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D’après notre-planete.info du 28 Novembre 2023
Planter des arbres, LA solution ? Que nenni !
Par Bruno BOURGEON
lundi 25 décembre 2023, par
Planter des arbres, LA solution ? Que nenni !
Arbres ? (© Unsplash / Pixabay)
Au lieu de diminuer à la source leurs émissions de CO2 pour limiter l’effet de serre et donc le réchauffement climatique, la plupart des acteurs se contentent de les compenser en constituant des stocks de carbone via la plantation d’arbres. C’est la fameuse compensation carbone, populaire mais très insuffisante voire inefficace.
Les projets de plantation d’arbres, peu coûteux et faciles à mettre en oeuvre, sont devenus très courants au point que tous les acteurs (sociétés, associations, collectivités territoriales, institutions...) en abusent pour justifier leurs activités polluantes, s’affranchir de réductions à la source de leurs émissions et/ou pour séduire le grand public, empreint d’un renouveau de la Nature.
Ainsi, de nombreuses associations, sociétés, pétitions, applications vertes sur smartphone surfent sur ces programmes de plantation pour se faire connaître et/ou en tirer des revenus, trop souvent de manière contre-productive en octroyant aux entreprises polluantes de véritables permis de polluer.
Pourquoi diminuer en amont ses émissions de GES quand on peut les compenser à moindre frais en aval tout en verdissant son image ? C’est en partie la critique formulée par une étude publiée dans le journal de l’American Geophysical Union, Earth’s Future : cultiver des plants puis stocker le CO2 qu’ils ont pris à l’atmosphère n’est pas une option viable pour contrecarrer les émissions non réduites provenant de la combustion des énergies fossiles.
« Si nous continuons de brûler du charbon et du pétrole comme nous le faisons actuellement en regrettant ensuite notre inaction, les quantités de gaz à effet de serre que nous devrons extraire de l’atmosphère afin de stabiliser le climat seront bien trop importantes à gérer », a déclaré Lena Boysen, auteur principal de l’étude et chercheuse au Postdam Institute of Climate Impact Research (PIK) en Allemagne.
En s’appuyant sur des simulations informatiques dynamiques à l’échelle de la planète, les scientifiques expliquent que la compensation carbone via la plantation d’arbres est impossible au niveau planétaire : même en exploitant des arbres productifs comme les peupliers ou certains arbustes capables de stocker 50% du carbone contenu dans leur biomasse, dans le scénario business as usual que nous suivons, de telles plantations remplaceraient la totalité des écosystèmes naturels dans le monde entier, ce qui n’est évidemment pas une solution.
Si l’Accord de Paris sur le climat était respecté (ce qui ne sera évidemment pas le cas), les plantations nécessaires pour compenser nos émissions de gaz à effet de serre devraient être énormes : elles remplaceraient de larges superficies d’écosystèmes naturels et plus d’un quart des terres agricoles utilisées. Là encore, les conséquences dépasseraient largement les bénéfices.
En outre, la réputation de la compensation carbone est mise à mal du fait qu’un nombre significatif de projets, notamment ceux visant à réduire les émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts (REDD+), font face à une opposition locale et sont contestés parce qu’ils considèrent que l’agriculture paysanne et l’utilisation de la forêt par les peuples autochtones sont responsables de la déforestation, tout en gardant le silence sur les causes réelles de la destruction à grande échelle de la forêt.
Au final, seules des réductions ambitieuses de nos émissions et des progrès techniques dans l’aménagement du sol pourraient éventuellement éviter une concurrence féroce pour la terre. Et pourtant, limiter le réchauffement à 2°C d’ici 2100, nécessiterait beaucoup d’eau, des engrais chimiques et des technologies de stockage du carbone qui atteignent plus de 75% du CO2 extrait de l’atmosphère.
Il faudrait donc développer les technologies qui minimisent les émissions de carbone provenant de la culture, de la récolte, du transport et de la conversion de la biomasse et, en particulier, la capture et le stockage à long terme du carbone (CCS).
Les auteurs de l’étude sont catégoriques : « les plantes pourraient-elles encore nous aider à stabiliser le climat dans le pire des cas ? La réponse est non. Il n’y a pas d’alternative pour une atténuation réussie ». Si les plantations peuvent jouer un rôle dans la réduction des concentrations en CO2, celui-ci reste limité et contraint par une gestion rigoureuse des terres.
En effet, quid de la biodiversité d’une monoculture de peupliers qui remplacerait une prairie en friche pour compenser des émissions d’une entreprise polluante ? La réponse est donnée par une étude publiée en novembre 2023 par le réseau international de 250 scientifiques « Crowther Lab ».
Les forêts ont le potentiel de capturer 226 Gt de carbone, mais ce potentiel ne peut être atteint qu’avec une diversité saine d’espèces. En effet, la biodiversité représente environ 50% de la productivité des forêts et les plantations en monoculture entraînent une réduction considérable du stockage du carbone.
