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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2024-071

Le complexe militaro-industriel est en train de tous nous tuer 2ème partie

Par David Vine et Theresa (Isa) Arriola, traduction par Jocelyne Le Boulicaut

mardi 9 juillet 2024, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT, enseignante universitaire d’anglais retraitée, pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

Le complexe militaro-industriel est en train de tous nous tuer

Le 02 Juin 2024 par David Vine et Theresa (Isa) Arriola

David Vine, contributeur habituel de TomDispatch et professeur d’anthropologie à l’American University, est l’auteur de The United States of War : A Global History of America’s Endless Conflicts, from Columbus to the Islamic State (Les États-Unis de la guerre : une histoire mondiale des conflits sans fin de l’Amérique, de Christophe Colomb à l’État islamique). Il est également l’auteur de Base Nation : How U.S. Military Bases Abroad Harm America and the World, qui fait partie de l’American Empire Project.

Theresa (Isa) Arriola est professeure adjointe au département de sociologie et d’anthropologie de l’université Concordia. Elle préside Our Common Wealth 670 (OCW 670) à Saipan, un groupe de défense des intérêts communautaires qui se consacre à la recherche, à l’éducation et à tout ce qui concerne la planification militaire aux îles Mariannes. Elle est née et a grandi à Saipan et appartient à la communauté indigène chamorro. Ses recherches on trait au militarisme, au caractère indigène, à la souveraineté et à l’Océanie.

Partie 2 L’impact sur l’environnement et comment démanteler le monstre

Le préjudice causé par le CMI englobe des dommages environnementaux souvent irréparables, à savoir l’empoisonnement des écosystèmes, la perte dévastatrice de biodiversité et le bilan carbone de l’armée américaine, qui est plus important que celui de n’importe quelle autre organisation sur terre.

En temps de guerre ou lors des entraînements réguliers, le CMI a contribué au réchauffement de la planète et au changement climatique en brûlant des carburants pour faire fonctionner les bases, circuler les véhicules et produire des armes.

Comment le CMI alimente le réchauffement global et le changement climatique

Les coûts humains et environnementaux engendrés par le CMI sont tout particulièrement invisibles en dehors des États-Unis.

Dans les territoires et autres « zones grises » politiques que couvrent les États-Unis, les investissements dans les infrastructures et les technologies militaires reposent en partie sur la citoyenneté de second rang que sont les communautés autochtones, qui dépendent souvent de l’armée pour leur subsistance.

De même que le CMI a alimenté les guerres à l’étranger, il a également nourri la militarisation au niveau national. Pourquoi, par exemple, les forces de police nationales se sont-elles militarisées à ce point là ?

Voici au moins une partie de la réponse : depuis 1990, le Congrès autorise le Pentagone à céder ses armes et équipements « excédentaires » (y compris chars et drones) aux forces de l’ordre locales.

Ces transferts permettent au Pentagone et à ses sous-traitants de demander au Congrès d’acheter de nouveaux équipements, ce qui alimente plus encore le complexe militaro-industriel.

Désireux de réaliser davantage de bénéfices grâce à de nouveaux marchés, les entrepreneurs commercialisent de plus en plus leurs produits militaires directement auprès des unités d’intervention appartenant aux forces de police (SWAT) et autres forces, aux patrouilles frontalières et aux systèmes pénitentiaires.

Les responsables politiques et les entreprises ont investi des milliards de dollars dans la militarisation des frontières et l’incarcération de masse, alimentant ainsi la montée en puissance respectivement des lucratifs « complexe industriel frontalier » et « complexe industriel carcéral » .

La militarisation au niveau national a affecté de manière disproportionnée les communautés noires, latinos et indigènes.

Comment le CMI alimente la militarisation aux USA

Si certains défendent le complexe militaro-industriel en insistant sur le fait que nous avons besoin de ses emplois, d’autres par contre affirment qu’il maintient les Ukrainiens en vie et protège le reste de l’Europe de la Russie de Vladimir Poutine ; d’autres encore mettent en garde contre la Chine.

Tous ces raisonnements illustrent à quel point le pouvoir du complexe militaro-industriel dépend de la capacité à fabriquer systématiquement des peurs, des menaces et des crises qui favorisent l’enrichissement des marchands d’armes et autres membres du complexe militaro-industriel en encourageant toujours plus de dépenses militaires et de guerres (et ce malgré un bilan presque inégalé d’échecs catastrophiques dans presque tous les conflits américains depuis la Seconde Guerre mondiale).

On devrait pouvoir rire de l’argument selon lequel les niveaux actuels de dépenses militaires doivent être maintenus pour « les emplois ». L’armée ne devrait pas être un programme d’emploi.

Certes, le pays a besoin de programmes pour l’emploi mais les dépenses militaires se sont révélées peu créatrices d’emplois et peu favorables à la croissance économique.

Les recherches montrent qu’elles créent beaucoup moins d’emplois que des investissements comparables dans les soins de santé, l’éducation ou les infrastructures.

L’armement américain a participé à l’autodéfense de l’Ukraine, toutefois les fabricants d’armes sont loin d’être des altruistes. S’ils se souciaient vraiment des Ukrainiens, ils auraient renoncé à tout profit, ce qui aurait permis de consacrer plus d’argent à l’aide humanitaire dans ce pays.

