AID Association Initiatives Dionysiennes

Ouv zot zié !

Accueil > Politique > Marine de guerre chinoise contre marine de guerre étatsunienne

Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2021-42

Marine de guerre chinoise contre marine de guerre étatsunienne

Par Brad Lendon, traduit par Jocelyne le Boulicaut

lundi 19 avril 2021, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT enseignante universitaire d’anglais retraitée pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

Marine de guerre chinoise contre marine de guerre étatsunienne

6 mars 2021 par Brad Lendon, CNN

Hong Kong (CNN) En 2018, le président chinois Xi Jinping a enfilé un treillis militaire et est monté à bord d’un destroyer de la marine de l’Armée populaire de libération en mer de Chine méridionale.

La Chine a construit la plus grande marine du monde. Quelles sont les intentions de Pékin ?

En 2018, le président chinois Xi Jinping a enfilé un treillis militaire et est monté à bord d’un destroyer de la marine de l’Armée populaire de libération en mer de Chine méridionale. Ce jour d’avril, déployée devant lui, la plus grande flotte jamais mise en mer par la Chine communiste s’étend devant lui : 48 navires, des dizaines d’avions de chasse et plus de 10 000 militaires.

Pour Xi, le dirigeant le plus puissant du pays depuis Mao Zedong, cette journée était le point de départ d’une grande ambition : une force qui montrerait la grandeur et la puissance de la Chine sur les sept océans du monde. « La tâche de construire une marine puissante n’a jamais été aussi urgente qu’aujourd’hui », a déclaré Xi ce jour-là.

Un destroyer chinois à missiles guidés de type 052D participe à une parade navale pour commémorer le 70e anniversaire de la fondation de la marine chinoise PLA en 2019.

Dans quatre ans, la MAPL disposera de 400 navires de combat, selon les prévisions de l’ONI. Remontez jusqu’en 2000, et les chiffres sont encore plus frappants. « La force de combat de la marine chinoise a plus que triplé en seulement deux décennies », peut-on lire dans un rapport publié en décembre par les dirigeants de la marine, des Marines et des garde-côtes américains. Commandant déjà la plus grande force navale du monde, la République populaire de Chine est en train de construire à une vitesse alarmante des bâtiments modernes de combat de surface, des sous-marins, des porte-avions, des avions de chasse, des navires d’assaut amphibies, des sous-marins lanceurs de missiles nucléaires balistiques, d’immenses patrouilleurs garde-côtes et des brise-glace polaires. »

Certains de ces navires seront équivalents ou supérieurs à tout ce que les États-Unis ou d’autres puissances navales peuvent mettre sur l’eau. « La MAPL ne reçoit pas de l’industrie chinoise de la construction navale des navires de pacotille, mais des navires de plus en plus sophistiqués et performants », a écrit Andrew Erickson, professeur à l’Institut d’études maritimes chinoises de l’US Naval War College, dans un article publié en février.

Il s’agit notamment de navires tels que le destroyer de type 055, dont la puissance de feu est, selon certains analystes, supérieure à celle des croiseurs américains de la classe Ticonderoga, et de navires d’assaut amphibies qui pourraient envoyer des milliers de soldats chinois près des côtes étrangères.

Tailles comparées des marines chinoise et US

La position des États-Unis

Alors que la Chine devrait disposer de 400 navires d’ici 2025, l’objectif du plan actuel de construction navale de la marine américaine, un objectif sans date fixe, est de disposer d’une flotte de 355 navires, ce qui représente un désavantage numérique important.

Cela ne veut pas dire que l’US Navy a perdu son statut de première force de combat au monde. Si l’on compte les troupes, la marine américaine est plus importante, avec plus de 330 000 membres en service actif contre 250 000 pour la Chine.

Les analystes soulignent plusieurs autres facteurs en faveur de Washington. La marine américaine dispose toujours d’un tonnage plus important que la Chine – des navires plus grands et plus lourdement armés, tels que des destroyers et des croiseurs à missiles guidés – . Ces navires donnent aux États-Unis un avantage significatif en matière de capacité de lancement de missiles de croisière.

