AID Association Initiatives Dionysiennes

Ouv zot zié !

Accueil > Services publics, notre bien commun ! > Santé et sécurité sociale > Le monde d’après le coronavirus

Traduction d’AID pour Les-crises.fr n° 2020-29

Le monde d’après le coronavirus

Par Yuval Noah Harari, traduit par Jocelyne le Boulicaut

vendredi 1er mai 2020, par JMT

AID soutient financièrement le très intéressant site "Les-crises.fr" depuis plusieurs années. Nous avons fait un pas de plus en participant aux traductions des textes anglais quand le site fait appel à la solidarité de ses adhérents. Nous avons donc mandaté une de nos adhérentes, Jocelyne LE BOULICAUT enseignante universitaire d’anglais retraitée pour y participer en notre nom et nous indemnisons son temps passé avec notre monnaie interne

Le monde d’après le coronavirus

Par Yuval Noah Harari, le 20 mars 2020

Yuval Harari est l’auteur de ‘Sapiens’, ‘Homo Deus’ et ‘21 Lessons for the 21st Century’

La tempête passera, mais les choix que nous faisons aujourd’hui pourraient changer nos vies pour les années à venir.

L’humanité fait actuellement face a une crise mondiale. Sans doute la crise la plus importante de notre génération. Les décisions que les peuples et les gouvernements vont prendre dans les prochaines semaines dessineront probablement le monde des années à venir. Elle ne façonneront pas seulement nos systèmes de santé mais aussi nos économies, nos comportements politiques et culturels.

Nous devons passer à l’action rapidement et sans hésitation. Mais nous devons également prendre en compte les conséquences à long terme de nos actions. Au moment de choisir entre différentes options nous devons nous poser la question non seulement de savoir comment surmonter la menace immédiate mais aussi du type de monde que nous voulons habiter après le passage de la tempête. Alors, oui cette tempête passera, l’humanité survivra, la plupart d’entre nous survivrons, mais nous vivrons dans un monde différent.

De nombreuses mesures d’urgence à court terme seront des mesures de survie. C’est là, la nature même des urgences. Elles accélèrent les prises de décisions. Elles permettent de prendre ces dernières en quelques heures alors que normalement cela prendrait des années de délibérations.

Des technologies encore embryonnaires ou même dangereuses sont mises en application sous la contrainte car le risque de ne rien faire est encore plus grand. Des pays entiers servent de cobaye pour des expérimentations sociales à grande échelle.

Qu’est-ce qui se produit quand tout le monde travaille de chez soi et communique uniquement à distance ? Qu’est ce qui se produit quand des écoles, des universités entières se mettent à travailler en ligne ? En temps normal les gouvernements, le monde des affaires et les institutions scolaires n’auraient jamais accepté de mener de telles expériences. Mais nous ne sommes pas en temps normal.

En cette période de crise nous faisons face a deux choix particulièrement importants : le premier consiste à choisir entre surveillance totalitaire et responsabilisation citoyenne. Le second est celui entre l’isolement nationaliste et la solidarité mondiale.

Le Colisée à Rome © Graziano Panfili

Une surveillance implantée sous la peau

Afin d’arrêter l’épidémie, des populations entières doivent se soumettre à certaines directives. Il y a deux principaux moyens pour y parvenir. Une des méthodes revient pour un gouvernement à gérer sa population en punissant ceux qui contreviennent aux règles. Aujourd’hui pour la première fois dans l’histoire de l’humanité il existe une technologie qui permet de surveiller chacun en permanence.

Il y a 50 ans le KGB ne pouvait suivre 240 millions de citoyens soviétiques 24 heures sur 24 et encore moins espérer gérer toutes les informations recueillies. Le KGB s’appuyait sur des agents humains et des analystes, mais ne pouvait tout simplement pas mettre un agent derrière chaque citoyen. Mais aujourd’hui au lieu de mouchards en chair et en os, les gouvernements peuvent compter sur des détecteurs omniprésents et de puissants algorithmes.

Dans le cadre de leur lutte contre l’épidémie de coronavirus, plusieurs gouvernements ont déjà mis en place de nouveaux outils de surveillance. Le plus représentatif en ce domaine est celui de la Chine.

En contrôlant rigoureusement les smartphones, en utilisant des centaines de millions de caméras à reconnaissance faciale, et en obligeant les personnes à contrôler leur température corporelle et à signaler leur état médical, les autorités chinoises peuvent non seulement identifier rapidement les individus susceptibles d’être porteurs de coronavirus mais aussi tracer leurs déplacements et identifier tous ceux qui auront été en contact avec eux. Une série d’applications permettent d’avertir les citoyens de la proximité d’un sujet contaminé.

