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Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2019-103

Empêché de présenter son témoignage écrit sur le changement climatique, un analyste gouvernemental démissionne du département d’état.

Par Juliet Eilperin, traduit par Jocelyne le Boulicaut

mercredi 9 octobre 2019, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT enseignante universitaire d’anglais retraitée pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

Empêché de présenter son témoignage écrit sur le changement climatique, un analyste gouvernemental démissionne du département d’état.

Rod Schoonover, analyste du renseignement au département d’État, prend la parole lors d’une audition du House Intelligence Committee en juin. (Andrew Harnik/AP) [L’United States House Permanent Select Committee on Intelligence est une commission permanente du Congrès des États-Unis sous la responsabilité de la Chambre des représentants des États-Unis.NdT]

10 juillet 2019 Par Juliet Eilperin

Juliet Eilperin est correspondante principale du Washington Post pour les affaires nationales et couvre la mutation de la politique environnementale fédérale. Elle est l’auteure de deux livres, "Demon Fish : Travels Through The Hidden World of Sharks" et "Fight Club Politics : How Partisanship is Poisoning the House of Representatives" et travaille pour "The Post" depuis 1998.

Empêché le mois dernier par la Maison-Blanche de présenter au Congrès son témoignage écrit sur le changement climatique, un responsable du renseignement du département d’État démissionne de son poste.

Le 5 juin, Rod Schoonover, qui travaillait au service du renseignement et de la recherche de l’agence "Geographer and Global Issues", a expliqué, devant la Commission de la Chambre des représentants, les risques pour la sécurité encourus par les États-Unis en raison du changement climatique.

Mais les responsables de la Maison-Blanche ne l’ont pas laissé soumettre sa déclaration écrite selon laquelle les impacts climatiques pourraient être "potentiellement catastrophiques", le département d’État ayant refusé de supprimer les références aux conclusions scientifiques fédérales sur le changement climatique. [Le ’Bureau of Intelligence and Research’s Office of the Geographer and Global Issues effectue des recherches, des analyses et informe les directeurs de département sur un éventail de questions transfrontalières, l’environnement et le développement, les crises humanitaires et les réfugiés, les affaires des Nations Unies, les droits de l’homme et la sécurité, le trafic des espèces sauvages et les crimes de guerre NdT].

Des personnes au fait de la question et qui ont accepté de parler franchement sous couvert d’anonymat ont précisé que la démission de Schoonover était bien volontaire. Mais l’incident qui a conduit à son départ souligne à quel point la climatologie est devenue un terrain contesté sous l’administration actuelle.

Andrew Rosenberg, qui dirige le Centre pour la science et la démocratie de l’"Union of Concerned Scientists", a déclaré mercredi, lors d’un entretien téléphonique, que les experts fédéraux devraient être libres d’apporter leur expertise aux législateurs, même si celle-ci est en contradiction avec les opinions de quiconque siège au Bureau Ovale. [L’Union of Concerned Scientists est un groupe américain indépendant de scientifiques et de citoyens œuvrant pour trouver des solutions dans les domaines suivants : Le réchauffement global Les véhicules propres Les énergies propres L’énergie nucléaire Les armes nucléaires et la sécurité globale NdT]

"Ce n’est pas comme ça qu’on fait avancer ses opinions politiques’’, a dit Rosenberg. "C’est faire, dans un cadre politique, le travail pour lequel on a été engagé ."

Banquise en fusion

A maintes reprises, le président Trump a remis en question le consensus scientifique admettant que l’activité humaine est l’élément moteur des récents changements climatiques et que le réchauffement de la planète pose un risque majeur pour la sécurité des États-Unis.

Interrogé à ce sujet mercredi, un représentant du département d’État a confirmé que Schoonover allait démissionner vendredi. Schoonover, qui a travaillé au sein du gouvernement fédéral pendant environ une décennie, n’a pu être joint pour commentaires. Avant de travailler au "Bureau of Intelligence and Research", il a été directeur de l’environnement et des ressources naturelles au "National Intelligence Council" et a été titulaire de la chaire de chimie et de biochimie à la "California Polytechnic State University" de San Luis Obispo. [Lire les commentaires des officiels de la Maison Blanche sur le témoignage du Département d’Etat sur le climat]

Selon des documents obtenus par le Washington Post, trois départements de la Maison-Blanche : le bureau des affaires législatives, celui de la gestion et du budget et le conseil national de sécurité, ont soulevé des objections quant à certaines parties du témoignage du bureau du renseignement du département d’état. Finalement, le bureau des affaires législatives a pris la décision de ne pas soumettre le document à la Commission du Congrès".

