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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2021-15

Points chauds de la planète : L’Ethiopie

Par Danny Sjursen, traduit par Jocelyne le Boulicaut

samedi 30 janvier 2021, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT enseignante universitaire d’anglais retraitée pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

Points chauds de la planète dont probablement vous ne savez rien (mais que vous devriez connaître)

Le 23 décembre 2020 , par Danny Sjursen AntiWar.com

Danny Sjursen est officier de l’armée américaine à la retraite, il contribue à la rédaction de antiwar.com. Son travail a été publié dans le LA Times, The Nation, Huff Post, The Hill, Salon, Truthdig, Tom Dispatch, entre autres publications. Il a participé à des missions de combat avec des unités de reconnaissance en Irak et en Afghanistan et a ensuite enseigné l’histoire à son alma mater [son université d’origine, NdT], West Point. Il est l’auteur d’un mémoire et d’une analyse critique de la guerre en Irak, Ghostriders of Baghdad : Soldiers, Civilians, and the Myth of the Surge. Son dernier livre s’intitule Patriotic Dissent : America in the Age of Endless War. Suivez le sur Twitter à l’adresse @SkepticalVet. Consultez son site web professionnel pour obtenir ses coordonnées, programmer des conférences et/ou accéder à l’ensemble de ses écrits et de ses apparitions dans les médias.

Manifestation de rue à Bruxelles, le 1er décembre 2020. (Rastakwere, CC BY-SA 4.0, Wikimedia Commons)

Dans la liste de ces points, écrit Danny Sjursen, on découvre les dernières atrocités commises dans le nord de l’Éthiopie - et le plus vaste jeu d’échecs pratiqué dans la Corne de l’Afrique.

Il y a un sacré paquet de merdes sanglantes à travers le monde dont peu d’Américains se soucient. En fait, cela pourrait former toute une catégorie de conflits étiquetés : « Le top 10 des points chauds violents dont vous ignorez tout (mais que vous devriez connaître). »

Dans cette liste il y aurait, en hors d’œuvre, au Nigeria, la guerre des ressources entre les éleveurs et les agriculteurs (six fois plus meurtrière que le très médiatisé conflit de Boko Haram en 2018) ; au Sud Soudan, la guerre civile - pour l’instant - interrompue (400 000 morts de 2013 à 2018) et au Cachemire, le conflit indo-pakistanais (70 000 morts en 30 ans rien que pour le conflit interne).

Récemment, j’ai rédigé quatre articles concernant un autre candidat de premier plan - le Haut-Karabakh, la guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan qui, cette fois, ne risque pas d’être reléguée dans la glacière avec les autres « conflits gelés ».

Soldats américains s’entraînant à Djibouti, le 11 novembre 2017. Ils étaient affectés à la Force interarmées de la Corne de l’Afrique associée à la Force de réaction de l’Afrique de l’Est (Armée de l’air, Erin Piazza)

Un autre candidat sérieux de notre liste pourrait parfaitement s’intituler « mélange de maelströms en Éthiopie » - très récemment illustré par la guerre d’un mois (et pas tout à fait terminée) entre le gouvernement fédéral et l’État ethno-régional du Tigré, dans le nord du pays. Celui du seul Tigré n’est pas le moindre, bien que ce conflit ait une influence sur la plupart des autres.

L’Éthiopie est en proie à de nombreuses querelles ethno-religieuses internes ; séparatisme somalien dans la région de l’Ogaden, interventions militaires en Somalie même, nouvelle guerre avec l’Érythrée et conflit à venir avec l’Égypte à propos du Nil. La plupart des Américains n’en ont pas beaucoup entendu parler - il y a quelques raisons à cela - on les retrouve souvent aussi dans le cas des autres conflits oubliés énumérés ci-dessus.

La clé de cet oubli est généralement une combinaison de plusieurs facteurs, manque de ressources naturelles (en particulier énergétiques) exportables vers l’Ouest, lien obscur avec la guerre contre le terrorisme de l’après-11 septembre, liens ténus avec les nouvelles guerres froides de la Russie ou la Chine, et/ou simple fait que l’État oppresseur, où les parties violentes se trouvent être des alliés des États-Unis (comme, par exemple, les terribles occupants indiens du Cachemire).