Place Beato Roberto à Pescara © Graziano Panfili

Au sujet de la photo
Les images accompagnant cet article proviennent de caméras de surveillance connectées surveillant les rues désertes en Italie. Elles ont été trouvées et exploitées par Graziano Panfili, un photographe actuellement confiné.

Ce type de technologie ne se limite pas à l’est asiatique. Le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, vient récemment d’autoriser les services de sécurité israéliens à utiliser des technologies de surveillance normalement réservées aux terroristes afin de tracer les patients infectés par le coronavirus. Lorsque la sous-commission parlementaire en charge de cette affaire a refusé d’autoriser cette mesure, Netanyahou l’a court-circuitée par l’intermédiaire d’un décret d’"urgence".

Vous pouvez bien-sûr dire qu’il n’y a rien de bien nouveau dans tout ça. Ces dernières années, autant de gouvernements que de groupes divers ont utilisés des technologies encore plus sophistiquées pour tracer, surveiller et contrôler les gens. Pourtant si nous n’y sommes pas attentifs, cette épidémie pourrait néanmoins marquer un grand tournant décisif dans l’histoire de la surveillance.

Non seulement parce qu’elle pourrait banaliser le déploiement d’outils de surveillance de masse dans des pays qui ont jusqu’à maintenant rejeté ce choix, mais plus encore parce que cela serait le signe d’une transition spectaculaire pour passer d’une surveillance "sur la peau" à une surveillance "sous la peau".

Jusqu’à maintenant quand votre doigt touchait l’écran de votre smartphone et cliquait sur un lien, le gouvernement voulait savoir sur quoi exactement votre doigt avait appuyé. Mais avec le coronavirus le niveau d’intérêt évolue. Maintenant, le gouvernement veut connaître la température de votre doigt et la pression sanguine sous votre peau.

Vue de la Casa Universitaria à Lodi © Graziano Panfili

Le pudding de l’urgence

Un des problèmes auquel nous devons faire face pour déterminer notre position en ce qui concerne cette surveillance est qu’aucun d’entre nous ne sait exactement comment nous sommes surveillés et ce que les années à venir apporteront. Les technologies de surveillance se développent à une vitesse fulgurante et ce qui ressemblait à de la science-fiction il y a 10 ans n’est déjà plus d’actualité.

Comme exercice de réflexion, prenons l’exemple d’un gouvernement hypothétique qui exigerait que chaque citoyen porte un bracelet biométrique qui contrôle sa température corporelle et son rythme cardiaque 24 heures sur 24. Les données qui en résultent sont stockées et analysées par les algorithmes du gouvernement.

Ces derniers sauront que vous êtes malades avant même que vous ne le sachiez, et ils sauront également où vous êtes allés, et qui vous avez rencontré. Les chaînes d’infection pourraient en être considérablement raccourcies, voire complètement interrompues. On peut admettre qu’un tel système pourrait arrêter une épidémie en quelques jours. Cela semble merveilleux, n’est-ce pas ?

Le revers de la médaille bien sûr, est que ceci donnerait toute légitimité à un nouveau système de surveillance terrifiant. Si vous savez par exemple que j’ai cliqué sur un lien Fox News plutôt que sur un lien CNN cela vous apprend quelque chose sur mes opinions politiques et peut-être même ma personnalité.

Mais si vous pouvez surveiller l’évolution de ma température corporelle, ma pression sanguine et mon rythme cardiaque lorsque je regarde un clip vidéo, alors vous pouvez savoir ce qui me fait rire, ce qui me fait pleurer et ce qui me met vraiment, mais vraiment en colère.

Il est vital de se souvenir que la colère, la joie, l’ennui et l’amour sont des phénomènes biologiques au même titre que la fièvre ou la toux. Cette même technologie qui est capable d’identifier la toux peut aussi identifier le rire. Et si des entreprises et des gouvernements commencent à recueillir en masse nos données biométriques, ils peuvent finir par nous connaître mieux que nous même, et ils peuvent non seulement prévoir nos sentiments mais aussi les manipuler et nous vendre tout ce qu’ils veulent — qu’il s’agisse d’une marchandise ou d’une personnalité politique.

