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Le paradis ou l’enfer ?

L’exil numérique : comment j’ai été banni à vie d’AirBnB

par Jackson Cunningham, traduit par Jocelyne le Boulicaut

mercredi 5 juin 2019, par JMT

Jocelyne, se prenant au jeu des traductions, nous offre de temps en temps des traductions gratuites pour des sujets qui l’ont intéressée dans la presse en langue anglaise qu’elle suit. C’est donc bien volontiers qu’AID les publie.

L’exil numérique : comment j’ai été banni à vie d’AirBnB

13 juillet 2018 Jackson Cunningham

Il y a quelques mois, j’ai reçu de la part d’AirBnB un message énigmatique qui ressemblait singulièrement à un épisode de Black Mirror avec Jon Hamm. [Série sur Netflix : la série envisage un futur proche, voire immédiat. Elle interroge les conséquences inattendues que pourraient avoir les nouvelles technologies, et comment ces dernières influent sur la nature humaine de ses utilisateurs et inversement. NdT]

« Cher Jackson, Nous avons le regret de vous informer que nous ne serons pas en mesure de gérer votre compte à l’avenir, et avons exercé notre pouvoir discrétionnaire en vertu de nos Conditions d’utilisation pour désactiver votre compte (s). Cette décision est irréversible et affectera tous les comptes dupliqués ou futurs, veuillez comprendre que nous ne sommes pas obligés de fournir une explication pour les mesures prises à l’encontre de votre compte. De plus, nous ne sommes aucunement responsables envers vous en ce qui concerne la désactivation ou l’annulation de votre compte. Airbnb se réserve le droit de prendre toute décision finale concernant ces questions, et cette décision ne sera pas reconsidérée. »

Bloqué

Au début, cela ne m’a pas inquiété. Il devait sûrement y avoir un malentendu. Après tout, j’avais été un sympathisant loyal de AirBnB depuis le tout début. J’ai parrainé des dizaines d’amis quand le site a été lancé pour la première fois. J’ai même convaincu mes parents d’y inscrire leurs propriétés de vacances.

Après avoir contacté le service d’aide, j’ai reçu le courriel suivant, quand même quelque peu déstabilisant : « Bonjour Jackson, veuillez nous vous en prions, noter que nous ne sommes pas obligés de fournir une explication pour la mesure prise à l’encontre de votre compte. De plus, nous considérons cette affaire comme close et ne répondrons plus à aucune demande de renseignements concernant votre compte. »

Ok, c’est un moment difficile. Mais,sans doute ai-je d’une façon ou d’une autre violé les conditions d’utilisation, mais ils ne me disent pas lesquelles. Et je ne peux plus communiquer avec eux. Ça me semble un peu coriace.

Cri étouffé

Arrivé à ce stade, j’étais certes choqué, mais aussi très curieux de savoir ce que j’avais bien pu faire. Après avoir lu attentivement les conditions d’utilisation d’AirBnB et les raisons les plus courantes conduisant à l’exclusion les gens de la plate-forme AirBnB, j’ai passé en revue chacune de mes réservations. Ce qui m’est venu à l’esprit de prime abord, c’est que j’avais dû par inadvertance payer l’un de mes hôtes en espèces, en effet, c’est la raison #1 pour laquelle les gens sont bannis. Mais j’ai bien vérifié, et j’ai eu la confirmation que toutes mes réservations avaient bien été payées en passant par la plate-forme d’ AirBnB. Il n’y a pas donc pas eu d’acte illicite de ce style.

Après en avoir discuté avec ma petite amie, la seule chose qui nous est venue à l’esprit, c’est une expérience AirBnB très inconfortable que nous avions récemment vécue avec une hôtesse très grossière. Voici un bref résumé de l’incident qui a probablement conduit à mon exclusion d’AirBnB.

Après avoir réservé pour un week-end, on nous a dit que nous devions quitter les lieux de 12 h à 16 h parce que la chambre était située dans un centre de remise en forme. Le conflit a éclaté quand notre hôtesse a fait irruption dans notre chambre une heure plus tôt que prévu, à l’improviste. Elle avait oublié de nous prévenir qu’elle viendrait une heure plus tôt avec des clients du spa. Nous n’étions pas habillés, mais elle a continué d’installer ses affaires pendant que nous nous précipitions à l’extérieur, tout cela devant les clients du spa.

