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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2021-14

La Chine veut renforcer sa coordination militaire avec la Russie

M.K. BHADRAKUMAR, traduit par Jocelyne le Boulicaut

vendredi 29 janvier 2021, par JMT

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La Chine veut renforcer sa coordination militaire avec la Russie

24 décembre2020, par M.K. BHADRAKUMAR

Le président russe Vladimir Poutine (à gauche) et son homologue chinois Xi Jinping

La mission aérienne stratégique conjointe des forces russes et chinoises du 22 décembre dernier au-dessus des mers du Japon et de Chine orientale constitue une grande première dans la géopolitique de la région Asie-Pacifique. Les experts chinois ont laissé entendre que de telles actions pourraient être de la « routine » à l’avenir.

Les ministères de la Défense chinois et russe ont fait une annonce commune à cette occasion mardi. La Chine a envoyé quatre bombardiers stratégiques H-6K à capacité nucléaire « pour constituer une formation conjointe » avec deux des célèbres bombardiers russes Tu-95 (codification OTAN : « Bear ») pour mener la mission conjointe dans le cadre d’un « plan annuel de coopération militaire » entre les deux pays.

Selon cette annonce, la mission conjointe « vise à développer davantage le partenariat stratégique global de coordination entre la Chine et la Russie dans la nouvelle ère, et à améliorer le niveau de coordination stratégique et la capacité opérationnelle conjointe des deux armées pour sauvegarder collectivement la stabilité stratégique mondiale. »

Curieusement, il y a seulement un mois, le 6 novembre, deux bombardiers Tupolev Tu-95MS de la Force aérospatiale russe, porteurs de missiles stratégiques avaient effectué un vol programmé de 8 heures au-dessus des eaux neutres de la mer du Japon et du Pacifique nord-ouest. Le ministère russe de la Défense a déclaré : « Lors de certaines parties du vol, les bombardiers porteurs de missiles stratégiques étaient escortés par des chasseurs Su-35S. »

Il est clair que la mission conjointe avec la Chine n’était pas d’une nécessité absolue du point de vue de la défense nationale de la Russie. Mais tant l’image que le message étaient importants. Cela a tout à voir avec le cadre régional, les États-Unis et ses partenaires engagés.

Le 19 décembre, le USS Mustin a transité par le détroit de Taïwan ; le 20 décembre, Taïwan a effectué un exercice à tir réel dans les îles Pratas (à environ 300 km de la Chine continentale) et prévoit d’en effectuer un autre le 27 décembre. Les îles Pratas sont stratégiquement situées près de la porte d’entrée de la mer de Chine méridionale et constituent un point de passage pour les pétroliers et les navires chinois en route vers l’océan Pacifique.

La semaine dernière, Taïwan a lancé sa première corvette lance-missiles, qualifiée par la presse taïwanaise de « tueuse de porte-avions », alors même que le premier porte-avions chinois de la marine de l’Armée Populaire de Libération, le Shandong, effectuait sa troisième sortie en mer, un essai en 23 jours dans le Golfe Bohai.

Un bombardier stratégique russe Tu-95MS (Photo d’archives)

Ce mois-ci également, un groupe de préparation amphibie (en anglais ARG) de la marine américaine, composé de l’USS Makin Island et de l’USS Somerset (LPD 25), a patrouillé en mer de Chine méridionale et a effectué des exercices à tir réel « non prévus ». Le journal d’État chinois Global Times, furieux, a qualifié l’ARG « d’étalage de force américain » qui « pourraient nuire à la stabilité régionale » et a déclaré que « la Chine devait être prête à affronter les États-Unis en mer de Chine méridionale et dans le détroit de Taiwan, quel que soit l’occupant de la Maison-Blanche. »

Le Japon s’est efforcé ces derniers temps d’inviter les pays occidentaux partageant cette position à envoyer des unités militaires en Extrême-Orient, soulignant ainsi qu’ils sont solidaires dans la recherche d’une région indo-pacifique libre et ouverte. Les marines américaine, française et japonaise ont mené des exercices intégrés dans la mer des Philippines en décembre, se concentrant sur la lutte anti-sous-marine ; un autre exercice militaire conjoint est prévu en mai sur une île japonaise éloignée ; le Royaume-Uni prévoit d’envoyer un porte-avions et des avions d’attaque pour mener des exercices conjoints avec la marine américaine et la force d’autodéfense maritime japonaise (en anglais JMSDF) au début de l’année prochaine.

Le ministre japonais de la Défense, Nobuo Kishi, s’est entretenu la semaine dernière avec son homologue allemande Annegret Kramp-Karrenbauer. Il a « exprimé le souhait qu’un navire allemand » se joigne aux exercices de la JMSDF en 2021 et « a indiqué que cela aiderait les efforts de la communauté internationale pour assurer le droit de passage des navires dans la mer de Chine méridionale si le navire de guerre allemand naviguait dans les eaux » sur lesquelles Pékin affirme sa souveraineté.

