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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2021-33

La Guerre des mondes : la guerre de la finance

Par Nomi Prins, traduit par Jocelyne le Boulicaut

vendredi 19 mars 2021, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT enseignante universitaire d’anglais retraitée pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

La Guerre des mondes : la guerre de la finance

Le 12 janvier 2021 par Nomi Prins, TomDispatch.com

Nomi Prins, ancienne cadre de Wall Street, est une contributrice régulière de TomDispatch. Son dernier livre s’intitule Collusion : How Central Bankers Rigged the World [non traduit : Collusion : comment les banquiers centraux ont truqué le monde, NdT]. Elle est également l’autrice de All the Presidents’ Bankers : The Hidden Alliances That Drive American Power [non traduit : Banquiers de Présidents : les alliances cachées qui mènent la puissance américaine, NdT] et de cinq autres livres. Nous remercions tout particulièrement le chercheur Craig Wilson pour ses excellentes recherches autour de ce texte.

Le siège international de JPMorgan Chase à Manhattan. (CC BY-SA 2.0, Wikimedia Commons)

La bourse qui amasse des richesses en pleine pandémie meurtrière rappelle à Nomi Prins un classique de la science-fiction parlant de l’invasion en provenance de Mars.

Parfois, les choses n’ont de sens que lorsqu’elles sont vues à travers une lentille grossissante. Il se trouve que je pense à la réalité, la réalité très américaine et mondiale qui se répète très clairement en ce début de 2021.

Nous savons tous, bien sûr, que nous sommes en train de vivre une pandémie qui ne se produit qu’une fois par siècle ; que des millions de personnes ont perdu des emplois, dont une partie n’existera plus jamais ; que les plus pauvres d’entre nous, qui peuvent le moins assumer des difficultés économiques aussi aiguës, ont été les plus durement frappés ; et que l’économie mondiale a été mise à genoux, à cause d’une série de confinements, de mises à l’arrêt, de restrictions de toutes sortes et de considérations liées à la santé.

Plus grave encore : plus de 360 000 Américains (et ce n’est pas fini) ont déjà perdu la vie à cause de la Covid-19 et, selon les experts de la santé publique, bien plus de décès sont encore à venir.

Et pourtant, comme dans une galaxie très, très lointaine, il s’avère qu’il y a aussi une autre facette, tellement plus optimiste, une autre composante de cette équation. Alors que la Covid-19 s’aggravait de plus en plus à la fin de 2020, le marché boursier a atteint des sommets jamais connus auparavant. Jamais au cours de l’histoire.

Pendant ce temps, toujours dans la rubrique des nouvelles vraiment réjouissantes, en 2021, les banques pourront reprendre leur progression vers les milliards de dollars de rachats d’actions, gentillesse de la Réserve fédérale qui a choisi de soutenir un tel plan de relance des banques et des marchés boursiers.

Le feu vert de la Fed pour cette activité, le 18 décembre, permettra aux méga-banques de revenir à ces rachats d’actions (qui constituent 70 % de la distribution de capital vers leurs actionnaires). En juin 2020, la Fed avait interdit cette pratique, officiellement pour les aider à gérer au mieux les risques causés par la pandémie.

31 octobre 1938 : Orson Welles, deuxième à partir de la droite, rencontre des journalistes pour tenter d’expliquer que nul parmi celles et ceux en lien avec l’émission ne se doutait que celle-ci provoquerait une panique. (Photos de l’Acme News, Wikimedia Commons)

Ces mêmes institutions financières peuvent désormais injecter de l’argent pour l’achat de leurs propres actions plutôt que, par exemple, accorder des prêts aux petites entreprises en difficulté qui sont menacées par la catastrophe économique due à la pandémie.

Dès que Wall Street a reçu les bonnes nouvelles de la Fed à la fin de l’année 2020, JPMorgan Chase, la plus grande banque du pays, n’a pas perdu de temps pour annoncer son intention d’acheter ses propres actions pour un montant de 30 milliards de dollars et ce, au cours de la nouvelle année.

Et comme par magie, ces actions ont fait un bond de 5 % le jour même. D’autres méga-banques ont suivi le mouvement, et le prix de leurs actions en a fait tout autant.

