne, apparaissent les deux dirigeants suprêmes. Ils mentent tous deux, nous le savons, pour cacher la misère scandaleuse de nos stocks, misère qu’ils ont organisée, eux et tous leurs prédécesseurs, en soumettant l’hôpital aux lois du management.

Mais ils ne mentent pas pareil. Le N° 2 du régime ment solide, concret, appliqué, crédible. Il ment comme la droite a toujours menti au peuple. Il ment familier, rassurant. Il fait la part des choses : c’est Pompidou réouvrant la Sorbonne en 68.

La surprise, c’est le dirigeant suprême, qui lui n’ose pas nous regarder en face. Il se perd en promesses incompréhensibles. Il court derrière un texte qui fracasse tout son catéchisme antérieur. Il s’épuise en répétitions infructueuses, mais rien à faire, il est toujours à côté. Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas. En 68, on connait la suite de l’histoire.