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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2024-070

Le complexe militaro-industriel est en train de tous nous tuer 1ère partie

Par David Vine et Theresa (Isa) Arriola, traduction par Jocelyne Le Boulicaut

samedi 6 juillet 2024, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT, enseignante universitaire d’anglais retraitée, pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

Le complexe militaro-industriel est en train de tous nous tuer

Le 02 Juin 2024 par David Vine et Theresa (Isa) Arriola

Partie 1 L’émergence d’un monstre

Complexe militaro-industriel (Source Environmentalists against war)

Il nous faut parler des conséquences des bombes en temps de guerre. Les bombes déchiquètent les chairs. Les bombes rompent les os. Les bombes démembrent.

Les bombes secouent le cerveau, les poumons et d’autres organes si violemment que ceux-ci se mettent à saigner, se disloquent et cessent de fonctionner. Les bombes blessent. Les bombes tuent. Les bombes détruisent.

Les bombes enrichissent également les gens. Lorsqu’une bombe explose, quelqu’un en tire bénéfice. Et lorsque quelqu’un y trouve son profit, les bombes font davantage de victimes invisibles.

Chaque dollar dépensé pour une bombe est un dollar qui n’est pas dépensé pour sauver une vie en cas de mort évitable, un dollar qui n’est pas dépensé pour guérir le cancer, un dollar qui n’est pas dépensé pour éduquer les enfants.

C’est pourquoi, il y a bien longtemps, Dwight D. Eisenhower, général cinq étoiles à la retraite, et également président du pays, a qualifié à juste titre de « braquage » les dépenses affectées aux bombes et à tout ce qui est militaire.

L’auteur de ce braquage est sans doute la force destructrice la plus sous-estimée au monde. Il est à l’affût, sans qu’on le remarque, inhérent à tellement de problèmes cruciaux aux États-Unis et dans le monde d’aujourd’hui.

Eisenhower a mis en garde les Américains contre cette force lors de son discours d’adieu en 1961, en le nommant pour la première fois « le complexe militaro-industriel » (CMI).

Commençons par le fait que, grâce à la capacité du complexe militaro-industriel à détourner le budget fédéral, le montant total des dépenses militaires annuelles est bien plus important que ne le croient la plupart des gens : environ 1 500 000 000 000 $ (1500 milliards de dollars).

Contrairement à ce que le CMI veut nous faire croire pour nous faire peur, ce chiffre d’un montant incroyable est monstrueusement disproportionné par rapport aux quelques rares menaces militaires qui pèsent sur les États-Unis.

1500 milliards de dollars, c’est à peu près le double de ce que le Congrès dépense chaque année à toutes fins non militaires confondues.

Note du discours d’adieu du Président Dwight D. Eisenhower en 1961

Il n’est pas exagéré de qualifier ce transfert massif de richesses de « braquage », puisqu’il détourne l’argent de besoins urgents tels enrayer la faim et la crise du logement, offrir la gratuité de l’enseignement supérieur et de la maternelle, mettre en place des soins de santé universels et construire une infrastructure d’énergie verte pour nous protéger du changement climatique.

Pratiquement tous les grands problèmes auxquels contribuent les ressources fédérales pourraient être atténués ou résolus grâce à une partie infime de l’argent réclamé par le MIC. L’argent est là.

L’essentiel de l’argent des contribuables est accaparé par un nombre relativement restreint d’entreprises qui tirent profit de la guerre, avec à leur tête les cinq plus grandes sociétés qui exploitent l’industrie de la guerre : Lockheed Martin, Northrop Grumman, Raytheon (RTX), Boeing et General Dynamics.

À mesure que ces entreprises engrangent des bénéfices, le CMI répand une destruction incompréhensible à l’échelle mondiale, enfermant les États-Unis dans des guerres sans fin qui, depuis 2001, ont tué environ 4,5 millions de personnes, blessé des dizaines de millions d’autres et déplacé au moins 38 millions de gens, selon le projet « Costs of War » de l’université Brown.

La domination cachée du CMI sur nos vies doit cesser, ce qui signifie que nous devons le démanteler. Cela peut sembler totalement irréaliste, voire illusoire. Ce n’est pas le cas. Et d’ailleurs, nous parlons du démantèlement du CMI pas de l’armée elle-même.

La plupart des militaires font d’ailleurs partie des victimes du CMI . Si le profit fait depuis longtemps partie de la guerre, le CMI est un phénomène relativement récent, postérieur à la Seconde Guerre mondiale, qui s’est développé grâce à toute une série de choix effectués au fil du temps.

Comme d’autres processus, comme d’autres choix, on peut revenir en arrière et le CMI peut être démantelé. La question est bien sûr de savoir comment. Pour savoir ce qu’il faudrait faire pour démanteler le CMI, il faut d’abord comprendre comment il est né et à quoi il ressemble aujourd’hui.

Compte tenu de sa taille et de sa complexité surprenantes, nous avons créé, avec une équipe de collègues, une série de graphiques pour aider à visualiser le CMI et les dommages qu’il inflige, et nous les partageons publiquement pour la première fois.

Le CMI est né après la Seconde Guerre mondiale, comme l’a expliqué Eisenhower, de la « combinaison d’un immense établissement militaire (le Pentagone, les forces armées, les agences de renseignement et autres) et d’une gigantesque industrie de l’armement ».

Le triangle de fer (Source youtube)

Ces deux forces, l’armée et l’industrie, ont rejoint le Congrès pour former un « triangle de fer » malsain ou selon certains spécialistes, ce qu’Eisenhower a initialement qualifié du terme plus exact de complexe militaro-industriel-congressionnel.

Jusqu’à aujourd’hui, ces trois-là constituent le cœur du CMI, enfermés dans un cycle auto-entretenu de corruption légalisée (qui présente également de trop nombreuses illégalités).

