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89 ème chronique de la Macronésie

CM89 - Ne faisons pas du climat l’ennemi du pouvoir d’achat

par Dr Bruno Bourgeon, porte-parole d’AID

vendredi 30 novembre 2018, par JMT

Hausse récente des carburants ? à part d’avoir été le désastreux déclencheur d’une révolte contre un gouvernement imprévoyant, elle n’est effectivement qu’une goutte dans l’ampleur des désastres qu’il faudra régler , pour le coup "en même temps", vu que le temps manque, car les ressources manquent.

Et la Macronésie et ses têtes d’oeuf shootées à la comptabilité monétaire ou planant dans des mondes virtuels , mais vrais gouffres énergétiques, feraient bien de se reconvertir et de retomber dans le monde réel, parler kWh, (kilo)calories ingérables, tonnes de métaux contenues dans des minerais exploitables, s’intéresser aux lois physiques qui empêchent par exemple la chaîne de transformation d’une énergie renouvelable de se développer plus vite que l’inverse du nombre d’années de fonctionnement nécessaire pour qu’elle produise l’énergie consommée par sa création et son fonctionnement, ce qui est de nature à faire voler plein de jolis plans , sauf à accepter encore pendant 20 ou 30 ans à consommer massivement des énergies non renouvelables, qu’elles soient hydrocarbonées ou nucléaires !

Et il y a toujours l’autre côté du miroir : on peut produire mieux surtout si on produit moins, ce qui veut dire qu’on devra consommer moins, et sauf à réduire drastiquement la consommation des 10% plus riches sur la Terre dont font partie 90% des français pour revenir rapidement à une empreinte écologique de l’humanité de 1 Terre maximum (en fait un peu moins pour que les animaux aient leur part !) . Comme il est plus qu’évident, à entendre notamment des interviews de gilets jaunes, que beaucoup de français sont encore à viser une amélioration de leur niveau de vie, on ne réussira le pari de la survie qu’en diminuant le nombre de tous ceux qui consomment plus de la moyenne jusqu’à ce que leur enveloppe collective suffise pour ceux qui resteront. Cela veut dire la fin immédiate de toutes les politiques natalistes, et une modification des modes de vie pour que les enfants plus rares continuent à être socialisés pour ne pas recommencer l’individualisme mortifère qui curieusement a été le grand produit de Mai 68 et des années 60 en général qui pourtant étaient (bien ) parties dans une direction plus collective, mais le vieux monde et les puissances d’argent ont rapidement sifflé la fin de la récré ! Est-ce que les gilets jaunes seront le même détonateur à 50ans et demi de distance que la révolte étudiante de 68 ?

Ne faisons pas du climat l’ennemi du pouvoir d’achat

La hausse récente des carburants ne représente qu’une fraction des efforts nécessaires pour tenir les objectifs climatiques. La grogne des Gilets Jaunes nous rappelle l’importance de concilier protection du pouvoir d’achat et protection du climat. En France, un ménage génère 26 tonnes de CO2/an (en incluant les produits importés). Passer de 26 tonnes à zéro coûtera 2.000 à 3.000 euros par an, soit la moitié du budget d’alimentation du ménage ou la totalité de l’impôt sur le revenu des personnes physiques. Le transport est l’un des secteurs qui fait le plus d’efforts pour intégrer le coût réel du CO2. L’industrie et la construction ont encore plus d’efforts à accomplir.

On pensait cet effort plus progressif car lissé par la croissance : si elle avait été de 3 %, les revenus auraient augmenté d’ici à 2030 d’un montant suffisant pour financer dix fois l’effort climatique. Malheureusement, la richesse par tête n’a augmenté que de 0,3 %/an depuis dix ans. Pour les plus modestes, elle stagne depuis 2002. Ces derniers sont pris en tenaille entre un pouvoir d’achat stable et des coûts en hausse : selon l’OFCE, la trajectoire carbone coûtera en 2022 50 % de l’épargne des 20 % des Français les plus modestes, contre 25 fois moins (moins de 2 %) pour les 20 % les plus riches. Intenable.

