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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2023-066

Répression de l’éco-terrorisme

Par Naveena Sadasivam, traduction par Jocelyne Le Boulicaut

jeudi 15 juin 2023, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT, enseignante universitaire d’anglais retraitée, pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

Répression de l’éco-terrorisme

Le 23 avril 2023 par Naveena Sadasivam, Grist

Naveena Sadasivam est stagiaire à ProPublica.

Des manifestants se rassemblent devant une banque pour dénoncer les investissements dans le Dakota Access Pipeline à Portland, dans l’Oregon, le 17 février 2017 (Alex Milan Tracy / Anadolu agency/ Getty Images)

Une nouvelle proposition de loi en Oregon pourrait criminaliser les manifestations en faveur de l’environnement en les assimilant à du « terrorisme ». L’État contrôlé par les Démocrates pourrait devenir le vingtième État américain à adopter une loi dite sur les infrastructures critiques.

Une proposition de loi susceptible de réduire au silence les manifestations en faveur de l’environnement a vu le jour dans un endroit improbable : le parlement de l’État de l’Oregon, contrôlé par les Démocrates.

Les législateurs de l’État du Castor [Beaver State, NdT] examinent une proposition de loi qui pourrait faire de la « perturbation des services » assurés par ce que l’on appelle les infrastructures critiques un crime passible d’une peine pouvant aller jusqu’à 10 ans d’emprisonnement et 250 000 dollars d’amende.

Cela comprend les routes, les pipelines, les postes électriques et certaines infrastructures pétrolières et gazières. La proposition de loi qualifie ce type d’activité de « terrorisme intérieur ».

Paul Evans, auteur de la proposition de loi et représentant démocrate de l’État, ainsi que d’autres partisans affirment que la législation est nécessaire pour sanctionner de manière appropriée les extrémistes qui pourraient chercher à porter atteinte aux installations qui fournissent des services publics essentiels.

Cette proposition semble être une réponse directe aux manifestations de 2020 en faveur de la justice raciale qui ont tourné à la violence à Portland et à l’intrusion, la même année, de manifestants d’extrême droite sur le site du capitole de l’État à Salem.

Un rapport récent de la secrétaire d’État de l’Oregon [La secrétaire d’État de l’Oregon est la principale responsable des élections et la principale contrôleuse des comptes de l’Oregon. Elle supervise également les archives de l’État et la direction des entreprises de l’Oregon, NdT] affirme que l’État a connu l’un des taux les plus élevés d’extrémisme domestique violent dans le pays et que les infrastructures critiques « continuent d’être une cible à haut risque ».

Un manifestant appartenant à Extinction rebellion est arrêté devant le siège de la Citibank à Manhattan le 24 avril 2023 (Gina M. Randazzo/Zuma)

« Que se passe-t-il lorsque quelqu’un décide, pour s’amuser au cours d’une soirée, de détruire un poste électrique, ce qui paralyse toute une communauté pendant un jour, voire une semaine ? » a déclaré Evans lors d’une audition en commission. « Le fait est que nous avons des carences dans la manière dont nous abordons ce type de crimes ».

Mais les lois existantes de l’État font déjà de l’intrusion et des dommages à la propriété des infractions pénales, et les défenseurs de l’environnement et des libertés civiles craignent que le fait de considérer la « perturbation des services » comme du terrorisme intérieur n’entraîne l’inculpation de manifestants non violents qui seraient susceptibles de bloquer une route, un pont ou un site pétrolier ou gazier lors d’une manifestation.

« Ce sont des choses qui pourraient se produire lors de manifestations ordinaires », a déclaré Nick Caleb, un avocat de l’organisation environnementale à but non lucratif Breach Collective. Caleb a ajouté que cette proposition de loi n’aurait peut-être pas rencontré beaucoup d’écho avant 2020, mais que les événements violents qui se sont produits cette année-là ont changé la donne pour de nombreux législateurs.

« Tout d’un coup, il y a suffisamment de Démocrates qui pensent eux aussi que le fait de qualifier certaines choses de terrorisme aura pour effet de mettre un coup d’arrêt à ce type d’activité perturbatrice », a-t-il précisé.

La proposition de loi n’en est qu’à ses débuts. Elle a franchi avec succès l’étape de la commission de la Chambre des représentants et a fait l’objet d’une audition, mais il lui reste encore plusieurs obstacles à franchir dans les deux chambres avant de devenir une loi.

Alors que les assemblées législatives des États passent à la vitesse supérieure cette année, de nombreux autres États proposent et adoptent des lois du même type. Au cours des derniers mois, les assemblées législatives de la Géorgie, du Tennessee et de l’Utah ont toutes adopté des lois qui alourdissent les peines encourues en cas d’interférence avec des infrastructures essentielles ou de dommages causés à celles-ci.

Un certain nombre d’autres États, dont le Minnesota, l’Illinois, la Caroline du Nord et l’Oklahoma, ont des lois similaires en cours d’adoption. Au cours des six dernières années, pas moins de 19 États ont adopté ce type de loi sur les infrastructures critiques.

Les lois ont été proposées pour la première fois après que les manifestations de 2017 à Standing Rock contre l’oléoduc Dakota Access ont attiré l’attention du pays. En réponse, les législateurs, principalement Républicains, ont explicitement cité les manifestations de Standing Rock comme étant à l’origine de la législation.

Mais cette année, les législateurs ont surtout mis en avant une série plus récente d’attaques contre des postes électriques en Caroline du Nord, dans l’État de Washington et en Oregon pour en justifier la nécessité.

Action Stop Cop City : Des militants écologistes organisent un rassemblement et une marche dans la forêt d’Atlanta le 4 mars 2023 à Atlanta, en Géorgie (Andrew Lichtenstein / Corbis Via Getty Images)

Des avocats de l’Oregon ont évoqué d’autres événements survenus en Géorgie pour illustrer la manière dont une loi sur le terrorisme intérieur pourrait être utilisée pour cibler les manifestants. Les législateurs de Géorgie ont élargi pour la première fois la définition de terrorisme intérieur en 2017 pour inclure les crimes commis dans l’intention de « modifier, changer ou faire pression sur la politique du gouvernement ».

Depuis, la loi a été utilisée pour cibler des militants écologistes qui manifestaient contre la construction d’un centre d’entraînement de la police familièrement appelé « Cop City » (Ville de flic).

Concernant les quelque deux douzaines de manifestants arrêtés en vertu de cette loi, les mandats délivrés ont révélé que plusieurs d’entre eux étaient accusés de terrorisme intérieur, même si aucune activité illégale spécifique ne leur était reprochée, à l’exception d’une intrusion sur une propriété privée.

« La loi [de Géorgie] a été adoptée pour une raison précise : cibler les fusillades de masse », a déclaré Sarah Alvarez, avocate au Civil Liberties Defense Center [Centre de défense des libertés civiles, NdT]. « Aujourd’hui, elle est détournée pour s’appliquer aux manifestants écologistes qui n’ont fait de mal à personne. C’est ce qui me préoccupe lorsque je me penche sur le projet de loi de l’Oregon ».

Cet article a été reproduit par Truthout avec autorisation ou licence. Il ne peut être reproduit sous quelque forme que ce soit sans l’autorisation ou la licence de la source.

Naveena Sadasivam
Cet article a été initialement publié par Grist.

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