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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2020-35

Ce qui a marché en 1918-1919 ?

Par Alex Tabarrok, traduit par Jocelyne le Boulicaut

jeudi 28 mai 2020, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT enseignante universitaire d’anglais retraitée pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

Ce qui a marché en 1918-1919 ?

par Alex Tabarrok, le 7 mars 2020

La pandémie de grippe de 1918 a été, de tous les fléaux, le plus contagieux de l’histoire de l’humanité. Environ 40 millions de personnes sont mortes dans le monde, dont 550 000 aux États-Unis...


Gymnase transformé en infirmerie pendant la grippe de 1918 au Vermont (USA)

Les leçons de la pandémie de 1918-1919 peuvent-elles être appliquées aux tentatives contemporaines de lutte contre la pandémie afin de maximiser les avantages pour la santé publique tout en réduisant au minimum les conséquences sociales déstabilisantes de la pandémie ainsi que celles qui accompagnent les mesures de riposte de la santé publique ?

C’est la question que Markel et consorts ont analysée en 2007 en rassemblant des données historiques relatives aux répercussions et à la manière dont 43 villes américaines, couvrant environ 20 % de la population américaine, ont combattu la grippe en 1918-1919.

Selon les données tirées du registre historique et des comptes rendus des quotidiens les interventions non pharmaceutiques ont été considérées comme activées ("on") ou désactivées ("off"). Plus précisément, ces interventions non pharmaceutiques ont été imposées par la loi et ont concerné de larges segments de la population de la ville.

L’isolement des personnes malades et la mise en quarantaine des personnes soupçonnées d’être en contact avec des personnes malades relevaient seulement d’ordonnances obligatoires, par opposition aux quarantaines volontaires dont il est question à notre époque.

La fermeture des écoles a été considérée comme effective lorsque les autorités municipales ont fermé les écoles publiques (de l’école primaire au lycée) ; dans la plupart des cas, mais pas dans tous, les écoles privées et paroissiales ont suivi le mouvement.

L’interdiction des rassemblements publics signifiait généralement la fermeture des saloons, des lieux de divertissement publics, la non tenue des événements sportifs, et les rassemblements en salle étaient interdits ou devaient se tenir à l’extérieur ; les rassemblements en plein air n’ont pas toujours été annulés pendant cette période (par exemple, les défilés des Liberty bonds) ; on ne note pas d’interdiction de faire des achats dans les épiceries et les pharmacies.

Les auteurs définissent le "temps de réponse de la santé publique" comme étant le nombre de jours entre le jour où le taux de mortalité excédentaire a été le double du taux de référence et le jour où au moins une de leurs trois mesures clés de santé publique a été mise en œuvre. Les villes qui ont répondu très tôt ont un temps de réponse négatif en matière de santé publique.

Le résultat principal est illustré dans la figure ci-dessus. Plus le délai d’intervention de santé publique est long, plus le nombre total de décès excédentaires est élevé (la flèche est la méthode des moindre carrés de mon observation).[La méthode des moindres carrés, indépendamment élaborée par Legendre et Gauss au début du XIXᵉ siècle, permet de comparer des données expérimentales, généralement entachées d’erreurs de mesure, à un modèle mathématique censé décrire ces données ; NdT]

De plus, bien qu’il soit difficile de contrôler d’autres facteurs, les villes qui ont conjugué la fermeture des écoles, l’isolement plus mise en quarantaine, et l’interdiction des rassemblements publics ont eu tendance à avoir de meilleurs résultats.

Certaines villes ont relâché leurs interventions dans le domaine de la santé publique et ces villes semblent bien corrélées avec les distributions bimodales des taux de mortalité excédentaires, c’est-à-dire que le taux de mortalité a augmenté.

On en a l’illustration ci-dessus avec la ville de Denver où l’interdiction de rassemblements publics a été levée et la fermeture des écoles temporairement suspendue et où le taux de mortalité excédentaire a augmenté après avoir diminué.

Les auteurs en concluent :

… l’expérience urbaine américaine en matière d’interventions non pharmaceutiques pendant la pandémie de 1918-1919 constitue l’un des plus grands ensembles de données de ce type jamais rassemblés à l’ère moderne post théorie des germes.

… Bien que ces communautés urbaines n’aient disposé ni de vaccins ni d’antiviraux efficaces, les villes qui ont pu organiser et appliquer une série d’interventions classiques de santé publique avant que la pandémie ne balaye complètement la ville ont semblé rencontrer une expérience atténuée d’épidémie associée.

Notre étude indique que les interventions non pharmaceutiques peuvent jouer un rôle essentiel dans l’atténuation des conséquences de futures pandémies de grippe graves (catégories 4 et 5) et qu’il faudrait envisager de les inclure dans les efforts de planification actuels en tant que mesures d’accompagnement de la mise au point de vaccins et de médicaments efficaces à des fins prophylactiques et thérapeutiques. L’histoire des épidémies aux États-Unis met également en évidence le fait que l’acceptation par le public de ces mesures sanitaires est renforcée lorsque celles-ci sont guidées par des principes éthiques et humains.

Addendum : On peut également considérer que la Chine a largement suivi le modèle américain. Les États-Unis sont-ils capables d’en faire de même ?

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