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D’après Alternatives Economiques du 1er Janvier 2022

Emmanuel Macron, le président de l’injustice

Par Bruno Bourgeon

jeudi 13 janvier 2022, par JMT

Emmanuel Macron, le président de l’injustice

Le chef de l’Etat Emmanuel Macron interviewé sur TF1 et LCI le 15 décembre 2021. Photo : Ludovic MARIN / AFP

En cinq ans d’exercice du pouvoir, Emmanuel Macron aura fait vivre à la France une période de libéralisme inégalitaire et antisocial. « Je suis pour un pays juste », a affirmé le président Macron lors de l’émission qui lui était consacrée mercredi 22 décembre sur TF1 et LCI. « Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais », aurait dû être la phrase suivante. Le futur candidat n’est plus le jeune premier de la vie politique française,il a désormais un bilan : celui de l’injustice.

L’une des dimensions de cette injustice a été repérée depuis longtemps : Emmanuel Macron a été et restera le président des riches. Il a supprimé une partie de l’impôt sur la fortune, faisant perdre 3,5 milliards de recettes fiscales par an en faveur des 1% les plus aisés, selon l’Insee.

L’ISF représentait un symbole important, mais c’était un impôt mité : l’Institut des politiques publiques (IPP) a montré qu’entre l’exonération des biens professionnels et le bouclier fiscal qui limite les impôts payés à un maximum de 75 % des revenus de l’année précédente, les 400 contribuables les plus aisés voyait leur fortune imposée à 0,1 %.

Ces plus riches ont surtout bénéficié de la baisse de l’imposition des revenus du capital (dividendes, intérêts, plus-values) ramenée à un maximum de 30%, contre un taux d’imposition maximum sur les intérêts à 58,2% et à 40,2% sur les dividendes auparavant. Une aubaine. Résultat : les très riches ont reçu plus de dividendes. La France est saluée par les investisseurs comme le pays européen leader en la matière.

Pourquoi cette politique inégalitaire ? « Nos compatriotes les plus aisés, comme dit Emmanuel Macron, partaient et allaient investir ailleurs », quand les rares données de Bercy sur le sujet ne pointent aucun départ massif et encore moins pour des motifs fiscaux.

La logique de tout cela est peut-être celle de la croyance libérale du Président dans le ruissellement théorie de la Main Invisible d’Adam Smith : la recherche des intérêts particuliers conduit à un bien-être général. Dit autrement : laisser l’argent aux très riches, c’est bon pour l’investissement et l’emploi. Cependant aucune étude ne le démontre.

A moins qu’il ne mène tout simplement une « guerre des classes », selon l’expression du milliardaire Warren Buffet, pour faire gagner les plus riches. Entre 2017 et 2022, les 5% les plus modestes ont perdu en niveau de vie à cause des mesures décidées par l’exécutif, quand les 1% les plus aisés ont vu le leur s’accroître de 2,8%.

Le bilan présidentiel est malheureusement tout aussi clair de l’autre côté de l’échelle sociale : entre la fin 2016 et la fin 2020, le taux de pauvreté est passé de 14 à 14,6%. Et la stabilité observée en 2020 par rapport à 2019 n’a été due qu’aux mesures exceptionnelles de la pandémie. Car la politique sociale du quinquennat a nettement été orientée vers la réduction des dépenses sociales par la réduction des droits.

On se rappelle que l’une des premières mesures du gouvernement a consisté à diminuer les aides personnalisées au logement (APL), et les coupes ont continué, pour aboutir à 3.7 milliards d’€ par an retranchés aux revenus des plus modestes. Face aux 3,5 milliards rendus aux plus riches par la réforme de l’ISF. Emmanuel Macron a endossé les habits du Shérif de Nottingham ! Où est Robin des Bois ?

On a déjà oublié les ordonnances qui autorisent plus de travail de nuit et le dimanche, qui permettent aux employeurs de négocier des accords moins favorables que ceux de leur branche et dont la dernière évaluation de ce mois de décembre souligne le coup porté à la qualité du dialogue social.