Au milieu de tout cela, le service naval américain a publié une stratégie maritime intégrée conçue pour « se montrer plus ferme (approche) afin de l’emporter dans la compétition quotidienne (avec la Chine) alors que nous maintenons l’ordre fondé sur les règles et dissuadons nos adversaires de poursuivre une agression armée ». Par ailleurs, le secrétaire américain à la Marine a appelé au rétablissement de la 1ère Flotte de la Marine [En 1973, elle a été dissoute et ses fonctions ont été transférées à la Troisième flotte,NdT], « au carrefour des océans Indien et Pacifique. »

Le 18 décembre, les États-Unis ont commencé à tirer parti de la deuxième réunion des ministres des Affaires étrangères du « Quad » tenue en octobre, en organisant une réunion virtuelle réunissant des hauts fonctionnaires diplomatiques des États-Unis, de l’Australie, de l’Inde et du Japon. Selon la déclaration du Département d’État américain, les quatre pays ont discuté des « moyens concrets ... pour coordonner leurs efforts afin de soutenir les pays vulnérables aux actions économiques malveillantes et coercitives dans la région indo-pacifique ».

Il y a beaucoup de spéculations quant à la façon dont l’administration Biden va aborder la quastion de la région indo-pacifique. Jusqu’à présent, Biden n’a pas mentionné le Quad, mais il utilise l’expression « Indo-Pacifique ». Mais au lieu de parler d’une région Indo-Pacifique « libre et ouverte » (comme le fait Trump), Biden utilise l’expression « sûre et prospère. »

Tuo Jiang, première corvette furtive « tueuse de porte-avions » de la marine taïwanaise

Il est certain qu’étant donné les enjeux élevés, la Chine et la Russie ne prendront pas de risques. Leur mission aérienne commune de mardi montre une inquiétude partagée concernant la stabilité stratégique de la région. Les deux pays ont conscience de l’ingérence croissante de puissances extra régionales qui provoquent des frictions, ce qui pourrait constituer une menace majeure pour la paix dans la région. Pendant ce temps, les États-Unis déploient des systèmes anti-missiles et continuent de parler d’une alliance militaire de type OTAN en Asie.

En résumé, la mission commune indique que la Chine et la Russie sont « les piliers de la paix et de la stabilité dans la région Asie-Pacifique et en Eurasie. Elles n’ont pas l’intention de remettre en cause l’ordre régional. Elles sont incitées à répondre aux puissances extérieures qui menacent la sécurité régionale », comme l’a déclaré Yang Jin, un éminent chercheur de l’Institut d’études sur la Russie, l’Europe de l’Est et l’Asie centrale de l’Académie chinoise de sciences sociales.

Les experts chinois ont discuté des avantages et des inconvénients d’une alliance militaire sino-russe, l’opinion générale étant que dans le contexte actuel de stabilité , le format actuel de partenariat stratégique permet de relever les défis communs tout en offrant la flexibilité nécessaire pour servir les intérêts de chaque partie. Cela dit, l’alliance militaire reste également « une dernière option pour la pire des situations – celle où les États-Unis ou un autre pays déclenchent une guerre qui oblige la Chine et la Russie à se battre côte à côte » – pour citer Yang.

Un éditorial du quotidien du parti communiste chinois Global Times a précisé que « la Chine et la Russie n’ont aucune intention de former une alliance militaire parce que celle-ci ne peut pas résoudre les défis globaux auxquels les deux pays doivent faire face », mais la pression des États-Unis et de ses alliés a « insufflé, de l’extérieur, un puissant dynamisme » en faveur d’un renforcement de la coopération stratégique globale en tant que telle, y compris la coopération militaire.

« Tant qu’ils coopèrent stratégiquement et s’attaquent conjointement aux défis, ils peuvent générer une dissuasion efficace, former une force commune pour traiter des problèmes spécifiques, résister aux tentatives de neutralisation des deux pays et endiguer la mauvaise conduite internationale des États-Unis », a déclaré l’éditorial.

Le triangle États-Unis-Russie-Chine va certainement se transformer sous la présidence de Biden si Washington considère Moscou comme la plus grande menace pour la sécurité nationale des États-Unis. Sans surprise, Pékin signale que le partenariat stratégique entre la Chine et la Russie devrait rester solide et continuer d’être renforcé pour faire face à la pression croissante des États-Unis, et cela, même si Biden est susceptible d’apaiser les tensions avec Pékin.

Cet axe stratégique est le leitmotiv d’un reportage exceptionnellement long de Xinhua dans le Quotidien du Peuple concernant la conversation téléphonique entre le conseiller d’État et ministre des Affaires étrangères Wang Yi et son homologue russe Sergey Lavrov, le 22 décembre.

Manoeuvres communes Chine Russie

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