Au lieu de cela, ils se sont servi de cette guerre, tout comme de la guerre génocidaire d’Israël contre Gaza et des tensions croissantes dans le Pacifique, pour gonfler cyniquement leurs profits et enregistrer des cours boursiers spectaculaires.

Maquette Pyros de Raytheon à l’IDEX 2017

Si l’on écarte les discours alarmistes, on devrait pouvoir affirmer que l’armée russe a démontré sa faiblesse, son incapacité à conquérir de manière décisive des territoires près de ses propres frontières, sans parler de sa capacité à marcher sur l’Europe.

En fait, les armées russe et chinoise ne représentent aucune menace militaire de type traditionnel pour les États-Unis. Le budget annuel de l’armée russe est inférieur ou égal au dixième de celui de l’armée américaine. Le budget militaire de la Chine est égal à un tiers ou la moitié de celui des États-Unis.

Les disparités sont bien plus importantes si l’on combine le budget militaire des États-Unis avec ceux de leurs alliés de l’OTAN et d’Asie. Malgré cela, les membres du CMI encouragent de plus en plus les confrontations directes avec la Russie et la Chine, avec l’aide de la guerre de Poutine et les propres provocations de la Chine.

Dans l’« Indo-Pacifique » (comme l’appellent les militaires), le CMI continue de gagner de l’argent alors que pour endiguer la Chine, le Pentagone construit des bases et rassemble des forces en Australie, à Guam, dans les États fédérés de Micronésie, au Japon, dans les Îles Marshall, dans les Îles Mariannes du Nord, à Palau, en Papouasie-Nouvelle-Guinée et aux Philippines.

Ce type de démarches et un renforcement similaire en Europe ne font qu’encourager la Chine et la Russie à renforcer leurs propres armées. Imaginez la réaction des politiciens américains si la Chine ou la Russie construisaient ne serait-ce qu’une seule base militaire à proximité de nos frontières.

Alors que tout cela est de plus en plus rentable pour le CMI, le risque d’un affrontement militaire qui pourrait dégénérer en une guerre nucléaire terminale entre les États-Unis et la Chine, la Russie ou les deux et pouvant mettre fin aux espèces s’en trouve accru.

L’urgence du démantèlement du complexe militaro-industriel n’est plus à démontrer. L’avenir des espèces et de la planète en dépend. La façon la plus évidente d’affaiblir le CMI serait de le priver de ses ressources vitales, l’argent de nos impôts.

Ils sont peu nombreux ceux qui ont noté qu’après avoir quitté ses fonctions, l’ancien chef du Pentagone du temps de Trump, Christopher Miller, a appelé à réduire de moitié le budget du Pentagone. Oui, de moitié.

Même une réduction de 30%, comme cela s’est produit trop brièvement après la fin de la guerre froide en 1991, permettrait de dégager des centaines de milliards de dollars par an.

On ne peut qu’imaginer que de telles sommes permettraient d’améliorer la sécurité et la santé des citoyens de ce pays, tout en assurant une transition économique équitable pour les militaires et les sous-traitants qui perdraient leur emploi.

Organigramme du MIC (Source Dismantlethemic.org)

Et surtout, ce budget militaire resterait nettement supérieur à celui de la Chine, de la Russie, de l’Iran et de la Corée du Nord réunis. Bien entendu, il est difficile de songer à réduire le budget du Pentagone, car le CMI a accaparé les deux partis politiques, ce qui garantit quasiment l’augmentation constante des dépenses militaires.

Voilà qui nous ramène à la question de savoir comment démanteler le CMI en tant que système. En bref, nous sommes en train de travailler à la réponse.

Avec le groupe diversifié d’experts qui a participé à la réalisation des graphiques de cet article, nous étudions de nombreuses idées : campagnes de désinvestissement et actions en justice, interdiction de tirer profit de la guerre, régulation ou nationalisation des fabricants d’armes et conversion d’une partie de l’armée en une force non armée chargée de l’aide en cas de catastrophe, des services de santé publique et de la construction d’infrastructures.

Trop nombreux sont ceux qui continueront de croire que le démantèlement des multinationales du complexe militaro industriel est irréaliste, mais compte tenu des menaces qui nous guettent, il est temps de réfléchir avec la plus grande audace possible à la manière de réduire son pouvoir, de résister à l’idée reçue que la guerre est inévitable, et de construire le monde que nous voulons voir advenir.

Tout comme les mouvements du passé ont mis à mal la puissance de Big Tobacco et des barons du rail, tout comme certains s’attaquent aujourd’hui à Big Pharma, Big Tech et au complexe carcéro-industriel, nous devons nous attaquer au CMI pour construire un monde tourné vers la richesse des vies humaines (dans tous les sens du terme) plutôt que vers les bombes et autres armements qui enrichissent à une poignée de privilégiés qui se repaissent de la mort.

Copyright 2024 Theresa (Isa) Arriola et David Vine

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Le complexe militaro-industriel est en train de tous nous tuer 1ère partie

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