Une fois que toutes ces conditions, ou du moins une partie d’entre elles, sont remplies : victimes, méfiez vous ! Parce que vous allez peut-être découvrir que toutes les vies ne comptent pas pour la « nation indispensable » du monde - ou du moins que certaines vies comptent plus que d’autres.

On peut toujours le traiter de fou, mais l’auteur qui écrit ceci pense que donner au moins une certaine cohérence éthique à ce que l’ancien collège [West Point, NdT] essaie de faire a de la valeur.

Et c’est vrai, une fois qu’on s’en est soucié, qu’on a enlevé quelques couches de l’oignon dégoûtant et qu’ on a un peu reniflé le contexte - il est capable de trouver des connexions géostratégiques et la main de Washington derrière tout cela, au milieu du jeu sans merci des six degrés de l’obscénité coloniale. [allusion à la loi qui punit jusqu’aux travaux forcés six catégories d’obscénités, tout en ignorant les atrocités guerrières, NdT] Ce qui nous amène à la dernière atrocité commise dans le nord de l’Éthiopie - et au jeu d’échecs de la Corne de l’Afrique qui est encore plus vaste.

Chronique d’une poudrière au Tigré

De nos jours, il est courant que les dirigeants américains se félicitent du partenariat avec ce qui est souvent décrit comme le « pilier » éthiopien de la politique de sécurité en Afrique de l’Est.

En un sens, Addis-Abeba est comparable à New Delhi dans l’esprit de cette catégorie spéciale de « géostratèges » américains interventionnistes, agissant tel un « contrepoids » utile dans une région difficile, l’Inde par rapport à la Chine et les extrémistes pakistanais ; l’Ethiopie par rapport au groupe Al Shabaab de Somalie, et tout ce qui est plus ou moins islamiste en Afrique de l’Est.

Cependant, non seulement il n’en a pas toujours été ainsi (en particulier dans les relations souvent contestées entre Washington et Addis-Abeba), mais dans les deux cas, il y a un argument tout aussi convaincant selon lequel le partenaire en question est plus un cas désespéré qu’un stabilisateur.

Carte de la guerre entre l’Érythrée et l’Éthiopie en 1998. (Skilla1st, NordNordWest, CC BY-SA 3.0, Wikimedia Commons)

La récente guerre au Tigré en est un exemple, et elle était éminemment prévisible - tout comme la flambée sanglante de septembre au Nagorno-Karabakh - pour quiconque se souciait de s’informer sur de telles zones de troubles. En fait, l’Ethiopie était n°3 sur la liste des "10 conflits à surveiller" en 2020 de l’International Crisis Group.

Les combats les plus récents ont duré près de 50 jours et jusqu’à présent, des milliers de personnes ont été tuées, 50 000 personnes ont cherché refuge en dehors des frontières, 900 000 autres personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays. Le pays tout entier est au bord d’une violence ethnique généralisée. C’est parce que le Tigré était une poudrière bien avant que les combats n’éclatent le 4 novembre, tout comme c’était largement le cas pour la cause perdue qu’est l’Éthiopie.

Tout d’abord, examinons quelques statistiques de base à titre d’illustration. L’Éthiopie est grande, deux fois la taille du Texas. Ses 108 millions d’habitants en font le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique, et c’est aussi le pays enclavé le plus peuplé au monde, après que l’Érythrée a obtenu sa discutable indépendance, et que l’Éthiopie ait ainsi perdu son accès à la mer, en 1993.

Au total, 60 % de cette population a moins de 25 ans. Ce n’est jamais un bon indicateur, surtout pour une nation dont le revenu par habitant, malgré les progrès économiques réels réalisés au cours des deux dernières décennies, tourne toujours autour de 2 dollars par jour.

Pire encore, l’Éthiopie compte quelque 80 groupes ethniques distincts divisés en 10 états régionaux séparés et théoriquement autonomes à l’intérieur de ses frontières, et connaît de graves conflits anciens et récurrents entre plusieurs factions majeures.

De plus, alors que le Tigré ne représente que 6 à 7 % de la population, il avait auparavant un pouvoir et une influence démesurés - depuis le renversement de la dictature militaire en 1991 - jusqu’à l’arrivée en 2018 de l’actuel Premier ministre (et lauréat du prix Nobel) Abiy Ahmed, favori des Occidentaux.