Selon Nick Childs, analyste de la défense à l’Institut international d’études stratégiques, les États-Unis disposent de plus de 9 000 cellules de lancement vertical de missiles sur leurs navires de surface, contre environ 1 000 pour la Chine.

Parallèlement, la flotte américaine de sous-marins d’attaque, qui compte 50 unités, est entièrement équipée de réacteurs nucléaires, ce qui lui confère des avantages considérables en termes de portée et d’endurance par rapport à la flotte chinoise, qui ne compte que sept sous-marins à propulsion nucléaire sur une flotte de 62 unités. Pour être honnête cependant, les chiffres penchent en faveur de Pékin.

Le président chinois Xi Jinping, rencontre des représentants de l’équipage du porte-avions et du constructeur dans un port militaire à Sanya, dans la province de Hainan (sud de la Chine), le 17 décembre 2019.

« Le grand avantage de la marine chinoise par rapport à la marine américaine réside dans les patrouilleurs et les navires de combat côtiers, c’est-à-dire les corvettes et les navires plus petits », a déclaré Childs. À ces plus petits navires s’ajoutent les garde-côtes et la milice maritime de la Chine, dont les navires additionnés représentent pratiquement le double de la force totale de la MAPL.

En 2018, la Chine détenait, en tonnes brutes, 40 % du marché mondial de la construction navale, selon les chiffres des Nations unies cités par le China Power Project du Center for Strategic and International Studies, loin devant la Corée du Sud, deuxième avec 25 %.

Ce sont là des signes inquiétants pour Washington, qui est aux prises avec des problèmes de budget et de pandémie bien plus importants que ceux de la Chine. Les analystes craignent que la tendance, y compris l’annonce faite vendredi par la Chine d’augmenter son budget annuel de défense de 6,8 %, aille dans le sens de Pékin.

Personne ne peut égaler la construction navale chinoise

Vous ne pouvez pas avoir la plus grande marine du monde si vous ne pouvez pas construire beaucoup de navires. La Chine se donne cette capacité en étant le plus grand constructeur de navires commerciaux du monde. En 2018, en termes de tonnes brutes, la Chine détenait 40 % du marché mondial de la construction navale, selon les chiffres des Nations unies cités par le China Power Project du Center for Strategic and International Studies, loin devant la Corée du Sud, qui est au second rang avec 25 %.

Dans une perspective historique, les chiffres de la construction navale chinoise sont vertigineux : réduisant même à l’état de petit poucet les efforts des États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale. La Chine a construit plus de navires en un an de paix (2019) que les États-Unis en quatre ans de guerre (1941-1945).

« Pendant le programme d’urgence de construction navale de la Seconde Guerre mondiale, qui a soutenu des armées gigantesques et mécanisées sur deux théâtres de guerre à des milliers de kilomètres de chez elles, la production de la construction navale américaine a atteint un pic de 18,5 millions de tonnes par an, et les États-Unis ont terminé la guerre avec une flotte marchande qui pesait 39 millions de tonnes », a déclaré Thomas Shugart, chargé de mission au Center for a New American Security et ancien capitaine de la marine américaine, dans un témoignage devant le Congrès le mois dernier.

« En 2019, en temps de paix, la Chine a construit plus de 23 millions de tonnes de navires, et la flotte marchande de la Chine [...] totalise plus de 300 millions de tonnes », a déclaré Shugart.

Les entreprises d’État chinoises qui produisent des navires commerciaux sont également les moteurs de son renforcement naval. « En cas de conflit, la capacité industrielle démesurée de la République Populaire de Chine, en comptant les chantiers navals commerciaux supplémentaires, pourrait rapidement être orientée vers la production et la réparation militaires, ce qui augmenterait d’autant la capacité de la Chine à générer de nouvelles forces militaires », écrivait l’an dernier Erickson, du US Naval War College.