Sécheresse

L’une des déclarations auxquelles les fonctionnaires de la Maison-Blanche se sont opposés était l’observation suivante : "En absence de facteurs ou d’événements atténuants d’ampleur importante, nous prévoyons peu de scénarios futurs plausibles dans lesquels les effets cumulés du changement climatique ne causent pas de ravages importants — voire catastrophiques."

Le mois dernier, après que le Post eut rapporté que ce témoignage avait été supprimé, le président de la Commission, le Représentant Démocrate Adam B. Schiff (Californie), a exigé que les responsables de deux agences fédérales de renseignement fournissent des documents sur l’incident. Selon un assistant du comité, ni le bureau du renseignement et de la recherche ni le bureau du directeur du renseignement national ne se sont encore conformés à la demande de la Commission du Congrès.

Dans une déclaration, Schiff a précisé : "Le rôle de la communauté du renseignement est de dire la vérité au pouvoir — c’est la raison pour laquelle nous enquêtons sur des compte-rendus indiquant que la Maison-Blanche a cherché à passer sous silence les témoignages scientifiques sur les répercussions du changement climatique sur la sécurité nationale, y compris le témoignage du Dr Schoonover devant notre commission le mois dernier. Nous inviterons M. Schoonover à revenir devant notre commission pour faire la lumière sur les tentatives présumées de censure concernant son témoignage écrit et nous continuerons de faire pression pour obtenir les documents de la communauté du renseignement concernant l’audition de la commission, afin que cela ne se reproduise jamais".

Rosenberg a déclaré que même si Schoonover est parti de lui-même, la controverse entourant son témoignage pourrait intimider d’autres experts dans les rangs du gouvernement fédéral : "C’est un signal terrible pour les agents fédéraux en général, pour les gens du département d’État en particulier qui ne savent pas ce qu’ils peuvent dire dans leurs échanges avec les autres pays et au journal "The Hill" [The Hill est un journal politique américain et un site Web publié à Washington, D.C. depuis 1994 Il est publié par Capitol Hill Publishing, qui appartient à News Communications, Inc., NdT]".

Alors même que les échos de l’audition sur le climat du mois dernier se confirment, la Maison-Blanche a décidé d’abandonner l’idée controversée de la création d’un groupe chargé de remettre en question les propres conclusions du gouvernement fédéral sur le changement climatique. Le groupe de travail, piloté par le directeur principal de la NSC [Conseil de la sécurité Nationale NdT], William Happer, fait l’objet de discussions depuis des mois, mais se heurte à l’opposition de membres de la communauté du renseignement et de la défense, ainsi que de certains des scientifiques nommés par Trump lui-même.

E&E News [Actualités de l’Environnement et l’Energie NdT] a été le premier à rapporter mardi que la rencontre avec les experts scientifiques du climat avait été reportée sine die. Deux personnes interrogées sous couvert d’anonymat, n’étant pas autorisées à s’exprimer, ont confirmé le report.

Myron Ebell, qui dirige le "Center for Energy and Environment du Competitive Enterprise Institute"[Le Competitive Enterprise Institute est un groupe de réflexion conservateurlibertarien à but non lucratif fondé par l’écrivain politique Fred L. Smith Jr. le 9 mars 1984 à Washington, DC, dans le but de promouvoir les principes de gouvernement limité, de libre entreprise et de liberté individuelle NdT], a attribué cette décision à un calcul politique des consultants de la campagne de réélection de Trump, ils lui ont affirmé : "Nous avons des sondages qui montrent qu’il faut mettre l’accent sur les réalisations environnementales et ne pas se lancer dans des trucs controversés qui donneront lieu à une mauvaise presse, comme s’attaquer aux sciences du climat."

Les responsables de la NSC ont refusé de commenter le statut de la commission mort-née sur le climat.

Francesco Femia, directeur général du "Council on Strategic Risks" et cofondateur du "Center for Climate and Security", s’est félicité de la décision d’abandonner la création de ce groupe de travail.

Dans un courriel, Femia a déclaré : "L’exigence minimale est que la Maison-Blanche ne politise jamais les analyses de la science ou du renseignement, donc, dans des circonstances normales, ce n’est pas là quelque chose dont il faudrait se féliciter. Mais il est quand même satisfaisant de voir échouer cette manœuvre politique. Les milieux de la sécurité nationale, de l’armée, du renseignement et des sciences s’y sont fermement opposés et le résultat confirme que défendre l’intégrité de notre système démocratique est important, d’autant plus que trop de nos dirigeants politiques ne le feront pas."

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