Pourtant, il faut agir : si nous ne faisons rien, les conséquences directes seront encore pires, sans compter les impacts indirects, comme la hausse des migrations climatiques. Mais l’ampleur de l’effort nous impose, d’une part d’assurer qu’il soit réalisé aussi efficacement que possible, et d’autre part que ses effets massifs sur le pouvoir d’achat soient amortis.

D’abord, le coût de la transition climatique sera réduit si nous nous focalisons sur les solutions aux coûts/t de CO2 les plus bas. Ainsi, mieux vaut isoler les habitations énergivores que promouvoir les biocarburants (jusqu’à 1.000 euros la t de CO2). De même, certaines énergies peu carbonées ont un intérêt limité si elles sont placées au mauvais endroit (solaire dans le Nord) ou si elles induisent des coûts déraisonnables de stockage ou d’ajustement de la consommation.

Ensuite, s’il est vrai que le plus efficace pour décarboner l’économie est de nous confronter au vrai prix du CO2, on doit en traiter les effets sur le pouvoir d’achat de façon systématique. Les hausses de taxe carbone à venir devront être associées à un mécanisme structurel de soutien du pouvoir d’achat. Par exemple, une prime pour la transition climatique (PTC) forfaitaire, calculée en fonction du besoin initial de mobilité et de chauffage des ménages. Elle limiterait l’appauvrissement en compensant le niveau initial de la taxe carbone, tout en gardant l’effet d’incitation à réduire les émissions, puisque les produits carbonés verront leur coût augmenter.

Il existe déjà des aides à la décarbonation que la création d’une telle prime pourrait unifier, tout en apportant la garantie que la hausse de la fiscalité verte aura des objectifs climatiques plutôt que financiers. Comme la prime d’activité, créée pour éviter les trappes à bas salaires, la PTC limiterait les trappes à pauvreté climatique qui risquent d’être créées par l’ampleur de l’effort de décarbonation, notamment pour les plus modestes. Il faut reconnaître au gouvernement d’Edouard Philippe son ambition sur le climat, mais cette ambition nécessite justement de ne pas faire du climat l’ennemi du pouvoir d’achat.

Et si cela coûte de l’argent, il y a des moyens de s’en procurer : évidemment cela ne va pas dans le sens idéologique gouvernemental. Par exemple, taxer à hauteur de 40 % les dividendes non réinvestis des entreprises du CAC40 : il y a là 80 milliards à prendre. Par exemple encore, la taxe sur les transactions financières à la Bourse, dite Tobin. Par exemple enfin, la chasse à l’évasion fiscale : évidemment, quand on voit que le président de l’UE, Jean-Claude Juncker, est un champion en la matière, voilà un très mauvais signe donné aux Gilets Jaunes. Là encore, 100 milliards annuels peuvent être perçus.

Bref, mieux vaut une décarbonation contrôlée que subie, car elle sera inéluctable avec l’augmentation constante de la demande en pétrole (ce qui n’est pas le cas en Europe depuis 2010) alors que la production et les réserves ont atteint leur pic en 2006. La croissance n’est plus de mise, l’avenir est à la contraction de l’économie.

Bruno Bourgeon D’après Vincent Champain, co-président de l’Observatoire du long terme

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PUBLICATION DANS LES MEDIAS LOCAUX

* Courrier des lecteurs de Zinfos974 du Vendredi 30 Novembre 2018 - 10:28

* Courrier des lecteurs de Clicanoo.re du Vendredi 30 nov 2018, 12h02

* Courrier des lecteurs d’ Imaz-Press Réunion publié le

* Courrier des lecteurs dans Le Quotidien de la Réunion du

LIEN

* Ne faisons pas du climat l’ennemi du pouvoir d’achat
Vincent Champain / Président de l’Observatoire du long terme Le 27/11 à 08:50

* Vincent Champain sur Wikipédia

* Observatoire du Long Terme