L’infrastructure en place, la main-d’œuvre impliquée et la technologie employée dans ces chantiers navals commerciaux sont transposables à la production de navires de guerre en quantité. C’est quelque chose que la Chine fait très bien. « 

Entre 2014 et 2018, la Chine a lancé plus de sous-marins, de navires de guerre, de navires amphibies et de navires auxiliaires que le nombre de navires actuellement en service dans les marines individuelles de l’Allemagne, de l’Inde, de l’Espagne et du Royaume-Uni », selon le China Power Project.

« Au rythme où la Chine construit des navires de guerre et avec les capacités de ces nouveaux navires, je dirais qu’elle est déjà passée de ce qui n’était qu’une marine de défense côtière à ce qui est probablement la marine la plus puissante de sa région, ayant une portée mondiale, et qu’elle est en passe de construire une marine capable de déployer une puissance de classe mondiale si elle continue de se développer comme elle l’a fait », a déclaré Shugart à CNN.

Un destroyer de type 052D de la marine de l’Armée populaire de libération de la Chine fournit une escorte devant le porte-avions Liaoning dans le canal de Lamma alors qu’il arrive dans les eaux territoriales de Hong Kong, le 7 juillet 2017.

La puissance des missiles

Pékin a été méthodique dans son renforcement naval, une grande partie de ses effectifs à ce jour étant concentrée sur des engins tels que des corvettes, des frégates et des sous-marins à moteur diesel-électrique qui seraient efficaces dans les eaux entourant la Chine, a déclaré Sidharth Kaushal, chargé de recherche au Royal United Services Institute de Londres.

« La majeure partie de la construction navale chinoise, telle que sa force de 75 corvettes de type 056 (environ), est constituée de navires plus petits de la taille d’une corvette ou d’une frégate », a déclaré Kaushal. Comparez cela à la marine américaine, dont le navire le plus proche de la classe des frégates, le navire de combat côtier, ne compte actuellement qu’une quinzaine d’unités.

La force représentée par les corvettes est idéale pour les zones océaniques plus étroites et moins profondes, telles que les principales zones de tension de la Chine, la mer de Chine méridionale ; les environs de Taïwan ; et les îles Senkaku/Diaoyu en mer de Chine orientale, contrôlées par Tokyo mais revendiquées par Pékin. Les navires que la MAPL met en mer près des côtes chinoises sont protégés par une importante force de missiles basés au sol.

Les corvettes constituent la majeure partie de la flotte de la marine de l’Armée populaire de libération, avec 72 unités en service à partir de février 2021, selon un rapport du Global Times, un journal d’État.

Une corvette de type 056, ci-dessus, de la marine chinoise, traverse le port Victoria à Hong Kong en 2019. Source : Global Times

Ces missiles « posent un problème au déploiement de la force américaine et empêchent une puissance navale et aérienne massive de frapper le continent chinois, a déclaré Kaushal. Cependant, cela a également pour effet de faciliter le déploiement de puissance contre les nations locales, celles-ci étant beaucoup plus vulnérables lorsque les liens maritimes qui permettent aux États-Unis de les soutenir sont rompus. »

Par exemple, si la marine américaine était incapable d’opérer en mer de Chine méridionale en raison de la menace des missiles chinois, elle aurait du mal à protéger les Philippines, avec lesquelles Washington a conclu un traité de défense mutuelle.

Les chefs militaires américains reconnaissent également qu’en 2021, la marine de l’APL consistera en bien plus que des navires. « Regardez les domaines dans lesquels la Chine investit réellement », a déclaré cette semaine le chef des opérations navales américaines, l’amiral Mike Gilday, dans une interview accordée à Breaking Defense. « Oui, ils mettent plus de navires à l’eau, mais ils investissent massivement dans les missiles antinavires ainsi que dans les systèmes satellitaires pour pouvoir cibler les navires. »

Tout cela fournit à la Chine une carte maîtresse dans tout conflit éventuel près de chez elle. Et la Chine est catégorique : son armée est défensive. « Le développement de la défense nationale de la Chine vise à répondre à ses légitimes besoins de sécurité et à contribuer à la croissance des forces pacifiques du monde », indique le livre blanc de la défense 2019 du pays, intitulé La défense nationale de la Chine dans la nouvelle ère. « La Chine ne menacera jamais aucun autre pays pas plus qu’elle ne cherchera à se construire une quelconque sphère d’influence ».