On a oublié tout cela, car la fin 2021 a vu la mise en œuvre de la réforme des allocations chômage, qui réduit l’aide aux salariés ayant perdu leur emploi. Par exemple, devoir travailler six mois au lieu de quatre avant de toucher quoi que ce soit, « ça change les choses pour beaucoup ! », s’est félicité Emmanuel Macron mercredi, laissant entendre que la cible était les profiteurs du système.

Le « travaillez plus, parce que vous vivez plus » n’est pas économique, il est idéologique. Seule la pandémie a fait reculer le gouvernement sur une réforme des retraites qui, au-delà de tous ses aspects techniques, n’avait pour seul but politique que de réduire le niveau des pensions. « Comme nous vivons plus longtemps, il nous faudra travailler plus longtemps », assène le chef de l’Etat. Prenons un peu de recul : grosso modo, depuis un siècle et demi, on a multiplié par deux notre espérance de vie et divisé par deux notre temps de travail.

La population vieillit ? C’est indéniable. Mais quand le Conseil d’orientation des retraites dresse douze scénarios pour l’avenir en fonction des gains d’efficacité de l’économie française et de la politique des gouvernements envers les fonctionnaires, il y en a neuf sur douze pour lesquels le régime des retraites est en excédent à moyen-long terme ! Et trois pour lesquels il pourrait y avoir un déficit, compris entre 0 et 0,6 point de PIB : insignifiant.

Et nul besoin de réfléchir longtemps pour comprendre le corpus idéologique du Président au cours de 5 années. Emmanuel Macron a puisé dans le libéralisme économique, dans sa version la plus dure, la plus antisociale. La stratégie est éculée.

Ce quinquennat a prolongé une évolution ancienne de transfert du financement de la protection sociale des cotisations sociales vers l’impôt. De quoi réduire le coût du travail, mais sans que l’on puisse montrer un effet favorable sur l’emploi. Par contre, cela facilite le détricotage de l’Etat-providence : toute baisse fiscale réclame une baisse des droits sociaux au nom du maintien des équilibres financiers.

Et c’est bien ce qui se passe avec un gouvernement pour qui les impôts semblent l’ennemi de l’intérêt général : baisse de l’imposition des plus riches et de la taxe d’habitation, défiscalisation des heures supplémentaires, baisse des impôts de production et du taux de l’impôt sur les sociétés. Les hausses de la CSG et des taxes sur le tabac et sur l’énergie du début de mandat sont bien loin et portent sur les plus démunis.

Enfin, on hésite entre l’incompréhension et la sidération face à un Président élu à 39 ans et qui, face au réchauffement climatique, reste coincé dans un productivisme et une obéissance au lobby nucléaire comme on en connaît peu dans le reste du monde. Le chef de l’Etat n’est pas avare de paroles en la matière, ni de mesures tant qu’elles restent dans le symbole : arrêt de Notre-Dame-des-Landes, création d’un Haut Conseil pour le climat, Convention citoyenne pour le climat, etc.

Tout cela se termine par une Loi « Climat et Résilience » sans ambition, une rénovation des logements sous-financée, une sortie du glyphosate reportée, des aides agricoles qui ne donnent pas la priorité à l’environnement, des aides aux entreprises sans contreparties environnementales, une faible progression des énergies renouvelables et une promotion du nucléaire alors que l’on dispose maintenant de plusieurs études démontrant la possibilité de scénarios sans dépendance à cette source d’énergie coûteuse et dangereuse.

Bien sûr, en entrant dans le détail, on trouvera ici ou là quelques audaces ou propositions intéressantes. Un constat s’impose néanmoins : le président Macron aura fait vivre à la France cinq ans d’un libéralisme inégalitaire et antisocial, qui conçoit le progrès comme la possibilité donnée à chacun de travailler plus pour produire plus, sans trop d’impôts et sans se préoccuper de la planète. Comme un petit air de fin de XIXe siècle, ou de XVIIIe…Adam Smith n’est pas mort.

Bruno Bourgeon http://www.aid97400.re
D’après Alternatives Economiques du 1er Janvier 2022

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