La surveillance biométrique pourrait faire passer les techniques de hacking des données de Cambridge Analytica pour quelque chose appartenant à l’âge de pierre. Imaginez la Corée du Nord en 2030, chaque citoyen doit porter un bracelet biométriques 24 heures sur 24. Si vous écoutez un discours du grand leader et que le bracelet détecte des informations de signes de colère, vous êtes coincés.

La plage de Porto San Giorgio, Mer Adriatique © Graziano Panfili

On peut évidemment considérer la surveillance biométrique comme une mesure temporaire prise dans une situation d’urgence. Elle devrait disparaître une fois l’urgence terminée. Mais les mesures temporaires ont la sale habitude de survivre aux urgences, surtout parce qu’il y a toujours une nouvelle urgence émergeant à l’horizon.

Israël, par exemple, mon pays d’origine, a déclaré l’état d’urgence pendant la Guerre d’indépendance de 1948, ce qui a justifié toute une panoplie de mesures temporaires allant de la censure de la presse et la confiscation des terres jusqu’à un protocole spécial pour faire les puddings (je ne plaisante pas).

La Guerre d’indépendance a depuis longtemps été gagnée, mais Israël n’a jamais déclaré la fin de l’état d’urgence et n’a jamais abrogé les mesures "temporaires" de 1948 (seul le décret concernant les puddings a heureusement été aboli en 2011).

Même quand le nombre des infections à coronavirus sera proche de zéro, certains gouvernements avides de données pourraient prendre prétexte du fait qu’ils ont besoin de maintenir en place le système de surveillance biométrique parce qu’ils craignent une seconde vague d’infection à coronavirus ou parce qu’une nouvelle souche d’Ebola est en train de naître au centre de l’Afrique, ou parce que... les idées ne manquent pas !

La bataille fait rage, ces dernières années au sujet de vos données personnelles. La crise du coronavirus pourrait être le point de basculement de cette bataille, parce que si les gens ont le choix entre vie privée et santé, ils choisissent généralement la santé.

Le Palais Royal à Caserta © Graziano Panfili

La police du savon

Demander aux gens de choisir entre vie privée et santé est effectivement la racine même du problème. Parce que les termes du choix sont mal posés. On peut et on doit pouvoir garantir vie privée et santé tout à la fois. On peut choisir de protéger sa santé et arrêter l’épidémie de coronavirus non pas en mettant en place des systèmes de surveillance de type totalitaire mais plutôt en responsabilisant les citoyens.

Ces dernières semaines les efforts les plus réussis pour endiguer l’épidémie à coronavirus ont été orchestrés par la Corée du Sud, Taiwan et Singapour. Alors que ces pays avaient certes utilisé des applications de traçage de la population, ils ont bien plus fait confiance à une généralisation des tests, des compte-rendus sincères, et la coopération volontaire d’une population bien informée.

Une surveillance généralisée et de sévères punitions ne sont pas les seuls moyens pour faire adhérer une population à des mesures bénéfiques. Lorsqu’on explique aux gens les faits scientifiques et lorsque la population a confiance dans les autorités publiques qui les lui divulguent, alors les citoyens peuvent faire ce qu’il faut, même sans avoir un Big Brother qui surveille par dessus leur épaule. Une population bien informée qui tire d’elle-même sa motivation a souvent bien plus de force et d’efficacité qu’une population ignorante et sous contrainte.

Prenons l’exemple du lavage des mains avec du savon. Voilà qui a été une des plus grandes avancées des hommes en matière d’hygiène. Ce simple geste sauve des millions de vies chaque année.

Nous considérons cela comme acquis, mais ce n’est qu’au dix neuvième siècle que les scientifiques ont découvert la raison de l’importance de ce geste. Avant cela, les médecins et les infirmières passaient d’une intervention chirurgicale à l’autre sans se laver les mains.

Aujourd’hui des milliards de personnes se lavent les mains chaque jour, non parce qu’elles ont peur de la police des savons, mais plutôt parce qu’elles ont compris les faits. Je lave mes mains avec du savon parce que j’ai entendu parler de virus et de bactéries, j’ai compris que ces minuscules organismes peuvent provoquer des maladies et je sais que le savon les élimine.

Front de mer du fort de Marmi à Versillia © Graziano Panfili

Pour arriver à un tel niveau d’adhésion et de coopération, vous devez passer par la confiance. Les gens ont besoin de faire confiance à la science, d’avoir confiance dans les autorités publiques et de faire confiance aux médias. Ces dernières années, des politiciens irresponsables ont délibérément miné la confiance dans la science, les autorités publiques et les médias.