Maintenant, pour des raisons que vous comprendrez facilement, venez avec moi faire un petit voyage dans le passé, veille d’Halloween, 1938, quand Orson Welles et le Mercury Theatre ont joué une adaptation du roman de science-fiction-dystopie-impérialisme de H.G. Wells de 1898, The War of the Worlds, (La guerre des mondes) à la radio.

Alors que les Martiens "envahissaient" le New Jersey, (c’était Londres dans le roman) en gardant le chaos à l’esprit, certains auditeurs ont été pris de panique, croyant entendre des reportages parfaitement réels concernant une invasion extraterrestre de la planète Terre.

Des témoignages ultérieurs indiquent que les médias ont exagéré cette réaction (un style de "fake news" 1938 ?), mais des gens qui ont rejoint l’émission en retard et ont manqué la présentation quant à la nature fictive du programme ont en effet paniqué.

Et il n’est pas difficile de comprendre pourquoi ils auraient pu réagir ainsi à ce moment-là. Il y avait déjà eu une abondance de surprises. Le monde, après tout, s’était à peine remis des conséquences du krach boursier de 1929 et de la Grande Dépression qui a suivi.

Il était également encore sous le choc de l’incendie du Hindenburg de 1937, au cours duquel un dirigeable allemand a explosé dans le New Jersey, ainsi que de l’escalade des tensions et des hostilités en Asie et en Europe, qui allait conduire à la Seconde Guerre mondiale.

Le Hindenburg au-dessus de Manhattan, New York, le 6 mai 1937, peu avant la catastrophe. (Associated Press, Wikimedia Commons)

Peut-être les gens avaient-ils déjà associé ou confondu l’invasion martienne sur les ondes avec des fantasmes sur une éventuelle invasion allemande de ce pays. Après tout, dans certains journaux, les réactions à la prestation de Welles étaient placées juste en face des colonnes sur les menaces de guerre en Europe et en Asie. Avec ou sans Welles, les gens étaient sur les nerfs.

Quoi qu’il en soit, la peur est tout à la fois une grande source de motivation mais aussi d’anxiété pour les médias, que ce soit en 1938 ou aujourd’hui. À l’heure actuelle, l’accent est mis sur les craintes économiques et sanitaires dans un marché saturé. Il s’agit également de la déconnexion qui existe entre le monde économique réel dans lequel la plupart d’entre nous vivons et les marchés boursiers en plein essor.

Ces marchés faussés sont le résultat d’une inégalité des richesses qui aurait autrefois été inimaginable dans ce pays. D’une certaine manière, économiquement parlant, on pourrait dire que nous subissons aujourd’hui l’équivalent d’une invasion des Martiens.

De la crise financière à la pandémie

Il n’est pas difficile de nos jours d’imaginer le chaos dans lequel les gens se trouveraient si leur vie ou leurs moyens de subsistance étaient menacés par une force incontrôlable, venue de l’extérieur, comme celle que représentent ces Martiens.

Après tout, nous sommes dans une ère de pandémie où les écarts entre les riches, les pauvres et la classe moyenne s’accroissent d’une façon totalement incroyable, un monde dans lequel certains ont les moyens de rester étonnamment en sécurité, et en vie, pendant que d’autres sont démunies.

La Covid-19 ne vient bien sûr pas de Mars et n’est pas non plus envoyée par des extraterrestres, mais en termes d’impact, c’est tout comme. Et la pandémie ne fait finalement qu’exacerber, parfois de manière violente, des problèmes qui étaient déjà assez graves, notamment les inégalités économiques.

Souvenez-vous que, bien avant que la Covid-19 ne frappe, la crise financière de 2008 avait été contrée par un renflouement de Wall Street à hauteur de plusieurs milliers de milliards de dollars. Dans le même temps, la Réserve fédérale avait réduit les taux d’intérêt à zéro, tout en achetant des obligations du Trésor américain et des obligations hypothécaires aux banques mêmes qui avaient déclenché la catastrophe.

Ses actifs propres sont alors passés de 870 milliards de dollars à 4 500 milliards de dollars entre août 2007 et août 2015. En revanche, l’économie américaine n’a jamais vraiment atteint un niveau de croissance de plus de 2 % par an en moyenne dans les années qui ont suivi ce quasi-effondrement, alors même que le marché boursier a récupéré toutes ses pertes et bien plus encore.

