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D’après Reporterre du 28 Février 2022

Canicule, sécheresse, inondations : un avenir sombre pour l’Europe

Par Bruno Bourgeon

mardi 5 avril 2022, par JMT

Canicule, sécheresse, inondations : un avenir sombre pour l’Europe

Incendie de forêt

Sept mois après la publication d’un premier volet consacré aux connaissances scientifiques sur le changement climatique, les représentants des gouvernements de 195 pays ont publié le second volet du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) . Dans ce nouveau document, les chercheurs ont étudié les risques climatiques ainsi que le niveau d’adaptation des sociétés.

Qu’est-ce que le risque climatique ? C’est la combinaison d’une « exposition » et d’une « vulnérabilité ». Construire une maison de plain-pied en zone inondable constitue aussi un risque. Celui-ci peut prendre des formes plus subtiles, comme la baisse d’un rendement agricole, une pêche réduite en raison de la migration des poissons ou encore un accès restreint à l’eau potable causé par la dégradation des infrastructures.

L’adaptation, elle, sert à limiter ces risques. Elle regroupe les mesures qui permettront d’en limiter les effets délétères. Déménager en zone non inondable ou cultiver des plantes résistantes à la chaleur par exemple. Au niveau d’une société, les mesures peuvent être plus complexes : les élus pourront mettre en place des systèmes d’alerte ou construire des ouvrages de protection des infrastructures ou des écosystèmes face aux aléas climatiques. Ils pourront encourager des changements d’activité économique, de lieux de vie, ou encore développer des politiques plus « climat compatibles ».

En 36 pages, le résumé pour décideurs fait le point des connaissances actuelles.

Et avertit : « Le changement climatique est une menace pour le bien-être humain et la santé de la planète. Tout retard supplémentaire dans l’action mondiale en matière d’adaptation et d’atténuation manquera une brève occasion, qui se referme rapidement, de garantir un avenir vivable et durable pour tous. »

Depuis le cinquième rapport du GIEC publié en 2014, les conséquences du changement climatique se sont amplifiées et sont désormais bien visibles. Par exemple, la moitié de la population mondiale a souffert de pénurie d’eau à un moment donné au cours de l’année passée, en partie du fait du changement climatique et d’événements extrêmes comme les inondations ou les sécheresses.

La faune et la flore sauvage ont également souffert : la moitié des animaux et des végétaux évalués ont d’ores et déjà fui vers des températures plus clémentes (latitudes plus hautes, en altitude dans les régions montagneuses ou en profondeur dans les océans).

En ville, les vagues de chaleur se sont intensifiées. Avec elles, les pics de pollution atmosphérique se sont multipliés, touchant davantage la santé des urbains. Les moyens de subsistance des populations les plus pauvres ont été réduits et certaines infrastructures clés affectées.

Dans les années à venir, le réchauffement climatique ne fera qu’amplifier ces phénomènes. D’autant plus que différents enjeux sociaux renforceront l’empreinte humaine sur le climat : une population en croissance et de plus en plus urbaine, une consommation souvent non durable ou encore la présence d’importantes inégalités et notamment d’une pauvreté persistante.

À cela s’ajouteront la dégradation des terres, la perte de biodiversité, la pollution des océans ou la surpêche , qui aggraveront aussi les risques.

En résumé, l’état des lieux est alarmant. Mais qui en aurait douté ? Face à cette litanie terrifiante, une note d’espoir surgit pourtant. Certes, de courte durée, tant le chemin à parcourir est long, mais tout de même ; « l’échelle et la portée des mesures pour réduire les risques climatiques ont augmenté partout dans le monde, écrivent les chercheurs.

Les individus et les ménages, le secteur économique, les groupes religieux ou sociaux s’adaptent déjà au changement climatique ». Et Alexandre Magnan, chercheur à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) et coauteur de ce rapport, le confirme : « La bonne nouvelle est qu’aujourd’hui, nous savons de mieux en mieux ce qu’il faut faire pour lutter contre le changement climatique ».

Mais attention, il reste encore un large fossé, pour ne pas dire immense, entre ce qu’il faudrait faire et le niveau actuel. Et pour cela, il faut préserver nos écosystèmes.
C’est l’une des nouveautés de ce rapport.

Les experts du climat insistent sur le fait que sans une préservation, et même une restauration de notre environnement , nos capacités d’adaptation face au changement climatique seront limitées. Car il existe « des relations solides et interdépendantes entre le climat, la nature et les personnes (…) fondamentales pour atteindre nos objectifs » d’adaptation.

Les experts font référence aux fameux « services écosystémiques » de notre environnement. L’eau que nous buvons, l’air que nous respirons, la fraîcheur que nous apporte l’ombrage d’un arbre sont autant de bienfaits « gratuits » que nous procure la nature.

