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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2020-39

Pour certains, survivre à la COVID-19 ne veut pas pour autant dire se rétablir

Par Alex Ward, traduit par Jocelyne le Boulicaut

lundi 8 juin 2020, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT enseignante universitaire d’anglais retraitée pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

Pour certains, survivre à la COVID-19 ne veut pas pour autant dire se rétablir

Par Jason Horowitz, le 10 mai 2020

Emma Bubola a contribué au reportage depuis Milan.

Jason Horowitz est le responsable du bureau de Rome, il couvre l’Italie, le Vatican, la Grèce et d’autres parties de l’Europe du Sud. Il a précédemment couvert la campagne présidentielle de 2016, l’administration Obama et le Congrès, en mettant l’accent sur les personnalités et les enjeux politiques. @jasondhorowitz

Les symptômes invalidants peuvent subsister longtemps après que le corps d’une personne se soit débarrassé du coronavirus, une réalité à laquelle les Italiens sont maintenant confrontés.

Patients atteints du coronavirus dans le service de soins intensifs d’un hôpital de Bergame, en Italie, en mars.Fabio Bucciarelli pour le New York Times

ROME - Lorsque Morena Colombi a été testée négative au coronavirus le 16 mars, le décompte officiel l’ a classée parmi les personnes guéries de la Covid-19, une victoire parmi les tragédies qui ont accablé l’Italie. Mais elle était loin d’être rétablie, sa toux et sa fatigue incapacitante étaient loin d’avoir disparu. Cinq semaines plus tard, le 21 avril, elle a repris son travail de développement de couleurs pour une société de cosmétiques, mais avec un essoufflement et des muscles douloureux, elle s’est trouvée incapable de faire ne serait-ce que de brèves promenades. Un autre test a confirmé qu’elle n’était plus infectée.

Mais 11 semaines après avoir été testée positive, le jour même où l’Italie mettait les villes en quarantaine pour la première fois, elle n’a toujours pas retrouvé son état habituel. "Cela prend beaucoup de temps", a déclaré Mme Colombi, 59 ans, qui vit à Truccazzano, commune du Nord de Milan. "Je n’arrive pas à retrouver mes rythmes naturels."

L’Italie a été le premier pays européen à être durement touché par la pandémie : ses unités de soins intensifs ont été submergées et ses personnes âgées sont mortes en masse avant que le tsunami n’atteigne l’Espagne, la France, les États-Unis ou la Grande-Bretagne. L’Italie est donc également en avance pour faire face à la longue durée de la maladie et aux séquelles persistantes pour certains survivants.

De nombreux Italiens ont appris à reconnaître la façon dont l’infection peut persister pendant des semaines, les symptômes peuvent se prolonger pendant encore bien des semaines de plus, et la guérison complète peut prendre encore plus de temps - si jamais elle survient. Sur plus de 218 000 personnes en Italie qui ont été testées positives, plus de 30 000 sont mortes et le gouvernement indique que plus de 103 000 d’entre elles se sont rétablies.

L’obstination du virus et la durée de la convalescence sont devenues des sujets de conversation dans le nord de l’Italie où certains des Italiens qui souffrent le plus se retrouvent dans l’incertitude physique et financière, incapables de se remettre de la maladie et de la

Dans le métro de Milan le mois dernier. Alessandro Grassani pour le New York Times

fatigue et de reprendre le travail. Leur expérience peut également être instructive pour d’autres nations qui luttent pour relancer leur économie.

"Nous avons vu de nombreux cas où les gens mettent beaucoup de temps à se rétablir", a déclaré Alessandro Venturi, le directeur de l’hôpital San Matteo de la ville lombarde de Pavie, ajoutant que la gêne semble souvent durer encore plus longtemps quand les personnes ont présenté des symptômes plus légers. "Ce n’est pas la maladie qui dure 60 jours, c’est la convalescence", a-t-il déclaré.

"C’est une très longue convalescence". La plupart des personnes qui attrapent le virus ont peu ou pas de symptômes, mais certaines tombent très malades, et sont le plus souvent atteintes de pneumonie.

Toute pneumonie endommage les poumons, qui peuvent mettre des mois à guérir, et les médecins avertissent que l’atteinte pourrait laisser des séquelles définitives.Les études font également état de lésions rénales, cardiaques, hépatiques et neurologiques, souvent dues à des infections secondaires, et personne ne sait quelles sont les perspectives à long terme pour ces patients.

Mais même certaines des personnes infectées qui ont échappé à la pneumonie font état d’une maladie incroyablement persistante et imprévisible, avec des symptômes inattendus. On se sent les os rompus. Les sens sont émoussés. Les estomacs sont constamment perturbés.

Il y a de bons jours et puis de mauvais jours sans rime ni raison apparente. Les personnes touchées trouvent les tâches les plus simples très pénibles à effectuer. Les tests sont encore majoritairement réservés aux personnes hospitalisées, et les personnes souffrant de symptômes moins graves mais tenaces sont donc confrontées au doute quant à leur éventuelle contamination par le virus.

Le Dr Annalisa Malara, médecin aux soins intensifs à Codogno, au sud-est de Milan, qui a diagnostiqué le premier cas de l’épidémie en Italie en février, a déclaré qu’on ne comprenait pas encore très bien pourquoi le virus et ses effets ont persisté si longtemps. "Le manque d’énergie et la sensation d’avoir des os brisés" sont courants, a-t-elle dit, ajoutant que la fatigue persistait souvent "même après la disparition des symptômes les plus intenses".

