AID Association Initiatives Dionysiennes

Ouv zot zié !

Accueil > Ecologie > Médecine > Ce que cachent les pénuries de médicaments en France et à la Réunion

D’après Novéthic du 08 Mai 2023

Ce que cachent les pénuries de médicaments en France et à la Réunion

Par Bruno BOURGEON

vendredi 30 juin 2023, par JMT

Ce que cachent les pénuries de médicaments en France et à la Réunion

Le misoprostol est l’une des deux molécules nécessaires pour réaliser un avortement médicamenteux en France (ANNA MONEYMAKER / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP)

La situation est critique. Depuis plusieurs semaines, des associations alertent sur les stocks de pilules abortives disponibles en France. Une pénurie qui vient s’ajouter aux nombreuses tensions observées durant l’hiver et qui soulève à nouveau la question de la souveraineté sanitaire du pays.

#OuSontLesPilulesAbortives. Depuis plusieurs semaines maintenant, le hashtag monte régulièrement sur les réseaux sociaux. Derrière ce mot se cache une situation alarmante mettant en péril l’accès à l’avortement dans l’Hexagone.

« Depuis au moins trois mois, les pharmaciens nous alertent sur les stocks de misoprostol lorsque nous produisons une commande professionnelle », nous informe Danielle Gaudry, gynécologue et militante au sein du collectif Avortement en Europe.

Le misoprostol, c’est l’une des deux molécules indispensables à la pratique d’une IVG médicamenteuse en France, méthode qui concerne aujourd’hui 76% des avortements pratiqués selon la Drees, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques.

Une pénurie provoquée par des « difficultés au niveau des sites de fabrication des produits finis » explique Nordic Pharma, seul producteur de ce médicament, situé aux Etats-Unis.

L’alerte a été lancée le 5 mars dernier par l’Observatoire de la transparence des politiques du médicament (OTMeds) sur Twitter. Quelques jours plus tard, l’organisme publiait un communiqué détaillant les faits : « Depuis des semaines, des problèmes de disponibilité du misoprostol sont signalés ».

Des contingentements, voire des ruptures, qui ne sont pas nouveaux. Déjà en 2020, dans un communiqué, le Haut Conseil à l’Egalité soulignait à propos du misoprostol des risques de rupture de production, d’approvisionnement et de pression sur les prix.

Face aux demandes répétées des associations, le ministre de la Santé François Braun a évoqué le 19 avril 2023 des tensions d’approvisionnement, indiquant par ailleurs un retour à la normale fin avril. De son côté, Nordic Pharma se veut rassurant. Mais qu’en est-il sur le terrain ?

« Pour le moment, la réassurance du ministère n’a rien changé », regrette Danielle Gaudry. En conséquence, OTMeds, le Planning familial et le collectif Avortement en Europe ont lancé le 27 avril une pétition demandant au ministre de la Santé de reconnaître l’état d’urgence sanitaire en matière d’accès à l’IVG.

Si la polémique enfle, c’est que le cas de la pilule abortive n’est pas isolé. Paracétamol, amoxicilline, insuline, anticancéreux… Ces derniers mois ont été marqués par de nombreuses tensions ou pénuries.

3000 molécules seraient concernées selon l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Une tendance qui s’amplifie d’année en année. D’après des chiffres partagés par France-Info, l’ANSM aurait comptabilisé 2446 ruptures de stock en 2020. Dix ans plus tôt, elle n’en relevait que 89.

Pour les experts du secteur, les origines de ces tensions sont multifactorielles. Il y a bien sûr des causes conjoncturelles comme l’inflation ou la guerre en Ukraine, qui a ralenti notamment l’approvisionnement de matières premières servant à l’emballage des produits comme l’aluminium.

Mais de nombreux facteurs s’avèrent davantage d’ordre structurel. Un premier est lié à la capacité de production des entreprises au regard d’une demande en médicaments qui a augmenté de façon continue depuis plusieurs années.

La croissance du marché mondial est de 4 à 5% par an environ. Pour y répondre, il faut construire de nouvelles lignes de production, mais cela prend du temps et nécessite des investissements importants.

Aussi, une forme de morcellement de la chaîne pharmaceutique au niveau international, mais aussi le modèle économique de nombreux médicaments anciens dont les coûts de revient industriels seraient supérieurs aux prix d’achats par certains systèmes d’assurance maladie.

Deux éléments centraux dans la compréhension des pénuries selon Nathalie Coutinet, économiste de la santé. Une délocalisation en Inde ou en Chine en partie liée aux prix des molécules génériques, qui ont vu leur prix beaucoup baisser ces dernières années.

Mais alors qu’elles ne cessent de progresser, comment enrayer ces pénuries ? Une première étape serait de définir clairement les priorités en fonction des besoins sanitaires, une revalorisation des médicaments prioritaires pour qu’ils puissent continuer à être produits dans des conditions satisfaisantes.

Une demande des acteurs du secteur qui ne date pas d’aujourd’hui, mais qui pourrait conduire à pénaliser les pays à bas revenus d’après une tribune publiée par OTMeds dans Libération le 5 mai 2023.

Autant de leviers qui ne pourront pas se suffire à eux-mêmes sans envisager une relocalisation de la fabrication. La vraie solution est dans la production locale au niveau européen de ces molécules, soit par des laboratoires ou des sous-traitants, soit par des acteurs publics ou non lucratifs.

Une réponse aux tensions qui ne semble pas à l’ordre du jour si l’on s’en tient au plan de prévention des pénuries révélé par l’Union européenne il y a quelques jours. Des annonces timides et floues. Pourtant, la souveraineté sanitaire européenne est la voie la plus facile à réaliser et la plus sûre en termes de risques.

Bruno Bourgeon, président d’AID http://www.aid97400.re

D’après Novéthic du 08 Mai 2023

Version imprimable :

PUBLICATIONS

* Courrier des lecteurs Zinfos974 du

* Tribune libre d’Imaz-Press Réunion du

* Courrier des lecteurs de Témoignages du

* Tribune libre de Clicanoo.re du

* Libre Expression sur Parallèle Sud du