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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2019-22

L’arme secrète des Remainers : à Chelsea, la pièce d’un philosophe français

The Economist, traduit par Jocelyne le Boulicaut

mercredi 27 mars 2019, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne Le BOULICAUT enseignante universitaire d’anglais retraitée pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne.

L’arme secrète des Remainers : à Chelsea, la pièce d’un philosophe français.

The Economist, Le 7 juin 2018

Remainers [partisans anti-Brexit, NdT]

Depuis le vote pour sortir de l’Union européenne, un nombre frappant de Britanniques présentent les symptômes d’un nouveau trouble de la santé, le " Syndrome de démence brexitaire ".

Le dit SDB frappe certaines des personnalités les plus éminentes du pays. Lord Adonis, ancien ministre du parti travailliste, soutient que le Brexit est « en grande partie une fabrication de la BBC. » Alastair Campbell, l’ancien conseiller en communication de Tony Blair, s’est rendu sur le bord de mer à Brighton pour y faire retentir l’Ode à la joie, jouée à la cornemuse.

Cette semaine, Bernard-Henri Lévy a démontré que le SDB n’est pas seulement un phénomène britannique. BHL, comme on l’appelle, se présente comme l’un des plus grands intellectuels publics français. Il arbore de coûteux costumes, des chemises blanches déboutonnées presque jusqu’à la taille et des cheveux élégamment stylés.

Il est régulièrement cité dans un large éventail de sujets, du génocide à la gastronomie. Le Brexit, il en est convaincu, accroîtra l’insularité de la Grande-Bretagne et privera l’UE de son « âme libérale ». Jusqu’ici ça reste raisonnable. Mais BHL s’est convaincu lui même qu’il est l’homme de la situation pour mettre fin à cette révolte populaire.

Le 4 juin dernier, au Cadogan Hall de Londres, il a joué un monologue Last Exit Before Brexit [adaptation anglaise de sa pièce Hotel Europe, NdT]. Au bar, lors de l’entracte, la langue la plus parlée était le français, suivie de l’allemand. Les quelques personnes qui parlaient anglais le faisant avec un accent des plus emprunté. La pièce est un monologue de 90 minutes, qui culminé dans une envolée lyrique : « Restez, s’il vous plaît ; oui vous le pouvez ; dernière sortie avant le Brexit. »

L’idée qu’un Français seul sur une scène à Chelsea s’en prenant aux Britanniques puisse faire changer les gens d’avis sur le Brexit était déjà farfelue. Mais la performance de BHL était encore plus étrange que cela ne le laisse supposer. Il s’est représenté lui-même, dans une chambre d’hôtel à Sarajevo préparant un discours sur le Brexit.

Il s’est démené sur scène, affichant des images sur son ordinateur, échangeant au téléphone, (Salman Rushdie, invité, a fait une apparition), se retrouvant tout habillé dans une baignoire et passant la dernière demi-heure du spectacle complètement trempé.

BHL a brossé un public paré de bijoux dans le sens du poil, traitant Boris Johnson, le ministre des Affaires étrangères, de raciste (applaudissements nourris), clamant que le Brexit réduirait la Grande-Bretagne à une petite île (applaudissements plus nourris) et demandant « l’annulation de cette catastrophe » (applaudissements encore plus nourris).

Mais il a passé la plus grande partie du temps à parler de ses chevaux de bataille : la trahison de l’Europe dans les Balkans, la laideur des coupures d’euros (« Donnez-nous des visages, pas des ponts ! »), les excès du mouvement #MeToo, les merveilles de sa propre chevelure, et sa remarquable capacité à figer les femmes pendant l’orgasme. Cela n’a peut être pas été une grande tragédie, mais cela a certainement été le plus bel exemple de SDB jamais vu.

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