Pourquoi dans ce cas la marine de l’APL construit-elle des porte-avions, des navires d’assaut amphibies et de grands et puissants destroyers et croiseurs adaptés à des opérations loin de la Chine ?

// VIDÉO : Will Ripley de CNN explique les complexités géopolitiques qui se cachent derrière la maîtrise de la mer de Chine méridionale 03:48

Défense active des mers proches contre protection des mers lointaines

La protection de la Chine continentale et de ses revendications territoriales dans la région, voilà ce que Pékin appelle « la défense des mers proches ». La construction navale massive de la Chine coïncide avec le renforcement de ses revendications sur la quasi-totalité des 3,3 millions de kilomètres carrés de la mer de Chine méridionale, transformant de minuscules récifs et bancs de sable en îles artificielles lourdement fortifiées par des missiles, des pistes d’atterrissage et des systèmes armés.

« Les îles et les récifs de la mer de Chine méridionale présentent des avantages uniques pour la sauvegarde de la souveraineté nationale et le maintien d’une présence militaire en haute mer », peut-on lire dans un article paru en décembre 2020 dans Naval and Merchant Ships, un magazine de Pékin publié par la China State Shipbuilding.

Mais ils ne peuvent pas être autonomes, note le magazine. En cas d’hostilités, les avant-postes situés dans la partie sud de la voie navigable pourraient avoir besoin de renforts venant de la côte sud de la Chine, à plus d’une journée de navigation. Selon certains, l’accumulation de ressources dans les mers proches pour atteindre ce niveau de contrôle pourrait se révéler problématique pour la Chine. Cette dernière pourrait alors être vulnérable à un blocus naval distant qui la priverait de matériaux vitaux en provenance de l’étranger, ce qui couperait ce que l’on appelle les voies de communication maritimes (SLOC).

« La Chine ne contrôle pas les détroits et les voies de transit dont dépend son économie et, en cas de crise ou de guerre en mer, le transport maritime (de la Chine) pourrait être interrompu », écrivaient le mois dernier Jennifer Rice et Eric Robb, analystes majeurs du renseignement au US Office of Naval Intelligence, dans un document destiné à l’institut d’études maritimes chinoises du US Naval War College. « L’orientation régionale de la défense des mers proches est également insuffisante pour faire face à la portée de plus en plus mondiale des intérêts économiques de la Chine. »

Afin de mettre la puissance militaire chinoise au service de ses intérêts mondiaux, ajoutent-ils, la Chine a commencé à mettre en œuvre la « protection des mers lointaines ». « La protection des mers lointaines reflète la direction prise par Pékin pour que la MAPL devienne mondiale, [...] dans le cadre d’une politique plus large du gouvernement chinois visant à encourager l’expansion de l’économie chinoise et son rayonnement culturel », ont écrit Rice et Robb.

Une partie du jeu est liée à la manière dont les choses sont perçues. Voilà des décennies que rien ne peut mieux illustrer la puissance militaire que l’image d’un porte-avions de la marine américaine dans des eaux lointaines. C’est quelque chose dont la Chine a soif, selon les analystes. « Certains analystes militaires chinois estiment qu’il est impératif pour l’APL de sauvegarder les intérêts de la Chine à l’étranger et notent que le déploiement de sa force navale est essentiel pour établir l’image de la Chine en tant que grande puissance », ont écrit Rice et Robb.

