Vive la Guerre

Vive la guerre !

Une vidéo de Blast, le journal d’info décalé

Je suis d’humeur badine, ce matin. Ou plutôt provocatrice. Mon côté anarchiste qui ressort. D’où le titre. Mieux vaut rire du sujet, sinon, préparons nos mouchoirs, car elle n’annonce que mort et destruction. Dix fois, cent fois, les mêmes pauvres infos, les mêmes experts en chambre qui n’avaient rien prévu, mais qui prédisent pourtant.

La vérité approximative des événements est pourtant claire : nul ne sait ce que Poutine a en tête. Annexer la moitié est de l’Ukraine à hauteur du Dniepr  ? Est-il atteint d’hubris, cette vieille passion humaine synonyme de démesure et de toute-puissance  ? Décidé à tout cramer dans la dévastation nucléaire  ?

Cette guerre est celle du passé. Du nationalisme d’antan, qui rappelle 1914, qui ruina l’Europe et les rêveries de progrès et d’émancipation dont le continent était ébloui. Poutine nous entraîne dans un infernal remake. Classique : on pense le futur avec les armes du passé. La crise écologique abolit les si dérisoires frontières humaines, mais nos maîtres n’en ont cure.

L’exemple bien connu de la Seconde Guerre mondiale est là pour le montrer. Tandis qu’Hitler confie les rênes à d’audacieux officiers – Guderian, Rommel –, la France se tourne vers les badernes habituelles, Gamelin en tête. Le mouvement et l’arme blindée vont ridiculiser la ligne Maginot, alors même que l’armée française est supposée la meilleure du monde.

Tous les candidats à l’élection présidentielle française font penser, mutatis mutandis, aux badernes de Gamelin. Tous entendent jouer le jeu. Certes, chacun à sa façon, mais le jeu néanmoins. L’élection, l’Élysée, le sérieux, les mesures « raisonnables » et progressives. Quand il faudrait l’audace, on joue la modération. Autre ritournelle, ces mots de Gramsci, que j’adore, mort dans les geôles mussoliniennes : « Le vieux monde se meurt tandis que le nouveau tarde à apparaître. C’est dans ce clair-obscur que naissent les monstres. »

En effet. Il est monstrueux de lire Le Monde du 1er mars. Ce jour-là, le GIEC annonce une catastrophe certaine. Le désastre climatique va disloquer les sociétés humaines, et la guerre en Ukraine, aussi inquiétante qu’elle soit, n’est à peu près rien en comparaison. Mais Le Monde donne 12 pages à l’Ukraine, et 3 au rapport du GIEC.

Pourtant Le Monde est l’un des rares journaux de la place à informer sérieusement sur la crise écologique globale. Qui est une guerre totale de tous contre tous. Nous en sommes les victimes, les responsables, les coupables. Comment penser ce qui n’a jamais été  ?

Jamais les humains n’ont eu pareille menace. Et l’une de leurs armes psychologiques les plus efficaces se retourne contre eux. Le déni, puisqu’il faut le nommer, a une puissance de feu, et aura permis aux communautés d’affronter le temps des guerres, des épidémies, des famines. Il fallait nier le réel pour avancer. Il fallait refuser l’horreur pour continuer d’exister.

Mais ce déni magique et prodigieux empêche aujourd’hui de prendre en compte l’incroyable complexité de la situation. Prêcher la « prise de conscience », comme le font les écolos, n’a pas de sens. Il y a désormais assez de connaissances scientifiques pour passer à l’action. Mais non. On sait que tout va de plus en plus mal, mais un mécanisme intérieur oriente le regard sur la bagatelle ; comme l’élection prochaine.

Doit-on crier vive la guerre  ? Décrivons une nouvelle fois le tableau : un discours irrationnel, disons plutôt inaccessible aux autres – rencontre une opposition rationnelle. Poutine contre l’Union européenne. Tout peut arriver – ces mots sont écrits le mardi 1er mars –, le pire comme l’apaisement.

Un petit clic sur un bouton rouge, et adieu réchauffement climatique, tortues qui bouffent du plastique, fini les forêts, l’Humanité qui fait chier la planète… Mais cette guerre peut aussi marquer le début d’une vraie révolution mentale, qui ne se cacherait plus derrière les fioritures. Il n’y a qu’une seule priorité : la création d’un mouvement de désobéissance civile comme le monde n’en a encore jamais connu.

On peut penser à Gandhi et à cette poignée de sel pour dénoncer le monopole anglais sur le condiment. Mais nous devons faire plus, infiniment plus, avec les risques inévitables qu’un tel engagement suppose. L’Occident est peut-être trop vieux pour risquer ses téléphones portables et ses vacances à la neige. L’horizon est pourtant limpide : il faut bloquer la machine et brûler ses vaisseaux sans esprit de retour vers le confort. C’est ainsi, pas autrement, qu’on désarmera les bellicistes de tout poil.

Bloquer les routes et les villes. Décréter que l’eau est sacrée, qu’il ne faut pas la dépolluer, mais ne plus l’empoisonner. Comme l’air, comme les sols, le reste. Attaquer la voiture individuelle et cette bouée de sauvetage qu’est la bagnole électrique. Interdire le plastique et les pesticides.

Saisir quelques milliers de milliards d’euros volés à notre avenir commun, et les affecter à la restauration du monde. À la beauté du monde. Déclarer la guerre aux millions et milliards d’objets inutiles. « Un Hymne à la Beauté du Monde », comme le chantait Diane Dufresne.

Le pétrole à 1 000 dollars  ? Oui  ! Le prix du gaz multiplié par 100  ? Oui. Dans la solidarité et la coopération avec tous. Il est temps de payer le prix réel des choses et leurs conséquences. C’est impossible  ? Oui. « Tout le monde savait que c’était impossible. Un ignare ne le savait pas : il l’a fait » (Marcel Pagnol).

Et c’est pourquoi il faut s’y mettre. Le pétrole, le gaz, le nucléaire nous garantissent guerres et massacres. La seule voie praticable, c’est celle d’un refus massif, définitif, des règles du jeu. La guerre en Ukraine sera alors la dernière d’un temps disparu, celui des empires, de la conquête, des césars et des misérables tribuns que nous sommes encore obligés de supporter. Evviva la rivolta  !

Bruno Bourgeon http://www.aid97400.re

Inspiré par Blast-Le Journal du 22 Février 2022

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