Abiy appartient au groupe ethnique Oromo - le plus important d’Éthiopie (35 %) - et a été dirigeant du Parti démocratique Oromo (ODP) et vice-président de l’État régional Oromia. La mère du premier ministre est chrétienne mais feu son père était en fait musulman - dans un pays où 31 % des habitants le sont, dans le pays le plus religieux du monde (selon le sondage Pew) le sont.

Soldats de l’ONU surveillant la frontière entre l’Érythrée et l’Éthiopie en 2005. (Dawit Rezene, CC BY-SA 1.0, Wikimedia Commons)

Quant à la place de l’Éthiopie dans une région tendue et troublée, elle partage ses frontières avec quatre pays à majorité musulmane (Soudan, Érythrée, Djibouti et Somalie) et deux à majorité chrétienne (Kenya et Sud-Soudan). Alors, ajoutez un peu d’allume-feu confessionnel pour les futurs - et actuels - incendies d’Afrique de l’Est.

Malgré tout, les derniers et plus grands problèmes de l’Éthiopie - pour le moment du moins - ne sont pas liés à une guerre sainte sectaire ni même aux effets directs d’une pauvreté persistante, per se. Ils sont plutôt liés à des désaccords historiques concernant deux points : la proportion de régionalisme versus le centralisme dans les structures du pouvoir politique ; et les tensions entre les identités éthiopiennes et sub-ethniques dans les mêmes luttes de pouvoir.

Un "fédéralisme ethnique"

Cette étiquette fondamentale de la politique éthiopienne des trois dernières décennies sonne presque comme une impossibilité, une erreur linguistique.

Pourtant, selon certains, le « fédéralisme ethnique », comme on l’appelle, et qui a été confirmé dans la constitution de 1995, est le seul moyen de faire fonctionner la démocratie (ou même simplement une gouvernance opérationnelle) dans la corne d’abondance culturelle du pays.

D’autres, en revanche, sont convaincus que seules la re-centralisation et les priorités nationalistes - y compris un premier ministre ayant de grands plans centralisés et dont les bailleurs de fonds étrangers ont tout intérêt à ce que ces plans aboutissent - peuvent rendre à l’ Éthiopie sa grandeur (Make Ethiopia Great Again) ! (Sérieusement, il y a des gens pour dire ça en gros - à part ça, ce sont des gens sérieux).

Alors, comment le débat est-il arrivé là, et comment s’est-il déroulé dans l’histoire récente de l’Éthiopie - et comment a-t-il été influencé par celle-ci ? Voici la version la plus courte possible :

L’Éthiopie était (selon leur propre tradition) gouvernée par une lignée ininterrompue de 225 empereurs, jusqu’au renversement en 1974 du dernier, Haïlé Sélassié.

Celui-ci a une particularité fascinante : de nombreux Rastafaris pensent qu’il incarnait une sorte de seconde venue du Christ, et il a joué un rôle clé dans ce mouvement religieux de la diaspora africaine fondée en Jamaïque dans les années 1930. (Avant de monter sur le trône, il était à l’origine un prince (« Ras »), et on lui donnait alors le nom de Ras Tafari Makonnen.( d’où rastafari)

Haïlé Sélassié en 1934 (Walter Mittelholzer, ETH Library, Wikimedia Commons)

Haïlé Sélassié a été remplacé par le régime de gauche Derg [gouvernement militaire provisoire de l’Éthiopie socialiste, NdT] qui s’est finalement allié à l’Union soviétique. Tant l’empereur que le Derg ont, depuis Addis-Abeba, dirigé un État oppressif et hyper-centralisé. Puis, en 1991, une coalition de diverses milices insurgées ethno-politiques et liées aux régionalistes a renversé le Derg.

Bien qu’elle ne représente qu’un faible pourcentage de toute la population, la principale faction des Tigréens - le Front populaire de libération du Tigré (Tigray People’s Liberation Front, TPLF) - a joué un rôle prépondérant dans la guerre et est devenu le principal médiateur dans la coalition qui a dirigé l’État fédéraliste éthiopien jusqu’en 2018.