Cela ne peut être obtenu par des dizaines de corvettes. La Chine a donc accéléré sa production de navires qui forment une armée opérationnelle de force aérienne, comme les croiseurs à missiles guidés et les sous-marins à propulsion nucléaire, qui ont une endurance beaucoup plus longue que les navires diesel-électriques qui constituent la majeure partie de la flotte de la MAPL .

Des photos satellites semblent montrer un sous-marin chinois utilisant une base souterraine

La marine de l’APL dispose de deux porte-avions en service, mais leur endurance sans ravitaillement est limitée à moins d’une semaine, selon le projet China Power. Cela les rend plus adaptés à une utilisation dans des endroits comme la mer de Chine méridionale plutôt que dans des océans lointains.

Mais d’autres porte-avions sont en cours de planification et de production. Le tout dernier porte-avions chinois prévu devrait être équipé d’un réacteur nucléaire et de catapultes électromagnétiques qui lui permettront de lancer des avions avec une plus grande puissance de feu et une plus grande portée que les porte-avions existants.

Rice et Robb soulignent que deux livres blancs chinois sur la défense, datant de 2015 et 2019, affirment que des forces navales à long rayon d’action sont nécessaires pour contribuer au maintien de la paix internationale, aux secours en cas de catastrophe et à la diplomatie navale. En d’autres termes, pour porter le drapeau chinois à l’étranger.

Mais ils émettent un avertissement. « La nature de ces activités en temps de paix peut occulter les applications de la protection des mers lointaines en temps de guerre. Le concept encourage les opérations offensives en temps de guerre, contrairement à la stratégie défensive que son nom implique », écrivent-ils.

Citant des publications chinoises, ils ajoutent : « Une source exhorte les forces navales à "contrôler les canaux stratégiques clés" loin de la Chine. Une autre source préconise l’emploi de forces "coup de poing" représentées par les porteurs de forces aériennes. Une autre mission de temps de guerre consiste à frapper les nœuds importants et les cibles de grande valeur dans la complexité stratégique de l’ennemi pour "alléger la pression sur le champ de bataille des mers proches". »

Le premier porte-avions chinois, le Liaoning, arrive dans les eaux de Hong Kong le 7 juillet 2017.

Ce qui est possible maintenant — et plus tard

Bien que la marine chinoise soit un adversaire redoutable pour n’importe quel concurrent, ses capacités concrètes ne sont pas encore à la hauteur de ses aspirations. Tout d’abord, la MAPL aurait besoin de porte-avions dotés de groupes de combat aux avions bien plus puissants que les capacités actuelles de la flotte chinoise.

Les deux porte-avions en activité de la MAPL sont à propulsion conventionnelle et construits selon d’anciennes conceptions soviétiques. Cela limite la portée des navires eux-mêmes, la portée et le nombre d’avions qu’ils transportent, ainsi que la charge utile des munitions sur ces avions.

En bref, ils sont loin d’égaler la flotte de 11 porte-avions de l’US Navy. Et un seul de ces porte-avions américains constitue une menace redoutable lorsqu’il évolue au large d’une côte étrangère.

Un porte-avions de l’US Navy, avec son escadre aérienne, est plus puissant que l’ensemble des forces aériennes de la plupart des pays », a déclaré Eric Wertheim, rédacteur en chef de l’ouvrage Combat Fleets of the World de l’US Naval Institute. La marine de la MAPL n’en est pas encore là. Notez combien le déploiement de la puissance navale à longue portée de la Chine a été limité jusqu’à présent.

Les porte-avions chinois ne se sont pas aventurés plus loin que le Pacifique occidental, sans parler de déploiement à l’échelle mondiale. Si les navires de la MAPL se sont déployés dans l’océan Indien, en Méditerranée et dans l’Atlantique Nord vers les ports de la Russie septentrionale, ils l’ont fait en petit nombre et peu fréquemment.

Ne serait-ce que la semaine dernière, le tabloïd gouvernemental Global Times a rapporté qu’un groupe d’expédition navale chinois composé d’au moins cinq navires et dirigé par un destroyer à missiles guidés avait traversé l’équateur et croisé en haute mer. Il n’a pas indiqué le lieu exact du passage de l’équateur, mais a noté que le groupe avait probablement passé trois semaines en mer.

