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78 ème chronique de la Macronésie

CM78 - L’art du lobbying scientifique

par Dr Bruno Bourgeon, porte-parole d’AID

dimanche 14 octobre 2018, par JMT

Nous sommes déjà dans le deuxième siècle sinon du contrôle social total, du moins de l’application des techniques qui visent à faire que le bon peuple abreuvé de radio, de télé, de journaux et de rézosocios fasse ce qu’on lui demande de faire.

Pourquoi ces techniques tous azimuts ? parce que rien ne doit entraver les rêves de domination mondiale (vous avez dit N.O.M. ?) dans lesquels certains voient la solution aux problèmes de la planète et de l’humanité, parce que le pouvoir est une drogue parfaitement addictive et que, soit dans les grands états ou dans les multinationales,nul ne veut perdre son pouvoir, c’est à dire les énormes avantages qu’il procure et surtout l’impression de puissance sans laquelle la vie paraîtrait ensuite bien fade.

Tout le monde essaie d’appliquer ces techniques mais la Macronésie s’en est fait une spécialité, que se soit avant et pendant la campagne présidentielle et maintenant au contrôle de l’Etat. Toutefois, nous ne sommes pas aux USA et les français cabochards, individualistes mais néanmoins solidaires, semblent parfois renâcler, au moins pour une fraction d’entre eux et tout ne se passe pas comme c’était prévu.

Le pouvoir essaie donc d’aller "plus vite que la musique" et il commet des bourdes. Il est vrai que souvent les grandes causes on avorté pour de petites raisons, par exemple d’intendance qui ne suit pas forcément, surtout si les sous-fifres ne sont pas aussi performants qu’on pourrait le souhaiter.

C’est là l’inconvénient d’être encore obligé de s’en remettre à la populace (les derniers de cordée, les sans-dents, la France d’en-bas, chaque époque a son expression ) pour exécuter des ordres dont elle ne comprend pas toujours l’ardente obligation, surtout si on lui demande au passage de se serrer la ceinture ou si elle se doute qu’elle fera partie des sacrifiés ou des dégâts collatéraux inhérents à tout grand dessein.

L’art du lobbying scientifique

Certaines multinationales travestissent la vérité pour maintenir sur le marché des produits jugés nocifs. Grâce au soutien de scientifiques de renom. Et depuis des décennies.

Le professeur Michel Aubier est la première personne condamnée en France pour avoir menti sous serment lors d’une commission sénatoriale. Deux ans plus tôt, en avril 2015, le pneumologue remplaçait Martin Hirsch, directeur de l’AP-HP, pour répondre aux questions des sénateurs sur le coût financier de la pollution de l’air.

Quand celle-ci coûte entre 68 et 97 milliards d’euros/an selon le Sénat, les dépenses liées aux pathologies respiratoires ne représenteraient, selon Michel Aubier, qu’entre 2 à 5 millions/an pour l’AP-HP.

Peu après, Le Canard enchaîné et Libération révéleront que Michel Aubier touchait un salaire de Total depuis 1997 en tant que « médecin-conseil » et qu’il est membre du conseil d’administration de la Fondation Total depuis 2007. Lors de la perquisition à son domicile, les enquêteurs ont trouvé les copies de ses contrats. Payé 6 000 euros et une voiture de fonction, en plus de son activité à l’hôpital public, le professeur Aubier touchait 100 000 euros/an ; soit une somme d’un million d’euros au total.

Y-a-t-il libre arbitre chez le pneumologue ? Les stratèges des industriels savent exploiter la ressource que constitue la complexité de l’âme humaine. Un diplôme de médecine ou une thèse en chimie n’ont jamais garanti l’esprit clair. Depuis Edward Bernays, le neveu de Freud, les influenceurs sont de grands lecteurs de psychologie expérimentale.

L’efficacité du lobbying repose sur l’identification des experts reconnus dans chacun des domaines et sur leur recrutement comme consultants ou conseillers, ou sur l’attribution de subventions de recherche. Cet exercice requiert subtilité : les expert ne doivent pas se rendre compte qu’ils ont perdu leur objectivité. Ainsi, la menace de les voir se rendre disponibles pour témoigner à l’encontre des intérêts des firmes est réduite.

Encore faut-il identifier les « bons » scientifiques. Le repérage et la sélection ont plusieurs étapes. Une liste de consultants potentiels doit être préparée, et les scientifiques sont ensuite contactés un à un. A partir des CV récupérés auprès d’eux, il leur est demandé leur opinion sincère en tant que consultants indépendants, et s’ils manifestent un intérêt pour aller plus loin. L’idée est qu’ils soient capables de faire de la recherche et stimuler la controverse pour que les responsables des affaires publiques en fassent usage. Ce n’est jamais du hasard. Les rassemblements scientifiques et leurs à-côtés sont essentiels.

Les industriels ont besoin d’être en confiance. Ils ne peuvent pas prendre le risque de démarcher des scientifiques non alignés. Certains sont faciles à identifier. Ainsi, le géophysicien français Vincent Courtillot est membre du conseil scientifique du think tank climatosceptique Global Warming Policy Foundation parce qu’il est climatosceptique .

