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D’après Alternatives Economiques du 14 Mai 2024

Comprendre le nouveau visage de la mondialisation

Par Bruno BOURGEON

mercredi 5 juin 2024, par JMT

Comprendre le nouveau visage de la mondialisation

Montage des pays éclairés la nuit

La dynamique de la mondialisation se grippe, sans caler complètement. L’internationalisation des échanges se redéploie vers les services haut de gamme et les produits manufacturiers.

La mondialisation économique connaît depuis plusieurs années des transformations importantes. Ce que vient de confirmer un rapport récent de la Conférence des Nations-Unies sur le commerce et le développement (Cnuced).

Après avoir montré que les investissements à l’étranger des firmes multinationales ont tendance à décrocher, la Cnuced a choisi de ne pas recourir aux données traditionnelles fournies par les balances des paiements pour poursuivre leurs analyses.

Car dans la catégorie « investissements à l’étranger », la statistique publique inclut les prêts internationaux entre filiales, ainsi que les profits réalisés à l’étranger et réinvestis sur place.

Afin de mesurer l’appétit de la mondialisation, la Cnuced focalise l’attention sur le nombre de projets d’investissements à l’étranger initiés chaque année. Certes, cela ne représente qu’une partie de l’ensemble des dépenses effectuées par les entreprises pour se mondialiser, et en ce sens cela ne fournit pas une analyse complète et définitive.

Mais cela donne une idée de la volonté des firmes de maintenir ou pas la dynamique de mondialisation à l’œuvre depuis plusieurs décennies. On peut dès lors en retenir cinq grands enseignements.

1/ Une mondialisation de basse intensité
Au cours de la décennie 1990, les investissements directs à l’étranger ont crû de 16% en moyenne annuelle quand le produit intérieur brut (PIB) croissait de 4% et le commerce mondial de 6%.
C’était l’époque de l’hypermondialisation, comme l’a baptisée l’économiste Dani Rodrik. Après la crise financière de 2007-2008, la décennie 2010 a connu une croissance quasi nulle de ces investissements avant une légère reprise post-Covid (2 %) < à la croissance du PIB (5 %).
De nombreuses raisons pour expliquer l’entrée dans cette phase de mondialisation de basse intensité : augmentation des coûts salariaux en Chine, des coûts de transport, risques croissants pesant sur les chaînes de valeur (événements climatiques extrêmes, conflits…), volonté de réduction de la dépendance économique, freins à l’investissement étranger, etc.
Les années qui viennent diront jusqu’où iront ce ralentissement de la mondialisation des firmes et le repli de leur contribution aux chaînes de valeur mondiales.

2/ Les services haut de gamme à la pointe
Lorsque l’on parle mondialisation, on pense essentiellement à la production manufacturière. Mais, sur la période 2020-2023, les services représentent 81 % des nouveaux projets d’investissements internationaux, c’était déjà les deux tiers du total en 2004-2007.
Une évolution qui recouvre plusieurs dynamiques : un accroissement de l’internationalisation des activités bancaires et de consulting, un poids croissant des services liés à l’industrie (par exemple les bureaux de vente de voitures, etc.) et une montée en gamme des activités de services.
La mondialisation de l’offre de services à haute valeur ajoutée (recherche, numérisation, marketing…) a en effet progressé rapidement au cours de la dernière décennie, leur part dans le total des investissements passant de 45% en 2004-2007 à 63% en 2020-2023.

3/ La Chine attire moins les investisseurs
Alors qu’en 2003 la Chine attirait 15% des nouveaux projets d’investissement, sa part est passée à 3 % en 2023. Une chute impressionnante qui s’est étalée sur l’ensemble de la dernière décennie.
Dans les années récentes, on note des baisses marquées des investissements américains et européens en Chine en même temps qu’une diminution des investissements chinois dans ces deux zones.
Il serait hasardeux d’en conclure à un affaiblissement du poids de la Chine dans la production manufacturière mondiale, que ce soit en termes de valeur ou même de valeur ajoutée. Le pays reste un acteur clé de la mondialisation.

4/ Les multinationales de l’environnement
Les investissements étrangers des multinationales dans le domaine de l’environnement, comme les panneaux solaires et les éoliennes, représentaient seulement 1% des projets d’investissement hors services au début des années 2000 mais 20% en 2023.
La progression la plus importante se trouve dans les investissements liés à la production de batteries et de voitures électriques qui ont crû de 27% en moyenne annuelle entre 2016 et 2023, avec une nette accélération ces toutes dernières années.
Les volontés américaine et européenne d’attirer les constructeurs chinois dans le domaine devraient continuer à faire progresser cette partie de la mondialisation dans les années qui viennent.

5/ Une marginalisation croissante des pays les plus pauvres
La part des pays pauvres et émergents (hors Chine et Hong Kong) dans l’ensemble des nouveaux projets d’investissements internationaux n’a pas changé au cours des vingt dernières années, à un peu plus d’un tiers (35%).
Mais la répartition des investissements, au sein de la catégorie des pays pauvres et émergents (hors Chine et Hong Kong), s’est beaucoup transformée. Les pays du bas de l’échelle des revenus (pauvres et revenus moyens bas) ont vu leur part se réduire de pratiquement un tiers, au profit des pays en développement à revenus moyens hauts et à hauts revenus.
La montée en puissance de la part des investissements de services haut de gamme et de produits manufacturiers environnementaux dessert les pays les plus pauvres qui ne disposent pas d’avantages comparatifs dans ces secteurs. Raison pour laquelle on retrouve cette évolution dans toutes les régions du monde.

Bruno Bourgeon, président d’AID  http://www.aid97400.re

D’après Alternatives Economiques du 14 Mai 2024

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