Un homme à un coin de rue de New York pendant la Covid-19, avril 2020. (Anthony Quintano, CC BY 2.0, Wikimedia Commons)

L’indice Dow Jones des valeurs industrielles, soutenu par une politique monétaire ultra-libérale, a régulièrement progressé, passant d’un creux de 6926 le 5 mars 2009, lors de la crise financière à 27090 le 4 mars 2020, date à laquelle la Covid-19 a brièvement stoppé sa remontée.

Cependant, dans le mois qui a suivi la chute du marché liée aux fermetures généralisées, sa montée a été accentuée par des manœuvres similaires mais plus importantes, car la politique de la Réserve fédérale a de nouveau été déployée pour sauver les riches sous le prétexte de sauver l’économie.

Un rebond 2.0 a porté le Dow Jones à un nouveau record de 30 606,48 à la fin de l’année 2020.

En revanche, je suis sûre que vous ne serez pas surpris d’apprendre que, selon de récents rapports de la Réserve fédérale, le fossé de la richesse aux États-Unis a continué de se creuser de façon spectaculaire, alors que les inégalités économiques allaient encore grandissant en 2020 à cause de la pandémie de coronavirus. En effet, les ravages sanitaires et économiques qu’elle a causés ont touché les travailleurs des services à bas salaire, les personnes à faible revenu et les gens de couleur bien plus que la classe moyenne supérieure et l’élite de la classe supérieure.

Pendant ce temps, à la fin de 2020, le dixième des d’Américains les plus riches possédaient plus de 88 % des actions des entreprises et des fonds communs de placement en circulation aux États-Unis. Le 1% supérieur contrôlait également plus de 88 fois la richesse de la moitié des Américains les plus pauvres. Autrement dit, moins vous possédiez, et moins vous pouviez vous permettre de perdre quoi que ce soit.

En effet, la valeur nette combinée du premier centile (1%) des Américains était de 34 200 milliards de dollars (environ un tiers de toute la richesse des ménages américains), tandis que le total pour la moitié des moins nantis était de 2 100 milliards de dollars (soit 1,9 % de cette richesse).

Pourtant, les milliardaires américains ont fait des scores monumentaux pendant la pandémie, notamment en raison de leur positionnement sur le marché boursier. Les quelque 2 200 milliardaires de la planète se sont enrichis de 1 900 milliards de dollars rien qu’en 2020 et pesaient environ 11 400 milliards de dollars à la mi-décembre 2020 (contre 9 500 milliards de dollars un an plus tôt).

Les magnats du XXIe siècle, comme Elon Musk et Jeff Bezos, ont d’autant plus ratissé qu’ils ont injecté de l’argent dans l’achat d’actions de leur société. Même les mesures de relance bipartites du Congrès destinées à apporter un soulagement nécessaire se sont transformées en une chance de faire grimper les fortunes dans les hautes sphères de la société.

Le Taureau de Wall Street, statue d’Arturo Di Modica dans le quartier financier de New York. (Alankitassigments, CC BY-SA 4.0, Wikimedia Commons)

Si vous voulez vous faire une idée des inégalités dans le contexte de la pandémie, songez à ceci : alors que le marché a explosé, plus de 25,5 millions d’Américains ont bénéficié d’ allocations de chômage fédérales.

L’indice boursier S&P 500 [Le S&P 500 est un indice boursier basé sur 500 grandes sociétés cotées sur les bourses aux États-Unis, NdT] a augmenté en 2020 de 14 000 milliards de dollars en tout.

Dans un tout autre univers, le nombre de personnes qui ont perdu leur emploi à cause de la pandémie et ne l’ont pas retrouvé est d’environ 10 millions. Et ce chiffre ne tient même pas compte de celles qui ne peuvent pas aller travailler parce qu’elles doivent s’occuper des autres, que leur lieu de travail est fermé ou qu’elles scolarisent leurs enfants à domicile.