« De telles missions permettent à l’APL de se familiariser avec la haute mer alors que la Chine cherche à construire une marine de guerre », indique le rapport. Le Global Times indique qu’il y a un an, un groupe d’expédition similaire s’était aventuré dans le Pacifique, un événement noté par Roderick Lee, directeur de recherche à l’Institut d’études aérospatiales de l’Université de l’air américain en Chine.

Le Shandong, est le plus récent des deux porte-avions en activité de la Chine.Source : China Power-CSIS Mis en service en 2019, c’est une version actualisée de son prédécesseur, le Liaoning, qui est une plateforme initialement construite pour la marine soviétique. Le Shandong transporte une escadre aérienne d’environ quatre douzaines d’appareils répartis entre chasseurs et hélicoptères. Le Shandong est équipé d’un moteur conventionnel, ce qui signifie qu’il ne peut opérer qu’environ six jours en mer avant d’être ravitaillé.

Un destroyer Type 052D de la marine chinoise, au premier plan, participe à un exercice avec la marine russe en mer Baltique en 2017. Sources : Global Times, US Naval Institute. Ce navire, dont la Chine comptait 25 exemplaires en août 2020, est un excellent exemple de la façon dont la Chine fabrique des navires de guerre modernes capables de déployer une puissance navale dans le monde entier, selon les analystes.

« La principale conclusion de cet entraînement est que la MAPL est en train de développer les compétences nécessaires pour mener des frappes offensives limitées contre les forces américaines, peut-être même dans des zones aussi éloignées qu’Hawaï », écrit Lee pour le China Brief de la Jamestown Foundation. « La marine de l’APL progresse de façon notable dans les opérations conjointes, le contrôle des avaries, la logistique et le renseignement, à un point tel qu’elle pourrait bientôt être capable d’opérer aux portes des installations portuaires de l’US Navy en temps de guerre. »

Mais d’autres analystes affirment que la concrétisation des efforts de la PLAN en matière de marine de guerre pourrait prendre des années, voire des décennies. « D’ici 2049, le but de la Chine est de disposer d’une armée mondiale capable de combattre et de gagner des guerres et de déployer sa puissance dans le monde entier », a déclaré la semaine dernière Meia Nouwens, chargée de mission pour la politique de défense chinoise à l’Institut international d’études stratégiques, alors que le groupe de réflexion publiait son rapport annuel sur l’équilibre militaire mondial.

Dans le cadre de ce calendrier, les analystes disent qu’ils sont en quête de certains repères pour mesurer les progrès. Il s’agit notamment d’établir un plus grand nombre de bases à l’étranger pour soutenir la MAPL - il n’en a qu’une seule, à Djibouti, dans la Corne de l’Afrique - et de construire des moyens de transport aérien lourds pour approvisionner ces bases. « Un de ces repères intéressants consisterait en un déploiement significatif à longue distance d’un groupe de porte-avions chinois, potentiellement dans l’océan Indien », a déclaré Childs, analyste de défense de l’Institut international d’études stratégiques. D’autres déploiements importants pourraient avoir lieu dans l’Arctique et même éventuellement dans l’Atlantique, a ajouté Childs.

Soldats sur le pont du navire de transport amphibie Yimen Shan de la marine de l’APL alors qu’il participe à une parade en mer près de Qingdao, en Chine, en 2019.

La question de Taïwan

Cependant à court terme, le centre de toute l’attention est Taïwan, l’île démocratique autonome dont les pouvoirs de Pékin disent qu’elle est une partie historique et inaliénable de leur territoire souverain. Le livre blanc de la défense 2019 de Pékin affirme que les autorités de l’île « renforcent leur hostilité et leur esprit de confrontation, et épousent la vigueur de l’influence étrangère ».