Maintenant ces mêmes politiciens irresponsables pourraient bien être tentés d’emprunter l’autoroute de l’autoritarisme, prenant pour prétexte qu’on ne peut tout simplement pas faire confiance aux gens pour faire ce qu’il faut.

Évidemment la confiance érodée par les années ne peut pas être reconstruite en une nuit. Mais nous ne vivons pas des temps normaux. En période de crise, les esprits aussi évoluent rapidement. Vous pouvez avoir des différends amers avec vos proches pendant des années, mais lorsque survient une urgence, vous vous découvrez soudain des ressources cachées de confiance et d’amitié, et vous vous précipitez pour vous porter réciproquement assistance.

Au lieu de mettre en place un régime de surveillance, il n’est pas trop tard pour restaurer la confiance de la population dans la science, l’autorité publique et les médias. Vous devrez bien sûr utiliser aussi les nouvelles technologies, mais celles-ci doivent laisser le pouvoir aux citoyens.

Je suis entièrement d’accord pour que ma température corporelle et ma pression sanguine soient surveillées, mais ces données ne doivent pas être utilisées pour créer un gouvernement tout-puissant. Bien au contraire ces données doivent me permettre de mieux orienter mes choix personnels et de tenir le gouvernement pour comptable de ses décisions.

Si je pouvais tracer mon état de santé 24 heures par jour, je saurais non seulement si je suis devenu un danger pour la santé des autres, mais aussi quelles pratiques influent sur ma santé. Et si je pouvais accéder et analyser des statistiques fiables sur la diffusion du coronavírus, je serais à même de savoir si le gouvernement me dit la vérité et s’il adopte les mesures qu’il faut pour combattre l’épidémie.

Il faut savoir qu’à chaque fois que les gens parlent de surveillance, celle-ci peut être utilisée non seulement par les gouvernements pour surveiller les individus mais aussi par les individus pour contrôler les gouvernements.

L’épidémie de coronavirus est donc un test majeur en ce qui concerne la citoyenneté. Dans les jours à venir, chacun de nous devra choisir entre faire confiance aux faits scientifiques et aux experts médicaux, ou bien croire en des théories complotistes infondées et les intérêts personnels de politiciens.

Si nous échouons à faire le bon choix, nous pourrions être amenés à abandonner nos libertés les plus précieuses en pensant que c’est la seule manière de sauvegarder notre santé.

Nous avons besoin d’un plan mondial

Le second choix important auquel nous sommes confrontés c’est celui qui concerne l’isolement nationaliste et la solidarité mondiale. Tant l’épidémie elle-même que la crise économique qui en découle sont des problèmes mondiaux. Elles ne peuvent être réglées de façon efficace qu’au travers d’une coopération mondiale.

Avant toute chose et plus important que tout, pour vaincre le virus nous avons besoin d’un partage mondial de l’information. C’est l’avantage principal des humains sur le virus. Un coronavirus en Chine et un coronavirus aux USA ne peuvent pas échanger de conseils sur la façon de contaminer les humains. Mais la Chine peut enseigner aux États-Unis bien des leçons précieuses sur le coronavirus, sur la manière de l’affronter.

Ce qu’un médecin italien découvre à Milan tôt un matin peut fort bien sauver des vies le soir à Téhéran. Quand le gouvernement du Royaume Uni hésite entre plusieurs politiques, il peut prendre conseil auprès des Coréens qui ont déjà fait face au même dilemme un mois plus tôt. Mais pour que cela se produise, il nous faut entrer dans un état d’esprit de coopération mondiale et de confiance.

Dans les jours à venir chacun de nous devra choisir entre avoir confiance dans les faits scientifiques et les experts médicaux, ou bien croire les théories complotistes infondées ou les intérêts personnels de politiciens.

Le Dôme de Florence © Graziano Panfili

Les Etats devraient accepter de partager ouvertement les données en leur possession et avoir l’humilité de demander des conseils, ils devraient aussi être capables d’accorder leur confiance aux données et prévisions qu’ils reçoivent.

Nous avons également besoin d’un effort mondial pour fabriquer et répartir des équipements médicaux, plus particulièrement les kits de tests et les respirateurs. Au lieu que chaque pays se débrouille au niveau local et accumule tout l’équipement qu’il peut, un effort mondial de coordination pourrait considérablement en accélérer la production afin de permettre d’être sûr que ce matériel destiné à sauver des vies humaines est distribué plus équitablement.

Tout comme les pays nationalisent leurs industries clés en temps de guerre, la guerre que les humains mène contre le coronavirus peut nécessiter une "humanisation" des lignes de productions cruciales.