Il serait donc plus efficace de préserver et restaurer les forêts actuelles qui sont fortement dégradées et qui pourtant représentent 60 % de ce potentiel. En outre, les plantations en monoculture sont bien plus vulnérables aux risques naturels (tempêtes, incendies, inondations...) et le retour sur investissement encore moins évident.
Or, jusqu’à présent, les plantations de biomasse, comme moyen d’élimination du CO2, ont souvent été considérées comme une approche comparativement sûre, abordable et efficace. Mais l’étude est formelle : cette option n’est pas une solution pour épurer notre atmosphère.
Au lieu de cela, la réduction de l’utilisation des combustibles fossiles est une condition préalable à la stabilisation du climat, mais nous devons également utiliser diverses options allant du reboisement sur les terres dégradées à une agriculture à bas coût et des systèmes d’irrigation efficaces pour limiter les déchets alimentaires.
Le directeur du Potsdam Institute for Climate Impact Research se veut optimiste : « c’est un message positif : nous savons ce qu’il faut faire, mettre rapidement fin à l’utilisation de combustibles fossiles en plus d’une grande variété de techniques d’élimination du CO2. Nous savons quand le faire,maintenant. Et si nous le faisons, nous découvrirons qu’il est encore possible d’éviter la plus grande partie des risques climatiques en limitant l’augmentation de température à moins de 2 degrés Celsius ».
Autre écueil dans cette pseudo-solution : ce sont les arbres les plus massifs - qui sont très minoritaires - qui séquestrent une très grande partie du carbone. En effet, une étude publiée fin novembre 2020 dans la revue « Frontiers in Forests and Global Change » montre que dans les écosystèmes forestiers des Etats de l’Oregon et Washington (Etats-Unis), les arbres les plus imposants (plus de 50 cm de diamètre) ne représentent que 3 % des effectifs d’arbres mais stockent 42 % du carbone !
Les arbres les plus vieux stockent du carbone de manière disproportionnée par rapport aux plus jeunes arbres : un anneau de croissance d’un grand arbre « ajoute beaucoup plus de carbone que l’anneau d’un petit arbre ». explique le Dr Mildrexler, auteur principal de cette étude.
« C’est pourquoi il est si important de laisser les grands arbres pousser davantage pour atténuer le changement climatique, car cela maintient les réserves de carbone dans les arbres et accumule plus de carbone qui provient de l’atmosphère à un coût très bas ».
Un exemple édifiant : le professeur Andreas Roloff, ancien directeur de l’Institut de botanique et de zoologie forestières et du parc forestier de Tharandt et actuellement professeur à l’université technique de Dresde a calculé que pour obtenir les mêmes avantages environnementaux qu’un très vieil arbre de 20 mètres de circonférence, tels que la filtration de l’air, l’ombre, le refroidissement et le stockage du carbone, il faudrait environ... 400 jeunes arbres !
« L’ampleur de ce ratio m’a également surpris », déclare Andreas Roloff. « Mais elle souligne à quel point nous devons respecter et soigner les vieux arbres de notre environnement et à quel point la décision de les abattre, par exemple pour faire place à des projets de construction, ne doit pas être prise à la légère ».
En Allemagne, la loi exige que les arbres abattus soient remplacés par un à trois jeunes arbres, c’est donc largement insuffisant. Ainsi, la compensation carbone, pour être efficace, doit s’appuyer sur des arbres plus larges et donc plus âgés ce qui est incompatible, à court terme, avec les jeunes plants puisqu’il faut des centaines d’années pour qu’ils stockent beaucoup de carbone.
Ces études pointent du doigt le greenwashing ambiant qui fait croire qu’il suffit de planter des arbres à l’autre bout du monde pour compenser nos activités polluantes. Les mesures urgentes à prendre sont connues depuis des décennies, seule la volonté politique et l’engagement citoyen restent insuffisants.
La nature ne manquera pas de nous le rappeler, sans aucun retour en arrière possible… Et pourtant, en 2021, le marché carbone volontaire a battu tous les records (près de 2 milliards de dollars de transactions, x4 depuis 2020), porté par la vague d’engagements des entreprises à atteindre « zéro émission nette ».
En particulier, les crédits certifiant les projets de solutions fondées sur la nature (afforestation, reforestation, conservation...) rencontrent un succès florissant et occupent la première place du marché (50% des crédits échangés environ).
Les bénéfices pour la biodiversité et le développement socio-économique des communautés locales sont également très recherchés. Cependant, les crédits d’élimination des émissions, qui permettent la captation et la séquestration additionnelle de CO2 à long terme, demeurent très peu développés.
Si elle permet de canaliser des ressources financières privées vers des projets bénéfiques à l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre, la possibilité offerte aux entreprises et autres organisations de revendiquer la « neutralité carbone » en l’absence de norme universelle suscite la controverse, précise le bilan mondial de l’action climat par secteur 2022 publié par L’Observatoire Climate Chance.
Bruno Bourgeon, président d’AID http://www.aid97400.re
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