Si ces exemples sont évidents, d’autres le sont moins et pourtant tout aussi essentiels : la mangrove, une zone humide qui absorbe l’eau et joue le rôle de tampon face à l’avancée des eaux, souvent menacée par l’urbanisation galopante. La forêt, les sols et l’océan qui captent du carbone subissent les effets de l’activité humaine. On détruit la forêt, on laboure en profondeur, on dérègle l’océan... au risque de réduire leur capacité de « puits de carbone ».

Connaître précisément le risque auquel est exposée la population est aussi indispensable pour proposer des solutions adaptées aux situations locales. « C’était une demande forte des gouvernements », ajoute Wolfgang Cramer, chercheur à l’Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine et continentale (IMBE) et coauteur de ce second volet.

Lors du précédent rapport, des pays très touchés par le changement climatique ont déploré que peu de données ne décrivent précisément les effets sur leur territoire, se souvient le chercheur. Europe, Amérique du Nord, Afrique, Asie, Australie, Amérique centrale et du Sud, petites îles : sept régions disposent désormais d’un état des lieux détaillé.

Quels sont les risques en Europe ? Quatre principaux : les vagues de chaleur, la perte des rendements agricoles, la pénurie d’eau et les inondations. Les effets négatifs les plus sévères toucheront les régions du sud de l’Europe, préviennent-ils. Mais attention si la température grimpe > 3°C au-dessus de la température de l’ère préindustrielle, les risques climatiques seront si graves que même une adaptation ne suffira pas.

Ainsi, en passant de 1,5 à 3°C, le risque de mortalité lors des vagues de chaleur sera multiplié par deux, voire trois. Et au-delà de 3°C, nos systèmes de santé pourraient ne pas résister. Des pertes substantielles des rendements agricoles sont à prévoir pour la fin du siècle. Elles toucheront particulièrement les pays du sud de l’Europe et ne seront pas compensées par un meilleur rendement au nord.

Alors que l’irrigation pourrait constituer une solution adaptative sous 2°C de réchauffement, les pénuries d’eau sous un climat plus chaud de 3°C limiteront cette opportunité. La pénurie d’eau affectera d’ailleurs un tiers de la population du sud de l’Europe à +2°C et les deux tiers à +3°C. Et au-delà de 3°C, le manque d’eau deviendra extrêmement aigu en villes, dans l’ouest, le centre et le sud de l’Europe. Enfin, en l’absence d’adaptation adéquate, les dégâts causés par les inondations côtières seront multipliés par dix d’ici la fin du siècle.

Pour l’heure, les experts sont clairs, l’adaptation européenne n’est pas suffisante. En cause : des ressources limitées, le manque d’engagement du secteur privé et des citoyens, la mobilisation insuffisante des financements ou encore l’absence d’engagement politique sur ces questions.

Environ 3,3 à 3,6 milliards de personnes vivent actuellement dans des conditions de forte vulnérabilité au changement climatique. Le cas des petites îles est emblématique : peu responsables du changement climatique, elles en sont pourtant les premières victimes. Particulièrement exposées aux aléas climatiques, les régions insulaires dépendent aussi fortement de la mer pour leur alimentation ou leurs ressources économiques. Mais d’ici 2060-2080, certaines îles pourraient devenir tout simplement inhabitables.

En France, la plus menacée est l’île de Tuamotu. Constitué de soixante-seize atolls, cet archipel de Polynésie française culmine à 3-4 mètres d’altitude et abrite 17000 habitants. Hausse du niveau marin, mort des récifs coralliens (qui la protègent des submersions marines), cyclones : l’île est menacée sur tous les fronts.

Au même titre que les côtes basses des îles des Caraïbes, comme en Guadeloupe, à Saint-Martin ou Saint-Barthélemy. Mais le temps presse, car s’adapter si fortement demande du temps. En attendant, ces îles peuvent user de certaines adaptations temporaires, en construisant des digues ou en recourant à des solutions fondées sur la nature comme des récifs artificiels.

Avec une population urbaine grandissante, les experts du climat misent aussi sur le potentiel des villes pour s’adapter au changement climatique. Des habitats plus écologiques, des sources d’énergies renouvelables, des transports verts qui relient zones urbaines et rurales pour plus d’inclusion et d’égalités sociales. Autant d’atouts que les villes devront intégrer dans leurs cahiers des charges.

Les choix de société et les actions mises en œuvre au cours de la prochaine décennie détermineront les trajectoires de résilience face au changement climatique, alertent les experts. Ils invitent enfin la communauté internationale à envisager une vraie transformation de la société.

Dans cette optique, plusieurs voies de transformation sont possibles : de la modernisation de secteurs clés (énergie, agriculture, usages des ressources naturelles) jusqu’à la décroissance visant une baisse intentionnelle du PIB. C’est la première fois que le GIEC envisage la décroissance comme une solution pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Mais nos capacités de résilience resteront limitées si les émissions de gaz à effet de serre ne réduisent pas drastiquement. La fenêtre de tir est limitée : nous avons échoué à éviter le réchauffement climatique, il ne reste plus qu’à le limiter et s’adapter au maximum. Peu encourageant.

Bruno Bourgeon http://www.aid97400.re
D’après Reporterre du 28 Février 2022

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