Bien sûr, en dépit de tous les discours sur le fédéralisme décentralisé, l’Éthiopie a plus été gouvernée par décrets du parti que par la volonté démocratique du peuple. En pratique, il y a eu une centralisation massive, même pendant la longue période de domination de la coalition par le TPLF.

L’actuel Premier ministre Abiy - le premier chef de gouvernement non tigriéen depuis 1991 - est arrivé au pouvoir en 2018 après que des années de manifestations anti-gouvernementales ont forcé son prédécesseur à démissionner. Depuis lors, les dirigeants du Tigré se plaignent d’être injustement ciblés dans les poursuites pour corruption, et d’avoir été écartés de la haute sécurité et des postes qu’ils occupaient autrefois.

L’année dernière, le TPLF s’est retiré de la coalition au pouvoir après qu’Abiy l’a fusionné en un parti unique national, le Parti de la Prospérité. Les choses se sont encore détériorées après que le Tigré a organisé des élections unilatérales en septembre, désavouant la consigne du gouvernement Abiy qui était de reporter les scrutins nationaux en raison de la pandémie de Covid-19.

À ce moment-là, Addis-Abeba et le gouvernement régional du Tigré ont pratiquement cessé reconnaître leurs légitimités mutuelles. Puis le gouvernement fédéral a réduit le financement de la région - ce que le TPLF a qualifié d’ « équivalent d’un acte de guerre ». Enfin, le 4 novembre, dans ce qui, selon Abiy, constituait le franchissement d’une « ligne rouge », le TPLF a attaqué une base militaire fédérale dans le Tigré.

Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed en 2018. (Mark Neyman, CC BY-SA 3.0, Wikimedia Commons)

Après cela, le prix Nobel de la paix - pour avoir conclu un vague accord non officiel avec l’Érythrée - a en fait déclaré la guerre à l’État régional et... enfin, le reste appartient à l’histoire.

Il y a eu des massacres ethniques des deux côtés, beaucoup de mensonges et de dissimulation - une stratégie de relations publiques de « circulez, il n’y a rien à voir » - depuis Addis-Abeba, et les nouveaux copains érythréens d’Abiy ont même semble-t-il franchi la frontière avec plusieurs brigades armées afin de rejoindre la lutte contre l’ ennemi commun, le TPLF.

Abiy affirme que la guerre est terminée ; le TPLF affirme qu’il continue la bataille, les arrestations et les meurtres à caractère ethnique vont grandissant dans tout le pays, et pas seulement au Tigré. C’est un véritable gâchis, et jusqu’au 14 décembre, le Conseil de sécurité des Nations unies ne s’est pratiquement pas intéressé à la question. Pendant ce temps, la plupart des Américains s’en fichent complètement.

Pourtant, on oublie souvent ce minuscule fait gênant : si l’Éthiopie est confrontée à de tels défis ethniques, et considère le fédéralisme ethnique comme une option, c’est en partie parce que le pays possède son propre héritage impérial. Il a été longtemps, et reste en grande partie un empire africain conquérant.

Il est courant que les diplomates - et les politiciens ou les analystes qui souhaitent faire savoir qu’ils sont vaguement informés - se réfèrent à l’Éthiopie comme étant la seule nation africaine à ne pas avoir été colonisée (ou plus exactement, l’une des deux, si l’on inclut le quasi-protectorat américain du Liberia). Ce petit bémol obligatoire des internationalistes est à la fois strictement vrai et totalement trompeur.

Monument commémorant la victoire des Éthiopiens dans la bataille d’Adwa, dédié à Ménélik II, empereur d’Éthiopie, le 1er mars 1896. (Wikimedia Commons)

Non, l’Éthiopie n’a jamais été - à l’exception de la brève et tardive occupation impériale par l’Italie fasciste de Mussolini dans la seconde moitié des années 1930 - ouvertement colonisée par une puissance occidentale alors que presque chaque centimètre carré de l’Afrique a finalement été accaparé entre 1870 et 1920. Mais c’est en partie parce qu’elle était déjà un empire éthiopien multiethnique figurant parmi les puissants empires européens.