Fonctionnement de base du CMI

Le système de base fonctionne comme suit : Premièrement, le Congrès collecte chaque année des sommes exorbitantes auprès des contribuables pour les donner au Pentagone.

Deuxièmement, le Pentagone, sur ordre du Congrès, transfère d’énormes quantités de cet argent aux fabricants d’armes et à d’autres entreprises par le biais de contrats bien trop lucratifs, leur permettant de réaliser des dizaines de milliards de dollars de bénéfices.

Troisièmement, ces entreprises utilisent alors une partie des bénéfices pour des opérations de lobbying auprès du Congrès afin d’obtenir d’autres contrats du Pentagone, que le Congrès est généralement ravi d’accorder, perpétuant ainsi un cycle apparemment sans fin.

Mais le CMI est plus complexe et insidieux que cela. Dans ce qui est de fait un système de corruption légalisée, les dons de campagne contribuent régulièrement à augmenter les budgets du Pentagone et à garantir l’attribution de contrats encore plus lucratifs, souvent au profit d’un petit nombre de contractants dans une circonscription ou dans un État.

Ceux-ci défendent leur cause avec l’aide d’une armée virtuelle de plus de 900 lobbyistes demeurant à Washington. Nombre d’entre eux sont d’anciens fonctionnaires du Pentagone, d’anciens membres du Congrès ou d’anciens membres du personnel du Congrès, embauchés par le biais du « pantouflage » qui tirent parti de leur capacité à faire du lobbying auprès d’anciens collègues.

Ils font également des dons à des groupes de réflexion et à des centres universitaires désireux de promouvoir l’accroissement des dépenses du Pentagone, des programmes d’armement et une politique étrangère hyper-militarisée. La communication publicitaire constitue un autre moyen d’imposer des programmes d’armement aux élus.

Le CMI corrompu et auto-répliquant

Ces fabricants d’armes répartissent également leur production entre autant de circonscriptions que possible, ce qui permet aux sénateurs et aux représentants du Congrès de se prévaloir des emplois créés.

Les emplois dans le complexe militaro industriel créent souvent à leur tour des cycles de dépendance au sein de populations à faibles revenus qui ont peu d’autres moteurs économiques, achetant ainsi leur soutien.

De leur côté, les contractants se livrent régulièrement à une escalade légale dans les prix, en surfacturant les contribuables pour toutes sortes d’armes et d’équipements. Parfois, la fraude à laquelle se livrent les contractants revient littéralement à voler l’argent des contribuables.

Le Pentagone est la seule agence gouvernementale à n’avoir jamais fait l’objet d’un audit (ce qui signifie qu’il est littéralement impossible de suivre l’évolution de son argent et de ses actifs) et pourtant, le Congrès lui verse plus d’argent qu’à toutes les autres agences gouvernementales réunies.

En tant que système, le CMI veille à ce que les dépenses du Pentagone et sa politique militaire soient dictées par la recherche de profits toujours plus élevés pour les entrepreneurs et par les aspirations à la réélection des membres du Congrès, plutôt que par une quelconque réflexion sur la meilleure façon de défendre le pays.

Le résultat militaire est sans surprise médiocre, surtout si l’on tient compte de l’argent dépensé. Les Américains devraient prier pour ne jamais avoir à défendre les États-Unis. Aucune autre industrie (pas même les grandes sociétés pharmaceutiques ou pétrolières) ne peut rivaliser avec le pouvoir du CMI pour ce qui est de façonner les politiques nationales et dominer les dépenses.

En fait, les dépenses militaires sont aujourd’hui plus importantes (en tenant compte de l’inflation) qu’au plus fort des guerres du Viêt Nam, d’Afghanistan ou d’Irak ou, en fait, qu’à n’importe quel moment depuis la Seconde Guerre mondiale, et ce, en l’absence de menace justifiant de près ou de loin de telles dépenses.

Nombreux sont ceux qui réalisent aujourd’hui que le principal bénéficiaire de plus de 22 ans de guerres américaines sans fin au cours de ce siècle a été la branche industrielle du CMI, qui a engrangé des centaines de milliards de dollars depuis 2001.

« Qui a gagné en Afghanistan Les entrepreneurs privés », titrait le Wall Street Journal en 2021. Dans ce titre, « Afghanistan » aurait pu être remplacé par Corée, Vietnam ou Irak, pour ne citer que quelques autres guerres américaines qui nous semblent interminables depuis la Seconde Guerre mondiale.

Le fait que le CMI ait profité de ces guerres ne relève pas du hasard. En effet celui-ci a permis au pays de s’engager dans des conflits dans des pays comme la Corée, le Viêt Nam, le Cambodge et le Laos, le Salvador, le Guatemala, le Panama et la Grenade, l’Afghanistan, la Libye, la Somalie et bien d’autres encore.

Fonctionnement complet du CMI

Ces guerres ont fait des dizaines de millions de morts et de blessés. Le nombre de morts estimés des guerres post 11 septembre en Afghanistan, en Irak, au Pakistan, en Syrie et au Yémen est étrangement similaire à celui des guerres au Viêt Nam, au Laos et au Cambodge : 4,5 millions.

Les chiffres sont si importants qu’ils pourraient avoir un effet anesthésiant. Le poète irlandais Pádraig Ó Tuama (https://onbeing.org/poetry/the-pedagogy-of-conflict/) nous aide à à garder à l’esprit qu’il faut se concentrer sur l’essentiel :

une vie
une vie
une vie
une vie
une vie
une vie
une vie

parce qu’à chaque fois
c’est la première fois
que cette vie
a été ôtée.

Le complexe militaro-industriel est en train de tous nous tuer 2ème partie

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