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D’après Alternatives Economiques du 09 Juin 2023

Les pétroliers à la manœuvre contre le traité sur la pollution plastique

Par Bruno BOURGEON

mercredi 16 août 2023, par JMT

Les pétroliers à la manœuvre contre le traité sur la pollution plastique

Pollution plastique des océans

Avant de voir le jour, le tant attendu traité international contre la pollution plastique devra surmonter quelques obstacles diplomatiques, et non des moindres. C’est ce qui ressort du deuxième round de négociations qui s’est tenu pendant une semaine à Paris, entre 175 pays, jusqu’au 2 juin 2023.

Il y a un an, en mars 2022, l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement avait adopté une résolution qui fixe un mandat de négociations pour mettre un terme à la pollution plastique.

Ce futur traité doit non seulement couvrir la pollution marine et terrestre, à venir ou existante, mais aussi tout le cycle de vie des polymères, de la production au traitement des déchets. Or ce cycle de vie est tout sauf circulaire.

En effet, sur les 460 millions de tonnes de plastique produites en 2019, 353 millions deviennent des déchets, selon l’OCDE. Seulement 9% sont recyclés, le reste étant incinéré (19%), mis en décharge (50%), mais encore 22% échouant dans des décharges sauvages, brûlés à ciel ouvert ou dispersés, finissant par dégrader la santé des êtres vivants et des écosystèmes.

Certains pays s’opposent à un traité ambitieux et font obstruction. Alors que le premier round de négociations, tenu en Uruguay, avait permis de s’accorder sur les règles de vote, plusieurs délégations ont voulu remettre celles-ci en cause à Paris, fin mai, bloquant les deux premières journées de discussions.

A l’œuvre : la Chine, l’Inde, le Brésil, la Russie, l’Arabie saoudite. Pour le ministre français de l’Ecologie, Christophe Béchu, ces deux jours de blocage sont la conséquence de « manœuvres un peu dilatoires » et de « pinaillage ».

L’enjeu est pourtant de la plus haute importance, puisque l’objectif de ces pays est de faire adopter le futur texte par consensus, non par un vote à la majorité des deux tiers au cas où un consensus ne serait pas trouvé.

Or beaucoup de pays penchent pour un traité ambitieux, en particulier les membres de l’UE, ainsi que des pays africains et sud-américains. 58 parties, dont l’UE, ont d’ailleurs créé une « coalition de haute ambition » afin notamment de limiter la consommation et la production de plastique à des niveaux durables.

Les 175 délégations nationales présentes à Paris ont fini par s’entendre pour donner un mandat au président du comité intergouvernemental de négociation, Gustavo Meza-Cuadra, afin qu’il rédige un premier projet de traité d’ici la prochaine session de tractations, prévues à Nairobi (Kenya) en novembre. Le principal objectif du round de discussions parisien est donc rempli.

Pour mettre fin au conflit sur les règles de vote, les négociateurs l’ont tout simplement mis de côté, en publiant une déclaration d’interprétation qui acte le désaccord et qui assure que les parties pourront revenir sur ce point au cas où un vote devrait intervenir.

Ce compromis a aussi permis d’avancer – lentement – sur le fond des négociations, et à chaque pays d’exposer ses points de vue. Mais pourquoi les délégations chinoise, indienne, saoudienne, brésilienne et russe s’opposent à un traité ambitieux ?

Pour Lucien Chabason, expert des questions environnementales à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), il y a une part de politique : « Les pays qui défendent la règle de l’unanimité partagent la volonté russe et chinoise de revenir sur l’ordre international issu de 1945. Défendre la règle de l’unanimité leur permet de ne pas se voir imposer ce qu’ils considèrent comme une vision occidentale, c’est-à-dire une approche des traités basée notamment sur les droits humains. Ils veulent à l’inverse une approche strictement technique et apolitique des questions environnementales ».

Cette opposition est aussi guidée par des intérêts économiques : les membres de la coalition qui a bloqué les négociations ont en effet en commun de vouloir préserver voire développer la production de plastique par leur industrie pétrochimique.

