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D’après Alternatives Economiques du 30 Décembre 2021

Corriger l’injustice climatique

Par Bruno Bourgeon

vendredi 25 février 2022, par JMT

Corriger l’injustice climatique

Problème majeur de l’injustice climatique : l’eau potable

Le « pacte de Glasgow » sur lequel se sont mis d’accord les Etats présents à la COP26 peut être à juste titre considéré comme décevant et nous pouvons craindre qu’il ne soit plus possible de limiter le réchauffement climatique global à + 1,5°C d’ici 2100.

On peut comprendre l’amertume des nations du Sud les plus pauvres et les plus exposées aux conséquences inéluctables du dérèglement climatique déjà en cours, comme la submersion de certaines îles, l’érosion côtière et les moindres rendements agricoles.

Il leur sera en effet bien difficile de pouvoir affronter les accidents climatiques extrêmes (canicules, sécheresses, cyclones, inondations, etc.) dont le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) prévoit conjointement une fréquence en hausse et une intensité accrue.

Le fait est que les pays du Sud, les plus affectés, sont aussi ceux qui ont le moins contribué au réchauffement climatique. Ce sont surtout dans les pays pauvres que le climat va devenir de plus en plus aléatoire et chaotique ; leurs populations vont souffrir davantage que dans les pays riches.

Ce ressentiment paraît d’autant plus justifié que les Etats des pays les plus riches s’étaient engagés à venir en aide aux pays pauvres, lors de la COP15 tenue à Copenhague en 2009 ; bien que confirmée dans les accords de Paris de 2021, leur promesse d’accorder pour ce faire un « fonds vert » de 100 milliards de dollars par an aux Etats du Sud, en plus de l’aide publique au développement, n’a toujours pas été tenue.

Et aucun nouvel engagement financier en faveur des pays les plus vulnérables n’a pu être signé lors de la COP26. La proposition de créer un nouveau financement a été bloquée par les Etats-Unis, qui craignent les implications juridiques d’un tel engagement. Le compromis adopté à Glasgow envisage seulement de mettre en place un dialogue annuel pour discuter d’un éventuel nouveau dispositif financier dédié à l’adaptation en 2024.

Les populations des pays en voie de développement ne cessent depuis la COP15 de demander réparation au vu des dégâts occasionnés par les événements climatiques extrêmes et souhaiteraient être indemnisées pour les pertes et les préjudices subis. Les pertes imputables aux accidents climatiques extrêmes dans ces pays se chiffrent déjà à plusieurs milliards de dollars.

Leurs Etats demandent donc aux plus riches de doubler d’ici à 2025 leur contribution. Mais les pays riches ne semblent même pas désireux de tenir leurs engagements pris il y a douze ans à Copenhague. Aux dires de l’OCDE, les fonds dépensés au titre de l’adaptation au dérèglement climatique dans les pays du Sud n’ont pas dépassé 80 milliards de dollars en 2019 et d’après l’ONG Oxfam France, seul un cinquième de ces sommes aurait été réellement affecté à cette adaptation.

Les quatre autres cinquièmes, accordés sous forme de dons ou de prêts, ont plutôt été alloués à l’atténuation du réchauffement climatique global via de moindres émissions de GES et une plus grande séquestration de carbone dans la biomasse végétale et dans les sols.

Ce serait plus difficile, nous dit-on, de financer l’adaptation au dérèglement climatique dans les pays du Sud, ou une assistance technique destinée à réparer les pertes et dommages occasionnés par celui-ci, que des projets de reboisement ou de moindre déforestation.

La COP26 a surtout porté son attention sur les règles devant présider au marché mondial des droits d’émission des GES : les fameux « crédits carbone ». Elle est tant bien que mal parvenue à réglementer les modalités du système d’échange de ces quotas d’émission de gaz à effet de serre entre pays ou entre entreprises, à l’échelle internationale.

Le pacte de Glasgow précise notamment comment il deviendra possible de compenser les éventuelles émissions de GES que les pays du Nord ne parviendraient pas à réduire ou supprimer par des interventions visant à diminuer la consommation d’énergie fossile et la déforestation dans les pays du Sud, ou bien à séquestrer du carbone dans ces mêmes contrées. Mais on entrevoit déjà les écueils qu’il conviendra d’éviter pour que ces transactions puissent avoir les effets escomptés :

- Le premier d’entre eux est le double comptage : éviter qu’une même séquestration de carbone ou qu’une même réduction d’émission de gaz à effet de serre soit comptabilisée une première fois par l’acheteur de crédits carbone et une deuxième fois par son vendeur

- Une autre crainte est de voir financer de prétendues moindres déforestations ou des réductions supposées de déboisement au sein d’écosystèmes arborés sans évaluer la situation de référence et l’évolution prévisible des milieux concernés.

Et comment s’assurer que d’éventuels reboisements entrepris au nom de l’atténuation du réchauffement climatique puissent ultérieurement survivre durant une longue durée sans être détruits au fil du temps, par suite de coupes prématurées de bûcherons, de méga-feux et d’autres dégradations accidentelles ou volontaires ?

Telle est bien, par exemple, l’inquiétude manifestée de nos jours au sujet de la fameuse « Grande muraille verte », pour le financement de laquelle il est envisagé d’avoir recours aux crédits carbone. Lancé en 2007 à l’initiative de l’Union africaine, ce projet de Grande muraille verte a pour ambition de lutter contre la désertification et les effets du changement climatique dans onze pays d’Afrique, grâce à l’établissement d’une barrière arborée de plus de 8 000 kilomètres de long et 15 kilomètres de large, allant de la côte Atlantique à la mer Rouge, du Sénégal jusqu’à Djibouti.

Il est à redouter en fait que cette barrière végétale soit progressivement détériorée lors du passage des troupeaux d’éleveurs nomades et transhumants ou abattue par des agriculteurs en manque de terres à cultiver. Mais ce projet de muraille verte pourrait néanmoins réussir si les espèces végétales retenues pour sa confection étaient conformes à l’intérêt des paysanneries locales.

Les régions sahéliennes peuvent en effet héberger des espèces arbustives et arborées dont la présence permettrait conjointement de produire des biens utiles (la gomme arabique, le beurre de karité, les graines de néré, etc.), jouer le rôle de brise-vent, fournir du fourrage aux animaux, fertiliser les sols en azote et éléments minéraux, tout en séquestrant du carbone dans leur biomasse et dans l’humus des sols.

Les cultures de mil et de sorgho sous parcs arborés de faidherbia albida ont un rendement deux à trois fois supérieur à celles situées sans un tel couvert et les troupeaux de ruminants apprécient les feuilles de cet arbre, riches en protéines, en fin de saison sèche. De quoi contribuer à l’atténuation du réchauffement global mais aussi aider les paysanneries locales à adapter leurs systèmes de production et modes de vie au dérèglement climatique.

Telle serait l’une des meilleures façons de mettre fin à l’injustice climatique : aux Etats du Nord de tenir leur promesse de fonds vert et financer des projets qui permettraient conjointement de séquestrer du carbone dans la biomasse végétale et les sols des pays du Sud, tout en aidant ainsi les populations locales à s’adapter aux risques accrus d’accidents climatiques extrêmes. Cela ne sera pas facile.

Bruno Bourgeon http://www.aid97400.re/
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