Les Martiens et le fossé des inégalités

La Guerre des Mondes par H.G. WELLS

Dans La guerre des mondes, H.G. Wells évoque une espèce - l’humanité - rendue impuissante face à une force supérieure et hors de son contrôle. Sa description de la relation sinistre entre les Martiens et les humains qu’ils étaient en train d’éliminer (destinée à rappeler aux lecteurs la relation entre les impérialistes britanniques et ceux qu’ils supprimaient dans des pays lointains) jette une lumière inquiétante sur le pouvoir et le fossé des écarts de richesse en Grande-Bretagne et dans le monde au début du XXe siècle.

Le livre a été écrit à l’âge d’or, lorsque la croissance économique rapide, en particulier aux États-Unis, engendrait une nouvelle classe de « barons voleurs ». Comme la version du XXIe siècle de ces derniers, ils ont eux aussi gagné de l’argent à partir de leur argent, tandis que le statut économique des travailleurs se détériorait de plus en plus.

Il s’agissait là d’une des toutes premières versions d’un jeu à somme nulle dans lequel le butin du système était de plus en plus hors de portée de la plupart. Ceux qui étaient au sommet accumulaient fiévreusement des richesses, tandis que la majorité du reste de la population s’en sortait à peine ou se noyait.

Une crise des inégalités a été déclenchée par la révolution industrielle elle-même, qui a commencé en Angleterre et a ensuite traversé l’Atlantique. À la fin du XIXe siècle, les "barons voleurs" américains étaient démentiellement riches. Comme l’a écrit l’économiste Thomas Piketty, l’inégalité des richesses a augmenté plus fortement au cours de l’âge d’or que jamais auparavant dans l’histoire américaine. En 1810, le premier centile des Américains détenait 25 % de la richesse totale du pays ; entre 1870 et 1910, cette part a bondi à 45 %.

Aujourd’hui, le premier centile des Américains possède plus de richesses que l’ensemble de la classe moyenne, un phénomène qui s’est vérifié pour la première fois en 2010 et qui reste la réalité de notre époque. En 2018, environ 75 % des 113 000 milliards de dollars d’actifs des ménages américains étaient des actifs financiers, c’est-à-dire des actions, des fonds négociés en bourse, des 401K, [épargne retraite, NdT] des IRA, [assurance vie, NdT] des fonds communs de placement et autres investissements similaires. La majorité des actifs non financiers de cette catégorie se trouvait dans l’immobilier.

Même avant la pandémie, seuls 20 % de ménages américains les plus riches s’étaient complètement (ou, dans le cas des personnes vraiment riches, plus que complètement) remis de la crise financière. Cela s’explique principalement par le fait que depuis cette crise, moins de ménages ont été actifs sur le marché boursier ou ont été propriétaires de biens immobiliers et ils n’ont donc pas eu la possibilité de profiter de l’augmentation de la valeur de l’un ou l’autre.

Une grande partie de la hausse des valeurs boursières et immobilières a été directement ou indirectement liée aux actions de la Fed. Fin décembre 2020, son bilan avait augmenté de 3 164 milliards de dollars, pour atteindre un total de 7 350 milliards de dollars, soit 63 % de plus que son bilan au plus fort de la décennie qui a suivi la catastrophe de 2008.

Ses politiques ultra libérales font qu’il est moins cher d’emprunter de l’argent, mais il est aussi moins intéressant de l’investir dans des titres à faible taux d’intérêt et moins risqués comme les bons du Trésor. En conséquence, la Fed a incité les gens disposant d’un surplus d’argent à le faire fructifier par des investissements plus rapides et souvent plus risqués en bourse ou dans l’immobilier. En 2020, des citadins cherchant à quitter des villes frappées par le coronavirus se sont livrés, pour des maisons de banlieue, à de véritables guerres d’enchères exclusivement en cash ce qui était hors de portée de la plupart des acheteurs traditionnels.

Bien que le Congrès ait adopté deux plans de relance liés à la Covid, plans indispensables qui ont prolongé les périodes d’allocations de chômage, tout en offrant deux paiements uniques et un programme de protection des salaires pour les petites entreprises, l’impact de ces aides a été faible par rapport aux allègements fiscaux et au pouvoir d’investissement que le marché boursier offrait aux riches et aux grandes entreprises.