Dans le nord de l’Italie, l’épicentre de la contagion dans ce pays, une levée partielle du confinement ce mois-ci a permis à davantage de familles et d’amis de comparer ce qu’ils ont vécu.

"Ça ne finit jamais", a déclaré Martina Sorlini, une enseignante de 29 ans, professeur de mathématiques et de physique en lycée, qui a une fièvre légère latente depuis le début du mois de mars. Elle a précisé que la toux et le mal de gorge ont fini par disparaître et qu’après trois semaines, elle a retrouvé son sens du goût et de l’odorat et a même trouvé assez d’énergie pour courir et s’occuper des légumes dans son jardin.

Puis sont arrivés les maux d’estomac, la fatigue et le retour de la fièvre. Et cela dure toujours, ce qui rend son travail en ligne d’enseignante de lycée extrêmement fatigant."J’étais convaincue que j’allais mieux. Ils ne savent pas ce qu’il s’est passé", a déclaré Mme Sorlini. "Eux aussi découvrent tout cela pour la première fois. "

Tests sérologiques à Cisliano, près de Milan, le mois dernier. Alessandro Grassani pour le New York Times

Selon certains, l’expérience des personnes qui souffrent depuis longtemps, voire qui sont gravement malades, mériterait plus d’attention.

Edmondo Cirielli, député du parti de droite Fraternité d’Italie, a fait remarquer que le ministère de la santé devrait accorder plus d’attention à des cas comme le sien. Lors du week-end du 7 mars, M. Cirielli a eu de la fièvre et a souffert de symptômes semblables à ceux d’un rhume. Il a acquis la conviction qu’il avait attrapé le virus en touchant une surface infectée à la Chambre du Parlement.

Il a été testé positif cette semaine-là. Presque immédiatement, dit-il, sa fièvre et sa toux ont disparu, et il pensait que tout irait bien. Puis il a eu ce qu’il a appelé une "petite crise respiratoire" qui l’a conduit à l’hôpital. Mais comme il ne s’agissait pas d’une pneumonie, il est rentré chez lui pour se mettre en auto-quarantaine. Là, il a souffert d’une fatigue invalidante, de maux de gorge, de diarrhée et de douleurs intenses à la base du cou qui l’empêchaient de se concentrer.

"Un jour j’allais bien, le lendemain pas du tout. Il ne s’agissait pas d’une montée vers un pic puis une redescente. Il y a eu des hauts et des bas pendant un mois", précise-t-il. Puis les choses sont devenues plus bizarres. Après 40 jours pendant lesquels il s’est senti misérable, il a été testé négatif au virus, mais ses yeux brûlaient toujours et les épisodes de diarrhée continuaient, ajoute-t-il. À la fin du mois, il s’est finalement senti mieux, mais un autre résultat de test est revenu positif, l’obligeant à passer des semaines supplémentaires en isolement, pendant lesquelles il occupe son temps en regardant "Versailles" sur Netflix.

Les tests n’ont pas été fiables et tout le monde n’y a pas accès.

Ingrid Magni, 44 ans, a eu de la fièvre et des frissons le 21 mars. "Ça ne m’a jamais quitté", a-t-elle dit, ajoutant qu’elle a commencé à souffrir de maux de tête intenses après environ trois semaines. Les médecins ne pouvaient que recommander des analgésiques en vente libre et l’alitement. Elle était essoufflée ne serait-ce qu’en faisant son lit.

"J’étais obligée de m’asseoir", a-t-elle dit. "J’étais trop fatiguée." Ne pouvant bénéficier d’un test par écouvillonnage, qui est généralement réservé aux patients des hôpitaux, elle a dit à son patron dans une usine chimique qu’elle subirait un test d’anticorps, qui pourrait être utilisé pour déclencher un test officiel par écouvillonnage pour le virus lui-même si des anticorps sont détectés.

Mais elle n’a toujours pas reçu les résultats. Elle a hâte de reprendre le travail d’ici le milieu du mois et ne sait pas combien de jours de congé maladie supplémentaires le médecin lui accordera.

D’autres veulent simplement se sentir mieux.

Albertina Bonetti, 77 ans, de Trescore Balneario, près de Bergame, a commencé à avoir des nausées et de la fièvre le 7 mars, suivies de déshydratation et de diarrhée. Après dix jours de fièvre, ses jambes ont commencé à lui faire tellement mal qu’elle ne pouvait plus poser le pied par terre. Elle a eu besoin d’avoir recours à une bouteille d’oxygène du 20 mars à la fin avril, mais lorsqu’elle s’est rendue à l’hôpital, le personnel a refusé de l’admettre - elle n’a donc pas été testée non plus.

Mme Bonetti a déclaré qu’elle souffrait toujours d’essoufflement et de fatigue et que ses sens étaient toujours déréglés. La vie normale et le goût de son café au lait lui manquent le matin. "Ca laisse quelque chose à l’intérieur de vous", a-t-elle dit à propos du virus. "Et on ne redevient jamais comme on était avant."

A Milan le mois dernier. Alessandro Grassani pour le New York Times

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