« Les "forces séparatistes indépendantistes" de Taïwan et leurs agissements représentent la menace immédiate la plus grave pour la paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan et constituent le principal obstacle à la réunification pacifique du pays », indique le document.

Lors d’une conférence de presse en janvier, le porte-parole du ministère chinois de la défense a clairement exposé la position de l’armée. « Taïwan est une partie inaliénable de la Chine », a déclaré le colonel Wu Qian.« L’APL prendra toutes les mesures nécessaires pour abattre résolument toute tentative des "séparatistes indépendantistes de Taïwan", et défendre fermement la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale. »

Dans un discours prononcé en 2019, Xi a déclaré que « pas un seul pouce de notre terre » ne pouvait être cédé par la Chine. « Nous devons sauvegarder la souveraineté et l’intégrité territoriale du pays et parvenir à la pleine unification de la patrie », a-t-il déclaré.

Concernant Taïwan, à bien des égards, Xi a organisé la flotte de la marine de l’APL à cette fin. Comme indiqué, la concentration de petits navires de surface tels que les corvettes et les navires de patrouille côtière est adaptée au combat près des côtes. Et il n’y a qu’environ 130 kilomètres (80 miles) d’eaux relativement peu profondes entre Taïwan et la Chine continentale, ce qui est idéal pour les corvettes.

Ces six douzaines de corvettes, par exemple, peuvent transporter deux missiles anti-navires d’une portée allant jusqu’à 200 kilomètres (125 miles). Imaginez le casse-tête que cela représente pour la flotte de surface de l’US Navy dans le Pacifique, alors qu’elle ne peut rassembler qu’environ trois douzaines de destroyers. L’importante construction de navires de l’APL peut également être considérée en gardant Taïwan en point de mire.

À la fin de l’année dernière, le porte-hélicoptères de débarquement (LHD) de type 075, un navire polyvalent de 35 000 à 40 000 tonnes dont la taille est d’environ la moitié de celle des deux porte-avions chinois en service, a entamé des essais en mer.

Le Type 075, qui est l’un des plus grands navires d’assaut amphibie au monde, dispose d’un pont d’envol complet pour accueillir les hélicoptères et d’un pont-puits inondé permettant de lancer et de récupérer des aéroglisseurs et des véhicules amphibies, selon une analyse du Center for Strategic and International Studies (CSIS). Il a également la capacité de transporter 900 hommes de troupes terrestres, que les hélicoptères et les aéroglisseurs peuvent conduire à terre.

Ce navire, le premier de trois navires actuellement en mer ou en production, « augmente considérablement la capacité de la Chine à transporter, débarquer et soutenir des forces terrestres opérant en dehors du territoire chinois », ont écrit les analystes Matthew Funaiole et Joseph Bermudez Jr. pour le CSIS. « La nouvelle classe de navires [...] représente une étape importante dans l’amélioration des capacités amphibies de la Chine. »

Mais si la Chine devait envahir Taïwan, il lui faudrait bien plus que 900 hommes de troupes terrestres pour contrôler et occuper l’île. Et cela nous ramène à ces chiffres, y compris les garde-côtes, la milice maritime, et même ces navires marchands que la Chine produit comme personne d’autre ne peut le faire.

« Il serait sage de supposer que la Chine mettra en œuvre tous ses outils de puissance maritime pour assurer le succès d’une invasion de part et d’autre du détroit », a déclaré Shugart, l’analyste du CNAS, au Congrès, qui pour illustrer son propos a fait une analogie avec l’évasion des forces britanniques de France pendant la Seconde Guerre mondiale.

« Sous la forme de quelque chose comme un Dunkerque inversé, nous devons nous attendre à ce qu’au lieu de n’avoir affaire qu’à des dizaines de navires amphibies de la marine de l’APL peints en gris et à leurs escortes, nous voyions probablement un détroit de Taïwan envahi de plusieurs centaines de bateaux de pêche, de navires marchands et de navires de la garde côtière et de l’administration de la sécurité maritime. »

Version imprimable :