Alors que les marchés atteignaient des niveaux records, le taux de pauvreté aux États-Unis augmentait également l’année dernière, passant de 9,3 % en juin à 11,7 % en novembre 2020. Ce qui a fait chuter près de 8 millions d’Américains au rang des pauvres, alors même que 659 milliardaires américains détenaient le double de la richesse des 165 millions d’Américains les plus pauvres.

Les Martiens sont là

L’écart entre les fonds fédéraux injectés et ceux sortants a également augmenté. Le déficit américain a augmenté de 3 300 milliards de dollars en 2020. Le niveau de la dette publique émise par le département du Trésor a atteint 27 500 milliards de dollars. Le total des recettes fédérales s’élevait à 3 450 milliards de dollars, tandis que la part de l’impôt sur les sociétés n’était que de 221 milliards de dollars, soit un maigre 6,4 %. Cela signifie que dans une Amérique de plus en plus inégalitaire, 93,6 % de l’argent qui alimente les caisses du gouvernement provient de particuliers et non de sociétés.

Et bien que nombre des plus grandes et moyennes entreprises aient demandé la protection de la loi sur les faillites en raison des fermetures liées aux coronavirus, le gros des fermetures totales a frappé beaucoup plus durement les petites entreprises locales - allant des restaurants jusqu’aux salons de coiffure en passant par les magasins de santé et de bien-être - ne faisant qu’exacerber les disparités économiques au sein de la communauté.

Manifestation à la Statehouse de l’Ohio en avril 2020. (Becker1999, CC BY 2.0, Wikimedia Commons)

En d’autres termes, le vrai problème en matière d’inégalité n’est pas le montant total des impôts perçus par rapport à l’argent dépensé en temps de crise, mais la composition des recettes fédérales qui est totalement déséquilibrée (ce que la pandémie n’a fait qu’aggraver).

Prenons le secteur de la défense, par exemple. Le gouvernement américain a versé 738 milliards de dollars au Pentagone pour l’année fiscale 2020.Les contrats passés avec des entreprises privées liées à la défense au cours de l’année qui vient de s’écouler et pour laquelle des données sont disponibles, à savoir l’année fiscale 2018, ont atteint environ 62 % d’un budget total de la défense de 579 milliards de dollars, soit 358 milliards de dollars. Pensez maintenant seulement à ceci : ce montant à lui seul a dépassé le total de tous les impôts sur les sociétés versés au Trésor américain en 2019.

Les inégalités concernent la disparité entre les personnes et les pays en termes de revenus, de richesse ou de pouvoir. Plus les entreprises conservent une part importante de leurs bénéfices par rapport aux citoyens ordinaires, plus le marché boursier augmente par rapport à l’économie réelle.

Plus les particuliers, plutôt que les entreprises, assument le fardeau des recettes fiscales, plus les inégalités inhérentes à la société sont importantes. Plus les actifs financiers sont évalués d’après de l’argent qui vise à se multiplier le plus rapidement possible (voyez cela comme un virus), plus la distorsion créée est importante.

La Fed peut se concentrer sur son double objectif inflation contre plein emploi tant qu’elle le veut, tout en menant des politiques qui faussent la valeur de l’économie réelle par rapport aux actifs financiers. Mais la réalité fait que plus ces actifs gonflés par la Fed augmentent par rapport aux actifs réels, plus les inégalités augmentent.C’est un simple exercice de mathématiques et c’est la terrible nature des États-Unis d’Amérique en ce début de l’année 2021.

Le marché ne se soucie pas de politique. C’est une créature qui agit en fonction des objectifs de ses principaux participants. L’économie réelle, en revanche, exige beaucoup plus d’efforts - planifier, établir des priorités et exécuter des programmes et des projets qui puissent produire des profits réels. Nous sommes bien loin d’un monde qui placerait les investissements plutôt dans l’économie réelle que dans les marchés financiers en pleine expansion.

Cet écart, en fait, pourrait tout aussi bien être comparable à la distance entre la Terre et Mars. En plein milieu d’une pandémie, alors que les milliardaires ne font que s’enrichir et que les marchés s’envolent, peut-on douter que nous soyons en train de vivre une réelle invasion martienne ?

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