Disposant de nombreux sites de transformation d’énergies fossiles, et parfois aussi actifs dans l’extraction, ces pays voient en effet dans le plastique une manière de reconvertir leurs actifs industriels et leurs gisements.

Car les polymères sont produits à plus de 99% à partir de ressources fossiles, qui sont également utilisées à haute dose dans le processus de production.

Derrière la ligne des opposants déclarés, d’autres pays poussent à la modération pour défendre leurs intérêts industriels.

Les Etats-Unis, troisième producteur mondial derrière la Chine et l’Europe, n’a pas fait obstruction aux négociations du futur traité mondial, mais leur négociateur en chef a déclaré souhaiter un texte « sans diabolisation » du plastique.

Surtout, Washington défend une approche semblable à celle de l’accord de Paris : un objectif global, mais pas d’objectif contraignant pour chaque pays.

Dans la même veine, la position du Japon interroge : alors que le pays a rejoint la coalition de haute ambition avant les négociations parisiennes, il souhaite comme les Etats-Unis un traité basé sur des plans d’actions nationaux, à la discrétion des gouvernements et sans contrainte.

Tokyo, qui représente 3% de l’industrie mondiale du plastique, insiste aussi sur la problématique de la gestion des déchets plastique, au détriment du débat sur la baisse de la production.

Inversement, certains états abritant une puissante industrie pétrolière ou pétrochimique défendent une approche ambitieuse, comme le Mexique ou certains pays de l’UE. Mais cela n’empêche pas leurs compagnies pétrolières privées de plaider pour un traité qui ne restreint pas la production.

Peu visibles dans les discussions officielles à Paris, les représentants d’intérêts privés sont pourtant venus en nombre, 190 lobbyistes selon Médiapart. Les plus gros producteurs, comme les Américains ExxonMobil ou Dow, et les plus gros utilisateurs, comme Coca-Cola, étaient représentés à Paris.

On note une convergence entre l’argumentaire de l’industrie pétrolière privée et celui des pays opposés à un traité ambitieux : ils considèrent que la pollution n’est qu’une question de déchets mal gérés, promeuvent le recyclage, et font diversion quand il s’agit d’aborder la production en amont.

Beaucoup défendent un traité du même type que l’accord de Paris, qui ne prend pas en compte la responsabilité du producteur. Mais tant qu’on produira du plastique, on aura de la pollution plastique.

Côté français, les groupes Danone, Michelin et Veolia ont été repérés par Médiapart. Sans oublier TotalEnergies, membre de deux structures de lobbying accréditées pour la session de négociation parisienne,Alliance to End Plastic Waste et PlasticsEurope.

L’énergéticien français, comme les autres compagnies pétrolières, mise sur le développement du plastique, en s’associant avec la compagnie pétrolière Saudi Aramco pour construire un site de production de « taille mondiale » en Arabie saoudite pour 10 milliards d’euros.

Si les Plastiqueurs investissent autant, c’est qu’il y a un marché. Dans un monde où la défense du climat est devenue une urgence et où les voitures thermiques sont amenées à disparaître, ils savent que les énergies fossiles doivent impérativement trouver de nouveaux débouchés.

Dans son rapport annuel 2021, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime que la demande de pétrole provenant du secteur pétrochimique augmentera dans tous ses scenarii de transition d’ici 2030, alors que la demande du secteur automobile diminuera dans les scenarii moyen et ambitieux.

Même chose pour l’horizon 2050 : dans le scenario de transition le plus ambitieux de l’AIE, qui aboutit à la neutralité carbone à la moitié du siècle, la pétrochimie représente 55% de la demande de pétrole, contre environ 10% aujourd’hui.

Ces projections ont, dès aujourd’hui, des conséquences économiques et politiques, car elles conduisent des défenseurs de l’industrie pétrolière – privés ou publics – à vouloir préserver le prochain grand débouché des fossiles au détriment des écosystèmes et du climat. Décidément, on n’y arrivera pas.

Bruno Bourgeon, président d’AID http://www.aid97400.re

D’après Alternatives Economiques du 09 Juin 2023

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