Entre un industriel et un savant, il faut que ça « colle » d’un point de vue scientifique et dans l’état d’esprit. Les deux vont de pair. La correspondance entre idées scientifiques et idées politiques est récurrente. Cette proximité avec l’industrie coïncide avec une vision du champ scientifique dans lequel on opère, et une façon d’aborder ses problématiques. Reste que l’image du savant incorruptible en est gravement écornée.

Bruno Bourgeon
D’après « Lobbytomie. Comment les lobbies empoisonnent nos vies et la démocratie », de Stéphane Horel (La Découverte, 368 pages, 21,50 euros)

Et Le Monde du 09/10/2018

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PUBLICATION DANS LES MEDIAS LOCAUX

* Courrier des lecteurs de Zinfos974 du Vendredi 12 Octobre 2018 - 16:00

* Courrier des lecteurs d’ Imaz-Press Réunion publié le

* Courrier des lecteurs dans Le Quotidien de la Réunion du

LIENS

* Lobbytomie
Comment les lobbies empoisonnent nos vies et la démocratie par Stéphane HOREL

Lobby des pesticides. Lobby du tabac. Lobbies de la chimie, de l’amiante, du sucre ou du soda. On évoque souvent les « lobbies » de façon abstraite, créatures fantastiques venues du mystérieux pays du Marché, douées de superpouvoirs corrupteurs et capables de modifier la loi à leur avantage. Pourtant, les firmes qui constituent ces lobbies ne sont pas anonymes et leur influence n’a rien de magique. Leurs dirigeants prennent en toute conscience des décisions qui vont à l’encontre de la santé publique et de la sauvegarde de l’environnement.

C’est cet univers méconnu que Stéphane Horel, grâce à des années d’enquête, nous fait découvrir dans ce livre complet et accessible. Depuis des décennies, Monsanto, Philip Morris, Exxon, Coca-Cola et des centaines d’autres firmes usent de stratégies pernicieuses afin de continuer à diffuser leurs produits nocifs, parfois mortels, et de bloquer toute réglementation. Leurs responsables mènent ainsi une entreprise de destruction de la connaissance et de l’intelligence collective, instrumentalisant la science, créant des conflits d’intérêts, entretenant le doute, disséminant leur propagande.

Dans les cercles du pouvoir, on fait peu de cas de ce détournement des politiques publiques. Mais les citoyens n’ont pas choisi d’être soumis aux projets politiques et économiques de multinationales du pétrole, du désherbant ou du biscuit. Une enquête au long cours, à lire impérativement pour savoir comment les lobbies ont capturé la démocratie et ont fait basculer notre système en « lobbytomie ».

Version papier : 21,50 € Version numérique : 14,99 €

Stéphane Horel, journaliste indépendante et collaboratrice du Monde, explore de longue date l’impact du lobbying et des conflits d’intérêts sur les décisions politiques. En 2017, son travail sur les perturbateurs endocriniens - qui a donné lieu au livre Intoxication, La Découverte, 2015 - a été récompensé par le prix Louise Weiss du journalisme européen. En 2018, elle a reçu, avec Stéphane Foucart, le European Press Prize de l’investigation pour leur série sur les Monsanto Papers publiée dans Le Monde.

* FRANCE INTER - Grand bien vous fasse 17 octobre 2018 - 10h05
Ali Rebeihi reçoit Stéphane Horel, auteure du livre Lobbytomie.

*Le Monde du 09/10/2018
LE MONDE | 09.10.2018 à 14h25 • Mis à jour le 09.10.2018 à 15h28

Bonnes feuilles. Depuis des décennies, certaines multinationales travestissent la vérité pour maintenir sur le marché des produits pourtant jugés nocifs. S’assurant, notamment, pour y parvenir, le soutien de scientifiques de renom. Journaliste d’investigation et collaboratrice du Monde, Stéphane Horel a enquêté sur ces méthodes dans son livre Lobbytomie. Comment les lobbies empoisonnent nos vies et la démocratie, en librairie le 11 octobre (La Découverte, 368 pages 21,50 euros).

En costume sombre malgré la chaleur de plomb, le professeur Michel Aubier tourne le dos au public. Il est assis seul, quasi immobile dans l’inconfort fessier de cette banquette en bois du palais de justice qui n’a d’égal que ces bons vieux bancs de messe. 14 juin 2017, 31e chambre correctionnelle de Paris. Alors qu’il vient tout juste de prendre sa retraite, à 69 ans, l’histoire se souviendra de lui comme de la première personne condamnée en France pour avoir menti sous serment lors d’une commission d’enquête parlementaire. Et celui par qui la question du conflit d’intérêts en médecine est arrivée dans un tribunal. Six mois de prison avec sursis et une amende de 50 000 euros.

Deux ans plus tôt, en avril 2015, le pneumologue était envoyé remplacer le directeur de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Martin Hirsch, pour répondre aux questions des sénateurs sur le coût financier de la pollution de l’air. Aux élus, le chef de service à l’hôpital Bichat (Paris) tient des propos identiques à ceux qu’il avance dans les émissions télévisées où on l’invite souvent : l’impact du diesel sur la santé est minime. Quand la pollution de l’air extérieur coûte entre 68 et 97 milliards d’euros par an en France selon les conclusions du Sénat, les dépenses liées aux pathologies respiratoires ne représenteraient, selon Michel Aubier, qu’entre 2 à 5 millions par an pour l’AP-HP. Dans ce cadre solennel du Palais du...