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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2023-135

Après le tabac les cuisinières au gaz naturel

Par Kate Yoder, traduction par Jocelyne Le Boulicaut

jeudi 21 décembre 2023, par JMT

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Après le tabac les cuisinières au gaz naturel

Par Kate Yoder

Cet article a été publié à l’origine par Grist le 18 Octobre 2023, et il est reproduit ici dans le cadre de la collaboration avec Climate Desk .

Gazinière (Michael Bocchieri/Getty/Grist)

Propagande : pendant des décennies l’industrie du gaz a minimisé les risques pour la santé des cuisinières à gaz. Une nouvelle enquête confirme que les méthodes de l’industrie du tabac ont servi d’exemple.

Un tiers des cuisines américaines sont équipées de cuisinières à gaz, et les preuves s’accumulent sur la pollution des maisons par des produits chimiques toxiques.

Une étude réalisée cet été a montré que l’utilisation d’un seul brûleur de cuisinière à gaz à puissance élevée peut augmenter les concentrations de benzène cancérigène au-delà de ce qui a été observé dans le cas de tabagisme passif . Il s’avère que les cuisinières à gaz ont encore bien plus en commun avec les cigarettes.

Une nouvelle enquête menée par NPR [National Public Radio, principal réseau de radiodiffusion non commercial et de service public des États-Unis, NdT] et le Climate Investigations Center a révélé que l’industrie du gaz a tenté de minimiser les risques des cuisinières à gaz pour la santé pendant des décennies, en recourant aux mêmes tactiques de communication que celles qu’a utilisé l’industrie du tabac pour dissimuler les risques liés au tabagisme.

Les compagnies de gaz ont notamment fait appel aux mêmes entreprises de relations publiques et aux mêmes scientifiques que Big Tobacco. Il a été conseillé aux compagnies de « mettre en place des programmes de communication publique à grande échelle, cohérents et à long terme ».

Au début de l’année, une enquête de DeSmog a montré que l’industrie avait compris les dangers des appareils à gaz dès les années 1970 et qu’elle avait caché au public ce qu’elle savait.

Les nouveaux documents expliquent en détail comment les compagnies de gaz et les groupes commerciaux ont occulté les données scientifiques relatives à ces risques pour la santé afin de vendre davantage de cuisinières à gaz et d’éviter les réglementations : des stratégies toujours en vigueur aujourd’hui.

Brûleur à gaz ( MirageC/Getty Images)

L’enquête tombe au beau milieu d’une guerre culturelle au sujet des cuisinières à gaz. Dans tout le pays, des villes interdisent progressivement les raccordements au gaz naturel dans les nouvelles constructions, et la commission fédérale de la sécurité des produits de consommation étudie les risques qu’ils présentent pour la santé .

Elle a déclaré qu’elle n’envisageait pas d’interdire totalement les cuisinières à gaz, suite à la levée de boucliers provoquée par la simple mention de cette idée en décembre dernier.

Le même mois, une étude approuvée par des pairs a révélé que près de 13 % des cas d’asthme chez les enfants aux États-Unis étaient liés à l’utilisation de cuisinières à gaz.

Mais l’American Gas Association, le principal groupe de pression de cette industrie, a affirmé que ces résultats « n’étaient pas étayés par des données scientifiques solides » et que le simple fait d’évoquer un lien avec l’asthme était « irresponsable ».

Selon l’enquête la plus récente, cette stratégie remonte à 1972. Cette année-là, l’industrie du gaz a bénéficié des conseils de Richard Darrow, chef de file pour les questions relatives au tabac au sein de la société de relations publiques Hill + Knowlton, et qui a largement contribué à créer la controverse autour des effets du tabagisme sur la santé.

Lors d’une conférence de l’American Gas Association, Darrow a expliqué aux compagnies de gaz qu’elles devaient répondre aux affirmations faisant état des pollutions des habitations dues aux appareils à gaz polluaient et élaborer le discours autour de cette question avant que les détracteurs ne s’en emparent.

Les scientifiques commençaient alors à découvrir qu’il y avait un lien entre l’exposition au dioxyde d’azote - un polluant émis par les cuisinières à gaz - et certaines maladies respiratoires. Darrow a donc conseillé aux compagnies de gaz de « mettre en place des programmes de communication à grande échelle, cohérents et à long terme indispensables pour faire face aux problèmes ».

L’American Gas Association a également engagé des chercheurs pour mener des études apparemment indépendantes. Parmi ceux-ci figurait Ralph Mitchell, des laboratoires Battelle, qui avaient également été financés par Philip Morris et le Cigar Research Council.

Les cuisinières à gaz peuvent émettre du méthane et suscitent des inquiétudes quant à la qualité de l’air intérieur et à la santé. Un chercheur a mesuré les émissions en 2021 (Crédit...Rob Jackson/Rob Jackson, via Associated Press)

Ces études n’ont pas seulement semé la confusion dans l’esprit du public, mais aussi dans celui du gouvernement fédéral. Lorsqu’en 1982, l’Agence de protection de l’environnement (EPA) a évalué les effets sur la santé de la pollution par le dioxyde d’azote, elle a intégré dans son analyse cinq études concluant à l’absence de problèmes, dont quatre étaient financées par l’industrie gazière, comme l’a récemment révélé le Climate Investigations Center .

L’EPA, qui cherchait à savoir si elle devait renforcer les normes relatives au dioxyde d’azote en plein air, a demandé que des recherches complémentaires soient menées afin de réduire les « incertitudes » concernant les effets sur la santé, et n’a renforcé les normes que plus d’un quart de siècle plus tard.

Aujourd’hui, alors que l’opinion publique commence à se détourner des cuisinières à gaz, les services de relations publiques continuent de déployer des stratégies qui reflètent celles de l’industrie du tabac.

L’année dernière, l’industrie du gaz a engagé une toxicologue pour déposer lors d’une audition publique sur les cuisinières à gaz dans le comté de Multnomah, dans l’Oregon.

Julie Goodman a remis en question les recherches sur les effets des cuisinières sur la santé et a cité une étude montrant qu’il y avait peu de raisons de s’inquiéter, mais elle n’a pas mentionné qu’elle avait été engagée par la compagnie de gaz locale NW Natural.

Julie Goodman a déclaré à NPR qu’il s’agissait de son point de vue personnel et que les scientifiques n’étaient pas nécessairement influencés par leur source de financement.

En réponse au rapport de NPR et du Climate Investigations Center, Karen Harbert, PDG de l’American Gas Association, a reconnu que l’industrie du gaz avait « collaboré » avec des chercheurs pour « informer et éduquer les régulateurs sur la sécurité des appareils de cuisson au gaz ».

Harbert a affirmé que les données scientifiques actuelles disponibles « ne fournissent pas de preuves suffisantes ou cohérentes démontrant les risques sanitaires chroniques liés aux cuisinières au gaz naturel » - un discours qui devrait maintenant vous être familier.

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