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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2022-006

Ces vilains Russes

Par John Kiriakou, traduit par Jocelyne le Boulicaut

vendredi 14 janvier 2022, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT, enseignante universitaire d’anglais retraitée, pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

Ces vilains Russes

Le 24 décembre 2021 par John Kiriakou, Exclusif pour Consortium News

John Kiriakou est ancien agent de la C.I.A., il était chargé de la lutte contre le terrorisme et il est aussi ancien enquêteur principal de la commission des affaires étrangères du Sénat. John est devenu le sixième lanceur d’alerte inculpé par l’administration Obama en vertu de l’Espionage Act - une loi destinée à punir les espions. Il a purgé 23 mois de prison suite à ses efforts pour s’opposer au programme de torture de l’administration Bush.

Cette politique est bidon.

Militaires de l’US Air Force au garde-à-vous (Photo de l’U.S. Air Force)

Cette semaine, le New York Times a affirmé que la Russie était en train de préparer sa population à une éventuelle guerre avec les États-Unis. Selon le Times, Moscou « valorise le patriotisme » en formant les lycéens à l’histoire et à la mémoire militaire, et les médias russes affirment que le pays se considère « entouré d’ennemis » et pourrait être contraint de se défendre « comme il l’a fait contre les nazis. »

Allant encore plus loin, le Times a ajouté que la Russie avait déjà « massé des troupes à la frontière avec l’Ukraine », un mensonge qui a été propagé par les médias grand public partout aux États-Unis.

Par où commencer pour décortiquer cette histoire ? Je ne suis pas un expert de la Russie. Mais si j’ai appris quelque chose à la C.I.A., c’est l’esprit critique et la nécessité de fonder mes conclusions sur des faits.

Premièrement, chaque pays enseigne à ses enfants l’histoire, y compris l’histoire militaire. Il est un fait que, l’enseignement aux États-Unis est riche de son histoire militaire. Chaque élève apprend ce qu’il en est de la guerre contre la France, contre les Indiens, de la guerre d’indépendance, de celle de 1812, de la guerre de Sécession, la guerre hispano-américaine, la première guerre mondiale, la deuxième guerre mondiale, la guerre de Corée, la guerre du Viêt Nam, la guerre du Golfe, la guerre d’Irak et l’Afghanistan, pour ne citer que quelques-unes de nos « glorieuses campagnes ». (J’ai financé mes études supérieures en enseignant l’histoire au lycée pendant deux ans).

Deuxièmement, quiconque a prêté une quelconque attention à l’actualité au cours des cinq dernières années sait que les médias américains ont accusé la Russie de toutes sortes de méfaits sans beaucoup de preuves. C’est la Russie qui, en 2016, a empêché Hilary Clinton d’être élue, lui « volant » son élection grâce à Wikileaks. C’est la Russie qui a monté les Américains les uns contre les autres par le biais de publicités sur les médias sociaux pendant l’élection de 2020. C’est la Russie qui a « envahi et occupé l’Ukraine » en violation du droit international.

Troisièmement, selon le Times et d’autres médias, les troupes russes sont massées à la frontière ukrainienne, prêtes à envahir le pays au moindre incident. Ce n’est tout simplement pas vrai. Il y a entre 70 000 et 90 000 soldats russes à la frontière, le même nombre qui s’y trouve depuis huit ans. Une « invasion » nécessiterait au moins 300 000 soldats, selon les analystes militaires. Environ 100 000 soldats russes se trouvent à Yelnya, en Russie, qui se trouve à 260 kilomètres de la frontière ukrainienne et qui est plus proche du Belarus que de l’Ukraine. Il n’y a aucune menace imminente d’invasion russe en Ukraine.

Quatrièmement, les Russes sont effectivement entourés d’ennemis. La Lituanie, la Lettonie, l’Estonie, la Roumanie et la Pologne, tous anciens alliés de la Russie soviétique, sont maintenant tous membres de l’OTAN. L’Ukraine supplie pour pouvoir rejoindre l’OTAN et reçoit des millions de dollars d’aide militaire américaine. Le Kazakhstan, le Tadjikistan et le Kirghizistan, également d’anciennes républiques soviétiques, accueillent tous des bases militaires américaines. Personne ne devrait être surpris si les Russes se sentent menacés militairement (après avoir également été sanctionnés et menacés constamment de « lourdes conséquences »).

La realpolitik mise à part, ce qui me dérange le plus dans ce reportage, c’est l’accent mis par le Times sur le patriotisme russe, en essayant de nous convaincre de sa dangerosité. Personne du New York Times n’a-t-il jamais assisté à un match de baseball ou de football ?

Comme je l’ai écrit pour Consortium News en juin dernier, le Pentagone a déboursé au moins 6,8 millions de dollars entre 2012 et 2015 pour que la Major League Baseball, la National Football League et d’autres ligues sportives « mettent à l’honneur » les troupes par le biais de cascades de bas étage lors d’événements sportifs. Les détails sont repris dans un rapport du Sénat.

Les Thunderbirds de l’armée de l’air américaine effectuent un survol avant un match de la NFL entre Philadelphie et Washington à FedEx Field à Landover, Maryland, le 10 septembre 2017. (Ricky Bowden/U.S. Army)

Le total pourrait maintenant dépasser les 10 millions de dollars - et même atteindre 100 millions de dollars, si l’on ajoute les accords de marketing de l’armée avec les courses de stock-cars NASCAR. Pour des millions de dollars qui viennent de vos impôts, le Pentagone achète des choses comme des coups d’envoi protocolaires pour les vétérans de fraîche date, des fauteuils réservés à la tribune des clubs pour les vétérans lors des matchs de football, et des service d’accueils à l’aéroport pour les membres des services qui rentrent au pays.

Comme je l’ai dit, je suis le premier à admettre que je ne suis pas un expert concernant la Russie ou l’Ukraine. Mais je suis en quelque sorte un expert en politique, ayant passé 15 ans à la C.I.A. et deux autres années au sein de l’équipe dirigeante de la commission des affaires étrangères du Sénat américain. Je peux donc vous dire que cette politique est bidon. Le New York Times, l’administration Biden et le Congrès doivent tous faire marche arrière.

Les Russes n’ont aucune envie d’une guerre. Et les États-Unis ne devraient en avoir envie non plus.

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