Ce n’était même pas exactement un scénario du genre : « si vous ne pouvez pas les battre, alors rejoignez-les. » L’ Éthiopie avait pendant quelques temps fait partie du jeu de la conquête impérialiste africaine. C’est pourquoi il y a encore tant de Somaliens qui vivent sous l’aile d’Addis-Abeba un siècle et demi après le début de la « ruée vers l’Afrique » de l’Europe.

Après tout, en Afrique, une façon - et c’est la plus courante - de se retrouver avec 80 ethnies à l’intérieur de votre État, est que les impérialistes occidentaux aient arbitrairement tracé vos frontières nationales artificielles vers 1919 (à plus ou moins 25 ans près).

Une autre façon, cependant - que l’on appelle le modèle éthiopien - consistait à engloutir tout un tas de territoires et les peuples africains ethno-linguistiquement divers qui y vivaient depuis longtemps.

Et le fait que l’Éthiopie était - et se présentait assurément - comme un empire chrétien assez ancien n’a pas nui à ses perspectives de survie face aux puissances européennes concernées qui se justifiaient par l’alibi d’une mission civilisatrice, et juste truffées d’orientalistes érudits et d’antiquaires passionnés par l’Église des origines.

Bon sang, aujourd’hui encore, de nombreux chrétiens éthiopiens (et l’Église orthodoxe éthiopienne) affirment que l’Arche d’alliance décrite dans la tradition judéo-chrétienne de l’Ancien Testament se trouve dans une chapelle - personne n’est autorisé à la voir, bien sûr - dans la petite ville d’Axoum, dans les hautes terres du nord du pays. Les hauts plateaux du nord du Tigré, pour être exact.

Des prêtres orthodoxes éthiopiens organisent une procession à Lalibela, haut lieu de la chrétienté éthiopienne et encore aujourd’hui lieu de pèlerinage et de dévotion. (Anne Saurat, UNESCO, CC BY-SA 3.0, Wikimedia Commons)

Une fois que l’on est un tant soit peu sensibilisé à toute cette histoire, la récente guerre du Tigré se présente sous un jour un peu différent. D’une part, ce qui s’est passé semble plus logique. Mais d’un autre côté, une nouvelle palette de complexités, de défis et de contradictions se révèle. Tout cela pour dire que c’est compliqué. Il y a tout un tas d’acteurs, d’intérêts et de tensions à l’œuvre au Tigré et en Éthiopie dans son ensemble.

Il n’en reste pas moins que cela vaut la peine de revoir ma première liste d’hypothèses quand aux raisons pour lesquelles des conflits comme celui du Tigré passent habituellement sous silence. En réalité, l’Éthiopie n’exporte pas beaucoup de produits qui soient convoités par les États occidentaux axés sur la technologie - elle exporte peu de gaz naturel ou de pétrole, et plutôt du café et de graines oléagineuses.

Toutefois, le pays est perçu comme ayant des liens étroits - même si rompus - avec tant la guerre contre le terrorisme (par ses interventions sur le théâtre somalien) que la nouvelle guerre froide (d’autant plus que la Chine investit dans des projets d’infrastructure à Addis-Abeba et assure une certaine présence navale dans la mer Rouge).

Pourtant, la principale raison pour laquelle l’ Éthiopie obtient plus que sa juste part d’autorisations de violations des droits humains est qu’il se trouve - du moins pour le moment - qu’elle est considérée comme une partenaire utile et/ou une intermédiaire des aspirations et des machinations de Washington dans une sous-région clé de son nouveau terrain de jeu militaire favori ... l’Afrique.

Ne vous y trompez pas : alors que les États-Unis n’actionnent pas tous les leviers, et sont incapables de le faire, pas plus qu’ils ne peuvent prédire tout ce qui va se profiler les coulisses du conflit, il y a des Américains à l’œuvre en Afrique de l’Est. Ce qu’ils ont tendance à manigancer, se fait sous couverture diplomatique, excuses internationales et assistance en matière de sécurité.

Ce qui met souvent les habitants de la région devant un dilemme africain concernant la Corne de l’Afrique. Parce qu’il s’avère que le nouveau commandement régional américain (depuis 2007), l’Africom américain, se fiche pratiquement complètement du bien-être de l’Africain moyen.

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