Une fois le voyage terminé, nous avons décidé de ne pas laisser de référence critique préférant lui donner le bénéfice du doute, après tout ce n’était peut être qu’une mauvaise journée. La propriété elle-même était géniale. Quelques semaines plus tard, j’ai vu qu’elle avait laissé une critique très négative avec des détails complètement fallacieux quant à ce qui s’était réellement passé.

J’ai envoyé un courriel à AirBnB pour signaler que l’hôtesse avait présenté une version fallacieuse des faits dans sa référence - des détails dont il était facile de trouver les preuves sur la plate-forme d’AirBnB. Mais il m’a été répondu qu’il était contraire à la politique d’AirBnB de censurer des avis, même si ils étaient mensongers.

Parce qu’il était trop tard à ce moment là pour que je puisse rédiger une référence sur AirBnB mais que je ressentais pourtant le besoin de donner ma propre version de l’histoire, j’ai choisi de laisser une critique sur Google. Il se trouve que l’hôtesse a reçu un certain nombre de plaintes identiques, et donc, définitivement, il ne s’agissait certainement pas d’un incident isolé.

Je n’arrive toujours pas à croire que le fait de laisser une référence sur un site autre qu’AirBnB pourrait se révéler être une infraction donnant lieu à exclusion, mais ce qui m’inquiète plus encore , c’est la façon dont AirBnB a géré la situation avec une suspension unilatérale, permanente, irréversible et sans appel.

Ce qui, selon moi, est particulièrement pathétique, c’est qu’AirBnB affiche une solide image de marque de grande communauté et de solidarité dans ses campagnes "Belong Anywhere" [Partout chez vous NdT], mais la réalité effrayante est que n’importe quel utilisateur individuel est tout simplement jetable, sans qu’il y ait la moindre possibilité d’obtenir une procédure équitable. Je suis vraiment reconnaissant de ne pas dépendre d’AirBnB pour mes revenus, ce qui se révèle pourtant être le cas pour nombre de mes amis.

Mais disons les choses comme elles sont. Cette politique a pour effet de faire peser le pouvoir de l’entreprise sur l’utilisateur individuel dans une proportion cruelle et sans précédent. Et c’est en contradiction hilarante avec l’idéalisme exagéré affiché par la marque.Après avoir envoyé plusieurs fois des courriels au service d’assistance d’AirBnB et à ses fondateurs, j’ai finalement abandonné.

Pour aller plus loin, je me demande si les géants de la technologie devraient être autorisés à pratiquer ce style de suspension sans aucune surveillance ou réglementation.

A quel moment une entreprise devient-elle suffisamment omniprésente dans la vie quotidienne d’un utilisateur pour qu’elle lui doive une explication ou un avertissement avant de faire tomber le couperet de la guillotine ?

Ou est-ce que tout cela fait partie d’une tendance en pleine évolution, nous irions vers quelque chose comme le système chinois de pointage du crédit social, par lequel les conséquences de ne pas maintenir un score élevé sont socialement désastreuses ? [Dès 2014, la Chine a commencé à conceptualiser et à mettre en place un système de crédit social (SCS), qui fonctionne un peu comme une note de crédit pour les citoyens dont les comportements sont jugés bons pour la société et qui sont alors récompensés par des privilèges, tandis que des comportements jugés mauvais entraînent des scores médiocres et une perte de privilèges. (Ce qui, soit dit en passant, nous rappelle furieusement un épisode de la série dystopique Black Mirror).NdT]

Nous dépendons de plus en plus d’une poignée de géants de la technologie pour accomplir les gestes courants de notre vie quotidienne. Imaginez qu’un jour vous vous réveilliez et qu’il vous soit devenu impossible de vérifier votre Gmail, acheter des choses sur Amazon, ou réserver un Uber.

Tout cela ressemble furieusement à 1984 [Livre de George Orwell Ndt]. Ou à Black Mirror. L’épisode avec Jon Hamm

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