Un pays riche, rencontrant peu de cas de coronavirus devrait accepter d’envoyer ces précieux équipements à un pays plus pauvre dépassé par les cas de contamination, confiant dans le fait que si et lorsqu’il en aura besoin, d’autres pays lui porteront assistance.

On peut envisager un effort mondial du même type pour mettre en commun le personnel de santé. Des pays actuellement moins touchés pourraient envoyer des équipes médicales vers les régions les plus frappées dans le monde, dans le double but de les aider au moment où ils en ont besoin, et afin d’en tirer une expérience utile. Plus tard, dans l’hypothèse d’un déplacement de l’épidémie, l’aide pourrait circuler dans la direction opposée.

Un autre besoin vital est la mise en place d’une coopération mondiale sur le front économique aussi. Étant donné le caractère mondial de l’économie et des circuits de distribution, si chaque gouvernement s’occupe de ses propres affaires en ne se préoccupant absolument pas des autres, on ira vers le chaos et l’aggravation de la crise. Nous avons besoin d’un plan d’action au niveau mondial et nous en avons besoin rapidement.

Il y a un autre besoin urgent, celui d’arriver à un accord mondial concernant les voyages. Suspendre pendant des mois les voyages internationaux est source d’immenses difficultés et entrave la lutte contre le coronavirus. Les pays ont besoin de coopérer pour permettre à un mince filet de voyageurs au rôle essentiel de continuer à traverser les frontières : scientifiques, médecins, journalistes, politiciens, hommes d’affaires.

Ceci peut être fait en concluant un accord global sur le contrôle préalable des voyageurs par leur pays d’origine. Si vous savez que seuls les voyageurs ayant fait l’objet d’un filtrage seront admis à bord d’un avion, vous serez plus enclins à accepter de les recevoir dans votre pays.

Malheureusement, actuellement, les pays s’orientent bien peu dans cette direction. Une paralysie collective s’est emparée de la communauté internationale. On a l’impression qu’il n’y a plus un seul adulte dans la pièce.

On se serait attendu à ce qu’il y ait, il y a déjà plusieurs semaines, une réunion d’urgence des leaders mondiaux pour mettre en place un plan d’action commun. Les dirigeants du G7 n’ont réussi à organiser une vidéo conférence que cette semaine mais il n’en est sorti aucun plan de la sorte.

La Tour SanGiovanni, à Lecce © Graziano Panfili

Lors des crises mondiales précédentes - comme la crise financière de 2008 et l’épidémie d’Ebola de 2014 - les États-Unis avaient assumé leur rôle de leader mondial. Mais l’administration actuelle a abdiqué de son rôle de leader. Elle a montré clairement qu’elle se souciait bien plus de la grandeur de l’Amérique que du futur de l’humanité.

Cette administration a même abandonné ses plus proches alliés. Lorsqu’elle a interdit tout voyage en provenance de l’Europe, elle ne s’est même pas souciée d’en avertir l’Union Européenne - sans parler de la consulter au sujet d’une mesure aussi drastique.

Elle a scandalisé l’Allemagne en offrant, prétendument, 1 milliard de dollars à une firme pharmaceutique allemande pour acheter le monopole sur un vaccin pour le Covid-19. Même si l’administration actuelle change de braquet et en vient à proposer un plan d’actions mondial, bien peu nombreux seraient ceux qui suivraient un leader qui n’a jamais pris ses responsabilités, qui n’a jamais admis ses erreurs, et qui s’attribue en permanence tout le mérite, laissant les autres porter le chapeau.

Si le vide laissé par les États-Unis n’est pas rempli par d’autres pays, non seulement il sera bien plus difficile de stopper l’épidémie actuelle, mais son legs continuera d’empoisonner les relations internationales dans les années à venir. Néanmoins chaque crise offre aussi une chance. Nous devons garder l’espoir que l’épidémie actuelle aidera l’humanité à prendre conscience de l’extrême danger que représente une désunion mondiale.

L’humanité doit faire son choix. Descendrons-nous le long de la voie de la désunion ou prendrons-nous le chemin de la solidarité mondiale ? Si c’est la désunion que nous choisissons, non seulement la crise se prolongera mais il en résultera des catastrophes encore pires à l’avenir. Si nous faisons le choix de la solidarité mondiale, alors cela sera une victoire non seulement contre le coronavirus, mais également contre toute épidémie future et les crises qui pourraient frapper l’humanité au cours du XXIème siècle.