AID Association Initiatives Dionysiennes

Ouv zot zié !

Accueil > Droits Humains > Le déshonneur du gouvernement

D’après Alternatives Economiques du 21 Décembre 2023

Le déshonneur du gouvernement

Par Bruno BOURGEON

mercredi 3 janvier 2024, par JMT

Le déshonneur du gouvernement

Place de la République

Avec la Loi Immigration, à trop vouloir faire du « en même temps », le gouvernement français est arrivé à perdre la boussole et l’honneur. Des décennies que les gouvernements successifs essaient de contrer l’extrême-droite en tentant d’être plus « royaliste » qu’eux : cela ne marche pas, n’a jamais marché et ne marchera pas.

Vous voulez contrer le RN, faites une politique universaliste d’accueil des étrangers, accueillez-les, employez-les, ils ne viennent pas déstabiliser nos démocraties, mais ils fuient la misère, la guerre, la famine avec le réchauffement climatique. Là aussi, cela ne s’arrangera pas.

Plus d’un an de débat pour en arriver là : l’adoption de la Loi Immigration par les députés, a tout de la débâcle. Initié en novembre 2022, le projet se présentait comme un texte équilibré, facilitant, d’un côté, la régularisation des travailleurs sans papier pour mettre fin à une hypocrisie française, et de l’autre, notamment, l’éloignement et l’expulsion des étrangers délinquants.

Un équilibre qui a vite flanché pour aboutir à un texte qui penche nettement à l’extrême droite, et qui prive en partie les étrangers vivant en France de leurs droits fondamentaux, dans une logique de suspicion généralisée.

Cette démarche tourne le dos aux grands principes qui régissaient l’accueil des immigrés en France et vient conforter les pires idées reçues sur leur compte, qu’acteurs de la solidarité et chercheurs en sciences sociales démentent pourtant depuis longtemps.

Le 19 décembre 2023 : il y a des dates qui heurtent et fracturent, qui font basculer dans un autre univers politique, qui méprisent les barrières morales et intellectuelles établies.

Le vote par le Parlement de la Loi Immigration fait partie de ces dates sinistres, que la postérité rangera aux côtés de celles qui défont la République et dévoient son ambition. Dramatisation excessive ? Indignation déplacée ?

Tout de même, l’heure est grave, et mieux vaut parfois devancer l’histoire que la subir. Le reniement du président de la République et de sa majorité est complet et assumé. Celles et ceux qui, bien trop longtemps, se sont illusionnés, n’ont plus qu’à panser leurs plaies.

Le voilà donc ce président moderne, ouvert sur le monde, cool et bienveillant, humaniste et cultivé. On nous promettait un « New Deal », intelligent et courageux comme Roosevelt, souriant comme Obama, on se retrouve avec un « Dirty Deal » digne des plus mauvaises combinaisons politiques.

Sous les beaux atours de marquis poudré pointe plus que jamais le cynique en chef, cet « ingénieur du chaos », prêt à tout dénaturer, le langage en premier lieu, pour poursuivre un but dont même lui semble avoir oublié le sens et la cohérence.

La réforme, coûte que coûte, quelles qu’en soient les implications, les hypocrisies, les compromissions. Le chef veut montrer qu’il avance, qu’il passe d’un dossier à l’autre, qu’il manœuvre.Bas du formulaire

Tant pis si la République, le droit, l’histoire de ce pays prennent des coups. Le Président aura sa réforme, son trophée. Il pourra toujours faire de beaux discours au Panthéon pour saluer l’apport des étrangers à l’histoire de France, accueillir le monde lors des Jeux olympiques (je pressens un fiasco pour ceux-ci), dire des mots auxquels il ne croit pas.

Les démocrates attachés à l’Etat de droit et à la justice sociale, à l’histoire de la République, savent où ils en sont. Il ne s’agit pas d’attendre 2027 avec appréhension, de jouer à se faire peur, de s’interroger, de se rassurer, selon les scenarii de politique fiction.

Que se passera-t-il si le Rassemblement national l’emporte en 2027 ? Qu’allons-nous faire ? En fait, nous y sommes déjà, et la résistance, intellectuelle, politique, morale, a déjà commencé. Nous ne sommes ni en 1788, ni en 1938. Jamais l’histoire ne se répète, jamais elle n’est écrite d’avance.

Mais le regard historique appelle une forme de lucidité. A l’heure des bilans de fin d’année, le constat est sombre. 2023, deuxième épisode de la saison 2 du macronisme, signe à la fois la confirmation des épisodes précédents et un point de bifurcation.

Au printemps, la réforme des retraites jetait dans les bras du RN les classes populaires et moyennes qui vont devoir travailler plus longtemps, parce que le 49-3 en a décidé ainsi, contre « l’opinion publique ».

En septembre, la réforme du RSA faisait peser de nouvelles contraintes et obligations sur les plus vulnérables, qui doivent témoigner de leur utilité sociale pour avoir droit aux allocations.

En novembre, le RN défilait à Paris et partout en France contre l’antisémitisme. Et la loi immigration vise celles et ceux qui n’ont d’autre protection que les lois de l’humanité et le droit international.

Se montrer toujours plus dur avec ceux qui sont en bas, pour rassurer les autres. In fine, c’est tout l’édifice de la protection sociale que l’on abîme ainsi.

A l’autre bout du spectre, le ministre de l’Economie fait une tournée à New York pour attirer les grands établissements financiers, on célèbre l’apport de Gérard Depardieu à la culture française, et on se félicite que de brillants esprits lèvent des centaines de millions d’euros pour inventer l’IA de demain. Surtout, ne jamais évoquer une mise à contribution des plus aisés, de peur qu’ils ne s’en aillent.

Le temps pour les démocrates et les humanistes, qu’ils soient de gauche, du centre ou de droite, n’est plus aux atermoiements. Le chef de l’Etat nous conduit dans le mur, accélère et monte le son. « Après moi, le déluge ».

Sa seule ligne. Le début d’année est propice aux rétrospectives et aux bonnes résolutions, que l’on sait ne pas pouvoir tenir. La question de nos attitudes individuelles et collectives est posée. Les appels à la désobéissance, par les médecins, les conseils départementaux, les défenseurs des étrangers, se multiplient.

Quand les nuages s’amoncellent, on ne croit à la magie de Noël, aux festivités de fin d’année. En 2024, nous n’aurons plus le droit de ne pas tenir nos bonnes résolutions. Il nous faudra être au rendez-vous.

Bruno Bourgeon, président d’AID http://www.aid97400.re

D’après Alternatives Economiques du 21 Décembre 2023

Version imprimable :

PUBLICATIONS

* Courrier des lecteurs Zinfos974 du

* Tribune libre d’Imaz-Press Réunion du

* Courrier des lecteurs de Témoignages du

* Tribune libre de Clicanoo.re du

* Libre Expression sur Parallèle Sud du